JORF n°92 du 20 avril 2005

L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « Accès ») ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « Cadre ») ;
Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques ;
Vu la recommandation C(2003)497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « Cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;
Vu la recommandation C(2003)2647 de la Commission des Communautés européennes du 23 juillet 2003 concernant les notifications, délais et consultations prévus par l'article 7 de la directive « Cadre » (recommandation « notification ») ;
Vu la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (CPCE), et notamment ses articles L. 36-7, L. 37-1 et D. 301 à D. 315 ;
Vu la décision n° 2001-458 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 11 mai 2001, portant adoption de lignes directrices relatives aux conditions tarifaires d'interconnexion des opérateurs mobiles puissants sur le marché national de l'interconnexion ;
Vu la décision n° 2001-907 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 24 juillet 2003, établissant pour 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;
Vu la consultation publique préliminaire de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles lancée le 16 avril 2004 et clôturée le 28 mai 2004 ;
Vu les réponses à la consultation susvisée ;
Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence, en date du 23 juin 2004 ;
Vu l'avis du Conseil de la concurrence, en date du 14 octobre 2004 ;
Vu la consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles d'outre-mer, lancée le 8 décembre 2004 et clôturée le 21 janvier 2005, conduite en application de l'article L. 32-1-III du code des postes et des communications électroniques et de l'article 6 de la directive 2002/21/CE ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la notification relative à l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne, en date du 7 décembre 2004 ;
Vu les observations de la Commission européenne, en date du 19 janvier 2005 ;
Vu la décision n° 2005-0111 de l'Autorité, en date du 1er février 2005, relative à la détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles d'outre-mer (décision « définition de marché ») ;
Considérant :
Comme il sera démontré dans cette analyse, l'Autorité estime que Saint-Pierre-et-Miquelon Télécom (SPM Télécom) doit être réputé exercer une influence significative sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients (partie I). Cette situation engendre des obstacles au développement de la concurrence susceptibles d'avoir des conséquences négatives au regard des objectifs poursuivis par l'Autorité conformément au cadre réglementaire, et il est donc nécessaire d'imposer à SPM Télécom certaines obligations (parties II, III et IV).

I. - PUISSANCE DE MARCHÉ DE SPM TÉLÉCOM

L'analyse de l'influence significative sur un marché se fonde sur des principes généraux (I-1), l'étude du comportement des acheteurs et des consommateurs (I-2), l'analyse du comportement tarifaire des opérateurs mobiles (I-3) et l'évolution prévisible du marché (I-4). L'analyse de l'Autorité prend en compte l'avis du Conseil de la concurrence (I-5) et les observations des autres autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne (I-6). Il est conclu que SPM Télécom est réputé exercer une influence significative sur le marché considéré (I-7).

I-1. Principes de la détermination
d'une influence significative sur un marché
I-1.1. Principes généraux

Aux termes de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, « est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ».
En application des principes issus de la jurisprudence tels que rappelés dans les lignes directrices susvisées, la part de marché d'une entreprise constitue un critère essentiel, bien que non exclusif. En effet, la jurisprudence considère que la présence de parts de marché élevées - supérieures à 50 % - permet, sauf circonstances exceptionnelles, d'établir l'existence d'une position dominante. Par ailleurs, l'évolution des parts de marché respectives de l'entreprise et de ses concurrents, sur une période de temps appropriée, constitue un facteur complémentaire.
Les parts de marché peuvent être évaluées sur la base des volumes ou des chiffres d'affaires, l'indicateur le plus pertinent devant être défini en fonction des caractéristiques de chaque marché.
Le critère de la part de marché ne saurait toutefois suffire à établir l'existence d'une position dominante. En application de la jurisprudence et des lignes directrices de la Commission sur l'analyse du marché, d'autres indices de nature plus qualitative sont à prendre en compte dans l'analyse, tels que, notamment :
- la taille de l'entreprise ;
- le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;
- l'avancée ou la supériorité technologique ;
- l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;
- la diversification des produits ou des services ;
- l'intégration verticale de l'entreprise ;
- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;
- l'absence de concurrence potentielle ;
- l'existence d'une concurrence par les prix ;
- d'autres critères, tels que l'accès privilégié aux marchés des capitaux ou la présence d'économies de gamme ou d'échelle.
L'Autorité s'est efforcée de mettre en oeuvre, parmi ces critères, ceux apparaissant comme les plus appropriés à la désignation des opérateurs puissants dans le cadre du marché concerné par la présente analyse.

I-1.2. Application des principes généraux
aux marchés de gros de la terminaison d'appel

Dans la décision « définition de marché » susvisée, il a été indiqué que le marché pertinent considéré était le marché des prestations de terminaison d'appel vocal sur chaque réseau individuel à destination des clients de l'opérateur mobile, quelle que soit l'origine de l'appel (fixe ou mobile, nationale ou internationale), et quelle que soit la technologie utilisée pour produire cette prestation (GSM ou UMTS). Les appels par le biais de hérissons utilisant une carte SIM de cet opérateur, à destination de cet opérateur, ont été inclus dans le marché. L'Autorité examine l'existence d'une éventuelle influence significative individuelle de chaque opérateur sur ce marché de la terminaison vocale ainsi défini.
Chaque opérateur dispose de 100 % de parts de marché sur le marché de la terminaison vocale sur son propre réseau. En effet, les opérateurs de départ ont à leur disposition uniquement deux types de prestations, toutes deux offertes directement par l'opérateur mobile de terminaison (offre d'interconnexion et hérissons)
Outre le fait que chaque opérateur dispose de 100 % de parts de marché, il est techniquement impossible pour un nouvel entrant de rentrer sur l'un de ces marchés (un opérateur ne peut pas proposer d'offre concurrente à celle de l'opérateur mobile pour terminer du trafic vocal sur le réseau de cet opérateur mobile). Ces deux éléments sont soulignés par les lignes directrices de la Commission européenne comme des indicateurs importants d'une présomption d'influence significative sur le marché.

Il n'en reste pas moins qu'une part de marché de 100 % et une absence de concurrence potentielle déjà évoquées précédemment ne sauraient être suffisantes pour qualifier le degré d'influence significative. Il est nécessaire, conformément aux lignes directrices, de procéder à une analyse approfondie des caractéristiques économiques du marché pertinent.
L'évaluation du pouvoir d'achat compensateur dont pourrait bénéficier l'opérateur acheteur ou le consommateur est un élément important qui permet de caractériser le degré d'influence significative de l'opérateur et de comprendre si ce dernier peut effectivement agir indépendamment de la demande et des concurrents. Cette capacité d'agir indépendamment des autres peut être confirmée par l'examen des prix pratiqués par le passé, et notamment par la possibilité de s'écarter durablement de prix correspondant à une rentabilité raisonnable.

I-2. Situation de SPM Télécom

Outre la circonstance que SPM Télécom dispose d'une part de marché de 100 % sur un marché où la concurrence potentielle est a priori nulle, comme l'a montré l'analyse précédente, il est nécessaire d'analyser si cet opérateur peut agir, dans une mesure appréciable, indépendamment des acheteurs de terminaison d'appel.
Le contre-pouvoir s'évalue, d'une part, par la capacité et l'intérêt qu'ont les acheteurs de terminaison sur le marché de gros à s'opposer à une hausse de la charge de terminaison d'appel et, d'autre part, par l'influence du comportement des consommateurs.
SPM Télécom est à la fois le seul opérateur mobile (2 500 clients) et le seul opérateur fixe de Saint-Pierre-et-Miquelon. En outre, SPM Télécom n'est interconnecté qu'avec France Télécom. Le seul acheteur de terminaison d'appel vocal est donc France Télécom, qui est la maison mère de SPM Télécom.
Il n'existe aucun contre-pouvoir des acheteurs.
Ceci est confirmé par le prix élevé de la terminaison d'appel vocal, qui est de 26,6 cEUR/min en utilisant la statistique d'appels définie en annexe A.
L'ART considère qu'en l'absence de régulation de la charge de terminaison d'appel, SPM Télécom est en mesure d'agir indépendamment des acheteurs sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau. Le système dans lequel le client de détail de SPM Télécom n'est pas facturé pour les appels qu'il reçoit n'introduit quasiment aucune pression concurrentielle sur le prix de la terminaison d'appel vocal facturé par SPM Télécom à un opérateur tiers.

I-3. Evolution prévisible de la situation concurrentielle

Les obstacles au développement d'une concurrence effective sur le marché de la terminaison d'appel mobile sont structurels et ne sont donc pas susceptibles d'évoluer a priori sur l'horizon de la période d'analyse (2005-2007).
L'Autorité estime que la faible élasticité de la demande de services téléphoniques par rapport au prix des appels entrants n'évoluera pas dans une proportion susceptible de créer une pression concurrentielle significative sur les charges de terminaison d'appel.
L'Autorité observera néanmoins avec attention le fonctionnement du marché et anticipera le prochain exercice d'analyse du marché si cette analyse prospective ne se vérifiait pas.

I-4. Avis du Conseil de la concurrence

Dans son avis n° 2004-A-17 en date du 14 octobre 2004, le conseil soutient l'analyse développée par l'Autorité :
« Comme le conseil l'a constaté pour la métropole, la terminaison d'appel sur le réseau de chaque opérateur mobile [outre-mer] constitue un marché distinct. Les opérateurs mobiles sont donc détenteurs d'une infrastructure incontournable, ce qui est un élément allant dans le sens de l'exercice d'une influence significative de chaque opérateur sur le marché de gros de la TA vocale sur son réseau. Toutefois, des éléments spécifiques aux sociétés opérant dans ces départements ou aux marchés concernés pourraient remettre en cause l'exercice effectif de ce pouvoir de marché.
Sur cette zone géographique, le seul opérateur présent à la fois sur la téléphonie fixe et sur la téléphonie mobile est SPM Télécom (filiale de France Télécom).
L'opérateur est donc l'unique offreur et son principal client. Cependant, il est possible que les abonnés mobiles de SPM reçoivent des appels en provenance de l'extérieur et donc que des opérateurs en dehors de Saint-Pierre-et-Miquelon paient une CTA mobile à SPM.
L'ensemble de ces éléments indiquent que SPM exerce une puissance significative sur le marché de la TA vocale sur son propre réseau de Saint-Pierre-et-Miquelon. »

I-5. Observations des autorités réglementaires nationales
et de la Commission européenne

Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'ART.
La Commission européenne a transmis le 19 janvier 2005 ses observations :
« La Commission a examiné la notification et formule les observations suivantes :

(1) Définition de marché et "hérissons

Bien qu'il subsiste des doutes sur l'inclusion de la terminaison des appels fixe vers mobile par le biais des "hérissons (le cas échéant) dans le marché pertinent, son exclusion de la définition de marché dans ce cas particulier n'aurait pas conduit à un résultat différent de l'analyse PSM. Par conséquent, la Commission considère qu'une conclusion sur la délimitation exacte du marché de produits n'a pas d'impact dans le cas présent pour les besoins de l'examen PSM.

(2) Obligations de séparation comptable
et de contrôle des prix

La Commission rappelle à l'ART que les décisions précisant les modalités de l'obligation de séparation comptable et de la comptabilisation des coûts doivent être notifiées conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive "Cadre. »
La Commission européenne conclut que :
« Conformément à l'article 7, paragraphe 5, de la directive "Cadre, l'ART doit tenir le plus grand compte des observations formulées par les autres ARN et par la Commission, peut adopter le projet de mesure final et, le cas échéant, le communiquer à la Commission. »

I-6. Conclusion pour SPM Télécom

En conséquence de l'analyse présentée, l'Autorité considère que SPM Télécom doit être réputé exercer une influence significative sur le marché pertinent de gros de terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients.

II. - OBJECTIFS DE L'ACTION RÉGLEMENTAIRE,
INFLUENCE SIGNIFICATIVE ET OBLIGATIONS IMPOSÉES

L'imposition d'obligations ex ante, prévue à l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques, doit être motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire listés à l'article L. 32-1 du code (II-1). Ces obligations doivent être imposées que sur la terminaison d'appel vocal « directe » pour remédier aux obstacles au bon fonctionnement du marché découlant de la capacité de SPM Télécom à exercer une influence significative sur ce marché (II-2).

II-1. Principes généraux

La finalité de la conduite des analyses de marchés est d'identifier les marchés pertinents, les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un de ces marchés et de déterminer les obligations spécifiques qui doivent être imposées de manière motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire. Concrètement, il peut s'agir soit d'imposer de nouvelles obligations, soit de maintenir les obligations qui existent déjà, soit de procéder à leur levée si la situation concurrentielle le justifie.

II-1.1. Objectifs de l'ART

L'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précise les objectifs qui doivent guider l'action générale de l'ART, et donc en particulier son intervention dans le cadre des analyses de marché :
« Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des télécommunications prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent :

  1. A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques.
  2. A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.
  3. Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques.
  4. A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence.
  5. Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis ainsi que de la protection des données à caractère personnel.
  6. Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique.
  7. A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements.
  8. Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48.
  9. A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs.
  10. A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen.
  11. A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation.
  12. A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public.
  13. Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent.
  14. A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »

II-1.2. Principales obligations

Les principales obligations spécifiques prévues par la directive « Accès » susvisée et l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques sont les suivantes :
- obligation relative à l'accès à des ressources de réseau spécifiques et à leur utilisation ;
- obligation de non-discrimination ;
- obligation de transparence, y compris l'obligation d'établir une offre de référence ;
- obligation relative à la séparation comptable ;
- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.

II-2. Obstacles au développement d'une concurrence effective

En vertu des articles L. 37-1 et L. 38 du code des postes et des communications électroniques, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante au niveau des marchés de gros doit permettre « de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective », ces obstacles étant identifiés au cours de l'analyse des marchés. Il convient donc de procéder à cet examen en ce qui concerne SPM Télécom.
Ces obstacles sont de trois ordres :
- la capacité de SPM Télécom à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion avec un opérateur tiers, compte tenu de sa position monopolistique sur le marché ;
- la capacité de SPM Télécom à mettre en oeuvre des discriminations abusives, compte tenu de son intégration verticale sur le marché de la téléphonie mobile et horizontale sur le marché de la téléphonie fixe via son appartenance au groupe France Télécom (partie III) ;
- l'absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel (partie IV).
III. - CAPACITÉ D'OBSTRUCTION DES NÉGOCIATIONS ET DE DISCRIMINATION ABUSIVE COMPTE TENU DE L'INFLUENCE SIGNIFICATIVE DE LA POSITION DE MONOPOLE ET DE L'INTÉGRATION VERTICALE DE SPM TÉLÉCOM
Eu égard à la capacité de SPM Télécom à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion (et de leurs avenants successifs) et de mettre en oeuvre des discriminations abusives compte tenu de l'influence significative de SPM Télécom sur le marché, de sa position de monopole structurel sur le marché de la terminaison d'appel vocal vers son réseau et de son intégration verticale sur le marché du mobile-mobile et du fixe-mobile, l'Autorité estime nécessaire de :
- permettre l'interconnexion et l'accès dans des conditions efficaces (obligation d'accès III-1) ;
- éviter que l'opérateur favorise ses propres services de détail sur la téléphonie mobile ou la société de détail de son groupe qui intervient sur le marché de détail de la téléphonie fixe, ou une société partenaire (obligation de non-discrimination III-2) ;
- donner de la visibilité aux acheteurs sur un élément essentiel de leur plan d'affaires (obligation de transparence III-3) ;
- contrôler la mise en oeuvre de la non-discrimination (obligation de séparation comptable III-4).

III-1. Prestations d'interconnexion et d'accès au réseau mobile

L'article L. 38 (2°) du CPCE et l'article 12 de la directive « Accès » prévoient que l'ART peut imposer des obligations d'accès à un opérateur puissant.
L'Autorité avait envisagé lors de sa consultation publique préliminaire trois sous-obligations : l'obligation générale d'accéder à toute demande raisonnable, l'obligation de fournir une prestation minimale d'acheminement, et l'obligation de fournir une prestation minimale d'accès aux sites. A la lumière des réponses à cette consultation publique, seule la première est finalement retenue.
Afin de permettre l'interopérabilité des services et des investissements efficaces au titre de l'interconnexion ou de l'accès et compte tenu de la position monopolistique de SPM Télécom sur le marché, l'Autorité estime nécessaire d'imposer une obligation d'accepter toute demande raisonnable d'interconnexion et d'accès, à des fins de terminer « directement » du trafic vocal à destination des abonnés de SPM Télécom. Compte tenu de l'impossibilité pour un opérateur souhaitant terminer un appel sur le réseau de déployer ses propres infrastructures, cette obligation est donc justifiée et proportionnée, notamment au regard de l'objectif visant à « [définir des] conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ».
L'Autorité note qu'actuellement France Télécom est le seul opérateur interconnecté avec SPM Télécom. Dans le cadre de la présente analyse prospective, l'Autorité estime qu'il n'y a pas lieu d'aller au-delà de l'obligation générale et de spécifier par avance des obligations spécifiques, et en particulier un ensemble minimal de prestations.
En cas de modification d'une prestation existante par SPM Télécom, l'Autorité sera attentive à ce que l'évolution ne nuise pas à l'efficacité de l'interconnexion ou de l'accès entre opérateurs. Une telle évolution devra en conséquence être communiquée aux opérateurs interconnectés avec des préavis suffisants (cf. III-3).

III-2. Obligation de non-discrimination

L'article L. 38 du CPCE et l'article 10 de la directive « Accès » prévoient la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination.
Les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres entreprises fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.
Comme le précise le considérant 17 de la directive « Accès », l'application d'une obligation de non-discrimination permet de garantir que les entreprises puissantes sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur un marché de détail, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.
La grande technicité des prestations d'interconnexion ou d'accès rend aisée pour un opérateur puissant l'offre de conditions techniques et tarifaires différentes pour ses différents clients, ses partenaires et ses propres services.
Des conditions techniques et tarifaires discriminatoires sur le marché de gros seraient préjudiciables à la concurrence sur les marchés de détail aval des communications fixe vers mobile et des communications mobile vers mobile. Il est donc justifié et proportionné d'introduire une obligation de non-discrimination, d'une part entre clients, et d'autre part entre clients et services internes, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » et « l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».
Ainsi, un opérateur puissant n'est pas autorisé à pratiquer des conditions différenciées quand la prestation d'interconnexion fournie est la même (1).
L'allocation des coûts communs entre services de détail et de gros de l'opérateur doit être non discriminatoire, comme indiqué dans la partie IV-1.


Historique des versions

Version 1

L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « Accès ») ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « Cadre ») ;

Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques ;

Vu la recommandation C(2003)497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « Cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;

Vu la recommandation C(2003)2647 de la Commission des Communautés européennes du 23 juillet 2003 concernant les notifications, délais et consultations prévus par l'article 7 de la directive « Cadre » (recommandation « notification ») ;

Vu la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (CPCE), et notamment ses articles L. 36-7, L. 37-1 et D. 301 à D. 315 ;

Vu la décision n° 2001-458 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 11 mai 2001, portant adoption de lignes directrices relatives aux conditions tarifaires d'interconnexion des opérateurs mobiles puissants sur le marché national de l'interconnexion ;

Vu la décision n° 2001-907 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 24 juillet 2003, établissant pour 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;

Vu la consultation publique préliminaire de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles lancée le 16 avril 2004 et clôturée le 28 mai 2004 ;

Vu les réponses à la consultation susvisée ;

Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence, en date du 23 juin 2004 ;

Vu l'avis du Conseil de la concurrence, en date du 14 octobre 2004 ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles d'outre-mer, lancée le 8 décembre 2004 et clôturée le 21 janvier 2005, conduite en application de l'article L. 32-1-III du code des postes et des communications électroniques et de l'article 6 de la directive 2002/21/CE ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la notification relative à l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne, en date du 7 décembre 2004 ;

Vu les observations de la Commission européenne, en date du 19 janvier 2005 ;

Vu la décision n° 2005-0111 de l'Autorité, en date du 1er février 2005, relative à la détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles d'outre-mer (décision « définition de marché ») ;

Considérant :

Comme il sera démontré dans cette analyse, l'Autorité estime que Saint-Pierre-et-Miquelon Télécom (SPM Télécom) doit être réputé exercer une influence significative sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients (partie I). Cette situation engendre des obstacles au développement de la concurrence susceptibles d'avoir des conséquences négatives au regard des objectifs poursuivis par l'Autorité conformément au cadre réglementaire, et il est donc nécessaire d'imposer à SPM Télécom certaines obligations (parties II, III et IV).

I. - PUISSANCE DE MARCHÉ DE SPM TÉLÉCOM

L'analyse de l'influence significative sur un marché se fonde sur des principes généraux (I-1), l'étude du comportement des acheteurs et des consommateurs (I-2), l'analyse du comportement tarifaire des opérateurs mobiles (I-3) et l'évolution prévisible du marché (I-4). L'analyse de l'Autorité prend en compte l'avis du Conseil de la concurrence (I-5) et les observations des autres autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne (I-6). Il est conclu que SPM Télécom est réputé exercer une influence significative sur le marché considéré (I-7).

I-1. Principes de la détermination

d'une influence significative sur un marché

I-1.1. Principes généraux

Aux termes de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, « est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ».

En application des principes issus de la jurisprudence tels que rappelés dans les lignes directrices susvisées, la part de marché d'une entreprise constitue un critère essentiel, bien que non exclusif. En effet, la jurisprudence considère que la présence de parts de marché élevées - supérieures à 50 % - permet, sauf circonstances exceptionnelles, d'établir l'existence d'une position dominante. Par ailleurs, l'évolution des parts de marché respectives de l'entreprise et de ses concurrents, sur une période de temps appropriée, constitue un facteur complémentaire.

Les parts de marché peuvent être évaluées sur la base des volumes ou des chiffres d'affaires, l'indicateur le plus pertinent devant être défini en fonction des caractéristiques de chaque marché.

Le critère de la part de marché ne saurait toutefois suffire à établir l'existence d'une position dominante. En application de la jurisprudence et des lignes directrices de la Commission sur l'analyse du marché, d'autres indices de nature plus qualitative sont à prendre en compte dans l'analyse, tels que, notamment :

- la taille de l'entreprise ;

- le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;

- l'avancée ou la supériorité technologique ;

- l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;

- la diversification des produits ou des services ;

- l'intégration verticale de l'entreprise ;

- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;

- l'absence de concurrence potentielle ;

- l'existence d'une concurrence par les prix ;

- d'autres critères, tels que l'accès privilégié aux marchés des capitaux ou la présence d'économies de gamme ou d'échelle.

L'Autorité s'est efforcée de mettre en oeuvre, parmi ces critères, ceux apparaissant comme les plus appropriés à la désignation des opérateurs puissants dans le cadre du marché concerné par la présente analyse.

I-1.2. Application des principes généraux

aux marchés de gros de la terminaison d'appel

Dans la décision « définition de marché » susvisée, il a été indiqué que le marché pertinent considéré était le marché des prestations de terminaison d'appel vocal sur chaque réseau individuel à destination des clients de l'opérateur mobile, quelle que soit l'origine de l'appel (fixe ou mobile, nationale ou internationale), et quelle que soit la technologie utilisée pour produire cette prestation (GSM ou UMTS). Les appels par le biais de hérissons utilisant une carte SIM de cet opérateur, à destination de cet opérateur, ont été inclus dans le marché. L'Autorité examine l'existence d'une éventuelle influence significative individuelle de chaque opérateur sur ce marché de la terminaison vocale ainsi défini.

Chaque opérateur dispose de 100 % de parts de marché sur le marché de la terminaison vocale sur son propre réseau. En effet, les opérateurs de départ ont à leur disposition uniquement deux types de prestations, toutes deux offertes directement par l'opérateur mobile de terminaison (offre d'interconnexion et hérissons)

Outre le fait que chaque opérateur dispose de 100 % de parts de marché, il est techniquement impossible pour un nouvel entrant de rentrer sur l'un de ces marchés (un opérateur ne peut pas proposer d'offre concurrente à celle de l'opérateur mobile pour terminer du trafic vocal sur le réseau de cet opérateur mobile). Ces deux éléments sont soulignés par les lignes directrices de la Commission européenne comme des indicateurs importants d'une présomption d'influence significative sur le marché.

Il n'en reste pas moins qu'une part de marché de 100 % et une absence de concurrence potentielle déjà évoquées précédemment ne sauraient être suffisantes pour qualifier le degré d'influence significative. Il est nécessaire, conformément aux lignes directrices, de procéder à une analyse approfondie des caractéristiques économiques du marché pertinent.

L'évaluation du pouvoir d'achat compensateur dont pourrait bénéficier l'opérateur acheteur ou le consommateur est un élément important qui permet de caractériser le degré d'influence significative de l'opérateur et de comprendre si ce dernier peut effectivement agir indépendamment de la demande et des concurrents. Cette capacité d'agir indépendamment des autres peut être confirmée par l'examen des prix pratiqués par le passé, et notamment par la possibilité de s'écarter durablement de prix correspondant à une rentabilité raisonnable.

I-2. Situation de SPM Télécom

Outre la circonstance que SPM Télécom dispose d'une part de marché de 100 % sur un marché où la concurrence potentielle est a priori nulle, comme l'a montré l'analyse précédente, il est nécessaire d'analyser si cet opérateur peut agir, dans une mesure appréciable, indépendamment des acheteurs de terminaison d'appel.

Le contre-pouvoir s'évalue, d'une part, par la capacité et l'intérêt qu'ont les acheteurs de terminaison sur le marché de gros à s'opposer à une hausse de la charge de terminaison d'appel et, d'autre part, par l'influence du comportement des consommateurs.

SPM Télécom est à la fois le seul opérateur mobile (2 500 clients) et le seul opérateur fixe de Saint-Pierre-et-Miquelon. En outre, SPM Télécom n'est interconnecté qu'avec France Télécom. Le seul acheteur de terminaison d'appel vocal est donc France Télécom, qui est la maison mère de SPM Télécom.

Il n'existe aucun contre-pouvoir des acheteurs.

Ceci est confirmé par le prix élevé de la terminaison d'appel vocal, qui est de 26,6 cEUR/min en utilisant la statistique d'appels définie en annexe A.

L'ART considère qu'en l'absence de régulation de la charge de terminaison d'appel, SPM Télécom est en mesure d'agir indépendamment des acheteurs sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau. Le système dans lequel le client de détail de SPM Télécom n'est pas facturé pour les appels qu'il reçoit n'introduit quasiment aucune pression concurrentielle sur le prix de la terminaison d'appel vocal facturé par SPM Télécom à un opérateur tiers.

I-3. Evolution prévisible de la situation concurrentielle

Les obstacles au développement d'une concurrence effective sur le marché de la terminaison d'appel mobile sont structurels et ne sont donc pas susceptibles d'évoluer a priori sur l'horizon de la période d'analyse (2005-2007).

L'Autorité estime que la faible élasticité de la demande de services téléphoniques par rapport au prix des appels entrants n'évoluera pas dans une proportion susceptible de créer une pression concurrentielle significative sur les charges de terminaison d'appel.

L'Autorité observera néanmoins avec attention le fonctionnement du marché et anticipera le prochain exercice d'analyse du marché si cette analyse prospective ne se vérifiait pas.

I-4. Avis du Conseil de la concurrence

Dans son avis n° 2004-A-17 en date du 14 octobre 2004, le conseil soutient l'analyse développée par l'Autorité :

« Comme le conseil l'a constaté pour la métropole, la terminaison d'appel sur le réseau de chaque opérateur mobile [outre-mer] constitue un marché distinct. Les opérateurs mobiles sont donc détenteurs d'une infrastructure incontournable, ce qui est un élément allant dans le sens de l'exercice d'une influence significative de chaque opérateur sur le marché de gros de la TA vocale sur son réseau. Toutefois, des éléments spécifiques aux sociétés opérant dans ces départements ou aux marchés concernés pourraient remettre en cause l'exercice effectif de ce pouvoir de marché.

Sur cette zone géographique, le seul opérateur présent à la fois sur la téléphonie fixe et sur la téléphonie mobile est SPM Télécom (filiale de France Télécom).

L'opérateur est donc l'unique offreur et son principal client. Cependant, il est possible que les abonnés mobiles de SPM reçoivent des appels en provenance de l'extérieur et donc que des opérateurs en dehors de Saint-Pierre-et-Miquelon paient une CTA mobile à SPM.

L'ensemble de ces éléments indiquent que SPM exerce une puissance significative sur le marché de la TA vocale sur son propre réseau de Saint-Pierre-et-Miquelon. »

I-5. Observations des autorités réglementaires nationales

et de la Commission européenne

Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'ART.

La Commission européenne a transmis le 19 janvier 2005 ses observations :

« La Commission a examiné la notification et formule les observations suivantes :

(1) Définition de marché et "hérissons

Bien qu'il subsiste des doutes sur l'inclusion de la terminaison des appels fixe vers mobile par le biais des "hérissons (le cas échéant) dans le marché pertinent, son exclusion de la définition de marché dans ce cas particulier n'aurait pas conduit à un résultat différent de l'analyse PSM. Par conséquent, la Commission considère qu'une conclusion sur la délimitation exacte du marché de produits n'a pas d'impact dans le cas présent pour les besoins de l'examen PSM.

(2) Obligations de séparation comptable

et de contrôle des prix

La Commission rappelle à l'ART que les décisions précisant les modalités de l'obligation de séparation comptable et de la comptabilisation des coûts doivent être notifiées conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive "Cadre. »

La Commission européenne conclut que :

« Conformément à l'article 7, paragraphe 5, de la directive "Cadre, l'ART doit tenir le plus grand compte des observations formulées par les autres ARN et par la Commission, peut adopter le projet de mesure final et, le cas échéant, le communiquer à la Commission. »

I-6. Conclusion pour SPM Télécom

En conséquence de l'analyse présentée, l'Autorité considère que SPM Télécom doit être réputé exercer une influence significative sur le marché pertinent de gros de terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients.

II. - OBJECTIFS DE L'ACTION RÉGLEMENTAIRE,

INFLUENCE SIGNIFICATIVE ET OBLIGATIONS IMPOSÉES

L'imposition d'obligations ex ante, prévue à l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques, doit être motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire listés à l'article L. 32-1 du code (II-1). Ces obligations doivent être imposées que sur la terminaison d'appel vocal « directe » pour remédier aux obstacles au bon fonctionnement du marché découlant de la capacité de SPM Télécom à exercer une influence significative sur ce marché (II-2).

II-1. Principes généraux

La finalité de la conduite des analyses de marchés est d'identifier les marchés pertinents, les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un de ces marchés et de déterminer les obligations spécifiques qui doivent être imposées de manière motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire. Concrètement, il peut s'agir soit d'imposer de nouvelles obligations, soit de maintenir les obligations qui existent déjà, soit de procéder à leur levée si la situation concurrentielle le justifie.

II-1.1. Objectifs de l'ART

L'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précise les objectifs qui doivent guider l'action générale de l'ART, et donc en particulier son intervention dans le cadre des analyses de marché :

« Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des télécommunications prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent :

1. A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques.

2. A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.

3. Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques.

4. A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence.

5. Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis ainsi que de la protection des données à caractère personnel.

6. Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique.

7. A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements.

8. Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48.

9. A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs.

10. A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen.

11. A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation.

12. A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public.

13. Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent.

14. A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »

II-1.2. Principales obligations

Les principales obligations spécifiques prévues par la directive « Accès » susvisée et l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques sont les suivantes :

- obligation relative à l'accès à des ressources de réseau spécifiques et à leur utilisation ;

- obligation de non-discrimination ;

- obligation de transparence, y compris l'obligation d'établir une offre de référence ;

- obligation relative à la séparation comptable ;

- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.

II-2. Obstacles au développement d'une concurrence effective

En vertu des articles L. 37-1 et L. 38 du code des postes et des communications électroniques, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante au niveau des marchés de gros doit permettre « de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective », ces obstacles étant identifiés au cours de l'analyse des marchés. Il convient donc de procéder à cet examen en ce qui concerne SPM Télécom.

Ces obstacles sont de trois ordres :

- la capacité de SPM Télécom à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion avec un opérateur tiers, compte tenu de sa position monopolistique sur le marché ;

- la capacité de SPM Télécom à mettre en oeuvre des discriminations abusives, compte tenu de son intégration verticale sur le marché de la téléphonie mobile et horizontale sur le marché de la téléphonie fixe via son appartenance au groupe France Télécom (partie III) ;

- l'absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel (partie IV).

III. - CAPACITÉ D'OBSTRUCTION DES NÉGOCIATIONS ET DE DISCRIMINATION ABUSIVE COMPTE TENU DE L'INFLUENCE SIGNIFICATIVE DE LA POSITION DE MONOPOLE ET DE L'INTÉGRATION VERTICALE DE SPM TÉLÉCOM

Eu égard à la capacité de SPM Télécom à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion (et de leurs avenants successifs) et de mettre en oeuvre des discriminations abusives compte tenu de l'influence significative de SPM Télécom sur le marché, de sa position de monopole structurel sur le marché de la terminaison d'appel vocal vers son réseau et de son intégration verticale sur le marché du mobile-mobile et du fixe-mobile, l'Autorité estime nécessaire de :

- permettre l'interconnexion et l'accès dans des conditions efficaces (obligation d'accès III-1) ;

- éviter que l'opérateur favorise ses propres services de détail sur la téléphonie mobile ou la société de détail de son groupe qui intervient sur le marché de détail de la téléphonie fixe, ou une société partenaire (obligation de non-discrimination III-2) ;

- donner de la visibilité aux acheteurs sur un élément essentiel de leur plan d'affaires (obligation de transparence III-3) ;

- contrôler la mise en oeuvre de la non-discrimination (obligation de séparation comptable III-4).

III-1. Prestations d'interconnexion et d'accès au réseau mobile

L'article L. 38 (2°) du CPCE et l'article 12 de la directive « Accès » prévoient que l'ART peut imposer des obligations d'accès à un opérateur puissant.

L'Autorité avait envisagé lors de sa consultation publique préliminaire trois sous-obligations : l'obligation générale d'accéder à toute demande raisonnable, l'obligation de fournir une prestation minimale d'acheminement, et l'obligation de fournir une prestation minimale d'accès aux sites. A la lumière des réponses à cette consultation publique, seule la première est finalement retenue.

Afin de permettre l'interopérabilité des services et des investissements efficaces au titre de l'interconnexion ou de l'accès et compte tenu de la position monopolistique de SPM Télécom sur le marché, l'Autorité estime nécessaire d'imposer une obligation d'accepter toute demande raisonnable d'interconnexion et d'accès, à des fins de terminer « directement » du trafic vocal à destination des abonnés de SPM Télécom. Compte tenu de l'impossibilité pour un opérateur souhaitant terminer un appel sur le réseau de déployer ses propres infrastructures, cette obligation est donc justifiée et proportionnée, notamment au regard de l'objectif visant à « [définir des] conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ».

L'Autorité note qu'actuellement France Télécom est le seul opérateur interconnecté avec SPM Télécom. Dans le cadre de la présente analyse prospective, l'Autorité estime qu'il n'y a pas lieu d'aller au-delà de l'obligation générale et de spécifier par avance des obligations spécifiques, et en particulier un ensemble minimal de prestations.

En cas de modification d'une prestation existante par SPM Télécom, l'Autorité sera attentive à ce que l'évolution ne nuise pas à l'efficacité de l'interconnexion ou de l'accès entre opérateurs. Une telle évolution devra en conséquence être communiquée aux opérateurs interconnectés avec des préavis suffisants (cf. III-3).

III-2. Obligation de non-discrimination

L'article L. 38 du CPCE et l'article 10 de la directive « Accès » prévoient la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination.

Les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres entreprises fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.

Comme le précise le considérant 17 de la directive « Accès », l'application d'une obligation de non-discrimination permet de garantir que les entreprises puissantes sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur un marché de détail, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.

La grande technicité des prestations d'interconnexion ou d'accès rend aisée pour un opérateur puissant l'offre de conditions techniques et tarifaires différentes pour ses différents clients, ses partenaires et ses propres services.

Des conditions techniques et tarifaires discriminatoires sur le marché de gros seraient préjudiciables à la concurrence sur les marchés de détail aval des communications fixe vers mobile et des communications mobile vers mobile. Il est donc justifié et proportionné d'introduire une obligation de non-discrimination, d'une part entre clients, et d'autre part entre clients et services internes, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » et « l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».

Ainsi, un opérateur puissant n'est pas autorisé à pratiquer des conditions différenciées quand la prestation d'interconnexion fournie est la même (1).

L'allocation des coûts communs entre services de détail et de gros de l'opérateur doit être non discriminatoire, comme indiqué dans la partie IV-1.