Figure 14 : coût unitaire alloué à la TA vocale d'un opérateur générique en fonction de sa part de marché selon le modèle du régulateur roumain (la référence de 100 % de coûts correspond à la référence d'un opérateur à 33 % de part de marché)
Le modèle de l'Autorité, dont les résultats sont cohérents avec les modèles développés par d'autres régulateurs tels que le régulateur roumain, fait apparaître que les différences de demande, entre celle assurée par Bouygues Telecom, d'une part, et celles assurées par Orange et SFR, d'autre part, induisent des différences de coûts entre 25 % et 45 %, suivant que la référence est celle d'un opérateur générique ou d'un opérateur réel, la part de marché (avec des clients de consommation moyenne) ou la demande réelle des opérateurs (part de marché de l'opérateur associée à la consommation réelle de ses clients). Les effets de parts de marché induisent des différences d'économies d'échelle comprises entre 1 cEUR/min et 1,4 cEUR/min, suivant la référence retenue.
L'Autorité tient à préciser qu'elle ne considère pas que les coûts supplémentaires résultant de différences d'économie d'échelle constituent en eux-mêmes une justification pour accorder un différentiel de terminaison d'appel à un opérateur donné.
En cela, elle rejoint la position de la Commission qui affirme que « le fait qu'un opérateur mobile soit entré sur le marché plus tard et a donc une part de marché plus petite ne peut justifier un tarif de terminaison plus élevé que pour une période transitoire limitée. Le maintien d'un tarif de terminaison plus élevé ne serait pas justifié après une période suffisamment longue pour que l'opérateur s'adapte aux conditions de marché et devienne efficace ; elle pourrait même décourager les petits opérateurs de chercher à accroître leur part de marché. »
Le fait qu'un opérateur soit entré plus tard ne peut justifier une asymétrie sur son niveau de terminaison d'appel que dans la mesure où, pour des raisons exogènes (et donc hors de son contrôle), il a été dans l'impossibilité d'acquérir une part de marché comparable à celle de ses concurrents.
Dans le cas de Bouygues Telecom, son lancement commercial date de 1996 (contre 1992 pour ses concurrents). Il souffre donc d'un retard d'entrée sur le marché significatif par rapport à ses concurrents.
Concernant la capacité d'un opérateur - dès lors qu'il est lancé commercialement - à faire progresser sa part de marché, le marché français est un marché dont le coeur de l'offre est constitué par le postpayé (64 % des clients) qui se caractérise par un faible pourcentage de clients sans engagement (23,5 % à la fin mars 2007) et par conséquence par un faible taux de « churn » (40) (14 % en 2006). La portabilité du numéro était peu effective jusqu'en mai 2007 (processus relativement long et organisé en « double guichet », c'est-à-dire autour de l'opérateur donneur, que le client souhaite quitter, et l'opérateur receveur, que le client souhaite rejoindre), limitant le churn en créant un coût de sortie très important lors d'un changement d'opérateur. A cet égard le marché mobile français semble être un marché particulièrement peu fluide, sur lequel il est donc difficile pour un opérateur de gagner des parts de marché. L'introduction de la portabilité du numéro à « simple guichet » qui facilite les démarches de résiliation et de portage des numéros mobiles est toutefois susceptible d'induire une dynamique nouvelle sur le marché et de nuancer ainsi cet état de fait dans le futur.
De surcroît, il est possible que l'attribution initiale en fréquences de Bouygues Telecom, qui a eu des conséquences sur sa structure de coûts (effet étudié précédemment) ait également eu des effets sur sa capacité à gagner de nouveaux clients sur le marché de détail, en raison d'un déficit d'image de marque lié à sa qualité de couverture avec ces fréquences. Or il faut souligner que la qualité de la couverture semble avoir été, et être toujours d'ailleurs, un critère déterminant du choix des consommateurs mobiles en France. Ainsi selon l'étude Datanova de mai 2006 intitulée « Les marchés des télécoms & des nouveaux médias dans le grand public », 26 % des clients considèrent encore aujourd'hui que la couverture est décisive dans le choix d'un opérateur.
Cependant, l'incapacité pour Bouygues Telecom depuis qu'il est lancé commercialement à avoir fait grossir sa base clients et à avoir ainsi gagné une part de marché comparable à celle de ses concurrents peut être nuancée.
Ainsi, en réponse à la consultation publique lancée lors du projet de décision n° 2006-0779, SFR avait souligné qu'une différenciation du tarif de terminaison d'appel en faveur de Bouygues Telecom était injustifiée car les désavantages supportés par cet opérateur seraient imputables à des mauvais choix stratégiques, par exemple le sous-investissement dans les circuits de distribution.
De plus, il faut souligner que Bouygues Telecom est entré en 1996 dans un marché mobile en pleine croissance, très peu mature, et que donc, en début d'activité, il s'agissait d'un marché d'acquisition plus que d'un marché de renouvellement : à ce titre, il n'était pas particulièrement pénalisé par le manque de fluidité du marché de détail.
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