JORF n°0164 du 18 juillet 2014

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (1) ;
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associées ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (2) ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), notamment ses articles L. 32-1, L. 32-4, L. 36-13, L. 36-8 et L. 130 ;
Vu l'article 16-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu la décision n° 2012-0366 de l'ARCEP en date du 29 mars 2012 relative à la mise en place d'une collecte d'informations sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données ;
Vu la consultation publique relative au projet de révision du dispositif susvisé de collecte d'informations sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données, menée du 12 décembre 2013 au 13 janvier 2014 et les réponses à cette consultation publique ;
Après en avoir délibéré en formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction, le 8 avril 2014,

I. - Introduction

A. - Contexte et périmètre de la décision de 2012

Rappel des objectifs poursuivis par l'ARCEP

Les prestations d'interconnexion et d'acheminement de données étant au cœur du fonctionnement technique de l'internet, l'ARCEP a conduit depuis 2010 des travaux, qualitatifs et quantitatifs, afin d'améliorer sa connaissance et sa compréhension de ces marchés, à savoir notamment :

- la préparation d'un questionnaire informel portant sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données ayant abouti à une première collecte d'informations (début 2011) ;
- l'organisation d'un cycle de réunions bilatérales avec des opérateurs et des FSCPL (3) (mi-2011) ;
- la participation active au groupe de travail de l'ORECE (4) sur l'interconnexion IP et aux ateliers ORECE/OCDE (depuis 2011) ;
- une étude externe portant sur l'élaboration d'une vision prospective des marchés de l'interconnexion et de l'acheminement de données (fin 2011) ;
- une analyse de l'écosystème de l'internet et des marchés de l'interconnexion de données, réalisée dans le cadre de son rapport sur la neutralité de l'internet remis au Parlement et au Gouvernement en septembre 2012.

Ces différents travaux ont conduit l'ARCEP à mettre en œuvre l'une des recommandations de son rapport de septembre 2010 sur la neutralité de l'internet et des réseaux (5), à savoir la création d'un dispositif de collecte périodique d'informations lui permettant d'approfondir sa connaissance des marchés de l'interconnexion et de l'acheminement de données. L'Autorité serait ainsi à même de remplir pleinement les nouvelles missions qui lui ont été confiées par le législateur en matière de régulation de ces marchés et de supervision de la qualité du service d'accès à l'internet.

La décision n° 2012-0366

Le 29 mars 2012, l'ARCEP a adopté la décision n° 2012-0366 instaurant une collecte périodique d'informations sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données. Afin de garantir le caractère raisonnable et proportionné du dispositif, l'ARCEP avait circonscrit le périmètre de collecte aux seules parties impliquées dans des relations d'interconnexion ou d'acheminement de données susceptibles d'influer significativement sur la fourniture, aux utilisateurs situés en France, de services de communications au public en ligne (FSCPL).
L'ARCEP avait à cet effet distingué deux catégories d'acteurs susceptibles d'être visés par la décision, parmi ceux détenant au moins un système autonome (ci-après AS) (6) interconnecté avec au moins deux autres systèmes autonomes :
Catégorie 1 :

- les opérateurs de communications électroniques soumis à l'obligation de se déclarer auprès de l'ARCEP au titre de l'article L. 33-1 du CPCE.

Catégorie 2 :

- les opérateurs de communications électroniques n'appartenant pas à la catégorie 1, qui disposent d'une relation d'interconnexion de données avec au moins un opérateur de communications électroniques appartenant à la catégorie 1 ;
- les FSCPL qui disposent, pour l'acheminement de données, d'une relation directe avec au moins un opérateur de communications électroniques appartenant à la catégorie 1 et qui ont engagé une démarche active afin que leurs services ou contenus soient utilisés ou consultés par des utilisateurs finals situés en France.

Prenant en compte les réserves exprimées par plusieurs acteurs à l'occasion de la consultation publique qu'elle a organisée, l'ARCEP a décidé de ne pas soumettre cette seconde catégorie d'acteurs à l'obligation de répondre périodiquement au questionnaire. Néanmoins, elle a estimé qu'il pourrait être nécessaire d'interroger ponctuellement ces acteurs, sur la base des réponses obtenues auprès des acteurs de la catégorie 1, afin de vérifier et de compléter celles-ci.
Par ailleurs, la décision n° 2012-0366 précise que les acteurs visés par la décision ont la possibilité de limiter les informations renseignées dans leurs réponses à un nombre déterminé de relations pertinentes d'interconnexion ou d'acheminement de données. Ainsi, pour un AS donné, seules sont requises les informations portant sur les principales relations d'interconnexion ou d'acheminement de données, à savoir celles impliquant :

- les vingt principaux partenaires en termes de capacité globale d'interconnexion ou d'acheminement de données (tous points/sites confondus) ;
- les partenaires au-delà du vingtième partageant une capacité globale d'interconnexion ou d'acheminement de données supérieure ou égale à 1 Gbit/s avec l'AS concerné et détenant des AS marqués « FR » ou « EU » (7) dans la base de données du RIPE (8).

S'agissant des informations collectées, il était demandé aux répondants de fournir les informations sur les caractéristiques des relations (coordonnées de la personne physique ou morale concernée, date d'établissement, localisation des interconnexions ou branchements, conditions tarifaires, capacité, etc.) ainsi que des statistiques sur le trafic (entrant et sortant).

B. - Objet de la présente révision

Enjeux

Dans sa décision de 2012, l'ARCEP a précisé que les conclusions tirées des premiers cycles de collecte permettraient d'apprécier la nécessité d'adapter (à la hausse ou à la baisse) la fréquence et le niveau de détail du questionnaire associé.
Les retours d'expérience des trois premiers cycles de collecte d'informations correspondants au deuxième trimestre 2012, au second semestre 2012 et au premier semestre 2013 ont permis d'identifier plusieurs points susceptibles de faire l'objet d'ajustements.
Par ailleurs, l'enquête administrative concernant diverses sociétés relatives aux conditions techniques et financières de l'acheminement du trafic menée par l'ARCEP entre les mois de novembre 2012 et de juillet 2013 (9) a, tout en confirmant l'importance du dispositif actuel pour l'exercice des pouvoirs de l'ARCEP, mis en évidence la nécessité de le faire évoluer afin que les informations renseignées par les acteurs concernés puissent refléter les capacités d'acheminement réellement disponibles aux interconnexions, et apprécier l'ampleur d'une éventuelle saturation des liens.
Enfin, il apparaît que la fréquence de collecte - semestrielle - prévue initialement est adaptée à l'objectif poursuivi par l'Autorité. Elle ne nécessite donc pas d'ajustement.

Cadre juridique applicable

L'objet de la présente décision est d'adapter les catégories d'informations demandées dans le cadre du questionnaire annexé à la décision n° 2012-0366 ainsi que le nombre de relations renseignées dans ce dernier.
En vertu de l'article L. 32-1 du CPCE, l'autorité administrative indépendante chargée de la régulation du secteur doit notamment veiller :
« […] 4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux, qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
4° bis A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans les relations entre opérateurs et fournisseurs de services de communications au public en ligne pour l'acheminement du trafic et l'accès à ces services ; […]
15° A favoriser la capacité des utilisateurs finals à accéder à l'information et à en diffuser ainsi qu'à accéder aux applications et services de leur choix. […] ».
L'article L. 36-13 du CPCE dispose :
« L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes recueille les informations et procède aux enquêtes nécessaires à l'exercice de ses missions, dans les limites et conditions fixées par l'article L. 32-4. ».
L'article L. 32-4 du CPCE, tel que modifié par l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, dispose :
« […] l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [peut], de manière proportionnée aux besoins liés à l'accomplissement de [ses] missions, et sur la base d'une décision motivée :
1° Recueillir auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournissant des services de communications électroniques les informations ou documents nécessaires pour s'assurer du respect par ces personnes des principes définis aux articles L. 32-1 et L. 32-3 ainsi que des obligations qui leur sont imposées par le présent code ou par les textes pris pour son application ;
2° Recueillir auprès des personnes fournissant des services de communication au public en ligne les informations ou documents concernant les conditions techniques et tarifaires d'acheminement du trafic appliquées à leurs services ;
3° Procéder auprès des mêmes personnes à des enquêtes ;
[…] l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [veille] à ce que ne soient pas divulguées les informations recueillies en application du présent article lorsqu'elles sont protégées par un secret visé à l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal».
Comme l'a confirmé le Conseil d'Etat dans une décision du 10 juillet 2013 (10) dans laquelle il a rejeté des recours dirigés contre la décision n° 2012-0366, l'Autorité dispose du pouvoir de recueillir périodiquement, auprès des opérateurs de communications électroniques et des FSCPL, les informations relatives aux conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données, de manière proportionnée aux besoins liés à l'accomplissement de ses missions.

II. - Principales évolutions de la décision

A l'issue d'un bilan du dispositif de collecte d'informations instauré par la décision n° 2012-0366, l'ARCEP a retenu plusieurs points d'ajustement de cette décision. Ces modifications amélioreront la compréhension et l'exploitation des informations fournies à l'ARCEP et permettront, lorsque cela apparaît possible sans remettre en cause la qualité de ces informations, d'alléger la charge qui incombe aux répondants.

A. - Précision concernant les indicateurs de capacité demandés

En préambule, l'ARCEP souligne que trois types de capacités peuvent être mesurées : les capacités contractuellement négociées entre les acteurs (capacités négociées), les capacités installées et les capacités réellement disponibles après paramétrage matériel et logiciel (capacités paramétrées).
En effet, en matière d'interconnexion et d'acheminement de données entre acteurs de l'internet, il résulte des usages et des pratiques développés par la communauté d'internet, que les capacités d'interconnexion maximales, qui ont été contractuellement fixées entre les deux acteurs (capacités négociées), ne sont pas nécessairement effectivement installées dans leur totalité dès la conclusion de l'accord. Ces accords bilatéraux étant le plus souvent négociés dans une logique prospective, les équipements de transmission de données sont installés progressivement sur les ports des équipements d'interconnexion au fil de l'accroissement du volume de trafic transitant entre les partenaires. Ainsi les capacités installées sont, dans de nombreux cas, inférieures aux capacités négociées.
Ces capacités installées sont ensuite susceptibles de faire l'objet de paramétrage matériel ou logiciel permettant ainsi à un acteur donné de gérer de manière dynamique le dimensionnement des interfaces d'interconnexion au cours du temps, notamment pour équilibrer la charge de trafic écoulée par ses différents points d'interconnexion (et donc sur les différents nœuds et liens de son cœur de réseau) ou pour maîtriser le coût des prestations de transit. Ces techniques sont d'autant plus courantes que les outils permettant de tels contrôles sont couramment intégrés par défaut dans les équipements et notamment dans les routeurs IP.
Ainsi, les capacités paramétrées peuvent être significativement plus faibles que les capacités négociées. Or, l'information la plus importante est celle qui porte sur la capacité réellement disponible à tout moment sur un lien d'interconnexion donné en ce qu'elle traduit, le plus fidèlement, les capacités d'acheminement du trafic pour un acteur. A l'inverse, rechercher et renseigner les informations relatives aux capacités négociées pourrait représenter pour les acteurs une charge de travail relativement importante alors que cette information apparaît peu pertinente.
Il est par conséquent demandé aux acteurs qui mettent en œuvre un paramétrage matériel ou logiciel de renseigner, dans leur réponse au questionnaire, aussi bien les capacités installées que les capacités paramétrées, et ce dans leurs valeurs minimales et maximales atteintes sur la période, ainsi que leurs valeurs moyennes (pondérées sur une base temporelle). Le questionnaire en annexe de la décision ainsi que sa notice explicative ont été modifiés en conséquence.

B. - Sollicitation ponctuelle d'indicateurs de saturation d'une interconnexion pour le trafic de données

La qualité de service de l'accès à internet fixe dépend, en partie, de la nature des politiques d'interconnexion adoptées par les différents acteurs en relation dans l'acheminement du trafic de contenu à l'utilisateur final. Ces politiques, qui relèvent des choix de gestion technique et économique d'un réseau et de son dimensionnement, peuvent entraîner d'importantes dégradations de la qualité de service en cas de saturation durable des interfaces d'interconnexion et, plus particulièrement, en ce qui concerne les services ou contenus sensibles à la latence, à la gigue ou à la perte de paquets.
L'ARCEP estime nécessaire de disposer d'indicateurs lui permettant de déterminer l'ampleur d'un éventuel sous-dimensionnement des interfaces d'interconnexion. Afin de garantir le caractère proportionné des informations demandées, ces indicateurs ne seront pas, à ce stade, inclus par défaut dans le questionnaire périodique. En revanche, dans les cas où les informations collectées dans le cadre du questionnaire conduiraient l'ARCEP à estimer qu'un lien est saturé (11), celle-ci pourra recueillir, de manière ponctuelle et sur la base d'une décision prise au titre de l'article L. 32-4 du CPCE, les informations nécessaires pour lui permettre d'apprécier l'ampleur de cette saturation et son étendue dans le temps.

C. - Allègements du dispositif actuel

L'ARCEP propose de réduire le niveau de détail du questionnaire pour ne conserver que les informations strictement nécessaires à l'atteinte de ses objectifs.
Ainsi, afin de limiter l'inflation au cours du temps du nombre de relations renseignées, l'ARCEP a limité les relations concernées à compter de la vingtième relation par ordre de capacité globale installée, à celles mobilisant des capacités supérieures ou égales à 2 Gbit/s - soit le double du seuil de 1 Gbit/s fixé initialement.
Pour un AS donné, seules sont donc requises les informations portant sur les relations d'interconnexion ou d'acheminement de données impliquant :

- les vingt principaux partenaires en termes de capacité globale installée d'interconnexion ou d'acheminement de données (tous points/sites confondus) ;
- les partenaires au-delà du vingtième partageant une capacité globale installée d'interconnexion ou d'acheminement de données supérieure ou égale à 2 Gbit/s avec l'AS concerné et détenant des AS marqués « FR » ou « EU » dans la base de données du RIPE.

Cet ajustement permet de conserver dans le périmètre du questionnaire les principales relations en termes de capacité mobilisée, tout en allégeant significativement le volume de données fournies par certains opérateurs qui disposent d'un nombre important de relations mobilisant des capacités de 1 Gbit/s. Ces relations, à travers lesquelles ne s'écoule qu'une faible part de leur trafic en régime nominal, sont établies le plus souvent dans une perspective d'augmentation rapide des besoins en capacité d'interconnexion sur internet.
Par ailleurs, les champs d'informations concernant les noms des AS ainsi que les coordonnées des sociétés partenaires ont été retirés du questionnaire, car publiquement disponibles dans une majorité de cas.
Enfin, la notice explicative a été intégrée au questionnaire pour plus de simplicité et de lisibilité pour les répondants.

Décide :


Historique des versions

Version 1

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (1) ;

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associées ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;

Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (2) ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), notamment ses articles L. 32-1, L. 32-4, L. 36-13, L. 36-8 et L. 130 ;

Vu l'article 16-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la décision n° 2012-0366 de l'ARCEP en date du 29 mars 2012 relative à la mise en place d'une collecte d'informations sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données ;

Vu la consultation publique relative au projet de révision du dispositif susvisé de collecte d'informations sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données, menée du 12 décembre 2013 au 13 janvier 2014 et les réponses à cette consultation publique ;

Après en avoir délibéré en formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction, le 8 avril 2014,

I. - Introduction

A. - Contexte et périmètre de la décision de 2012

Rappel des objectifs poursuivis par l'ARCEP

Les prestations d'interconnexion et d'acheminement de données étant au cœur du fonctionnement technique de l'internet, l'ARCEP a conduit depuis 2010 des travaux, qualitatifs et quantitatifs, afin d'améliorer sa connaissance et sa compréhension de ces marchés, à savoir notamment :

- la préparation d'un questionnaire informel portant sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données ayant abouti à une première collecte d'informations (début 2011) ;

- l'organisation d'un cycle de réunions bilatérales avec des opérateurs et des FSCPL (3) (mi-2011) ;

- la participation active au groupe de travail de l'ORECE (4) sur l'interconnexion IP et aux ateliers ORECE/OCDE (depuis 2011) ;

- une étude externe portant sur l'élaboration d'une vision prospective des marchés de l'interconnexion et de l'acheminement de données (fin 2011) ;

- une analyse de l'écosystème de l'internet et des marchés de l'interconnexion de données, réalisée dans le cadre de son rapport sur la neutralité de l'internet remis au Parlement et au Gouvernement en septembre 2012.

Ces différents travaux ont conduit l'ARCEP à mettre en œuvre l'une des recommandations de son rapport de septembre 2010 sur la neutralité de l'internet et des réseaux (5), à savoir la création d'un dispositif de collecte périodique d'informations lui permettant d'approfondir sa connaissance des marchés de l'interconnexion et de l'acheminement de données. L'Autorité serait ainsi à même de remplir pleinement les nouvelles missions qui lui ont été confiées par le législateur en matière de régulation de ces marchés et de supervision de la qualité du service d'accès à l'internet.

La décision n° 2012-0366

Le 29 mars 2012, l'ARCEP a adopté la décision n° 2012-0366 instaurant une collecte périodique d'informations sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données. Afin de garantir le caractère raisonnable et proportionné du dispositif, l'ARCEP avait circonscrit le périmètre de collecte aux seules parties impliquées dans des relations d'interconnexion ou d'acheminement de données susceptibles d'influer significativement sur la fourniture, aux utilisateurs situés en France, de services de communications au public en ligne (FSCPL).

L'ARCEP avait à cet effet distingué deux catégories d'acteurs susceptibles d'être visés par la décision, parmi ceux détenant au moins un système autonome (ci-après AS) (6) interconnecté avec au moins deux autres systèmes autonomes :

Catégorie 1 :

- les opérateurs de communications électroniques soumis à l'obligation de se déclarer auprès de l'ARCEP au titre de l'article L. 33-1 du CPCE.

Catégorie 2 :

- les opérateurs de communications électroniques n'appartenant pas à la catégorie 1, qui disposent d'une relation d'interconnexion de données avec au moins un opérateur de communications électroniques appartenant à la catégorie 1 ;

- les FSCPL qui disposent, pour l'acheminement de données, d'une relation directe avec au moins un opérateur de communications électroniques appartenant à la catégorie 1 et qui ont engagé une démarche active afin que leurs services ou contenus soient utilisés ou consultés par des utilisateurs finals situés en France.

Prenant en compte les réserves exprimées par plusieurs acteurs à l'occasion de la consultation publique qu'elle a organisée, l'ARCEP a décidé de ne pas soumettre cette seconde catégorie d'acteurs à l'obligation de répondre périodiquement au questionnaire. Néanmoins, elle a estimé qu'il pourrait être nécessaire d'interroger ponctuellement ces acteurs, sur la base des réponses obtenues auprès des acteurs de la catégorie 1, afin de vérifier et de compléter celles-ci.

Par ailleurs, la décision n° 2012-0366 précise que les acteurs visés par la décision ont la possibilité de limiter les informations renseignées dans leurs réponses à un nombre déterminé de relations pertinentes d'interconnexion ou d'acheminement de données. Ainsi, pour un AS donné, seules sont requises les informations portant sur les principales relations d'interconnexion ou d'acheminement de données, à savoir celles impliquant :

- les vingt principaux partenaires en termes de capacité globale d'interconnexion ou d'acheminement de données (tous points/sites confondus) ;

- les partenaires au-delà du vingtième partageant une capacité globale d'interconnexion ou d'acheminement de données supérieure ou égale à 1 Gbit/s avec l'AS concerné et détenant des AS marqués « FR » ou « EU » (7) dans la base de données du RIPE (8).

S'agissant des informations collectées, il était demandé aux répondants de fournir les informations sur les caractéristiques des relations (coordonnées de la personne physique ou morale concernée, date d'établissement, localisation des interconnexions ou branchements, conditions tarifaires, capacité, etc.) ainsi que des statistiques sur le trafic (entrant et sortant).

B. - Objet de la présente révision

Enjeux

Dans sa décision de 2012, l'ARCEP a précisé que les conclusions tirées des premiers cycles de collecte permettraient d'apprécier la nécessité d'adapter (à la hausse ou à la baisse) la fréquence et le niveau de détail du questionnaire associé.

Les retours d'expérience des trois premiers cycles de collecte d'informations correspondants au deuxième trimestre 2012, au second semestre 2012 et au premier semestre 2013 ont permis d'identifier plusieurs points susceptibles de faire l'objet d'ajustements.

Par ailleurs, l'enquête administrative concernant diverses sociétés relatives aux conditions techniques et financières de l'acheminement du trafic menée par l'ARCEP entre les mois de novembre 2012 et de juillet 2013 (9) a, tout en confirmant l'importance du dispositif actuel pour l'exercice des pouvoirs de l'ARCEP, mis en évidence la nécessité de le faire évoluer afin que les informations renseignées par les acteurs concernés puissent refléter les capacités d'acheminement réellement disponibles aux interconnexions, et apprécier l'ampleur d'une éventuelle saturation des liens.

Enfin, il apparaît que la fréquence de collecte - semestrielle - prévue initialement est adaptée à l'objectif poursuivi par l'Autorité. Elle ne nécessite donc pas d'ajustement.

Cadre juridique applicable

L'objet de la présente décision est d'adapter les catégories d'informations demandées dans le cadre du questionnaire annexé à la décision n° 2012-0366 ainsi que le nombre de relations renseignées dans ce dernier.

En vertu de l'article L. 32-1 du CPCE, l'autorité administrative indépendante chargée de la régulation du secteur doit notamment veiller :

« […] 4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux, qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;

4° bis A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans les relations entre opérateurs et fournisseurs de services de communications au public en ligne pour l'acheminement du trafic et l'accès à ces services ; […]

15° A favoriser la capacité des utilisateurs finals à accéder à l'information et à en diffuser ainsi qu'à accéder aux applications et services de leur choix. […] ».

L'article L. 36-13 du CPCE dispose :

« L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes recueille les informations et procède aux enquêtes nécessaires à l'exercice de ses missions, dans les limites et conditions fixées par l'article L. 32-4. ».

L'article L. 32-4 du CPCE, tel que modifié par l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, dispose :

« […] l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [peut], de manière proportionnée aux besoins liés à l'accomplissement de [ses] missions, et sur la base d'une décision motivée :

1° Recueillir auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournissant des services de communications électroniques les informations ou documents nécessaires pour s'assurer du respect par ces personnes des principes définis aux articles L. 32-1 et L. 32-3 ainsi que des obligations qui leur sont imposées par le présent code ou par les textes pris pour son application ;

2° Recueillir auprès des personnes fournissant des services de communication au public en ligne les informations ou documents concernant les conditions techniques et tarifaires d'acheminement du trafic appliquées à leurs services ;

3° Procéder auprès des mêmes personnes à des enquêtes ;

[…] l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [veille] à ce que ne soient pas divulguées les informations recueillies en application du présent article lorsqu'elles sont protégées par un secret visé à l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal».

Comme l'a confirmé le Conseil d'Etat dans une décision du 10 juillet 2013 (10) dans laquelle il a rejeté des recours dirigés contre la décision n° 2012-0366, l'Autorité dispose du pouvoir de recueillir périodiquement, auprès des opérateurs de communications électroniques et des FSCPL, les informations relatives aux conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données, de manière proportionnée aux besoins liés à l'accomplissement de ses missions.

II. - Principales évolutions de la décision

A l'issue d'un bilan du dispositif de collecte d'informations instauré par la décision n° 2012-0366, l'ARCEP a retenu plusieurs points d'ajustement de cette décision. Ces modifications amélioreront la compréhension et l'exploitation des informations fournies à l'ARCEP et permettront, lorsque cela apparaît possible sans remettre en cause la qualité de ces informations, d'alléger la charge qui incombe aux répondants.

A. - Précision concernant les indicateurs de capacité demandés

En préambule, l'ARCEP souligne que trois types de capacités peuvent être mesurées : les capacités contractuellement négociées entre les acteurs (capacités négociées), les capacités installées et les capacités réellement disponibles après paramétrage matériel et logiciel (capacités paramétrées).

En effet, en matière d'interconnexion et d'acheminement de données entre acteurs de l'internet, il résulte des usages et des pratiques développés par la communauté d'internet, que les capacités d'interconnexion maximales, qui ont été contractuellement fixées entre les deux acteurs (capacités négociées), ne sont pas nécessairement effectivement installées dans leur totalité dès la conclusion de l'accord. Ces accords bilatéraux étant le plus souvent négociés dans une logique prospective, les équipements de transmission de données sont installés progressivement sur les ports des équipements d'interconnexion au fil de l'accroissement du volume de trafic transitant entre les partenaires. Ainsi les capacités installées sont, dans de nombreux cas, inférieures aux capacités négociées.

Ces capacités installées sont ensuite susceptibles de faire l'objet de paramétrage matériel ou logiciel permettant ainsi à un acteur donné de gérer de manière dynamique le dimensionnement des interfaces d'interconnexion au cours du temps, notamment pour équilibrer la charge de trafic écoulée par ses différents points d'interconnexion (et donc sur les différents nœuds et liens de son cœur de réseau) ou pour maîtriser le coût des prestations de transit. Ces techniques sont d'autant plus courantes que les outils permettant de tels contrôles sont couramment intégrés par défaut dans les équipements et notamment dans les routeurs IP.

Ainsi, les capacités paramétrées peuvent être significativement plus faibles que les capacités négociées. Or, l'information la plus importante est celle qui porte sur la capacité réellement disponible à tout moment sur un lien d'interconnexion donné en ce qu'elle traduit, le plus fidèlement, les capacités d'acheminement du trafic pour un acteur. A l'inverse, rechercher et renseigner les informations relatives aux capacités négociées pourrait représenter pour les acteurs une charge de travail relativement importante alors que cette information apparaît peu pertinente.

Il est par conséquent demandé aux acteurs qui mettent en œuvre un paramétrage matériel ou logiciel de renseigner, dans leur réponse au questionnaire, aussi bien les capacités installées que les capacités paramétrées, et ce dans leurs valeurs minimales et maximales atteintes sur la période, ainsi que leurs valeurs moyennes (pondérées sur une base temporelle). Le questionnaire en annexe de la décision ainsi que sa notice explicative ont été modifiés en conséquence.

B. - Sollicitation ponctuelle d'indicateurs de saturation d'une interconnexion pour le trafic de données

La qualité de service de l'accès à internet fixe dépend, en partie, de la nature des politiques d'interconnexion adoptées par les différents acteurs en relation dans l'acheminement du trafic de contenu à l'utilisateur final. Ces politiques, qui relèvent des choix de gestion technique et économique d'un réseau et de son dimensionnement, peuvent entraîner d'importantes dégradations de la qualité de service en cas de saturation durable des interfaces d'interconnexion et, plus particulièrement, en ce qui concerne les services ou contenus sensibles à la latence, à la gigue ou à la perte de paquets.

L'ARCEP estime nécessaire de disposer d'indicateurs lui permettant de déterminer l'ampleur d'un éventuel sous-dimensionnement des interfaces d'interconnexion. Afin de garantir le caractère proportionné des informations demandées, ces indicateurs ne seront pas, à ce stade, inclus par défaut dans le questionnaire périodique. En revanche, dans les cas où les informations collectées dans le cadre du questionnaire conduiraient l'ARCEP à estimer qu'un lien est saturé (11), celle-ci pourra recueillir, de manière ponctuelle et sur la base d'une décision prise au titre de l'article L. 32-4 du CPCE, les informations nécessaires pour lui permettre d'apprécier l'ampleur de cette saturation et son étendue dans le temps.

C. - Allègements du dispositif actuel

L'ARCEP propose de réduire le niveau de détail du questionnaire pour ne conserver que les informations strictement nécessaires à l'atteinte de ses objectifs.

Ainsi, afin de limiter l'inflation au cours du temps du nombre de relations renseignées, l'ARCEP a limité les relations concernées à compter de la vingtième relation par ordre de capacité globale installée, à celles mobilisant des capacités supérieures ou égales à 2 Gbit/s - soit le double du seuil de 1 Gbit/s fixé initialement.

Pour un AS donné, seules sont donc requises les informations portant sur les relations d'interconnexion ou d'acheminement de données impliquant :

- les vingt principaux partenaires en termes de capacité globale installée d'interconnexion ou d'acheminement de données (tous points/sites confondus) ;

- les partenaires au-delà du vingtième partageant une capacité globale installée d'interconnexion ou d'acheminement de données supérieure ou égale à 2 Gbit/s avec l'AS concerné et détenant des AS marqués « FR » ou « EU » dans la base de données du RIPE.

Cet ajustement permet de conserver dans le périmètre du questionnaire les principales relations en termes de capacité mobilisée, tout en allégeant significativement le volume de données fournies par certains opérateurs qui disposent d'un nombre important de relations mobilisant des capacités de 1 Gbit/s. Ces relations, à travers lesquelles ne s'écoule qu'une faible part de leur trafic en régime nominal, sont établies le plus souvent dans une perspective d'augmentation rapide des besoins en capacité d'interconnexion sur internet.

Par ailleurs, les champs d'informations concernant les noms des AS ainsi que les coordonnées des sociétés partenaires ont été retirés du questionnaire, car publiquement disponibles dans une majorité de cas.

Enfin, la notice explicative a été intégrée au questionnaire pour plus de simplicité et de lisibilité pour les répondants.

Décide :