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Décision n° D-2023-03-38-23
Vu la procédure suivante :
Par une saisine et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 juin 2023 et le 8 août 2023 sous le numéro 03-38-23, la société Compagnie Immobilière Perrissel et associés (marque « Agence étoile »), représentant, en qualité de syndic, le syndicat des copropriétaires du […] à […], demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures :
- à titre principal, d'enjoindre à la société Enedis de remplacer la boîte de raccordement située au pied de la colonne montante de l'immeuble, de déposer deux boîtes de raccordement situées en cave et de remplacer les câbles de dérivation sous gaine « tissu » situés entre la colonne montante et les dispositifs de comptage de certains appartements de l'immeuble ;
- à titre subsidiaire, de faire diligenter une visite technique par un représentant de la maire de Paris, en sa qualité de représentant de l'autorité délégante de la concession de service public à la société Enedis, ou par un expert près les tribunaux, en présence des parties, dont les conclusions seront diffusées sous forme de rapport à l'ensemble des parties et auront valeur de directives en ce qui concerne les éventuelles préconisations techniques émises.
La société Compagnie Immobilière Perrissel et associés soutient :
- qu'à la suite d'un incendie qui s'est déclaré le 22 février 2022 dans les caves de l'immeuble du […] à […], provoqué par un court-circuit dans une boîte de raccordement de la colonne montante. elle a, en sa qualité de syndic de cet immeuble, demandé à la société Enedis de remplacer ou déposer certaines installations électriques de l'immeuble qu'elle estime vétustes et susceptibles de poser des problèmes de sécurité ;
- que la société Enedis a refusé de faire droit à cette demande, après deux visites techniques qui ont eu lieu les 6 octobre et 22 décembre 2022, en considérant que ces installations ne posent pas de problèmes de sécurité ; que la société Enedis ne lui a pas communiqué les rapports consécutifs à ces deux visites techniques.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 10 juillet 2023 et le 1er septembre 2023, la société Enedis, représentée par Me Trecourt, demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
- à titre principal, de se déclarer incompétent pour connaître de la demande de règlement de différend ;
- subsidiairement, de déclarer la demanderesse irrecevable ;
- plus subsidiairement encore, de débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes.
La société Enedis soutient :
- que le CoRDiS n'est pas compétent dès lors qu'aucun différend relevant de difficultés d'utilisation ou d'accès au réseau n'est caractérisé ;
- que la demande de règlement de différend est irrecevable dès lors qu'il n'appartient qu'à la seule société Enedis, en qualité de gestionnaire du réseau public de distribution, sous sa responsabilité, de déterminer si la sécurité des biens et des personnes exige de procéder à des travaux de renouvellement d'un élément du réseau public de distribution ; que, par suite, le syndicat des copropriétaires n'a pas qualité pour mettre en cause l'exécution par la société Enedis de ses obligations relatives à l'exploitation, l'entretien et le renouvellement du réseau ;
- qu'en tout état de cause, la demande n'est pas fondée, dès lors que le syndicat des copropriétaires n'établit pas que les installations électriques en cause seraient vétustes et nécessiteraient d'être déposées ou remplacées ; qu'il n'existe aucune obligation de mise en conformité d'une installation ancienne aux normes nouvelles.
Par une décision du 1er septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures.
Par une décision du 21 septembre 2023, l'instruction a été rouverte.
Le 21 septembre 2023, une mesure d'instruction a été adressée à la société Enedis afin que celle-ci communique une copie des rapports établis à l'issue des visites techniques réalisées les 6 octobre et 22 décembre 2022 au sein de l'immeuble en cause.
Le 28 septembre 2023, la société Enedis a présenté des observations en réponse à la mesure d'instruction. Elle produit le rapport de la visite technique du 22 décembre 2022 et affirme avoir « mis à son programme » les travaux sollicités, à savoir la dépose des deux boîtes de raccordement visées par le syndic et le remplacement de la boîte de raccordement située au pied de colonne. S'agissant du remplacement des câbles de dérivation individuelle sous gaine « tissu », la société Enedis indique que la demande doit être présentée par chaque copropriétaire individuellement auprès de l'« agence raccordement Enedis ».
Par une décision du 28 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 12 heures.
Par des courriers du 28 septembre 2023, les parties ont été informées que la séance publique se tiendrait le 9 octobre 2023 à 11 h 15.
Les parties ont été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Tuot, président, M. de Larosière, Mme Ducloz et M. Simonel, membres, qui s'est tenue le 9 octobre 2023 en présence de :
Mme Bonhomme, directrice des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché ;
M. Maslarski, rapporteur ;
Les représentants de la société Compagnie Immobilière Perrissel et associés ;
Les représentants de la société Enedis, assistés de Me Trecourt.
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Maslarski, présentant les conclusions et les moyens des parties ;
- les observations de Mme X pour la société Compagnie Immobilière Perrissel et associés représentant, en qualité de syndic, le syndicat des copropriétaires du […] à […] et de M. Y, membre du conseil syndical ; le syndic persiste dans ses moyens et conclusions ; la pièce produite au cours de la séance publique par M. Y, consistant en deux photographies récentes des installations en cause après passage d'agents de la société Enedis, dont l'une présente un bandeau d'alerte informant du risque d'un danger de mort, a été communiquée au conseil de la société Enedis ;
- les observations de Me Trecourt pour la société Enedis ; cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en a délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 12 juillet 2023 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 03-38-23.
Sur la compétence du CoRDiS :
- D'une part, aux termes de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : / 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ou de réseaux fermés de distribution d'électricité ; / (…) Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97 (…) ». Aux termes de l'article L. 134-20 du même code : « La décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. (…) / Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité fixe, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation ».
- D'autre part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de l'énergie : « Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ». Aux termes du premier alinéa de l'article L. 322-9 du même code : « Chaque gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité veille, à tout instant, à l'équilibre des flux d'électricité, à l'efficacité, à la sécurité et à la sûreté du réseau qu'il exploite, compte tenu des contraintes techniques pesant sur ce dernier ». Aux termes de l'article R. 323-33 du même code : « Les ouvrages des réseaux publics d'électricité et ceux des lignes directes ainsi que toutes les installations qui en dépendent sont exploités dans des conditions garantissant leur bon fonctionnement, leurs performances et leur sécurité ». Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au gestionnaire d'un réseau de distribution d'électricité, au titre de son obligation de sécurité et de sûreté, d'identifier et d'évaluer précisément les risques que peuvent présenter toutes les installations dont il a la charge et de mettre en œuvre, dans les délais requis, tous les moyens nécessaires pour écarter ces risques, en assurant ainsi la protection des personnes et des biens.
- En l'espèce, la demande de règlement de différend dont est saisi le comité porte sur la mise en sécurité d'installations électriques qui sont situées dans un immeuble d'habitation et qui relèvent du réseau public de distribution d'électricité géré par la société Enedis. Ce différend porte, ainsi, sur l'utilisation de ce réseau public, au sens des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie précédemment mentionnées. Le CoRDiS est, par suite, compétent pour en connaître.
- L'exception d'incompétence soulevée par la société Enedis doit, dès lors, être rejetée.
Sur la recevabilité de la demande de règlement de différend : - La société Enedis soutient que le syndicat des copropriétaires du […] à […], au nom et pour le compte duquel est introduite la présente demande de règlement de différend, n'aurait pas qualité pour la mettre en cause s'agissant de l'exécution de ses obligations relatives à l'exploitation, l'entretien et le renouvellement du réseau.
- D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie précédemment citées que l'utilisateur d'un réseau de distribution d'électricité peut saisir le CoRDiS d'une demande de règlement de différend qui l'oppose au gestionnaire de ce réseau, dès lors que ce différend porte sur l'accès et l'utilisation du réseau.
- D'autre part, aux termes de l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis : « I. - Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé (…) : / d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ; (…) de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice dans les cas mentionnés aux articles 15 et 16 de la présente loi (…). »
- En l'espèce, la demande de règlement de différend dont est saisi le comité est relative à la mise en sécurité immédiate d'installations électriques dangereuses relevant du réseau public de distribution d'électricité géré par la société Enedis et situées, d'une part, dans les parties communes d'un immeuble d'habitation et, d'autre part, dans certaines de ses parties privatives. Par leur nature, leur étendue et leur intensité, les troubles causés par ces dangers électriques affectent de manière indivisible tant les parties communes que les parties privatives de l'immeuble et présentent, ainsi, un caractère collectif. Par conséquent, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble considéré, régulièrement représenté par le syndic de l'immeuble, a qualité pour former la présente demande de règlement de différend.
- La fin de non-recevoir soulevée par la société Enedis doit, dès lors, être rejetée.
Sur le fond : - Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un incendie qui s'est déclaré le 22 février 2022 dans les caves de l'immeuble du […] à […] en raison du dysfonctionnement d'un équipement électrique de la colonne montante, le syndic de l'immeuble a demandé à la société Enedis de déposer et de remplacer certains équipements électriques que le syndic estime vétustes et susceptibles de faire naître de sérieux risques de sécurité. Il ressort tant du rapport établi à l'issue de la visite du 22 décembre 2022 diligentée par la société Enedis, que d'une nouvelle visite ayant eu lieu le 13 septembre 2023 à l'initiative de la société Enedis et dont les conclusions ont été débattues au cours de la séance publique du comité, que plusieurs installations électriques de l'immeuble sont dans un état révélant des risques objectifs, graves et manifestes pour la sécurité des personnes et des biens. Cette situation d'urgence appelle la réalisation, dans les plus brefs délais de travaux de mise en sécurité de la part de la société Enedis.
- La société Enedis s'est bornée à soutenir, lors de la séance publique, que des travaux de dépose et de remplacement des boîtes de raccordement électrique situées en cave pourraient être entrepris dans un délai de l'ordre de six mois, sans engagement ferme de sa part, tout en ne contestant pas la nécessité et l'urgence des prestations demandées et sur la consistance desquelles elle a indiqué au comité qu'elle était d'accord, au regard des risques que l'état actuel de l'installation électrique de l'immeuble soulève pour la sécurité immédiate des personnes et des biens. En outre, s'agissant du remplacement de câbles de dérivation sous gaine « tissu » situés entre la colonne montante et certains disjoncteurs, la société Enedis continue d'opposer la circonstance que son « service raccordement » devrait être préalablement saisi de manière formelle par chacun des copropriétaires concernés. Toutefois, elle ne conteste pas que le syndic ait la responsabilité, en cas d'urgence et confronté à des risques présentant un caractère collectif incontestable, de veiller de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble.
- Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la société Enedis de débuter dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente décision, puis de poursuivre avec la plus grande diligence, les travaux consistant à déposer les deux boîtes de raccordement en cave qui ne sont plus en service, à remplacer la boîte de raccordement située au pied de la colonne montante de l'immeuble du […] à […] et à remplacer les câbles de dérivation sous gaine « tissu » situés entre la colonne montante et certains disjoncteurs de cet immeuble, sous astreinte, passé le délai de dix jours mentionnés ci-dessus, de 500 euros par jour de retard pendant deux mois.
- Il est enjoint à la société Enedis de tenir le comité et le syndic de l'immeuble informés du début des travaux, de leur déroulement et de leur bon achèvement.
Décide :
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