Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 5 avril 2011, sous le numéro 178-38-11, présentée par la société STP2R, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bourg-en-Bresse, dont le siège social est situé 51, rue de Vaccares, 01800 Meximieux, représentée par son gérant en exercice, M. Carlos ANTUNES, ayant pour avocat Me Vincent LACROIX, SELARL Itinéraires Droit Public, 9, quai André-Lassagne, 69001 Lyon.
La société STP2R a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.
Il ressort des pièces du dossier que la société STP2R développe un projet d'installation photovoltaïque en toiture d'un bâtiment, d'une puissance de 46 kVA, sur le territoire de la commune de Meximieux (Ain). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 30 juin 2010, la société STP2R a adressé une demande de raccordement à la société ERDF pour son projet de centrale photovoltaïque.
Le 1er juillet 2010, la société ERDF a accusé réception de la demande de raccordement et a indiqué à la société STP2R qu'elle avait constaté que son dossier était incomplet. La société ERDF a donc demandé à la société STP2R de compléter son dossier.
Le 16 juillet 2010, la société ERDF a reçu de la part de la société STP2R les éléments permettant de compléter sa demande de raccordement.
Le 19 juillet 2010, la société ERDF a informé la société STP2R que son dossier était considéré comme complet à la date du 16 juillet 2010.
Par un courrier en date du 29 novembre 2010, la société STP2R a demandé à la société ERDF de lui transmettre l'offre de raccordement relative à son projet.
Le 14 décembre 2010, la société STP2R a réitéré sa demande de transmission d'une proposition technique et financière auprès de la société ERDF.
Le 3 février 2011, la société STP2R a contesté auprès de la société ERDF, l'application à son projet des dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 et a demandé la délivrance d'une proposition technique et financière dans les conditions antérieures à l'entrée en vigueur de ce décret.
En réponse, par un courrier en date du 9 mars 2011, la société ERDF a rejeté la demande de la société STP2R.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de l'installation de production n'étaient pas satisfaisantes, la société STP2R a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.
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Dans ses observations, la société STP2R soutient que la société ERDF n'ayant pas respecté le délai de trois mois qui lui était imparti pour établir et transmettre une proposition technique et financière, elle n'a pu bénéficier d'aucune offre de raccordement.
Elle ajoute qu'en raison du manquement de la société ERDF à sa procédure de traitement des demandes de raccordement, la société ERDF a pu opposer les dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 et lui imposer implicitement de déposer une nouvelle demande de raccordement pour son projet d'installation photovoltaïque.
La société STP2R estime qu'elle est fondée à invoquer un manquement de la société ERDF, dès lors que, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 et à la délibération de la CRE du 11 juin 2009, le délai maximal dans lequel la proposition technique et financière doit être transmise au demandeur ne peut excéder trois mois à partir de la réception de la demande complète de raccordement.
Elle ajoute que la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société ERDF dite « ERDF-PRO-RAC_14E, version 1.0 », prévoit des délais contraignants applicables aux différentes étapes formelles de la procédure.
La société STP2R considère que la méconnaissance de cette procédure justifie que le CoRDiS enjoigne le gestionnaire de réseau de communiquer au demandeur une proposition technique et financière dans les conditions et sous un délai convenables au regard des circonstances de l'espèce ainsi qu'il l'a décidé à l'occasion du différend Ventura, le 28 juin 2007.
Elle estime, par ailleurs, que le comité est compétent pour sanctionner la méconnaissance par un gestionnaire de réseau de sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
La société STP2R demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
A titre principal :
― de constater le manquement de la société ERDF, en ce qu'elle n'a pas respecté le délai de trois mois pour l'établissement et la transmission de la proposition technique et financière demandée ;
A titre subsidiaire :
― de constater l'inopposabilité du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 à la société STP2R dans le cadre de la procédure de raccordement électrique en cours ;
Et par conséquent, dans tous les cas :
― de dire que la société ERDF n'est pas fondée à se prévaloir de la prétendue « caducité » de la demande initiale de raccordement jugée complète en date du 16 juillet 2010 ;
― d'enjoindre à la société ERDF d'établir et de transmettre la proposition technique et financière demandée en date du 16 juillet 2010 ;
― de dire que la proposition technique et financière devra être réputée intervenue dans le respect des règles de traitement des demandes de raccordement, soit à la date du 16 octobre 2010 ;
― de dire que la société STP2R sera réputée avoir notifié son acceptation de la proposition technique et financière en date du 30 novembre 2010, sous réserve pour elle d'adresser à la société ERDF l'acompte afférent dans le délai maximal de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
― de dire que le délai de dix-huit mois pour la mise en service de l'installation tel que prévu par l'article 4 du décret du 9 décembre 2010 ne sera computé qu'à compter de la date de notification de la décision à intervenir.
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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la demande jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.
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Vu la lettre du directeur général du 30 août 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 20 septembre 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, ayant pour avocat Me Romain GRANJON, cabinet Adamas, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF considère que la société STP2R n'ayant pas renvoyé son acceptation de la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010, son projet est soumis aux dispositions de l'article 1er du décret du 9 décembre 2010 précité.
Elle estime donc que la société STP2R ne peut exiger du comité qu'il lui déclare inopposable les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des prétentions de la société STP2R.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 15 octobre 2012, présentées par la société STP2R.
La société STP2R estime que le non-respect du délai de traitement constitue indiscutablement une faute de la société ERDF et pour le moins, un manquement, dès lors qu'il a eu pour effet de la priver de voir son dossier instruit et aboutir avant la publication du décret du 9 décembre 2010 précité.
Elle ajoute que cette faute est constituée par une méconnaissance par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement en ce que l'offre de raccordement n'a pas été établie et adressée dans le délai de trois mois.
La société STP2R demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
A titre principal :
― de constater le manquement fautif de la société ERDF, en ce qu'elle n'a pas respecté le délai de trois mois pour l'établissement et la transmission de la proposition technique et financière demandée ;
A titre subsidiaire :
― de constater l'inopposabilité du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 à la société STP2R dans le cadre de la procédure de raccordement électrique en cours ;
Et par conséquent, dans tous les cas :
― de dire que la société ERDF n'est pas fondée à se prévaloir de la prétendue « caducité » de la demande initiale de raccordement jugée complète en date du 16 juillet 2010 ;
― d'enjoindre à la société ERDF d'établir et de transmettre la proposition technique et financière demandée en date du 16 juillet 2010 ;
― de dire que la proposition technique et financière devra être réputée intervenue dans le respect des règles de traitement des demandes de raccordement, soit à la date du 16 octobre 2010 ;
― de dire que la société STP2R sera réputée avoir notifié son acceptation de la proposition technique et financière en date du 30 novembre 2010, sous réserve pour elle d'adresser à la société ERDF l'acompte afférent dans le délai maximal de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
― de dire que le délai de dix-huit mois pour la mise en service de l'installation tel que prévu par l'article 4 du décret du 9 décembre 2010 ne sera computé qu'à compter de la date de notification de la décision à intervenir.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 19 novembre 2012, présentées par la société ERDF.
La société ERDF soutient qu'il n'appartient pas au CoRDiS de procéder à des constats de manquement dès lors qu'il n'en résulte aucune décision. Elle estime que la demande visant à la constatation d'un manquement fautif est irrecevable en ce qu'elle requiert du CoRDiS qu'il s'immisce dans le contentieux de la responsabilité par la qualification du manquement reproché.
La société ERDF considère que la cour d'appel de Paris dans deux décisions du 4 octobre 2012 a clairement affirmé l'opposabilité du décret du 9 décembre 2010 aux producteurs n'ayant pas renvoyé avant le 2 décembre 2010 leur acceptation de la proposition technique et financière, même dans l'hypothèse où le gestionnaire de réseau n'aurait pas respecté le délai de trois mois prévu par sa procédure.
La société ERDF maintient ses précédentes observations et demande au comité de rejeter l'ensemble des demandes de la société STP2R.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 modifié relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement d'installations de production aux réseaux publics d'électricité ;
Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 6 avril 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 178-38-11 ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 20 février 2013, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Pierre-François RACINE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur, et M. Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint ;
Les représentants de la société STP2R, assistés de Me Vincent LACROIX ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Gaëlle COGNET.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Thibaut DELAROCQUE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Jean-Baptiste OLLIER pour la société STP2R qui persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Gaëlle COGNET pour la société ERDF qui persiste dans ses moyens et conclusions ; elle ajoute que l'installation de la société STP2R est aujourd'hui raccordée et mise en service ; elle soutient que le comité ne pourrait, sans dénaturer les conclusions de la demande tendant au constat d'un manquement fautif, se borner à constater une simple méconnaissance par la société ERDF de sa propre procédure ;
― les observations de Me Jean-Baptiste OLLIER pour la société STP2R qui rappelle que ses conclusions initiales tendent également à ce que le comité constate une simple méconnaissance de la procédure de traitement des demandes de raccordement ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 20 février 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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