6.3. Prestations d'accès aux sites
Pour les mêmes raisons que celles évoquées au début de la section 6.2.1, en cohérence avec les obligations de contrôle tarifaire envisagées pour les prestations d'acheminement du trafic de terminaison, l'Autorité estime nécessaire d'imposer, pour les prestations connexes d'accès aux sites d'interconnexion, aux trois opérateurs mobiles métropolitains une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants.
L'opérateur dispose d'un monopole sur la fourniture des prestations de colocalisation. L'Autorité considère dès lors qu'il est important que le tarif associé à ces prestations ne s'éloigne pas du niveau des coûts correspondant à cette prestation minimale d'accès, et que, pour ce faire, les prix de ces prestations doivent refléter les coûts des ressources réellement utilisées.
S'agissant des autres prestations d'accès aux sites, pour lesquels il s'avérerait que seul l'opérateur mobile est à même de fournir le service le plus efficace économiquement, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur demandant l'interconnexion ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées. L'Autorité considère donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts correspondants.
Enfin, l'opérateur doit veiller à proposer des tarifs qui reflètent les coûts correspondants pour toutes les prestations à l'acte en relation avec la terminaison d'appel vocal, qu'il est le seul à pouvoir fournir.
6.4. Impact du contrôle tarifaire
L'impact de cette décision sur l'ensemble des trois opérateurs mobiles pris ensemble correspond à une diminution de leurs recettes en provenance des opérateurs fixes. Ainsi, sur une année, toutes choses égales par ailleurs, une baisse de 1 cEUR/min pour un total annuel d'environ 12 milliards de minutes fixe vers mobile pour les opérateurs mobiles de métropole correspond à une perte de revenus de 120 MEUR pour l'ensemble des trois opérateurs mobiles. La baisse imposée par l'Autorité représente donc une perte financière de l'ordre de 110 MEUR pour l'ensemble des trois opérateurs mobiles, sous la forme d'un transfert du même montant à l'ensemble des opérateurs fixes. Ce montant est d'ailleurs à comparer aux résultats d'exploitation des opérateurs mobiles : qui étaient en 2006 de 2 548 MEUR pour SFR et de 586 MEUR pour Bouygues Telecom, et de 2 775 MEUR pour Orange France. Enfin, l'Autorité note que les baisses envisagées sont plus limitées que celles décidées dans le précédent dispositif d'encadrement tarifaire, lequel n'a pas eu de conséquences négatives notables pour aucun des opérateurs mobiles de métropole. Ces estimations ne prennent pas en compte une éventuelle élasticité de la demande au prix et surestime ainsi les impacts.
S'agissant du trafic mobile vers mobile, l'impact des diminutions de charges de terminaison d'appels s'apprécie sur les acteurs différemment. En effet, Bouygues Telecom, qui achemine plus de trafic vers les autres réseaux mobiles qu'il n'en reçoit, est un acheteur net de prestations de terminaison d'appel. Il va donc bénéficier de cette baisse. Cependant, du fait de l'amplification prévue de son déséquilibre de trafic depuis le lancement de son offre illimitée (à certains horaires) à destination de tous les réseaux, le solde financier des charges de terminaisons d'appel avec les autres opérateurs mobiles devrait, dans le futur et en particulier sur l'horizon temporel retenu pour l'encadrement tarifaire ici imposé, rester durablement négatif, et ce malgré la différenciation tarifaire qui lui est accordée. Ainsi, si la différenciation tarifaire consentie à Bouygues Telecom limite le solde financier relatif aux prestations d'interconnexion à destination de ses concurrents, elle ne le réduit que partiellement. De leur côté, SFR et Orange présentent des trafics entre eux équilibrés. Les baisses de leurs tarifs de terminaison d'appel de l'un entraîneront donc une baisse de leurs revenus et de leurs charges d'interconnexion : globalement, leur solde financier relatif à l'interconnexion sera inchangé. Ils pourront par ailleurs compenser une partie de la perte des revenus issus des opérateurs fixes par l'accroissement des revenus tirés du solde de trafic de plus en plus déséquilibré en provenance de Bouygues Telecom.
Les répercussions pour les consommateurs du fixe et du mobile on été discutées à la partie 6.2.3 sur le niveau général des terminaisons d'appel.
6.5. Perspectives, évolutions futures relatives au contrôle tarifaire
Dans un premier temps et à court terme, l'Autorité souhaite, ainsi qu'elle a rappelé précédemment, oeuvrer pour une harmonisation portant sur la mise en oeuvre de la régulation des niveaux de terminaison d'appel, au sein du groupe de travail du Groupe des régulateurs européens.
Actuellement, le mandat du groupe de travail porte principalement sur la gestion de l'asymétrie des terminaisons d'appel entre les opérateurs d'un même pays. L'Autorité considère que le mandat doit être élargi à l'analyse fine des méthodologies utilisées par les régulateurs dans leur décision de fixation des niveaux de terminaison d'appel.
En effet, la majorité des opérateurs européens sont soumis à une obligation d'orientation vers les coûts. Cependant, ainsi que l'illustre la grande disparité des niveaux de terminaison d'appel en Europe, la mise en oeuvre d'une même obligation mène à des décisions tarifaires très différentes, en raison notamment de l'utilisation de méthodologies très différentes. Certaines Autorités de régulation nationales (ARN) utilisent un modèle technico-économique, d'autres se limitent à l'utilisation d'une comparaison internationale (avec des échantillons de pays qui peuvent varier) et les dernières utilisent des restitutions comptables dont le format n'est pas toujours spécifié par l'ARN et qui ne sont pas toujours auditées. Au-delà de ces différences de méthodologie, les principes qui définissent les coûts diffèrent également entre les pays. Certaines ARN autorisent l'allocation à la prestation de terminaison d'appel vocal des coûts commerciaux de détail (directement ou indirectement par l'allocation d'une externalité de réseau), des coûts associés à l'acquisition de licences, en particulier UMTS, très élevés.
L'Autorité considère donc qu'un travail d'harmonisation est nécessaire afin de limiter les divergences de régulation en Europe, de renforcer la prévisibilité économique de la régulation et d'accroître la sécurité juridique des régulateurs européens. L'Autorité ne peut à nouveau que souligner que ce constat est pleinement partagé par la Commission (cf. communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur les analyses de marché en application du cadre réglementaire communautaire [2e rapport] en date du 11 juillet 2007).
Dans un second temps, l'Autorité juge qu'il faudra aborder la question du périmètre des coûts retenus comme pertinents pour la prestation de terminaison d'appel vocal. Aujourd'hui, l'Autorité considère que les coûts considérés doivent recouvrer les seuls coûts de réseau induits par la fourniture de la prestation de terminaison d'appel vocal, augmentés d'une contribution équitable aux coûts communs de l'opérateur, à l'exclusion, en particulier, des charges liées à une activité commerciale autre que celles spécifiques à la terminaison d'appel vocal.
L'Autorité a noté que les périmètres des coûts considérés par le régulateur comme pertinents pour la prestation de terminaison d'appel fixe, d'une part, et mobile, d'autre part, sont différents, dans la mesure où la charge de terminaison d'appel vocal mobile rétribue plus de services que celle relative à la terminaison d'appel fixe. En effet, ainsi que cela a précédemment été indiqué, la terminaison d'appel mobile rémunère la sollicitation de tous les éléments de réseau activés par la transmission de l'appel du point d'interconnexion à l'appelé, segment d'accès compris. Pour rappel, dans le cas du fixe, la terminaison d'appel ne recouvre pas les coûts associés au segment d'accès jusqu'à l'utilisateur final. Le coût de ce segment d'accès (par exemple, la paire de cuivre), qui est entièrement dédié à l'utilisateur fixe, est recouvré à travers une tarification, qui prend en compte ce coût, des services offerts au détail à l'utilisateur final.
L'Autorité a conscience que plusieurs raisons peuvent justifier une telle différence de périmètres de coûts, mais n'exclut pourtant pas de faire évoluer à terme le périmètre des coûts considérés comme pertinents pour la terminaison d'appel mobile de façon à le rapprocher de celui retenu pour la terminaison d'appel fixe et à respecter ainsi une meilleure homogénéité des approches comptables entre les marchés fixes et mobiles. De même que pour l'inducteur de coût, une telle évolution ne saurait intervenir à court terme et serait en tout état de cause mise en oeuvre après consultation des acteurs concernés et l'appréciation par l'Autorité de ses conséquences.
6.6. Commentaires des autorités réglementaires nationales
et de la Commission européenne
Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'Autorité.
La Commission européenne a transmis le 13 septembre 2007 ses observations en indiquant que :
« Niveau des TTM en France métropolitaine :
La Commission note que les niveaux actuels des TTM en France sont déjà inférieurs à ceux de grands Etats membres de l'UE. Le projet de mesure de l'ARCEP réduirait encore davantage les TTM et est donc bienvenu, car il représente une avancée claire en direction d'une orientation vers les coûts. La Commission note cependant que les coûts d'une fourniture de service efficace, telle que calculée par l'ARCEP, sont considérablement inférieurs aux TTM maximum imposés aux trois ORM en France entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2009. A cet égard, la Commission voudrait rappeler que lors de cas précédents (voir par exemple FR/2006/0461) il a été souligné que les TTM devraient être basés sur le coût d'un opérateur efficace. Eu égard à l'observation de l'ARCEP, selon laquelle les différences d'approche pour réglementer le niveau des TTM plaident pour l'harmonisation des TTM et des principes de comptabilisation des coûts sous-jacents, à l'échelle européenne, la Commission a invité les régulateurs à entreprendre des actions communes afin d'arriver à une approche cohérente pour établir les coûts d'un opérateur efficace. La Commission reconnaît la nécessité de fixer d'autres réductions en accord avec les principes communs à l'échelle européenne. La Commission invite l'ARCEP à revoir l'obligation d'analyse et de contrôle des prix, dès qu'une approche commune aura été définie à l'échelle européenne.
Asymétrie des TTM de Bouygues :
Dans ses commentaires relatifs au cas FR/2006/0461, la Commission a considéré que les TTM devraient normalement être symétriques et que l'asymétrie doit être justifiée de façon adéquate. Il est reconnu que, dans certains cas exceptionnels, une asymétrie pourrait se justifier par des différences objectives au niveau des coûts, qui ne sont pas du ressort des opérateurs concernés.
La Commission note que l'ARCEP justifie les TTM asymétriques pour Bouygues en évoquant le déséquilibre du trafic et les paiements nets significatifs de Bouygues aux deux autres opérateurs. Toutefois, ce déséquilibre du trafic peut en fait être causé par le niveau actuel asymétrique des TTM, ainsi que par une différenciation des prix de vente au détail on-net/off-net, qui reste du ressort des opérateurs. C'est pour cela que la commission insiste sur l'importance de la réduction des TTM au niveau des coûts d'un opérateur efficace, prenant en compte les différences de coût objectives comme défini ci-dessus.
Eu égard à la nécessité de supprimer progressivement les asymétries dans le temps, à moins que des justifications objectives ne persistent, la Commission note la nature transitionnelle du projet de mesure, et la reconnaissance par l'ARCEP du fait que les différents facteurs justifiant actuellement l'asymétrie peuvent ne pas s'appliquer à l'avenir. La Commission note également que l'ARCEP fait dépendre cette avancée vers des TTM symétriques du résultat des actions d'harmonisation entreprises à l'échelle européenne. À cet égard, la Commission rappelle ses commentaires précédents sur la nécessité d'une approche européenne cohérente (formulée dans le cas BE/2007/0665) afin de s'assurer que les TTM de chaque ORM sont réduits au niveau de ceux d'un opérateur efficace, dès que possible. »
Par ces motifs, décide :
Définition des marchés pertinents de gros
1 version