- Le contexte de l'encadrement tarifaire des offres
de communications téléphoniques du service universel
L'encadrement tarifaire des offres de communications téléphoniques du service universel, défini dans la présente décision, s'inscrit dans le contexte du cadre législatif et réglementaire défini par le CPCE (a), des propositions de France Télécom lors de l'appel à candidatures pour la désignation de l'opérateur chargé du service universel et des avis de l'ARCEP sur ces propositions (b), ainsi que des préconisations de l'ARCEP pour la mise en oeuvre effective de cet encadrement tarifaire (c).
a) Le cadre réglementaire
Le dernier alinéa de l'article L. 35-2 du CPCE pose le principe du contrôle des tarifs du service universel, soit par le biais d'une mesure d'encadrement pluriannuel, soit par une procédure d'opposition ou d'avis préalable de l'ARCEP. En outre, l'article L. 36-7 du CPCE définit les missions de l'ARCEP, et notamment, au 5°, le pouvoir d'exercer le contrôle des tarifs du service universel.
L'article R. 20-30-11 (III) du CPCE précise le périmètre de l'encadrement pluriannuel des tarifs de la composante « service téléphonique ». Il prévoit que l'encadrement tarifaire du service universel ne peut porter que sur les offres de communications téléphoniques et est défini en prenant en compte « les éléments de l'environnement économique et de l'activité de l'opérateur prévus par le cahier des charges [de l'opérateur en charge du service universel] ».
Enfin, le cahier des charges annexé à l'arrêté du 3 mars 2005 désignant France Télécom comme opérateur chargé de fournir la composante du service universel prévue au 1° de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques prévoit expressément que : « L'encadrement pluriannuel des tarifs du service universel mentionné aux articles L. 35-2 et R. 20-30-11 du code des postes et des communications électroniques prend en compte l'évolution générale des prix, les gains d'efficacité prévus de l'opérateur et l'évolution des charges externes d'interconnexion et d'accès. Il est établi sur la base d'un indice de Laspeyres. »
b) La candidature de France Télécom et les avis de l'ARCEP
Dans sa réponse à l'appel à candidatures du ministre délégué à l'industrie, en vue de la désignation d'un opérateur chargé de fournir la composante « service téléphonique » du service universel des communications électroniques, France Télécom a produit une réponse comportant une proposition d'encadrement de certains tarifs : le prix du panier, composé des appels locaux, nationaux et vers les mobiles en métropole, devait évoluer chaque année selon la formule « inflation (hors tabac) - 7 % ».
Lors de la publication de son avis sur la modification tarifaire ainsi proposée par France Télécom, et en réponse à la demande d'avis du ministre sur sa candidature, l'ARCEP a exprimé des réserves et conclu que « la proposition de France Télécom constitue une base de discussion acceptable » (1). L'ARCEP a souligné le caractère incomplet de la spécification de l'encadrement tarifaire proposé par France Télécom ; elle a noté que la spécification de la contrainte s'appliquant à l'évolution du prix du panier gagnerait en transparence en faisant apparaître explicitement l'impact des baisses de charges externes pour France Télécom pour les appels vers les mobiles. L'ARCEP avait alors estimé qu'en incluant ce paramètre, la formule correspondant à la proposition de France Télécom était « inflation (hors tabac) - 3 % + variations de charges externes d'interconnexion ». Une telle formulation de l'objectif tarifaire rend l'engagement de France Télécom neutre vis-à-vis de l'évolution des charges de terminaison d'appel, mobile notamment, qu'elle ne contrôle pas.
c) Les préconisations de l'ARCEP
Par la présente décision, l'ARCEP confirme ce qu'elle a exprimé lors de l'avis pris en réponse à la proposition tarifaire de France Télécom et à la demande du ministre concernant sa candidature pour être chargée du service universel :
- l'encadrement d'un panier de tarifs assure aux consommateurs ayant choisi l'offre de service universel de bénéficier également des baisses tendancielles de coûts et de tarifs du secteur des télécommunications ;
- ce mécanisme garantit une répercussion effective des baisses de charges de terminaison d'appel sur les tarifs de détail au bénéfice des abonnés du service universel ;
- cette procédure rend l'engagement de France Télécom neutre vis-à-vis de ses charges externes d'interconnexion, en garantissant que les baisses tarifaires ne se limitent pas à une simple répercussion des baisses de charges externes, ou au contraire que les baisses tarifaires ne constituent pas un poids trop lourd pour l'opérateur en cas de baisse plus modérée de ces charges ;
- l'ARCEP a défini deux paniers de tarifs qui prennent en compte les spécificités de l'outre-mer, en incluant les appels vers les départements et collectivités d'outre-mer dans le panier représentatif des communications téléphoniques d'un abonné du service universel situé en métropole, et en créant un deuxième panier représentatif d'un abonné du service universel situé en outre-mer.
- La mise en oeuvre de l'encadrement tarifaire
du service universel
L'encadrement tarifaire prévu par la présente décision est défini par les paramètres suivants : le périmètre des tarifs encadrés (a), la durée et la périodicité des objectifs (b) et le mode de calcul de l'évolution tarifaire (c).
a) Le périmètre des tarifs encadrés
L'offre de service téléphonique du service universel comporte l'offre de raccordement au réseau téléphonique, une offre d'abonnement mensuel d'accès à ce réseau et une offre de communications téléphoniques. Dans sa réponse à l'appel à candidatures, France Télécom a proposé au titre du service universel son tarif dit « de base », qui correspond à une offre tarifaire qui est purement fonction de l'usage effectif du client : tout appel est tarifé en fonction de sa destination et de sa durée. Il n'existe aucun seuil minimum de consommation. Ce tarif constitue l'offre par défaut de France Télécom sur le marché résidentiel ; il est complété par une gamme d'offres complémentaires optionnelles qui permettent au client de bénéficier d'un meilleur tarif dans la mesure où son volume de communications dépasse un certain seuil. Ces offres complémentaires ne relèvent pas du service universel.
La proposition tarifaire de France Télécom portait sur les seules communications établies depuis la métropole : communications locales, communications nationales, et communications vers les mobiles métropolitains.
Or, l'encadrement des tarifs du service universel doit garantir à tous les consommateurs de métropole et d'outre-mer une répartition équitable des modifications apportées par France Télécom, en tenant compte des spécificités du profil de consommation des clients résidentiels de métropole d'une part et des clients résidentiels d'outre-mer d'autre part (2).
L'ARCEP a retenu une spécification d'encadrement reposant sur deux paniers de tarifs :
- un panier représentatif des appels d'un abonné du service universel situé en métropole, comprenant les appels établis en métropole vers des postes fixes et mobiles de métropole et d'outre-mer ;
- un panier représentatif des appels d'un abonné du service universel situé dans les départements ou collectivités d'outre-mer, constitué des appels vers des postes fixes et mobiles de ces départements ou collectivités et de métropole.
Le choix de ces deux paniers reflète la réalité des modes de consommation constatés en métropole et en outre-mer, tant pour les durées de communication que pour leur répartition entre les heures pleines et les heures creuses (notamment en raison du décalage horaire, pour les ressortissants d'outre-mer vivant en métropole par exemple).
Les deux paniers ainsi définis incluent les appels vers des numéros géographiques fixes et vers des numéros mobiles du plan de numérotation français. Les appels vers des numéros non-géographiques fixes (de type 087B et 09AB) sont considérés comme trop récents pour y être intégrés, les profils de consommation afférents n'étant pas encore stabilisés. Par ailleurs, ces appels ne sont pas inclus dans le champ de la présélection et sont donc soumis à une pression concurrentielle faible. L'ARCEP estime par conséquent nécessaire le maintien du contrôle individuel préalable de ces tarifs pour prévenir tout comportement anticoncurrentiel de France Télécom sur ce segment de marché naissant.
En effet, si ces appels étaient inclus dans un panier global encadré, ils ne le seraient qu'avec une très faible pondération, laissant ainsi France Télécom disposer d'une importante flexibilité pour en fixer les tarifs individuels sans que cela ne joue réellement sur le panier global. France Télécom pourrait ainsi introduire une discrimination abusive sur certains de ces tarifs, en augmentant par exemple ceux des appels à destination de ses concurrents tout en baissant ceux à destination de sa propre filiale, ce qui aurait un effet fortement négatif sur le développement de ses concurrents, étant donnée la puissance de l'opérateur historique sur les marchés de détail de l'accès et des communications. France Télécom pourrait également décider d'augmenter significativement tous ces tarifs, y compris ceux des appels à destination de sa filiale, afin d'augmenter ses marges sur un type d'appel non soumis à la pression concurrentielle des offres concurrentes de présélection, et nuire ainsi au développement d'un segment de marché concurrent de son activité historique de téléphonie commutée. De tels comportements pourraient constituer, le cas échéant, des infractions au droit commun de la concurrence, sans pour autant remplir les conditions justifiant l'octroi de mesures conservatoires. Or, ce marché est actuellement en développement constant et l'ARCEP estime nécessaire de prévenir tout comportement abusif de France Télécom par une régulation sectorielle.
Les appels vers les services spéciaux (de type 08AB, 3BPQ et 118XY) ne sont pas inclus dans les paniers, dans la mesure où la tarification de ces appels relève pour partie du fournisseur de service appelé, qui bénéficie d'un reversement sur ce tarif.
b) La durée et la périodicité des objectifs
L'encadrement tarifaire proposé par France Télécom au début de l'année 2005 portait sur les quatre années de sa désignation comme opérateur chargé du service universel, de 2005 à 2008.
La spécification de l'encadrement tarifaire du service universel prévu par l'ARCEP porte sur cette période. Le contrôle du respect de l'objectif s'effectuera sur la totalité de la période, et au moyen d'évaluations annuelles en cours de période.
c) Le mode de calcul de l'évolution tarifaire
L'article 9 du cahier des charges de l'opérateur chargé de la composante « service téléphonique » du service universel prévoit les trois types d'éléments qui doivent être pris en compte dans la définition d'objectifs tarifaires : « l'évolution générale des prix, les gains d'efficacité prévus de l'opérateur et l'évolution des charges externes d'interconnexion et d'accès ».
L'établissement d'un encadrement de tarifs ayant vocation à limiter leur hausse ou à favoriser leur baisse, les objectifs en sont définis par un plafond de recette moyenne généralement formulé ainsi :
X IPC - Y
avec :
« X » = taux d'évolution annuelle moyenne du prix du panier ;
« IPC » = évolution de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) ;
« Y » = gain de productivité.
Dans son avis n° 2005-0031 sur la décision tarifaire n° 2004168 de France Télécom, l'ARCEP a recommandé de prendre en compte la contrainte posée par la baisse régulière de la terminaison d'appel vers les réseaux mobiles qui résulte de son action, et suggéré la formule suivante :
X IPC + T - 3 %
où « T » est la variation moyenne des charges externes d'interconnexion et d'accès de France Télécom, rapportée au prix moyen du panier de l'année précédente.
Dans le but de ne pas pénaliser les efforts supérieurs aux objectifs de l'encadrement, que France Télécom pourrait consentir une année donnée, l'ARCEP retient dans la présente décision l'encadrement suivant :
où « Pi » est le prix moyen annuel du panier de l'année i.
Cette formule inclut dans « T » les évolutions des charges de terminaison d'appel sur les réseaux mobiles et sur les réseaux fixes. L'effort propre de France Télécom est ainsi distingué de l'impact des évolutions des charges externes d'interconnexion ; en particulier, si les baisses de charges sont fortes, la valeur de l'engagement propre de France Télécom n'est pas diminuée. Réciproquement, en cas de baisse plus modérée de ces charges externes, France Télécom est protégée et n'a pas à assumer les conséquences d'une évolution plus faible d'un facteur qui lui est purement exogène.
Comme elle l'a exprimé dans l'avis précité, l'ARCEP estime qu'une pente annuelle de 3 % traduit le niveau minimal de gains de productivité dont France Télécom doit faire bénéficier ses clients. C'est l'effort que l'opérateur avait de lui-même inclus dans sa candidature comme opérateur chargé du service universel, équivalent à la formule « inflation (hors tabac) - 7 % ».
La recette moyenne par minute est obtenue sur la base des paramètres auxquels il est habituellement fait appel dans le contrôle des tarifs de détail de France Télécom. Les statistiques et les profils d'appel utilisés pour préciser les objectifs de l'encadrement tarifaire sont notamment ceux qui ont été fournis dans sa réponse à l'appel à candidature du ministre délégué à l'industrie en vue de la désignation d'un opérateur chargé de fournir la composante « service téléphonique » du service universel des communications électroniques, pour les appels émis en métropole vers les postes fixes et mobiles de métropole. Ces statistiques traduisent les comportements de consommation constatés des abonnés du service universel. Les statistiques d'appel permettant d'établir le prix moyen de chaque type d'appel sont maintenues constantes pendant toute la durée de l'encadrement tarifaire. Les valeurs correspondantes sont annexées à la présente décision.
La recette moyenne par minute pour les appels se terminant vers chacun des réseaux fixes et mobiles de métropole et d'outre-mer est ensuite pondérée pour procéder à un regroupement des appels, en fonction des parts de trafic de terminaison de chacun (3). Cette pondération est actualisée chaque année, sur la base du trafic constaté au départ du réseau de France Télécom l'année précédente.
In fine, le regroupement des appels à l'intérieur de chacun des paniers encadré est effectué sur la base de la répartition du volume de trafic en minutes présenté ci-dessous, sur l'ensemble de la période 2005-2008. Cette répartition est maintenue constante pendant toute la durée de l'encadrement.
Le prix moyen du panier de référence (base 100 de l'indice de Laspeyres) en métropole, d'une part, et dans les départements de la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et dans la collectivité départementale de Mayotte, d'autre part, est celui de l'année 2004, établi au prorata des périodes d'application des tarifs.
- La mise en oeuvre de la mesure
d'encadrement tarifaire pluriannuel
Pour sa mise en oeuvre sur une période de quatre ans, l'encadrement tarifaire du service universel comporte une évaluation annuelle sur la base des éléments suivants, pour l'année n :
- l'indice de variation du niveau général des prix « ensemble hors tabac » (4018 E) pour l'année n - 1 publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques ;
- la pondération de la destination des appels vers les réseaux tiers constatée par France Télécom pour l'année n - 1 ;
- le montant des charges de terminaison d'appel vers les réseaux tiers de l'année n ;
- les statistiques d'appel de référence pour ce qui concerne les appels métropolitains et d'outre-mer vers des postes fixes et mobiles de métropole et d'outre-mer.
Ainsi, France Télécom dispose dès le début de l'année des éléments qui lui permettront de déterminer l'objectif à atteindre sur l'année, en répercutant les baisses de charge de terminaison d'appel et les économies réalisées grâce à l'amélioration de la productivité.
L'ARCEP compare, chaque année et pour chaque panier, le niveau des tarifs à l'objectif fixé par leur encadrement,
Décide :
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