Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 28 et 42 ;
Vu l'ensemble des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel portant autorisation d'utilisation de fréquences à la société La Chaîne Info ;
Vu la convention signée le 10 juin 2003 entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société La Chaîne Info concernant le service de télévision LCI, notamment ses articles 2-3-10 et 4-2-1 ;
Vu le compte rendu de visionnage des programmes diffusés sur l'antenne du service de télévision LCI les 7 et 9 janvier 2015 ;
Considérant qu'en vertu de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure la société La Chaîne Info de respecter les obligations qui lui sont imposées par les textes législatifs et règlementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de cette loi ; que, selon l'article 4-2-1 de la convention du 10 juin 2003, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure l'éditeur de respecter les stipulations figurant dans sa convention ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986, la liberté de la communication au public par voie électronique peut être limitée dans la mesure requise par la sauvegarde de l'ordre public ; qu'aux termes de l'article 2-3-10 de la convention du 19 juillet 2005 : « Dans le respect du droit à l'information, la diffusion d'émissions, d'images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner lieu à une information judiciaire nécessite qu'une attention particulière soit apportée, d'une part, au respect de la présomption d'innocence, c'est-à-dire qu'une personne non encore jugée ne soit pas présentée comme coupable (…) Lorsqu'une procédure judiciaire en cours est évoquée à l'antenne, l'éditeur doit veiller à ce que : - l'affaire soit traitée avec mesure, rigueur et honnêteté ; - le traitement de l'affaire ne constitue pas une entrave caractérisée à cette procédure (…) » ;
Considérant, d'une part, que, le 7 janvier 2015, aux alentours de 17 h 30, quelques heures après l'attaque terroriste menée dans les locaux du journal Charlie Hebdo, le procureur de la République, lors d'une conférence de presse, en a expressément appelé à la responsabilité des médias dans leur couverture des événements et notamment de la traque des suspects qui n'avaient pas encore été appréhendés et dont les noms n'avaient pas encore été communiqués ; que, malgré cet appel, le service LCI a annoncé à l'antenne dès 22 h 36 que trois suspects auraient été identifiés et que deux d'entre eux seraient frères ; qu'il a été fait état de précédentes condamnations des suspects, de dates et lieux de naissance ; que la divulgation de ces éléments précis qui pouvaient conduire à l'identification de suspects, dont la dangerosité était avérée, a pu nuire au bon déroulement des enquêtes en cours ; qu'en conséquence LCI a méconnu les règles élémentaires de prudence permettant d'assurer le maintien de la sécurité publique et la sauvegarde de l'ordre public, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 et aux stipulations de l'article 2-3-10 de la convention du 19 juillet 2005 ;
Considérant, d'autre part, que le 9 janvier 2015, le service LCI a, au cours d'une édition d'information consacrée aux actes de terrorisme perpétrés concomitamment à l'Hyper Cacher de Vincennes et à Dammartin-en-Goële, diffusé l'information relative à l'assaut donné par les forces de l'ordre à l'encontre des terroristes retranchés à Dammartin-en-Goële ; que cette annonce, accompagnée d'images des lieux faisant apparaître de la fumée se dégageant du toit du bâtiment, est intervenue alors que, selon des informations émanant des autorités et relayées par plusieurs médias, le terroriste retranché dans l'épicerie avait menacé d'exécuter les otages qu'il retenait si les autres terroristes n'étaient pas libérés ; qu'une information relative à la présence probable de personnes cachées dans l'épicerie a également été annoncée à l'antenne ; qu'en diffusant de telles informations avant que l'auteur de cette prise d'otages ne soit neutralisé et alors qu'elles étaient de nature à mettre en cause la sécurité et la vie des otages, LCI a contrevenu aux dispositions de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 ;
Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer, pour ces motifs, à l'encontre de La Chaîne Info, la présente mise en demeure ;
Après en avoir délibéré,
Décide :