JORF n°0040 du 17 février 2015

DÉCISION n°2015-45 du 11 février 2015

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 15, 44 et 48-1 ;

Vu le décret n° 2012-85 du 25 janvier 2012 fixant le cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, notamment son article 21 ;

Vu la recommandation n° 2013-04 du 20 novembre 2013 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative au traitement des conflits internationaux, des guerres civiles et des actes terroristes par les services de communication audiovisuelle ;

Vu le compte rendu de visionnage des programmes diffusés sur l'antenne du service de télévision France 24 les 7 et 9 janvier 2015,

Considérant qu'en vertu de l'article 48-1 de la loi du 30 septembre 1986 le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France de respecter les obligations qui lui sont imposées par les textes législatifs et règlementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986, la liberté de la communication au public par voie électronique peut être limitée dans la mesure requise par le respect de la dignité de la personne humaine et par la sauvegarde de l'ordre public ; qu'il ressort du premier alinéa de l'article 15 de la même loi que le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille au respect de la dignité de la personne humaine dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ; qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 21 du cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France aucune émission diffusée ne doit porter atteinte à la dignité de la personne humaine ; que la recommandation du 20 novembre 2013 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative au traitement des conflits internationaux, des guerres civiles et des actes terroristes par les services de communication audiovisuelle précise que les éditeurs respectent le principe de la dignité de la personne humaine, en s'abstenant notamment de présenter de manière manifestement complaisante la violence ou la souffrance humaine lorsque sont diffusées des images de personnes tuées ou blessées ;

Considérant que le 7 janvier 2015 à 13h27, le service de télévision France 24 a diffusé, dans une édition d'information consacrée à l'attentat perpétré le même jour dans les locaux du journal Charlie Hebdo, la séquence, filmée par un témoin de la scène, de l'assassinat, par les auteurs de l'attaque terroriste, d'un policier gisant sur le sol, blessé ; que même si l'instant précis de la mort de la victime n'a pas été diffusé, les images faisaient distinctement apparaître cette dernière à visage découvert dans une situation de souffrance et de vulnérabilité extrêmes ; qu'elles étaient accompagnées des derniers mots du policier, des propos violents des assassins ainsi que des détonations d'arme à feu ; que la diffusion de cette séquence n'était pas nécessaire à l'information du public ; que ces faits, constitutifs d'une atteinte au respect de la dignité de la personne humaine, contreviennent aux dispositions de l'article 1er et du premier alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986, du quatrième alinéa de l'article 21 du cahier des charges de l'éditeur, ainsi qu'au premier point de la recommandation du 20 novembre 2013 ;

Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer à l'encontre de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France une première mise en demeure pour ce motif ;

Considérant que, le 9 janvier 2015, le service France 24 a, au cours d'une édition d'information consacrée aux actes de terrorisme perpétrés concomitamment à l'Hyper Cacher de Vincennes et à Dammartin-en-Goële, diffusé l'information relative à l'assaut donné par les forces de l'ordre à l'encontre des terroristes retranchés à Dammartin-en-Goële ; que cette annonce, accompagnée d'images des lieux faisant apparaître de la fumée se dégageant du toit du bâtiment, est intervenue alors que, selon des informations émanant des autorités et relayées par plusieurs médias, le terroriste retranché dans l'épicerie avait menacé d'exécuter les otages qu'il retenait si les autres terroristes n'étaient pas libérés ; qu'en diffusant une telle information avant que l'auteur de cette prise d'otages ne soit neutralisé et alors qu'elle était de nature à mettre en cause la sécurité et la vie des otages, France 24 a méconnu les règles élémentaires de prudence permettant d'assurer le maintien de la sécurité publique et la sauvegarde de l'ordre public, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 ;

Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer à l'encontre de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France une seconde mise en demeure pour ce motif ;

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

La société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est mise en demeure de respecter, à l'avenir, sur le service France 24, les dispositions de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986.

Article 2

La société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est mise en demeure de respecter, à l'avenir, sur le service France 24, le premier alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986, le quatrième alinéa de l'article 21 de son cahier des charges et le premier point de la recommandation du 20 novembre 2013.

Article 3

La présente décision sera notifiée à la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 11 février 2015.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

O. Schrameck