JORF n°0074 du 27 mars 2021

Décision n°2021-218 du 17 mars 2021

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 3-1, 15, 28, 42-2 et 42-7 ;

Vu le décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

Vu la décision n° 2005-473 du 19 juillet 2005 modifiée et prorogée autorisant la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique initialement dénommé « i Télé » puis, à compter de la décision n° 2016-680 du 27 juillet 2016, « CNEWS », et la décision n° 2019-582 du 11 décembre 2019 portant reconduction de l'autorisation du 19 juillet 2005 ;

Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I), le 27 novembre 2019, concernant le service de télévision Cnews, notamment ses articles 2-2-1, 2-3-2, 4-2-2 et 4-2-3 ;

Vu la décision n° 2019-578 du 27 novembre 2019 mettant en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) ;

Vu les éléments de visionnage de l'émission « Face à l'info » diffusée le 29 septembre 2020 sur Cnews ;

Vu le courrier du 19 octobre 2020 du rapporteur mentionné à l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 notifiant à la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) la décision d'engager à son encontre une procédure de sanction et l'invitant à présenter ses observations dans le délai d'un mois ;

Vu le courrier du 6 novembre 2020 du directeur général du Conseil supérieur de l'audiovisuel adressant à la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.), à sa demande, les pièces versées à la procédure de sanction engagée par le rapporteur à son encontre ;

Vu le courrier du 16 novembre 2020 du rapporteur indépendant prolongeant le délai de remise des observations de la chaîne au 14 décembre 2020 ;

Vu les observations écrites de l'avocat de la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) communiquées au rapporteur par courrier du 10 décembre 2020 ;

Vu le rapport établi par le rapporteur et communiqué à la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.), à son avocat ainsi qu'au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel par courriers du 18 janvier 2021 ;

Vu la délibération du comité d'éthique du Groupe Canal Plus en date du 22 octobre 2020 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu, lors de la séance du 10 mars 2021, le rapporteur ainsi que M. Jean-Christophe THIERY, président du conseil de surveillance du Groupe Canal Plus et gérant de la S.E.S.I., M. Gérald-Brice VIRET, directeur général des antennes et des programmes du Groupe Canal Plus, Mme Laetitia MENASE, directrice juridique du Groupe Canal Plus, Mme Christine KELLY, journaliste, et Me Dominique de LEUSSE, avocat.

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

1. D'une part, aux termes de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « Si la personne faisant l'objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant déjà fait l'objet d'une mise en demeure, une des sanctions suivantes : / 1° La suspension, pour un mois au plus, de l'édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services, d'une catégorie de programme, d'une partie du programme ou d'une ou plusieurs séquences publicitaires ; / 2° La réduction de la durée de l'autorisation ou de la convention dans la limite d'une année ; / 3° Une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme ; 4° Le retrait de l'autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention. ». Aux termes de l'article 42-4 de cette loi : « Dans tous les cas de manquement aux obligations incombant aux éditeurs de services de communication audiovisuelle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut ordonner l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes et les conditions de diffusion. ». Par ailleurs, aux termes de l'article 4-2-2 de la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.), le 27 novembre 2019 : « Si l'éditeur ne se conforme pas à une mise en demeure, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, dans les conditions prévues à l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, prononcer contre l'éditeur une des sanctions suivantes : / 1° une sanction pécuniaire dans les conditions prévues à l'article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ; / 2° la suspension, pour un mois au plus, de l'édition, de la diffusion ou de la distribution du service, d'une catégorie de programme ou d'une ou plusieurs séquences publicitaires ; / 3° la réduction de la durée de l'autorisation d'usage de fréquences dans la limite d'une année. ».

2. D'autre part, le dernier alinéa de l'article 15 de cette loi, dans sa version applicable, dispose que les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ne doivent contenir « aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité ». En outre, l'article 2-3-2 de la convention stipule que : « L'éditeur veille dans son programme (…) à ne pas encourager des comportements discriminatoires en raison de la race ou de l'origine (…), de la religion ou de la nationalité ». Enfin, l'article 2-2-1 de cette convention stipule que : « L'éditeur est responsable du contenu des émissions qu'il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne. ».

3. Par décision du 27 novembre 2019, la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I) a été mise en demeure de se conformer pour l'avenir d'une part au dernier alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 ainsi qu'au quatrième alinéa de l'article 2-3-3 de sa convention du 19 juillet 2005, repris à l'article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019, et d'autre part à l'article 2-2-1 de cette même convention, repris à l'article 2-2-1 de la convention du 27 novembre 2019.

Sur l'émission « Face à l'info » diffusée le 29 septembre 2020 :

4. Il ressort du compte rendu visé ci-dessus que, au cours de l'émission « Face à l'info » diffusée sur le service de télévision CNEWS le 29 septembre 2020, un chroniqueur s'est exprimé sur la situation des mineurs étrangers isolés en France et a notamment déclaré à plusieurs reprises qu'ils étaient, pour la « plupart » ou « tous » des « voleurs », des « violeurs » et des « assassins », à tout le moins qu'« il y en a beaucoup qui le deviennent », évoquant une « invasion » à laquelle la France devrait mettre un terme. Ces propos, émanant d'une personne bénéficiant d'une large exposition médiatique, ont été tenus à un horaire de diffusion susceptible d'attirer des audiences significatives. Aucune réaction marquée n'a été apportée à ces déclarations par les personnes présentes en plateau.

5. A cet égard, le comité d'éthique du Groupe Canal Plus, dans sa délibération du 22 octobre 2020 relative aux propos tenus durant cette émission du 29 septembre, a rappelé que « dans son avis du 23 octobre 2019, (…) se référant à la condamnation et aux poursuites dont [le chroniqueur] faisait l'objet (…),[il] avait considéré que le format de l'émission (…) était insuffisant pour permettre à la chaîne de se garantir contre d'éventuels « dérapages », et de conserver la maîtrise éditoriale (…). Il avait conclu que seul l'enregistrement de l'émission et sa diffusion en différé, même en léger différé, était de nature à pallier cette difficulté. La chaîne a donné suite à cette recommandation ». Dans ce contexte, le comité a ensuite observé que l'émission du 29 septembre avait « (…) été préalablement enregistrée, puis diffusée en différé, sans que pour autant ces propos aient été supprimés par la direction de la chaîne, alors que cela lui aurait été possible. La décision de diffuser l'émission in extenso est d'autant plus dommageable que (…) ce n'est désormais plus qu'une fois par semaine qu'un contradicteur est opposé à [ce chroniqueur] pendant la deuxième partie de l'émission. Le plus souvent, les propos qu'il tient ne sont donc plus les répliques pour partie spontanées d'un échange où des arguments contradictoires pourraient leur être opposés mais, comme cela a été le cas dans l'émission diffusée le 29 septembre, des éléments éditoriaux, exprimés sans réelle contradiction, présentés comme tels, et donc assumés et même revendiqués par la chaîne. ».

En ce qui concerne l'obligation de ne pas inciter à la haine ni d'encourager des comportements discriminatoires :

6. Le chroniqueur de l'émission a présenté à plusieurs reprises les mineurs étrangers isolés comme des personnes dangereuses se livrant à des activités criminelles, ou à tout le moins particulièrement susceptibles de se livrer à de telles activités. Le caractère violent et répété du vocabulaire employé par le chroniqueur, stigmatisant les mineurs étrangers isolés en insistant sur les dangers qu'ils représenteraient en termes d'actes criminels, traduit l'expression d'un vif sentiment de rejet à leur égard. Ces propos, quand bien même ils ont été tenus dans le cadre d'un débat en lui-même légitime sur la politique d'accueil des mineurs étrangers isolés en France, sont ainsi de nature à inciter à la haine envers cette population, pour des raisons de nationalité. Par ailleurs, ces propos véhiculent de nombreux stéréotypes particulièrement infâmants à l'égard des mineurs étrangers isolés dans leur ensemble, de nature à encourager des comportements discriminatoires à leur égard en raison de leur origine ou de leur nationalité. Cette séquence caractérise ainsi un manquement, d'une part, au dernier alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 et, d'autre part, aux stipulations de l'article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019.

En ce qui concerne l'obligation de maîtrise de l'antenne :

7. Ainsi qu'il a été dit, aucune réaction suffisamment marquée n'a été apportée à ces déclarations par les personnes présentes en plateau. La circonstance qu'ait été indiqué à l'antenne que ces propos émanaient non de la chaîne mais du chroniqueur, au demeurant collaborateur de la chaîne et non simple invité, est à cet égard sans incidence. Par ailleurs, alors que l'émission a été diffusée avec un léger différé, il résulte des informations données par la chaîne durant l'audience du 10 mars 2021 que cette séquence a été diffusée sans aucune modification. Dans ces conditions, un manquement aux stipulations de l'article 2-2-1 de la convention du 27 novembre 2019 est également caractérisé.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, compte-tenu de la nature et de la gravité des manquements constatés, intervenus au surplus au cours de la même émission que celle ayant donné lieu à la mise en demeure du 27 novembre 2019, émission sur laquelle le comité d'éthique avait par ailleurs alerté la chaîne, de prononcer une sanction pécuniaire d'un montant de 200 000 euros à l'encontre de la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) et d'ordonner la publication de celle-ci au Journal officiel de la République française.

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Sanction pécuniaire contre la S.E.S.I.

Résumé La S.E.S.I. a une amende de 200 000 euros à payer pour le cinéma.

Une sanction pécuniaire d'un montant de 200 000 euros est prononcée à l'encontre de la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.). Cette somme sera affectée au Centre national du cinéma et de l'image animée en application de l'article L. 116-5 du code du cinéma et de l'image animée.

Article 2

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Notification et publication de la décision

Résumé Cette décision est annoncée à une société et publiée officiellement.

La présente décision sera notifiée à la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré le 17 mars 2021 par M. Roch-Olivier MAISTRE, président, Mme Carole BIENAIME-BESSE, M. Jean-François MARY, Mme Michèle LERIDON, M. Hervé GODECHOT, Mme Juliette THERY et M. Benoît LOUTREL, conseillers.

Fait à Paris, le 17 mars 2021.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

R.-O. Maistre