Dans leurs observations, les sociétés Ex Roux et Homéa Energies soutiennent que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour trancher le litige les opposant à la société ERDF.
Elles exposent que le comité de règlement des différends et des sanctions doit écarter l'application de dispositions de droit interne contraires au droit communautaire et procéder à une interprétation conforme de ces dispositions de droit interne au regard du droit européen.
Les sociétés Ex Roux et Homéa Energies précisent que le décret du 9 décembre 2010 est contraire au droit de l'Union européenne dès lors qu'il est fondé sur la loi du 10 février 2000 qui elle-même viole les directives 2003/54/CE du 26 juin 2003 et 2009/28/CE du 23 avril 2009 en ce que celles-ci ne prévoient pas explicitement un dispositif de suspension de l'obligation d'achat ni même dans leur objectif.
Elles ajoutent que ledit décret viole, d'une part, les principes de confiance légitime et de non-rétroactivité en ce qu'il s'applique rétroactivement à leur situation et, d'autre part, les principes d'égalité et de non-discrimination puisque certaines installations ne sont pas soumises à la suspension de l'obligation d'achat instaurée par le décret.
Les sociétés Ex Roux et Homéa Energies soutiennent que le décret du 9 décembre 2010 devrait être écarté par le comité de règlement des différends et des sanctions dès lors que ce dernier est contraire à la loi du 10 février 2000.
Elles considèrent que cette contradiction avec la loi du 10 février 2000 repose, d'une part, sur l'absence de consultation de la Commission de régulation de l'énergie préalablement à son édiction et, d'autre part, sur le fait que l'article 5 dudit décret fixe de nouvelles règles en matière de raccordement sans lien avec la possibilité de suspendre l'obligation d'achat prévue à l'article 10 de la loi du 10 févier 2000.
Les sociétés Ex Roux et Homéa Energies estiment que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait leur être appliqué dès lors que le retard de la société ERDF dans la délivrance de la proposition technique et financière a eu pour conséquence de les empêcher de bénéficier de la dérogation prévue à l'article 3 dudit décret.
Les sociétés Ex Roux et Homéa Energies demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, de :
A titre principal, dire et juger que l'application du décret du 9 décembre 2010 doit être écartée.
A titre subsidiaire, dire et juger que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait être opposé aux sociétés Ex Roux et Homéa Energies en raison du retard pris par la société ERDF dans la délivrance de la proposition technique et financière.
Par conséquent :
― dire et juger que la société ERDF n'est pas fondée à en faire application à l'encontre des sociétés Ex Roux et Homéa Energies ;
― enjoindre la société ERDF de délivrer à la société Ex Roux une proposition technique et financière ;
― enjoindre la société ERDF de procéder dans ces conditions à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat ;
― enjoindre la société ERDF de confirmer que l'accord sur la proposition technique et financière de raccordement interviendra sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la régularisation de la convention de raccordement et, d'autre part, à la transmission d'un contrat d'achat.
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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.
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Vu la lettre du directeur général du 28 mars 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 27 avril 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris-La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, et ayant pour avocat, Me Michel GUÉNAIRE et Me Sylvain BERGÈS, cabinet Gide Loyrette Nouel, 26, cours Albert-Ier, 75008 Paris.
La société ERDF soutient que la demande de règlement de différend est irrecevable dès lors que les sociétés Ex Roux et Homéa Energies n'ont produit aucun extrait de registre du commerce et des sociétés à l'appui de leur demande et que la société Homéa Energies ne dispose d'aucune habilitation pour agir au nom de la société Ex Roux.
Elle estime, également, que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut pas écarter l'application du décret du 9 décembre 2010 dès lors qu'il n'est pas compétent pour apprécier la légalité d'un acte administratif, lequel a en outre été jugé légal par le Conseil d'Etat.
La société ERDF rappelle que le Conseil d'Etat a considéré que le décret du 9 décembre 2010 était conforme au droit de l'Union européenne et soutient que ce décret est conforme aux directives ainsi qu'au principe de confiance légitime.
Elle estime, également, que le décret est conforme aux dispositions de la loi du 10 février 2000 ainsi qu'aux principes généraux du droit tels que le principe de non-rétroactivité des actes administratifs et le principe d'égalité.
La société ERDF affirme ne pas avoir méconnu les obligations attachées à la procédure de traitement des demandes de raccordement car le délai visé par cette procédure ne revêt qu'un caractère indicatif et qu'elle a été confrontée à un afflux de demandes qui l'a légitimement empêchée de répondre aux demandes des pétitionnaires et qu'en tout état de cause elle ne pouvait pas délivrer de proposition technique et financière rétroactive.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― déclarer la saisine des demanderesses irrecevable ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à écarter les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à enjoindre la société ERDF de procéder à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à enjoindre la société ERDF de confirmer que l'accord sur la proposition technique et financière est intervenu sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la régularisation de la convention de raccordement et, d'autre part, à la transmission d'un contrat d'achat.
A titre subsidiaire, constater que la société ERDF devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
En tout état de cause, rejeter l'ensemble des conclusions des demanderesses.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 16 mai 2012, présentées par les sociétés Ex Roux et Homéa Energies.
Les sociétés Ex Roux et Homéa Energies soutiennent que le comité de règlement des différends et des sanctions est une instance juridictionnelle, et en tant que telle, est dans l'obligation d'écarter une règle nationale ou un acte administratif dont l'application serait illégale. Elles ajoutent que le comité a non seulement le droit, mais le devoir, de contrôler que le décret du 9 décembre 2010 a été appliqué dans la légalité.
Elles considèrent que la société ERDF a appliqué de manière illégale le décret du 9 décembre 2010, à la demande de raccordement effectuée par la société Homéa Energies. Elles indiquent que la société ERDF a favorisé l'application dudit décret, alors même que le seul décret du 23 avril 2008 pouvait être légalement appliqué à ladite demande de raccordement.
Les sociétés Ex Roux et Homéa Energies soutiennent que la circonstance que le décret du 9 décembre 2010 ait été jugé légal par le Conseil d'Etat ne signifie nullement que celui-ci ait considéré que les gestionnaires de réseaux étaient tenus d'appliquer le dispositif de suspension de l'obligation d'achat.
Les sociétés Ex Roux et Homéa Energies soutiennent que la société ERDF n'a pas respecté les délais prescrits par sa procédure de traitement des demandes de raccordement, alors même que ceux-ci sont obligatoires et que c'est cette méconnaissance qui a conduit à l'application du décret du 9 décembre 2010 à la demande de raccordement de la société Homéa Energies.
Les sociétés Ex Roux et Homéa Energies demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― dire et juger que la société ERDF a méconnu la documentation technique de référence, élaborée par ses soins ;
― dire et juger que l'application du décret du 9 décembre 2010 doit être écartée ;
― dire et juger que seules les dispositions visées par la documentation technique de référence, et particulièrement le décret du 23 avril 2008 et son arrêté d'application, peuvent motiver un refus d'instruire une demande de raccordement au réseau.
A titre subsidiaire, dire et juger que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait être opposé aux sociétés Ex Roux et Homéa Energies en raison des manquements du gestionnaire de réseaux publics d'électricité à sa documentation technique de référence.
Par conséquent :
― dire et juger que la société ERDF n'est, donc, pas fondée à en faire application à l'encontre des sociétés Ex Roux et Homéa Energies ;
― enjoindre la société ERDF de délivrer à la société Ex Roux une proposition technique et financière ;
― enjoindre la société ERDF de confirmer que l'accord sur la proposition technique et financière de raccordement interviendra sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la régularisation de la convention de raccordement et, d'autre part, à la transmission d'un contrat d'achat ;
― enjoindre la société ERDF de procéder dans ces conditions à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 25 mai 2012, présentées par la société ERDF.
La société ERDF indique qu'aucun extrait de registre du commerce et des sociétés n'est produit à l'appui de la demande de la société Ex Roux. Elle soutient qu'étant dépourvue d'existence légale, la société Ex Roux ne peut être représentée par un mandataire. En conséquence, elle soutient que le mandat produit par la société Homéa Energies ne l'habilite pas à représenter la société Ex Roux et n'est pas de nature à rendre recevable la demande dont le comité de règlement des différends et des sanctions a été saisi.
Elle soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut en aucun cas être regardé comme une juridiction et qu'à supposer que le comité se reconnaisse compétent pour écarter un acte réglementaire il ne pourrait pas écarter le décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF considère que l'application de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 ne saurait être écartée dans le cas de la société Ex Roux et que le délai de trois mois pour la délivrance d'une proposition technique et financière revêt exclusivement un caractère indicatif.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― déclarer irrecevable la demande formée par les sociétés Ex Roux et Homéa Energies ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à écarter les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant enjoindre la société ERDF de délivrer une proposition technique et financière et de confirmer l'acceptation de la proposition technique et financière par la société Ex Roux sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la régularisation de la convention de raccordement et, d'autre part, à la transmission d'un contrat d'achat ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à enjoindre la société ERDF de procéder à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat.
A titre subsidiaire :
― constater que la société ERDF devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― constater que le délai de trois mois prévu pour la délivrance d'une proposition technique et financière est purement indicatif ;
― constater que la société ERDF a été confrontée à un afflux considérable de demandes de raccordement au cours de l'été 2010 qui l'a empêchée de délivrer une proposition technique et financière aux demanderesses.
En tout état de cause, rejeter l'ensemble des conclusions des demanderesses.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 9 mars 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 65-38-11 ;
Vu la décision du 29 avril 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative aux demandes de règlement de différends mettant en cause l'application du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 6 mai 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par les sociétés Ex Roux et Homéa Energies ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 31 mai 2012 en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Mathieu CACCIALI, rapporteur adjoint ;
Les représentants des sociétés Ex Roux et Homéa Energies assistés de Me Arnaud GOSSEMENT ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Michel GUÉNAIRE.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Arnaud GOSSEMENT pour les sociétés Ex Roux et Homéa Energies ; les sociétés Ex Roux et Homéa Energies persistent dans leurs moyens et conclusions ;
― les observations de Me Michel GUÉNAIRE pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions.
Aucun report de séance n'ayant été sollicité.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 31 mai 2012, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur la recevabilité de la demande des sociétés Ex Roux et Homéa Energies :
La société ERDF estime que la demande de la société Ex Roux doit être déclarée irrecevable au motif qu'aucun extrait de registre du commerce et des sociétés n'est produit à l'appui de la demande, ainsi que le prévoit pourtant l'article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions annexé à la décision du 20 février 2009. Aucun extrait n'a à ce jour été produit par la société Ex Roux.
Faute d'un extrait de registre du commerce et des sociétés, l'existence légale de la société Ex Roux n'est pas établie et, par voie de conséquence, le mandat donné à la société Homéa Energies est dépourvu de toute valeur juridique.
Dans ces conditions, la demande formée par les sociétés Ex Roux et Homéa Energies est irrecevable.
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Décide :
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