I. ― Cadre réglementaire
Le cadre légal et réglementaire en vigueur impose à l'Autorité de mener une analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques afin de constater l'existence ou non d'opérateurs disposant d'une influence significative sur ces marchés et d'imposer les obligations proportionnées aux objectifs de régulation répondant aux problèmes de concurrence constatés.
Conformément à ce dispositif réglementaire, l'Autorité a mené l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile et de la terminaison d'appel SMS sur le réseau des opérateurs mobiles français. Parmi ceux qui ont été déclarés disposant d'une influence significative sur leurs réseaux respectifs, Orange France, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile en métropole ainsi qu'Orange Caraïbe et SRR outre-mer se sont vu imposer une obligation de comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel ainsi qu'une obligation de pratiquer, concernant leurs prestations de terminaison d'appel mobile, des prix reflétant les coûts correspondants.
Lorsqu'elle impose une obligation d'orientation vers les coûts, l'Autorité doit veiller « à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru », aux termes de l'article D. 311 du CPCE.
Cette notion de rémunération raisonnable se traduit dans la détermination par l'Autorité du taux de rémunération du capital à fin de comptabilisation des coûts, comme le précise l'article D. 312 du CPCE : « L'Autorité détermine le taux de rémunération du capital utilisé. Ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France. »
II. ― Décision antérieure
Pour l'année 2012, l'Autorité avait fixé dans sa décision n° 2011-1467 susvisée le taux prévisionnel de rémunération du capital à 9,9 % pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des activités mobiles régulées.
III. ― Méthode employée par l'Autorité
III-1. La référence à un modèle consensuel
Ainsi que le préconisent l'article D. 312 du CPCE et la position commune du groupe des régulateurs européens (GRE) sur la séparation comptable et la comptabilisation des coûts susvisés, la méthode employée par l'Autorité pour fixer le taux de rémunération du capital est fondée sur le coût moyen pondéré du capital et sur le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF).
Au cours des différents exercices, de nombreux échanges ont permis de consolider et d'améliorer cette méthode.
Ainsi, la mesure du coût du capital est un sujet sur lequel l'Autorité a sollicité à de nombreuses reprises des expertises extérieures, notamment auprès de cabinets spécialisés en finance.
Par ailleurs, les consultations publiques menées par l'Autorité en 2007, 2009, 2011 et 2012 portant sur le taux de rémunération du capital des activités fixe, mobile et de télédiffusion ont fait apparaître un consensus sur la méthode.
Le coût du capital publié est un coût avant impôts, le taux d'imposition retenu correspondant au taux de l'impôt sur les sociétés, soit 36,10 % en 2013 pour les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros, et 34,43 % en 2014 et 2015. En 2013, les intérêts d'emprunt ne resteront déductibles de l'impôt sur les sociétés qu'à hauteur de 85 % ; ensuite, la déductibilité sera abaissée à 75 %.
Le coût du capital est calculé, pour l'activité considérée, comme une moyenne pondérée, en fonction de la structure de financement, entre :
― le coût des capitaux propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires, avant impôts ;
― le coût de la dette de l'opérateur.
Le coût des capitaux propres avant impôts est obtenu à partir du coût des capitaux propres après impôts qui, à une date donnée, est évalué, selon le MEDAF, par la formule :
ke = Rf + (Rm ― Rf)
Le coût (avant impôts) de la dette émise à cette date correspond au taux sans risque, auquel s'ajoute une prime de risque associée à la dette (« spread ») de l'entreprise exerçant l'activité considérée :
kd = Rf + Rd
L'évaluation du coût du capital nécessite ainsi l'établissement de différents paramètres.
Ces paramètres, ainsi que le taux de rémunération du capital, sont exprimés en termes nominaux.
Pour la comptabilisation de leurs coûts et le contrôle tarifaire de certaines de leurs activités régulées, les opérateurs mobiles pourraient être amenés à utiliser un taux de rémunération du capital réel avant impôts. Celui-ci devrait être calculé chaque année sur la base du taux nominal fixé ci-dessus et de la prévision d'inflation retenue dans la loi de finances.
III-2. Le recours à des valeurs de très long terme pour certains paramètres
Conformément à la pratique établie depuis 2003 pour la fixation des taux de rémunération du capital employé pour des activités régulées, l'Autorité retient des valeurs de très long terme pour :
― la prime de risque du marché (Rm ― Rf) ;
― le coefficient de risque spécifique par rapport au marché ().
― et le levier financier (D/[D + FP]), où D représente la dette et FP les fonds propres).
III-3. La prise en compte des conditions de marché pour les autres paramètres
Dans ses précédentes décisions, l'Autorité a déterminé les valeurs prévisionnelles des autres paramètres en fonction des conditions de marché de l'année écoulée. Il apparaît désormais préférable à l'Autorité de retenir une période d'estimation plus longue (dix ans). En effet, dans une période caractérisée simultanément par une prime de marché élevée et par un phénomène de « fuite vers la qualité » (rendements historiquement bas pour les actifs les plus sûrs), l'appréciation de certains paramètres sur le court terme et d'autres sur le très long terme est susceptible d'introduire un biais dans le calcul du taux de rémunération du capital.
III-3.1. Le taux sans risque
Dans ses précédentes décisions, l'Autorité a fixé la valeur du taux sans risque (Rf) en référence à une moyenne sur un an du Taux de l'Echéance Constante à dix ans (TEC10). Elle retient désormais une moyenne de ce même indicateur sur dix ans.
III-3.2. La prime de dette
L'Autorité estime que, pour les activités mobiles régulées, compte tenu de la structure d'endettement de long terme retenue, le risque de la dette correspond au risque d'une société non financière de notation A (notation inchangée par rapport aux précédentes décisions).
L'Autorité retient pour estimateur de la prime de dette supportée par les opérateurs exerçant une activité mobile régulée la valeur du « spread » des obligations émises par des sociétés non financières de notation A et d'une maturité moyenne de dix ans incluses dans les indices Bloomberg.
IV. ― Evaluation des paramètres pour les années 2013 à 2015
Dans sa précédente décision, l'Autorité a fixé un taux de rémunération prévisionnel valable pour un an.
La référence, désormais, à une valeur d'assez long terme pour le taux sans risque va se traduire par de moindres variations du résultat du calcul du taux réglementaire d'une année sur l'autre. L'Autorité fixe donc la valeur du taux réglementaire de rémunération du capital pour une période de trois ans.
L'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu de modifier les valeurs des paramètres suivants par rapport à la décision précédente. Les valeurs retenues sont donc les suivantes :
― la prime de marché : 5 % ;
― le coefficient de risque spécifique () : 0,8 ;
― le levier financier : 23 %.
Par ailleurs, pour les années 2013 à 2015, l'Autorité retient les valeurs suivantes pour les paramètres estimés à partir des conditions de marché :
― le taux sans risque : 3,7 % ;
― la prime de dette : 0,7 %.
V. ― Evaluation du taux de rémunération du capital pour les années 2013 à 2015
V-4. Le coût des fonds propres
Avec les paramètres retenus, le coût des fonds propres avant impôts est de 11,8 %.
V-5. Le coût de la dette
Alors que le coût des fonds propres résulte uniquement des conditions de marché instantanées, le coût de la dette dépend des conditions de financement valables sur les périodes précédentes. Le coût de la dette peut ainsi s'exprimer comme un coût pondéré de la dette préexistante et de la dette à émettre sur la période considérée.
En l'espèce, l'Autorité estime qu'il convient de s'endetter sur dix ans pour optimiser le financement des activités fixes régulées, ce qui signifie que, sur une année, l'opérateur normatif n'est censé refinancer que 1/10e de sa dette.
Le coût de la dette à émettre sur les années 2013 à 2015 retenu par l'Autorité est ainsi de 4,4 % après impôts, soit 4,9 % avant impôts.
Compte tenu du coût de la dette préexistante (établi dans les précédentes décisions sur le fondement de données observées sur la période préalable), le coût de la dette avant impôts retenu par l'Autorité pour 2012 s'établit à 5,5 %.
V-6. Le coût du capital
Avec la structure de financement considérée, le coût du capital s'établit en valeur nominale avant impôts à 10,4 %.
L'évolution du niveau de ce taux par rapport à celui établi par la décision n° 2011-1467 du 22 décembre 2011 susvisée résulte principalement de la hausse d'évaluation du taux sans risque.
VI. ― Champ d'application de la décision
La présente décision s'applique à tous les opérateurs soumis à une obligation de comptabilisation des coûts dans le cadre des marchés de gros de la terminaison d'appel sur leurs réseaux respectifs, à savoir :
― Orange France ;
― SFR ;
― Bouygues Telecom ;
― Free Mobile ;
― Orange Caraïbe ;
― SRR.
Les valeurs de chacun des paramètres ayant été fixées pour le secteur mobile dans son ensemble, chaque opérateur concerné se verra appliquer le même taux de rémunération du capital.
Décide :
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