- Sur la solution retenue pour le trafic
entrant dans le réseau de TD
L'Autorité estime que les interconnexions aux commutateurs de Télécom Développement doivent pouvoir être sécurisées.
En effet, lorsqu'une telle interconnexion tombe en panne, les clients de Télécom Développement raccordés sur le CA concerné n'ont plus la possibilité d'accéder à son service, et ce tant que l'interconnexion n'est pas rétablie.
Les parties ont fourni divers éléments en vue de quantifier ces pannes. Malgré des désaccords sur leurs données respectives, elles s'accordent sur le fait que le volume de minutes impactées est faible comparé à celui des minutes d'interconnexion échangées. Le taux de panne ne vient donc pas perturber le niveau des indicateurs moyens de qualité de service mesurés mensuellement ou annuellement sur l'ensemble des interconnexions et sur lequel se sont engagées les parties dans leur convention d'interconnexion.
Toutefois, ces éléments ne mesurent pas l'impact sur les abonnés. En effet, les indicateurs qui existent aujourd'hui à l'interconnexion sont des indicateurs de la qualité technique des réseaux ; ils ne mesurent pas les désagréments subis par les abonnés lorsque leurs communications passent par des réseaux interconnectés.
Néanmoins, on peut estimer, d'après les chiffres fournis, que chaque abonné de Télécom Développement est potentiellement privé du service de Télécom Développement une heure continue par an. Le préjudice ainsi subi par Télécom Développement, notamment en terme d'image de marque, est important.
France Télécom fait de plus, depuis le début de l'année 1999, des offres qui permettent la sécurisation des interconnexions et reconnaît donc implicitement le risque de pannes et la nécessité de donner les moyens à un opérateur interconnecté de s'en prémunir.
Ainsi, même en l'absence d'indicateurs précis, les parties s'accordent sur la nécessité de sécuriser les liens entre commutateurs et le souhait de Télécom Développement de s'assurer d'une bonne sécurisation à ce niveau n'est pas contesté.
France Télécom a proposé à Télécom Développement, dans le cadre des discussions, plusieurs offres en vue de sécuriser l'interconnexion de son réseau à celui de France Télécom. Toutefois, l'Autorité reconnaît la validité des arguments de Télécom Développement démontrant que ces solutions ne sont pas adaptées à ses besoins :
- la solution dite de débordement manuel ou semi-automatique entraîne des temps de coupure du service de l'ordre de l'heure, difficilement compatibles avec un service de qualité acceptable pour le client final ;
- la solution par diversité ne permet de conserver qu'une partie du trafic. De plus, elle suppose que, de façon permanente, une proportion du trafic soit payée par TD au tarif simple transit, ce qui entraîne des surcoûts incontestables ;
- la solution s'appuyant sur des ressources réservées est probablement très onéreuse. L'Autorité note à cet égard que France Télécom n'a pas souhaité, dans les réponses au questionnaire qui lui a été adressé, fournir d'estimation des tarifs correspondants, préférant en rester au niveau d'une description générique.
Par ailleurs, France Télécom utilise le débordement automatique de trafic pour sécuriser son propre trafic. L'Autorité considère que France Télécom doit, en application du principe de non-discrimination, proposer à Télécom Développement un mécanisme similaire. Toutefois, France Télécom n'utilise cette possibilité qu'en complément d'autres solutions de sécurisation : en particulier, France Télécom sécurise systématiquement en transmission ses liens entre commutateurs, limitant ainsi le recours au débordement et les surdimensionnements des faisceaux en résultant. Il est donc légitime que France Télécom demande à terme à Télécom Développement de mettre également en oeuvre des mesures de sécurisation en transmission au-delà d'un certain volume de trafic, avant de la faire bénéficier du débordement automatique. Dans l'hypothèse inverse, la contrainte pesant sur France Télécom serait disproportionnée.
Toutefois, il ne paraît pas raisonnable d'imposer dès à présent à Télécom Développement de sécuriser ses interconnexions en transmission pour bénéficier du débordement automatique.
En effet, il s'agit d'une contrainte nouvelle que l'opérateur n'a pas été en mesure d'intégrer dans ses plans de déploiement. Il convient donc de lui laisser le temps nécessaire à la conduite des adaptations de son réseau.
De plus, si Télécom Développement peut sécuriser en transmission ses interconnexions au CA soit au travers des offres que France Télécom propose dans le cadre de son catalogue d'interconnexion (interconnexion en ligne sécurisée selon un mode 1 + 1 ; interconnexion avec deux modes utilisant soit une interconnexion en ligne et des liaisons de raccordement, soit une colocalisation et des liaisons de raccordement ; raccordement de deux points de présence ou de deux commutateurs sur un commutateur d'abonnés), soit par ses propres moyens lorsqu'il se colocalise (en sécurisant selon un mode 1 + 1 ou au travers des boucles optiques pour s'interconnecter à plusieurs CA), ce dispositif n'est pas complet. En particulier, il ne permet pas à l'opérateur interconnecté de sécuriser ses interconnexions lorsqu'il a recours à des liaisons fournies par France Télécom. Il apparaît donc nécessaire à l'Autorité que France Télécom complète ses offres par des liaisons d'interconnexion sécurisées en transmission au travers, par exemple, de solutions de liaisons d'interconnexion fiabilisées ou sous la forme de boucles optiques raccordant le point de présence de l'opérateur à plusieurs CA, afin que Télécom Développement puisse également sécuriser en transmission ses interconnexions aux CA dans les cas où elle ne construit pas elle-même les liaisons d'interconnexion entre son réseau et celui de France Télécom.
L'Autorité estime qu'un délai courant jusqu'à la fin de l'année 2001 est nécessaire pour prendre en compte ces différentes contraintes. A l'issue de cette période transitoire, Télécom Développement devra avoir mis en place d'autres formes de sécurisation pour pouvoir continuer à bénéficier de l'offre de débordement automatique de France Télécom, sauf pour les interconnexions de faible taille à un CA.
L'Autorité estime, dans l'hypothèse où France Télécom fournirait également des liaisons d'interconnexion sécurisées en transmission, à 8 BPN (blocs primaires numériques) le seuil au-delà duquel Télécom Développement devrait à terme mettre en oeuvre des solutions de sécurisation en transmission pour bénéficier du débordement automatique. Ce seuil est au demeurant cohérent avec les contraintes actuellement imposées par France Télécom dans le cadre de l'interconnexion. En effet, les conditions posées par France Télécom ne permettent pas en général de sécuriser l'interconnexion en dessous de 8 BPN par CA. Par exemple, il existe un seuil de 8 BPN pour pouvoir effectuer un double rattachement, et un seuil de 4 BPN pour bénéficier de la colocalisation ou de l'interconnexion en ligne, qu'il convient en pratique de multiplier par deux si l'on veut effectuer une interconnexion selon deux modes. Il ne peut donc être légitimement demandé à Télécom Développement de sécuriser ses interconnexions en transmission lorsque celles-ci sont inférieures à 8 BPN.
Par ailleurs, l'Autorité considère que les objections de France Télécom concernant l'impact du débordement de trafic sur son réseau et la qualité de service doivent être relativisées :
- la convention d'interconnexion entre Télécom Développement et France Télécom prévoit le respect par Télécom Développement d'un certain nombre de paramètres concernant le profil du trafic à l'interconnexion. Ces dispositions limitent considérablement l'impact éventuel du débordement de trafic demandé. L'Autorité constate d'ailleurs que France Télécom ne conditionne la possibilité de déborder par le PRO pour le trafic sortant du réseau de Télécom Développement qu'au respect de la variance et du nombre de minutes par Erlang prévus dans les conventions d'interconnexion. France Télécom a toutefois avancé que le cas du trafic entrant diffère de celui du trafic sortant dans la mesure où il n'est pas certain, dans le cas du trafic entrant, que Télécom Développement ait dimensionné ses interconnexions au PRO de façon à être en mesure de recueillir le surplus de trafic généré par un débordement, et qu'en conséquence un tel débordement peut générer des acheminements inefficaces dans le réseau de France Télécom. L'Autorité constate à cet égard que le catalogue d'interconnexion de France Télécom prévoit que l'opérateur interconnecté doit respecter un taux d'échec maximum. L'argument de France Télécom ne peut donc être retenu ;
- il existe moins d'un incident par an et par CA ;
- même si plusieurs opérateurs bénéficient de cette offre, la probabilité d'incidents simultanés est faible.
Au surplus, Télécom Développement ne demande pas, contrairement à ce qu'affirme France Télécom, un traitement prioritaire de son trafic, mais que ce dernier soit traité de façon non discriminatoire par rapport à celui de France Télécom. Télécom Développement a d'ailleurs proposé de convenir de mesures de régulation de trafic si France Télécom l'estimait nécessaire.
L'Autorité écarte également l'argument de France Télécom selon lequel l'impossibilité de distinguer en temps réel le débordement de sécurisation de celui dû à des pointes de trafic est un obstacle à la mise en oeuvre de la solution demandée par Télécom Développement. En effet, s'il est vrai qu'un contrôle en temps réel du type de débordement n'est pas réalisable, il est en revanche possible de le faire a posteriori et de prévenir d'éventuels abus en prévoyant de les sanctionner le cas échéant.
Enfin, l'Autorité reconnaît que les conditions contractuelles en vigueur entre les parties n'obligent pas France Télécom à fournir à Télécom Développement la solution de sécurisation demandée. Toutefois, conformément aux dispositions de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications, cet argument ne peut être retenu pour refuser de faire droit à une demande de prestation d'interconnexion, dès lors que cette demande est raisonnable au regard des besoins du demandeur et des capacités de l'exploitant à les satisfaire.
L'Autorité note au demeurant que l'article D. 99-9 prévoit que les conventions précisent au minimum, au titre des caractéristiques techniques des services d'interconnexion, la qualité des prestations fournies, dont la sécurisation. Or, les interconnexions au CA fournies par France Télécom ne sont pas sécurisées. De plus, les différentes possibilités évoquées ci-dessus ne constituent pas des offres de sécurisation en tant que telles, mais des possibilités offertes aux opérateurs pour sécuriser leurs interconnexions.
En conséquence, l'Autorité décide que France Télécom fournira, pour le trafic entrant sur le réseau de Télécom Développement, une prestation de sécurisation des interconnexions aux commutateurs d'abonnés par débordement du trafic sur le PRO dans les conditions définies ci-après. Télécom Développement ne pourra utiliser ce débordement qu'à des fins de sécurisation de son réseau : elle ne pourra pas l'utiliser pour gérer les pointes de trafic :
a) Pendant une période transitoire de vingt-trois mois à compter de la traduction de la présente décision dans un avenant à la convention d'interconnexion entre France Télécom et Télécom Développement, ce débordement sera dans tous les cas automatique ;
b) A l'issue de cette période transitoire, ce débordement sera automatique si Télécom Développement dispose pour le CA concerné d'un nombre de BPN (blocs primaires numériques) d'interconnexion inférieur ou égal à un certain seuil à déterminer entre les parties.
Il sera, pour les commutateurs sur lesquels Télécom Développement dispose d'un nombre de BPN (blocs primaires numériques) d'interconnexion supérieur à ce seuil, automatique dès lors que Télécom Développement aura sécurisé son interconnexion en transmission, et manuel dans les autres cas ;
c) France Télécom traite ce trafic de manière non discriminatoire par rapport à son propre trafic. Les parties conviendront d'un commun accord de mesures de régulation de trafic qu'elles estimeraient nécessaires.
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