Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 9 septembre 2011, sous le numéro 242-38-11, présentée par la société Cogestar 2, société en nom collectif, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille sous le numéro B 431 951 540, dont le siège social est situé 37, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 59350 Saint-André-lez-Lille, représentée par son gérant, M. Frank LACROIX, ayant pour avocat Me Fabrice CASSIN, cabinet CGR Legal, 35, boulevard des Capucines, 75002 Paris.
La société Cogestar 2 a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF ») sur les conditions de raccordement indirect au réseau public de distribution d'électricité d'une centrale de cogénération.
Il ressort des pièces du dossier que la société Cogestar 2 développe une centrale de cogénération d'une puissance de 1,501 MW, installée sur le site de la société Thalès Alenia Space à Cannes-la-Bocca (Alpes-Maritimes). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 6 mai 2009, la société Dalkia France pour le compte de sa filiale, la société Cogestar 2, a demandé à la société ERDF, d'une part, d'étudier les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production et, d'autre part, d'établir un contrat d'accès au réseau public de distribution en injection (CARD-I).
Le 25 janvier 2010, la société Cogestar 2 a demandé à la société ERDF son accord pour le fonctionnement de l'installation de cogénération en mode îlotage, en application de l'article 3 du décret du 28 août 2008.
Le 30 mars 2010, la société ERDF a demandé à la société Cogestar 2 la position du poste de livraison, pour la préparation de la proposition technique et financière.
Le 31 mars 2010, la société ERDF a indiqué à la société Cogestar 2 qu'elle était en attente d'une réponse de la « Direction clientèle nationale d'ERDF » sur la possibilité de fonctionnement de l'installation de cogénération en mode îlotage et la conservation du schéma de raccordement actuel.
Le 15 juin 2010, la société ERDF a communiqué à la société Cogestar 2 une proposition technique et financière pour le raccordement direct de l'installation de cogénération sur le réseau public de distribution par une liaison souterraine en HTA de deux fois 90 mètres, raccordée en coupure d'artère sur le départ « Jacky » du poste source « La Bocca ». Cette proposition technique et financière a évalué le montant des travaux de raccordement à 17 014,44 € TTC et prévu une durée de trois mois pour leur réalisation.
La société ERDF a également rappelé que la société Cogestar 2 disposait d'un délai de trois mois pour donner son accord sur la proposition technique et financière et verser un acompte au titre de la contribution aux travaux de raccordement d'un montant de 6 485,44 € TTC.
Le 28 juin 2010, la société ERDF a indiqué à la société Cogestar 2 que l'installation de cogénération rénovée devait, désormais, être raccordée au réseau public de distribution pour que les données de comptage puissent être transmises à l'acheteur au titre du contrat en obligation d'achat.
La société ERDF a également rappelé que l'îlotage d'une installation de production était strictement encadré par les exigences de l'article 3 de l'arrêté du 6 octobre 2006 modifiant l'arrêté du 17 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de consommation d'énergie électrique.
Le 30 juillet 2010, la société Cogestar 2 a indiqué à la société ERDF qu'elle entendait « formaliser, d'une part, son désaccord de principe quant à la solution de raccordement proposée par ERDF et, d'autre part, ses demandes de pièces et éléments conplémentaires, en toutes hypothèses nécessaires pour lui permettre d'apprécier la pertinence de la solution technique et financière proposée par ERDF dans la PTF du 15 juin 2010 ».
La société Cogestar 2 a également rappelé sa volonté de conserver la solution de raccordement existante, sans la création d'un poste de livraison, et a demandé à la société ERDF un contrat d'accès CARD-I pour le client de tête avec un contrat de service en décompte.
Le 23 août 2010, la société ERDF a indiqué à la société Cogestar 2, d'une part, qu'il était impératif de disposer d'un raccordement direct au réseau public de distribution pour pouvoir bénéficier d'un contrat d'accès CARD-I et, d'autre part, que les prestations de comptage spécifiques n'étaient pas applicables à l'installation de cogénération rénovée.
La société ERDF a également proposé à la société Cogestar 2 un dispositif contractuel provisoire permettant de produire et d'injecter l'électricité sur le réseau public de distribution suivant le schéma de raccordement actuel.
Le 13 octobre 2010, la société Cogestar 2 a accepté le dispositif contractuel provisoire proposé par la société ERDF le 23 août 2010.
Le 14 octobre 2010, la société Cogestar 2 a signé, avec réserve, la proposition technique et financière, a accepté le devis de travaux et a versé l'acompte demandé le 15 juin 2010.
Le 8 novembre 2010, la société ERDF a accusé réception de l'accord de la société Cogestar 2 sur le dispositif contractuel provisoire qui devait prendre fin le 31 octobre 2011.
La société ERDF a également indiqué que l'installation de production de la société Cogestar 2 était soumise aux termes du décret et de l'arrêté du 23 avril 2008 et qu'elle devait bénéficier d'un raccordement direct au réseau public de distribution pour qu'un contrat d'accès CARD-I puisse être signé.
Le 25 novembre 2010, la société ERDF a accepté le contrat d'îlotage, en application du décret du 28 août 2008 relatif à la vente directe à un consommateur industriel de l'électricité produite par une installation de production, entre les sociétés Thalès Alenia Space et Cogestar 2.
Le 14 janvier 2011, la société Cogestar 2 a indiqué à la société ERDF qu'elle refusait un raccordement direct de l'installation de cogénération au réseau public de distribution et que la solution de raccordement ainsi que le dispositif contractuel provisoire étaient subordonnés à l'issue du litige devant la cour d'appel de Paris concernant la décision du comité de règlement des différends et des sanctions du 2 octobre 2009 (Tembec Tarascon et Bioenerg c./ ERDF).
La société Cogestar 2 a également rappelé que pendant la période transitoire c'est la société Thalès Alenia Space qui serait le titulaire du contrat d'accès CARD-I et non la société Cogestar 2.
Le même jour, la société Cogestar 2 a signé le contrat de service de décompte en injection, avec une réserve sur la date du 31 octobre 2011 pour la résiliation du contrat.
Le 24 février 2011, la société ERDF a accusé réception de l'accord de la société Cogestar 2 sur la proposition technique et financière.
Le 17 mai 2011, la société Cogestar 2 a demandé à la société ERDF de lui transmettre les avenants à la proposition technique et financière du 14 octobre 2010, ainsi qu'au contrat de service de décompte en injection, avec le maintien du schéma de raccordement indirect de l'installation de cogénération.
Le 7 juin 2011, la société ERDF a communiqué à la société Cogestar 2 une convention de raccordement, matérialisant un schéma de raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de cogénération.
La société ERDF a également rappelé que la société Cogestar 2 disposait d'un délai de trois mois pour donner son accord sur la convention de raccordement et verser un nouvel acompte de la contribution aux travaux de raccordement.
Le 27 juin 2011, la société ERDF a indiqué à la société Cogestar 2 que le contrat de service de décompte en injection serait résilié au plus tard le 31 octobre 2011 et qu'en conséquence la publication des données de comptage de l'installation de cogénération auprès du responsable d'équilibre cesserait.
Le 28 juillet 2011, la société Cogestar 2 a réitéré sa demande d'avenant auprès de la société ERDF et a indiqué que la solution transitoire de raccordement indirect au réseau public de distribution de l'installation de cogénération confirmait, si besoin était, l'absence de tout problème technique comme administratif à la mise en œuvre de cette solution.
Le 24 août 2011, la société ERDF a rappelé à la société Cogestar 2 qu'elle devait signer la convention de raccordement avant le 9 septembre 2011, sous peine d'annulation du projet.
Le 7 septembre 2011, la société Cogestar 2 a indiqué à la société ERDF que, conformément aux réserves formulées lors de l'acceptation de la proposition technique et financière, elle réitérait sa demande d'avenant et qu'elle ne pouvait pas accepter, en l'état, la convention de raccordement.
Estimant que les conditions de raccordement de son installation de cogénération n'étaient pas satisfaisantes, la société Cogestar 2 a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.
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Dans ses observations, la société Cogestar 2 soutient que la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas contestable.
La société Cogestar 2 indique que l'installation de production a bénéficié, depuis sa mise en service, de l'obligation d'achat de l'électricité produite, en vertu d'un contrat conclu avec EDF-AOA le 20 janvier 1998 et pour une durée de douze ans. A l'issue de ce contrat, la société Cogestar 2 a souhaité bénéficier des dispositions de l'article 9 ter du décret du 10 mai 2011 relatives au renouvellement des centrales de cogénération.
Elle indique que l'installation de cogénération a fonctionné avec un raccordement indirect pendant toute la durée de son précédent contrat d'achat sans qu'aucune difficulté technique résultant de ce schéma de raccordement n'ait été soulevée par la société ERDF. Elle fait valoir qu'elle a sollicité le maintien de son schéma de raccordement moyennant la conclusion d'un contrat de service de décompte et que ce schéma constitue la solution de moindre coût et la plus efficiente pour le producteur comme pour le réseau.
La société Cogestar 2 soutient que, contrairement à ce que prétend la société ERDF, le maintien du raccordement existant ne relève pas du décret du 23 avril 2008 et que l'opération de rénovation ne constitue pas une modification substantielle au sens de ce décret.
Elle estime que si son installation de cogénération doit être regardée comme une nouvelle installation, par l'effet de la rénovation, elle doit bénéficier de la solution dégagée dans la décision du comité de règlement des différends et des sanctions du 2 octobre 2009 (Tembec Tarascon et Bioenerg c./ ERDF). Elle indique que la cour d'appel de Paris a rejeté le recours formé par la société ERDF à l'encontre de cette décision et soutient que par son arrêt, elle a confirmé qu'aucun texte n'imposait le raccordement direct des installations de production d'électricité.
La société Cogestar 2 ajoute que la solution de raccordement indirect et « provisoire » de l'installation de cogénération, pour la période du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011, confirme l'absence de toute difficulté technique attachée à cette solution.
Elle soutient que la position de la société ERDF revient à exclure de facto toute possibilité de raccordement indirect, en arguant du fait que les prestations de comptage ne visent que les installations intérieures exploitées par un même producteur par ailleurs directement raccordé au réseau public de distribution.
La société Cogestar 2 considère que l'obligation de communiquer un contrat de service de décompte a été confirmée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 7 avril 2011.
La société Cogestar 2 demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
― de constater le caractère infondé de la solution de raccordement direct que lui impose la société ERDF pour le raccordement de son installation de cogénération située sur le site de Thalès Alenia Space ;
― de constater le caractère infondé du refus de transmission du contrat de service de décompte définitif opposé par la société ERDF pour ladite installation ;
― d'enjoindre à la société ERDF de transmettre à la société Cogestar 2 un avenant au contrat de service de décompte provisoire actuellement en vigueur, modifiant le terme de ce contrat actuellement fixé au 31 octobre prochain et pérennisant cette solution de raccordement.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 4 octobre 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris-La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, et ayant pour avocat Me Michel GUÉNAIRE, cabinet Gide Loyrette Nouel, 26, cours Albert-Ier, 75008 Paris.
La société ERDF considère que la demande de la société Cogestar 2 est irrecevable au motif, d'une part, qu'aucun extrait de registre du commerce et des sociétés n'est produit à l'appui de la demande et, d'autre part, que le projet de convention de raccordement, objet du désaccord entre les parties, n'a pas été produit.
Elle considère que le raccordement indirect au réseau public de distribution de l'installation de cogénération de la société Cogestar 2 n'a été autorisé « qu'à titre exceptionnel et conserve un caractère transitoire ».
La société ERDF soutient que la convention tripartite signée par les sociétés Cogestar, Alcatel Space Industrie et EDF, en date du 20 janvier 1998 et concernant le raccordement indirect de l'installation de cogénération, n'avait été envisagée par les parties qu'à titre totalement exceptionnel et de façon dérogatoire.
Elle indique que la société Cogestar 2, consciente du caractère exceptionnel de la situation du raccordement de son unité de production, l'a sollicitée pour un raccordement direct au réseau public de distribution de son installation de cogénération.
La société ERDF soutient que la société Cogestar 2 a clairement accepté les conditions de la proposition technique et financière adressée le 15 juin 2010.
Elle considère que la transmission de la proposition technique et financière et du contrat de service de décompte en injection signés par la société Cogestar 2 valait acceptation sans réserve du dispositif transitoire proposé par elle le 23 août 2010. Elle considère, donc, qu'un accord est intervenu entre les parties sur une solution de raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de cogénération.
La société ERDF considère qu'en application des dispositions du décret du 23 avril 2008 modifié elle doit proposer aux exploitants des solutions de raccordement direct pour leur installation de production.
Elle indique qu'en application de l'article 2 du décret du 23 avril 2008 les installations de production d'électricité, qu'elles soient nouvelles ou déjà raccordées au réseau public de distribution, doivent, pour injecter leur électricité sur le réseau, conclure une convention de raccordement et une convention d'exploitation avec le gestionnaire de réseau.
La société ERDF considère que l'installation de production de la société Cogestar 2 est déjà raccordée de façon indirecte au réseau public de distribution et que le décret du 23 avril 2008 modifié le 17 mai 2010, qui « porte également sur les installations de production déjà raccordées à un tel réseau », impose le raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de production.
Elle considère que la multiplication des solutions de raccordement indirect remet en cause l'objectif de sécurité du réseau dont est chargé le gestionnaire du réseau public de distribution.
La société ERDF indique que les installations de production raccordées sur le réseau privé d'un utilisateur du réseau public ne sont pas soumises aux prescriptions réglementaires de conception et de fonctionnement, que cette situation introduit une discrimination flagrante entre producteurs raccordés directement au réseau et producteurs raccordés indirectement et que cette situation porte directement atteinte à la sûreté du réseau.
Elle soutient que la prestation annuelle de décompte demeure facultative et qu'en l'« absence de disposition légale ou réglementaire contraire, nul ne saurait la contraindre à offrir des contrats concernant cette prestation ».
La société ERDF indique que, dès lors qu'elle refuse de conclure un contrat de service de décompte en injection avec la société Cogestar 2, nul ne peut le lui imposer, sauf à méconnaître un principe constitutionnel qui lui garantit le respect de sa liberté de contracter.
Elle considère que les décisions rendues par le comité de règlement des différends et des sanctions et la cour d'appel de Paris dans l'affaire Tembec Tarascon et Bioenerg sont dépourvues de tout lien avec cette affaire.
La société ERDF indique que la situation des centrales exploitées par les sociétés Tembec Tarascon et Bioenerg n'est pas comparable avec celle de l'unité de production de la société Cogestar 2.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal,
― déclarer irrecevable la saisine présentée par la société Cogestar 2 ;
A titre subsidiaire,
― rejeter la demande de la société Cogestar 2 tendant au constat du caractère infondé de la solution de raccordement direct proposée par la société ERDF et acceptée par le producteur ;
― rejeter la demande de la société Cogestar 2 tendant au constat du caractère infondé du refus de transmission du contrat de service de décompte définitif opposé par la société ERDF ;
― rejeter la demande de la société Cogestar 2 tendant à enjoindre à la société ERDF de lui transmettre un avenant au contrat de service de décompte provisoire modifiant le terme de ce contrat.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 28 octobre 2011, présentées par la société Cogestar 2.
La société Cogestar 2 indique que le différend ne porte pas sur la rédaction de la convention de raccordement, mais sur le défaut de transmission d'un contrat de service de décompte définitif.
Elle considère que le raccordement indirect au réseau public de distribution de l'installation de cogénération, mis en œuvre par la société ERDF en 1998, était à la fois techniquement possible et juridiquement légal. Elle indique que le fait que la société ERDF ait regardé le schéma de raccordement indirect mis en œuvre en 1998 comme « exceptionnel et transitoire » n'apporte aucun commencement de justification au refus du gestionnaire de réseau de pérenniser ledit schéma.
La société Cogestar 2 soutient qu'en application de l'article 5 du décret du 27 juin 2003 la société ERDF aurait dû l'informer de ce que la solution de raccordement direct n'était pas nécessaire à l'obtention de l'obligation d'achat et pas pertinente puisque ne constituant pas, pour elle, la solution de moindre coût.
Elle indique que, dès qu'elle a eu connaissance de la décision du comité de règlement des différends et des sanctions du 2 octobre 2009, elle a immédiatement demandé à la société ERDF le maintien de la solution de raccordement indirect de son installation de cogénération.
La société Cogestar 2 soutient qu'il est erroné de considérer qu'elle aurait formulé une condition résolutoire, en subordonnant la finalisation du processus de raccordement à la décision de la cour d'appel de Paris, alors qu'il s'agit d'une réserve à son engagement. Elle fait également valoir qu'elle a accepté le contrat de service de décompte provisoire, sous réserve que le schéma de raccordement provisoire devienne définitif.
Elle considère qu'il est erroné de soutenir qu'elle aurait d'ores et déjà accepté le principe d'un raccordement direct au réseau public de distribution de son installation de cogénération et qu'en revanche la société ERDF, en ne s'opposant pas à la réserve qu'elle avait formulée, a accepté sa contre-proposition.
La société Cogestar 2 indique que le caractère exceptionnel et transitoire du raccordement indirect, revendiqué par la société ERDF, est inopérant s'il s'agit d'apprécier la régularité du refus opposé par la société ERDF quant au maintien du schéma actuel de raccordement indirect au réseau public de distribution de l'installation de cogénération.
Elle considère que l'installation de cogénération, qui est déjà raccordée au réseau interne du site de la société Thalès Alenia Space, n'entre pas dans le champ d'application du décret du 23 avril 2008.
La société Cogestar 2 prétend que la société ERDF ne produit aucun élément technique qui démontrerait que la multiplication des raccordements indirects vient obérer sa mission de veille sur la sécurité du réseau.
Elle considère que les prestations, qu'elles soient obligatoires ou facultatives, et notamment la prestation annuelle de décompte qui relève de la seconde catégorie, sont réalisées sous le monopole des gestionnaires de réseau qui sont tenus de les proposer de manière non discriminatoire.
La société Cogestar 2 indique que sa situation est strictement identique à celle ayant fait l'objet du litige Tembec Tarascon & Bioenerg sauf en ce que son installation de cogénération est raccordée depuis douze ans de manière indirecte et a fait l'objet d'une opération de rénovation et n'a donc pas trait à un premier raccordement.
La société Cogestar 2 persiste de plus fort dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 16 novembre 2011, présentées par la société ERDF.
La société ERDF soutient que la société Cogestar 2 ne peut demander la pérennisation d'une solution de raccordement exceptionnelle et transitoire, compte tenu de l'évolution des circonstances à la fois techniques et juridiques intervenues entre 1998 et 2011.
Elle considère qu'elle a proposé à la société Cogestar 2 la meilleure solution de raccordement au moindre coût, à savoir une solution de raccordement direct, conformément à la réglementation applicable.
La société ERDF soutient qu'elle n'a jamais accepté les réserves formulées par la société Cogestar 2 lors de la signature de la proposition technique et financière et que le contrat de service de décompte ne peut être prorogé qu'à titre tout à fait dérogatoire et pour une durée limitée.
Elle considère que depuis le 20 mai 2010, date d'entrée en vigueur du décret du 17 mai 2010, les dispositions du décret du 23 avril 2008 s'appliquent à toutes les installations de production raccordées au réseau public de distribution.
La société ERDF prétend que le champ d'application du décret du 23 avril 2008 a été étendu à toutes les installations de production, qu'elles soient anciennes ou nouvelles, qu'elles soient raccordées directement ou indirectement au réseau public de distribution. Elle indique, donc, que la société Cogestar 2 doit conclure une convention de raccordement avec la société ERDF et procéder au raccordement direct au réseau public de distribution de son installation de cogénération.
Elle fait valoir que le raccordement indirect des installations de production pourrait se généraliser et faire peser une menace importante, d'une part, pour la sécurité des personnes et des biens et, d'autre part, pour le maintien de la sûreté du réseau. Elle indique qu'une multiplication de solutions de raccordement indirect poserait nécessairement des problèmes en matière de gestion du réseau public de distribution.
La société ERDF allègue enfin que la demande de la société Cogestar 2 risque d'aboutir à une généralisation des solutions de raccordement indirect qui fera peser in fine d'importants risques sur la sûreté du réseau public de distribution d'électricité.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― rejeter la demande de la société Cogestar 2 tendant au constat du caractère infondé de la solution de raccordement direct proposée par la société ERDF et acceptée par le producteur ;
― rejeter la demande de la société Cogestar 2 tendant au constat du caractère infondé du refus de transmission du contrat de service de décompte définitif opposé par la société ERDF ;
― rejeter la demande de la société Cogestar 2 tendant à enjoindre à la société ERDF de lui transmettre un avenant au contrat de service de décompte provisoire modifiant le terme de ce contrat.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement d'installations de production aux réseaux publics d'électricité ;
Vu le décret n° 2008-865 du 28 août 2008 relatif à la vente directe à un consommateur industriel de l'électricité produite par une installation utilisant des techniques énergétiques performantes et faisant l'objet d'un contrat d'obligation d'achat ;
Vu le décret n° 2010-502 du 17 mai 2010 modifiant le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement d'installations de production aux réseaux publics d'électricité ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 5 juin 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;
Vu la décision du 7 août 2009 des mêmes ministres fixant la date d'entrée en vigueur des tarifs des prestations annexes réalisées sous le monopole des gestionnaires de réseaux publics d'électricité ;
Vu la décision du 9 septembre 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 242-38-11 ;
Vu la décision du 19 octobre 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société Cogestar 2.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions qui s'est tenue le 12 décembre 2011 en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Jérémie ASTIER, rapporteur adjoint ;
Les représentants de la société Cogestar 2, assistés de Me Fabrice CASSIN et de Me Yaël CAMBUS ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Michel GUÉNAIRE.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Fabrice CASSIN et de Me Yaël CAMBUS pour la société Cogestar 2 ; la société Cogestar 2 indique que la société ERDF a accepté la prolongation du contrat de service de décompte provisoire, au-delà du 31 octobre 2011 et jusqu'à la date de la décision à intervenir du comité de règlement des différends et des sanctions ; la société Cogestar 2 persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Michel GUÉNAIRE et de M. Laurent BERTIER pour la société ERDF ; la société ERDF indique que le raccordement actuel de l'installation de cogénération de la société Cogestar 2 est sans conséquence pour la sûreté du réseau public de distribution ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 12 décembre 2011, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur la recevabilité de la demande de la société Cogestar 2 :
La société ERDF ne conteste plus la recevabilité de la demande de la société Cogestar 2.
Sur le raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de cogénération de la société Cogestar 2 :
La société Cogestar 2 demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater le caractère infondé de la solution de raccordement direct que lui impose la société ERDF pour le raccordement de son installation de cogénération située sur le site de Thalès Alenia Space.
Sur le raccordement direct au réseau public de distribution des installations de production existantes :
La société ERDF soutient que le champ d'application du décret du 23 avril 2008 a été étendu, par le décret du 17 mai 2010, à toutes les installations de production, qu'elles soient anciennes ou nouvelles, qu'elles soient raccordées directement ou indirectement au réseau public de distribution et qu'il en résulte que la solution retenue, le 2 octobre 2009, par le comité de règlement des différends et des sanctions lors du règlement du différend opposant les sociétés Tembec Tarascon et Bioenerg à la société ERDF et confirmée par la cour d'appel de Paris le 7 avril 2011 ne saurait être appliquée à la présente espèce.
En application du I de l'article 1er du décret du 23 avril 2008, modifié par le décret du 17 mai 2010, le « présent décret s'applique à toute opération de raccordement d'une nouvelle installation de production d'énergie électrique à un réseau public d'électricité effectuée en vue de lui permettre de livrer à ce réseau, en permanence ou par intermittence, tout ou partie de sa production, ou d'être couplée à ce réseau en étant susceptible de lui livrer de l'énergie.
Ce décret porte également sur les installations de production déjà raccordées à un tel réseau ».
Le décret du 23 avril 2008 modifié, en disposant qu'il s'applique désormais aux installations de production déjà existantes, précise que ces installations sont celles raccordées « à un tel réseau ». Il en découle que la définition du réseau demeure celle figurant au premier alinéa du I de l'article 1er, lequel vise les réseaux publics, et que le raccordement à un réseau public, après comme avant l'intervention du décret du 17 mai 2010, s'entend comme un raccordement direct à un tel réseau.
Contrairement à ce que soutient la société ERDF, le décret du 23 avril 2008 modifié n'a pas vocation à s'appliquer aux installations de production déjà raccordées à un réseau privé d'électricité.
Sur la proposition technique et financière signée par la société Cogestar 2 :
La société ERDF soutient que la société Cogestar 2 a clairement accepté, sans réserve, les conditions de la proposition technique et financière adressée le 15 juin 2010 et qu'un accord est donc intervenu entre les parties sur une solution de raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de cogénération.
D'une part, il ressort des pièces du dossier que la proposition technique et financière pour le raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de cogénération n'a été signée par la société Cogestar 2, le 14 octobre 2010, qu'avec les réserves formulées dans le courrier du 13 octobre 2010.
D'autre part, l'acceptation par la société Cogestar 2 de la proposition technique et financière du 14 octobre 2010 n'a pas été suivie par la signature d'une convention de raccordement. Il est donc loisible à la société Cogestar 2 de renoncer au bénéfice de cette proposition.
Dès lors, la société ERDF ne peut se prévaloir de l'accord de la société Cogestar 2 sur la proposition technique et financière pour imposer un raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de cogénération.
Sur la solution de raccordement au moindre coût :
La société ERDF considère qu'elle a proposé à la société Cogestar 2 la meilleure solution de raccordement au moindre coût, à savoir une solution de raccordement direct, conformément à la réglementation applicable.
En application de l'article L. 322-8 du code de l'énergie, le gestionnaire du réseau public de distribution est responsable du développement, dans sa zone de desserte exclusive, du réseau public de distribution d'électricité « afin de permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs [...] ».
Pour autant, aucune disposition dudit code n'oblige à un raccordement direct des installations de production au réseau public de distribution.
En outre, ni le code de l'énergie ni aucun texte pris pour son application ne subordonne le rachat de l'électricité produite dans le cadre du régime légal de l'obligation d'achat à un raccordement direct des installations de production à un réseau public de distribution.
Au surplus, en application des articles L. 121-1 à L. 121-4 du code de l'énergie, le service public de l'électricité, dont la société ERDF a la charge pour les réseaux publics de distribution d'électricité concédés, doit être assuré « dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ».
La mission de service public d'exploitation du réseau public de distribution, qui consiste à garantir, notamment, l'accès non discriminatoire au réseau, doit être exercée par le gestionnaire en conciliant le respect des règles régissant l'exploitation du réseau et l'accès des tiers avec un objectif de recherche du meilleur coût, tant pour le gestionnaire que pour le tiers se prévalant d'un droit d'accès.
Il incombe donc au gestionnaire du réseau de distribution de s'assurer que le raccordement direct au réseau public de distribution est la solution technique la plus économique pour garantir au demandeur l'exercice des droits qui lui sont légalement reconnus et dont il se prévaut, à savoir, en l'espèce, celui de vendre sa production dans le cadre de l'obligation légale d'achat tout en veillant à respecter l'ensemble des règles gouvernant la sécurité et la sûreté du réseau dont il doit assurer la gestion, comme le caractère non discriminatoire des conditions d'accès direct ou indirect au réseau.
En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que le raccordement direct de l'installation de cogénération de la société Cogestar 2 n'est nullement un préalable techniquement nécessaire à l'exercice effectif du droit de ce producteur de bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat et que, tant par le coût qu'il représente que par les délais de réalisation qu'il implique, il est économiquement désavantageux pour le demandeur au regard du maintien de la solution technique existante, qui, sans conséquence pour la conduite et la sûreté du réseau comme il a été reconnu lors de la séance publique par la société ERDF, permet déjà l'exercice effectif de ce droit depuis 1998.
Dès lors, rien n'exige, ni sur le plan technique, ni sur celui de la sécurité, que l'installation de cogénération de la société Cogestar 2 soit raccordée directement au réseau public de distribution d'électricité.
Ainsi, le raccordement de l'installation de cogénération de la société Cogestar 2 au réseau privé de la société Thalès Alenia Space pour l'exécution de son contrat d'obligation d'achat est possible.
Sur le contrat de service de décompte définitif demandé par la société Cogestar 2 :
La société Cogestar 2 demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater le caractère infondé du refus de transmission du contrat de service de décompte définitif opposé par la société ERDF pour ladite installation.
La société ERDF soutient que la prestation annuelle de décompte demeure facultative et qu'en « l'absence de disposition légale ou réglementaire contraire, nul ne saurait la contraindre à offrir des contrats concernant cette prestation ».
L'article 4.11 des règles tarifaires relatives aux prestations annexes réalisées sous le monopole des gestionnaires de réseaux publics de distribution d'électricité annexées à la décision du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi du 7 août 2009 fixant la date d'entrée en vigueur des tarifs des prestations annexes réalisées sous le monopole des gestionnaires de réseaux publics d'électricité précise que la prestation annuelle de décompte « consiste, pour une installation raccordée indirectement au réseau public de distribution par l'intermédiaire des installations électriques privatives appartenant à un tiers, à effectuer le relevé, le contrôle et les calculs de décompte en vue de l'affectation des flux de soutirage et/ou d'injection au périmètre d'un responsable d'équilibre et de la publication des données de comptage ».
En vertu des dispositions de l'article 2 de cette même annexe, les « gestionnaires des réseaux publics de distribution garantissent la fourniture de ces prestations dans des conditions transparentes et non discriminatoires », « à cet effet, les mêmes prestations sont proposées à tous les utilisateurs [...] ».
Il en résulte que la société ERDF, en situation de monopole pour la fourniture de la prestation de décompte, est dans l'obligation, sauf motif légitime non invoqué en l'espèce, de proposer cette prestation à tous les utilisateurs placés dans une même situation, ce qui est le cas des producteurs qui ne sont pas directement raccordés au réseau public de distribution d'électricité.
La société Cogestar 2 relevant de la catégorie des utilisateurs non directement raccordés au réseau public de distribution et bénéficiant, en application de la loi, d'un contrat d'obligation d'achat, il y a lieu d'inviter la société ERDF à proposer à la société Cogestar 2 un avenant au contrat de service de décompte sans en limiter la durée à la date de la présente décision, dans un délai qui, en l'espèce, doit être fixé à quinze jours à compter de la notification de celle-ci.
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Décide :