JORF n°0182 du 7 août 2019

Décision n°2019-377 du 24 juillet 2019

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 42-7, 43-11, 44 et 48-1 ;

Vu le décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

Vu le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, notamment son article 35 ;

Vu la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent, notamment son article 1er ;

Vu la décision n° 2009-774 du 24 novembre 2009 mettant en demeure la société France Télévisions de respecter les dispositions de l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Vu la décision n° 2012-261 du 24 avril 2012 mettant en demeure la société France Télévisions de respecter les dispositions du cinquième alinéa de l'article 35 de son cahier des charges, fixé par le décret du 23 juin 2009 ;

Vu le compte rendu de visionnage de l'édition nationale du « 19/20 » diffusée sur le service France 3 le 15 décembre 2018 ;

Vu le courrier du 1er mars 2019 du rapporteur mentionné à l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 notifiant à la société France Télévisions la décision d'engager à son encontre une procédure de sanction et l'invitant à présenter ses observations dans le délai d'un mois ;

Vu le courriel du 21 mars 2019 de la société France Télévisions demandant la transmission des pièces versées à la procédure de sanction engagée par le rapporteur à son encontre ;

Vu le courrier du 22 mars 2019 du directeur général du Conseil supérieur de l'audiovisuel adressant à la société France Télévisions les pièces versées à la procédure de sanction engagée par le rapporteur à son encontre ;

Vu les observations écrites de la société France Télévisions communiquées au rapporteur par courrier du 29 mars 2019 ;

Vu le rapport établi par le rapporteur et communiqué à la société France Télévisions ainsi qu'au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel par courriers du 14 mai 2019 ;

Vu la décision du 3 juillet 2019 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a décidé de ne pas faire usage de la faculté qu'il tient du 6° de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Vu le courriel du 3 juillet 2019 par lequel la société France Télévisions a décliné la possibilité de rendre publique l'audition du 17 juillet 2019 devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en réponse au courrier de ce dernier en date du 25 juin 2019 ;

Après avoir entendu, lors de la séance du 17 juillet 2019, le rapporteur ainsi que M. Francis Donnat, secrétaire général de France Télévisions, M. Yannick Letranchant, directeur exécutif en charge de l'information et Mme Anne Grand d'Esnon, directrice de la réglementation, de la déontologie et du pluralisme des antennes.

Considérant ce qui suit :

1. En application de l'article 48-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure les sociétés mentionnées à l'article 44 de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires, et par les principes définis aux articles 1er et 3-1. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel rend publiques ces mises en demeure ».

2. Aux termes de l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 : « Les sociétés énumérées aux articles 44 et 45 […] assurent l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information ainsi que l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans le respect du principe d'égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel […] ».

3. Le premier alinéa de l'article 35 du cahier des charges de la société France Télévisions, fixé par le décret du 23 juin 2009, prévoit que : « Dans le respect du principe d'égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel, France Télévisions assure l'honnêteté, la transparence, l'indépendance et le pluralisme de l'information ainsi que l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion ». Selon le cinquième alinéa du même article : « La société fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. Elle vérifie le bien-fondé et les sources de l'information. L'information incertaine est présentée au conditionnel ».

4. Aux termes de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 : « L'éditeur d'un service de communication audiovisuelle doit assurer l'honnêteté de l'information et des programmes qui y concourent. (…) L'éditeur garantit le bien-fondé et les sources de chaque information. Dans la mesure du possible, l'origine de celle-ci doit être indiquée. L'information incertaine est présentée au conditionnel. Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information ».

5. Par la décision du 24 novembre 2009 visée ci-dessus, la société France Télévisions a été mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relatives à l'honnêteté de l'information. Par ailleurs, par la décision du 24 avril 2012 également visée ci-dessus, elle a été mise en demeure de respecter les dispositions du cinquième alinéa de l'article 35 de son cahier des charges, fixé par le décret du 23 juin 2009.

6. Il ressort du compte rendu de visionnage visé ci-dessus que, lors de l'édition nationale du « 19/20 » du 15 décembre 2018, le service France 3 a diffusé, pour illustrer le plateau du journal télévisé largement consacré à une manifestation de grande ampleur, une photographie sur laquelle apparaissait un manifestant muni d'une pancarte portant l'inscription « Macron » alors que, sur la photographie d'origine, figurait l'inscription « Macron dégage ». La diffusion d'une photographie ainsi modifiée, altérant sa signification dans un contexte particulièrement sensible, caractérise, d'une part, un manquement à l'exigence d'honnêteté de l'information prévue aux dispositions précitées de l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, du premier alinéa de l'article 35 du cahier des charges de la société France Télévisions et de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 et, d'autre part, un manquement à l'obligation de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information inscrite au cinquième alinéa de l'article 35 du cahier des charges de la société France Télévisions et à l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018.

7. Toutefois, les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 n'ont pas pour effet d'obliger le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui dispose d'autres moyens pour conduire les titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle à respecter les obligations qui leur sont imposées, à infliger auxdits titulaires une sanction à l'issue de la procédure engagée par le rapporteur sur le fondement de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986. Elles laissent au Conseil supérieur de l'audiovisuel le soin d'apprécier si, compte tenu des circonstances et de la nature des manquements constatés, il y a lieu pour lui de prononcer une sanction.

8. Il ressort de l'instruction que la société France Télévisions, qui ne conteste pas l'existence de ce manquement, a immédiatement pris l'initiative d'informer les téléspectateurs et les acteurs du secteur audiovisuel de l'erreur commise et de s'en excuser. Par ailleurs, elle a mis en œuvre une séries de mesures, à la fois disciplinaires à l'encontre des personnes responsables et préventives à l'égard de l'ensemble des collaborateurs du groupe, pour éviter, à l'avenir, la réitération de manquements de cette nature.

9. Il résulte de ce qui précède que, s'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer une sanction à l'encontre de la société France Télévisions, il y a lieu, en revanche, de la mettre en demeure de respecter, à l'avenir, les dispositions précitées de l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, de l'article 35 de son cahier des charges et de l'article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 lui imposant de faire preuve d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information et d'en vérifier les sources et le bien-fondé.

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

Il n'y a pas lieu de prononcer une sanction à l'encontre de la société France Télévisions.

Article 2

La société France Télévisions est mise en demeure de respecter, à l'avenir, en ce qui concerne le service France 3, les dispositions précitées de l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, de l'article 35 du cahier des charges fixé par le décret du 23 juin 2009 et de l'article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent.

Article 3

La présente décision sera notifiée à la société France Télévisions et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré le 24 juillet 2019 par M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Nicolas Curien, Mme Nathalie Sonnac, Mme Carole Bienaimé-Besse, M. Jean-François Mary et Mme Michèle Léridon, conseillers.

Fait à Paris, le 24 juillet 2019.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

R.-O. Maistre