I. ― Cadre juridique
Le cadre légal et réglementaire en vigueur impose à l'Autorité de mener une analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques afin de constater l'existence ou non d'opérateurs disposant d'une influence significative et d'imposer les obligations proportionnées aux objectifs de régulation répondant aux problèmes de concurrence constatés.
L'Autorité a donc mené l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau des opérateurs mobiles français. Les sociétés Orange France, SFR, Bouygues Telecom, Orange Caraïbe, SRR, Orange Réunion, Digicel Antilles françaises Guyane, Dauphin Télécom, United Telecommunications SCE Caraïbes, Outremer Télécom et Saint-Pierre-et-Miquelon Télécom ont été déclarées opérateur disposant d'une influence significative sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif, et l'Autorité a, par les décisions n° 2007-0810 et 2007-0811 susvisées, imposé un ensemble d'obligations afin de remédier aux problèmes de concurrence constatés. Les obligations imposées en vertu de ces décisions courent jusqu'au 31 décembre 2010, tant pour les opérateurs de métropole que pour les opérateurs d'outre-mer concernés, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé dans les conditions fixées à l'article D. 303 du CPCE.
L'Autorité a notamment imposé à Orange France, SFR, Bouygues Telecom, Orange Caraïbe et SRR une obligation de comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal « directe » ainsi qu'une obligation de contrôle tarifaire sous la forme d'un encadrement tarifaire pluriannuel. L'Autorité a défini les spécifications du système de comptabilisation des coûts, les méthodes de valorisation, les règles d'allocation des coûts ainsi que les modalités de mise en œuvre par les opérateurs dans ses décisions n° 2007-0128 et 2007-0129 susvisées, et notamment dans l'annexe A de ces décisions. La décision n° 2008-0091 susvisée spécifie que l'Autorité n'entend pas modifier les spécifications décrites dans les décisions n° 2007-0128 et 2007-0129 susvisées pour les années 2008, 2009 et 2010.
S'agissant d'Orange France, SFR et Bouygues Telecom, les articles 19, 20 et 21 de la décision 2007-0810 susvisée disposent que chacun de ces opérateurs « est soumis à une obligation de séparation comptable et une obligation relative à la comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal mobile ». Les articles 22, 23 et 24 de la décision n° 2007-0810 susvisée disposent que chacun de ces opérateurs « doit pratiquer, concernant ses prestations de terminaison d'appel mobile, des prix reflétant les coûts correspondants. A ce titre [chaque opérateur] est soumis à un encadrement tarifaire pluriannuel concernant ses prestations de terminaison d'appel vocal mobile ».
S'agissant d'Orange Caraïbe et SRR, les articles 20 et 21 de la décision n° 2007-0811 susvisée disposent que chacun de ces opérateurs « est soumis à une obligation de séparation comptable et une obligation relative à la comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal mobile ». Les articles 22 et 23 de la décision n° 2007-0811 susvisée disposent que chacun de ces opérateurs « est soumis à l'obligation de pratiquer, pour ses prestations de terminaison d'appel vocal mobile, des prix reflétant les coûts correspondants. A ce titre, [chacun des opérateurs d'outre-mer susmentionnés] respecte un encadrement tarifaire pluriannuel concernant ses prestations de terminaison d'appel vocal ».
Lorsqu'elle impose une obligation d'orientation vers les coûts, l'Autorité doit veiller « à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru », aux termes de l'article D. 311 du CPCE.
Cette notion de rémunération raisonnable se traduit à travers la détermination par l'Autorité du taux de rémunération du capital, comme le précise l'article D. 312 du CPCE : « L'Autorité détermine le taux de rémunération du capital utilisé. Ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France. »
II. ― Décisions antérieures
L'Autorité a retenu dans sa décision n° 2008-0163 susvisée un taux de rémunération de 12,1 % pour la comptabilisation des coûts des opérateurs mobiles pour les années 2008 et 2009.
III. ― Méthode employée par l'Autorité
La méthode
La mesure du coût du capital est un sujet sur lequel l'Autorité sollicite depuis plusieurs années des expertises extérieures, notamment auprès de cabinets spécialisés en finance.
Au cours des différents exercices, de nombreux échanges ont ainsi permis de consolider et d'améliorer la méthode, fondée sur le coût moyen pondéré du capital et le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), ainsi que le préconisent l'article D. 312 du CPCE et la position commune du GRE sur la séparation comptable et la comptabilisation des coûts susvisés.
Par ailleurs, l'Autorité a mené une consultation publique (3 décembre 2007-11 janvier 2008) portant sur le taux de rémunération du capital des activités fixe, mobile et télédiffusion, dont il ressort un consensus sur la méthode.
Les contingences dans l'évaluation de certains paramètres
Il est apparu depuis quelques années que plusieurs paramètres utilisés par l'Autorité dans la méthode de détermination du taux de rémunération du capital étaient soumis à certaines contingences, peu compatibles avec l'évaluation de coûts d'investissements engagés sur un horizon de long terme.
Concernant plus particulièrement l'appréciation du risque tel qu'il est utilisé dans le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), il est apparu en 2002 que la très forte augmentation de la volatilité boursière, et en particulier des titres « télécoms », rendait difficile son évaluation en se fondant uniquement sur des données de marché, qui peuvent être affectées par des comportements spéculatifs ou des événements conjoncturels.
De la même manière, les évolutions de valorisation et de structure de capital des opérateurs de télécommunications au cours des années récentes, ainsi que la stratégie de certains de ces acteurs à l'international et la diversité de leurs activités, sont des éléments qui viennent perturber l'évaluation du coût du capital pertinent pour les activités régulées.
La mise en œuvre d'une approche de long terme
Sur la base de ces constats, l'Autorité a cherché, à méthode constante, à prendre en compte des paramètres évalués dans une perspective de plus long terme, et fondés sur des raisonnements moins contingents.
Cette évolution avait été préparée notamment à travers différents échanges :
― échanges multilatéraux avec des acteurs du secteur ;
― séminaire public ;
― appels à commentaires.
La méthode et les raisonnements développés pour l'estimation des paramètres à la suite de ces travaux ont vocation à s'appliquer aussi bien au secteur mobile et au secteur de la télédiffusion qu'au secteur fixe. De même, plusieurs paramètres sont identiques pour les trois secteurs : le taux sans risque, la prime de marché, le taux marginal d'imposition sont des paramètres généraux de l'économie qui ne diffèrent pas d'un secteur à l'autre.
L'Autorité considère qu'une approche de long terme reste souhaitable pour le secteur mobile.
IV. ― Evaluation du taux pour les années 2010 et 2011
Le coût du capital est calculé comme une moyenne pondérée entre :
― le coût des capitaux propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires de l'entreprise pour l'activité considérée ;
― le coût de la dette de l'opérateur.
Cette pondération est basée sur une structure d'endettement cible.
Conformément à la position commune du GRE susvisée et aux décisions antérieures de l'Autorité, le coût des capitaux propres est évalué, selon le MEDAF, par la formule :
ke = Rf + ß (Rm ― Rf)
et nécessite l'établissement de différents paramètres.
L'hypothèse d'inflation retenue pour 2010 et 2011
Les valeurs des paramètres ainsi que le taux de rémunération du capital figurant dans la présente décision sont exprimés en termes nominaux. L'inflation sous-jacente retenue par l'Autorité pour les années 2010 et 2011 est cohérente avec la prévision réalisée par la Banque centrale européenne (à horizon de 5 ans dans la zone euro), soit 1,8 %.
La prise en compte des perturbations financières actuelles
L'approche retenue par l'Autorité pour la fixation du taux de rémunération du capital conduit à adopter pour certains paramètres des valeurs cibles ou de long terme. Néanmoins, pour la fixation du taux pour les années 2010 et 2011, l'Autorité s'est interrogée sur une éventuelle remise en cause de ces valeurs cibles ou de long terme liée aux perturbations actuelles des marchés financiers engendrées par la crise dite des « subprimes ».
Le taux de rémunération du capital s'applique aux activités régulées, qui présentent un caractère particulier par rapport au reste de l'activité des opérateurs concernés. Ces derniers disposent sur les activités régulées d'un pouvoir de marché significatif, qui atténue le risque lié à ces activités. La seule observation des données de marché, qui ne portent pas de manière spécifique sur les activités régulées, ne saurait donc suffire.
Afin de prendre en compte les perturbations actuelles des marchés financiers dans ses raisonnements, l'Autorité a estimé les données de marché dans deux contextes : le premier correspondant à la période « actuelle » (depuis la crise financière), le second correspondant à ce qui aurait été observé en l'absence de crise. L'impact de la crise financière sur la valeur observée des paramètres est contrasté. Les études semblent montrer que le goût renforcé des investisseurs pour les actifs peu risqués se traduit par la hausse de la valeur de certains paramètres (prime de dette, prime de marché) et par la baisse de la valeur d'autres paramètres (taux sans risque, ce qui a pu être observé pour le secteur des communications électroniques). Ces effets se compensent en grande partie et le taux de rémunération du capital apparaît finalement comme peu sensible à la crise financière.
Dans la recherche d'une approche équilibrée, l'Autorité a pris en compte les données estimées dans les deux contextes pour évaluer les paramètres qui déterminent le taux de rémunération du capital, et a considéré que les conditions actuelles liées à la crise ne perdureraient pas au-delà de la fin du premier semestre 2010.
Par ailleurs, l'Autorité a tenu compte des conditions de financement plus resserrées rencontrées par les opérateurs au cours de la période 2008-2009.
La structure d'endettement cible
L'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 un ratio de dettes sur fonds propres de 30 % lié à l'activité d'opérateur mobile, qui correspond à la valeur cible adoptée par l'Autorité dans ses décisions précédentes. Ce niveau d'endettement n'a pas suscité de commentaires de la part des acteurs concernés.
La mesure du coût des capitaux propres
Le taux sans risque (Rf) : l'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 un taux sans risque de 4,0 %. La valeur du taux sans risque choisie par l'Autorité a été fixée en référence à celle des obligations assimilables du Trésor (indice TEC à 10 ans).
La valeur retenue par l'Autorité pour 2010 et 2011 est inférieure à celle adoptée pour 2008 et 2009 (4,3 %). Elle est supérieure à la valeur la plus récente du taux sans risque (3,6 % au 20 novembre 2009), dont le niveau reflète le caractère de valeur « refuge » des obligations d'Etat, et apparaît ainsi comme un élément conjoncturel peu cohérent avec une approche de long terme et ne semble pas pouvoir être retenue pour l'ensemble de la période 2010-2011. Elle apparaît également comme une valeur intermédiaire par rapport aux positions exprimées par les acteurs
La prime de marché (Rm ― Rf) : l'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 une prime de marché de 5,0 %, cohérente avec les décisions passées dans lesquelles cette donnée était une valeur cible. Par ailleurs, les différentes réponses à la consultation publique ne semblent pas devoir justifier une remise en cause de cette valeur.
Le risque spécifique de l'investissement (bêta) lié à l'activité mobile : l'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 un bêta de 1, qui, comme dans les décisions précédentes, est une valeur cible. Les différentes réponses à la consultation publique ne semblent pas devoir justifier une remise en cause de cette valeur.
Le coût des fonds propres avant impôt ainsi calculé est de 13,7 %.
La mesure du coût de la dette
Le coût de la dette correspond au taux sans risque, auquel s'ajoute une prime de risque de la dette de l'entreprise.
La prime de dette (Rd) : l'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 une prime de dette de 1,1 %, analogue à celle retenue pour le secteur de télédiffusion, et inférieure à celle retenue pour le secteur fixe (1,3 %), compte tenu de la structure d'endettement plus risquée retenue pour le secteur fixe.
La valeur retenue pour 2010 et 2011 est supérieure à celle adoptée pour 2008 et 2009 (1 %), ce qui rend compte, dans une certaine mesure, des conditions de financement plus « resserrées » rencontrées par les acteurs, à la fois pour la période 2008-2009 et celle de 2010-2011.
Par ailleurs, les valeurs retenues par l'Autorité pour le calcul de la prime de dette sur la période 2010-2011, notamment pour les conditions actuelles liées à la crise, sont cohérentes avec les valeurs proposées par les opérateurs dans leurs réponses à la consultation publique.
Le coût de la dette avant impôt a ainsi été évalué à 5,1 % pour les années 2010 et 2011.
V. ― Taux de rémunération du capital
Le coût du capital s'établit à la moyenne pondérée de ces deux valeurs, soit 11,78%.
La différence entre le niveau de ce taux et celui établi par la décision n° 2008-0163 susvisée relative aux années 2008 et 2009 résulte de la baisse du taux sans risque.
VI. ― Champ d'application de la décision
La présente décision s'applique à tous les opérateurs soumis à une obligation de comptabilisation des coûts dans le cadre des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif et les obligations imposées à ce titre, à savoir :
― Orange France ;
― SFR ;
― Bouygues Telecom ;
― Orange Caraïbe ;
― SRR.
Les valeurs de chacun des paramètres ayant été fixées pour le secteur mobile dans son ensemble, chaque opérateur concerné se verra appliquer le même taux de rémunération du capital, défini au V ci-dessus.
Décide :
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