JORF n°0022 du 26 janvier 2017

Décision du 13 avril 2016

Le comité de règlement des différends et des sanctions statuant,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 7 avril 2015, sous le numéro 05-38-15, présentée, par M. G., demeurant…, ayant pour avocat la SELARL HELIOS Avocats représentée par Me Thibault SOLEILHAC, 6, rue du Plat, 69002 Lyon.
M. G. a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), s'agissant du raccordement d'une construction au réseau public de distribution d'électricité.
Il ressort des pièces du dossier que M. G. est propriétaire d'un terrain, situé …, …, …, dont la parcelle cadastrée est enregistrée sous la référence 802 A. La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 23 juin 2014, M. G. a communiqué à la société ERDF une demande de raccordement au réseau public d'électricité, pour une construction existante située…, … à…, pour une puissance maximale de 12 kVA en monophasé.
Le 25 juin 2014, la société ERDF a indiqué à M. G. que sa demande de raccordement était en cours de traitement.
Le même jour, la société ERDF a indiqué à M. G. que sa demande de raccordement était complète et qu'il recevrait très prochainement une proposition de raccordement.
A cette même date, la société ERDF a, également, informé la mairie de C. qu'à défaut d'opposition de sa part au projet de M. G., elle procéderait au raccordement du projet au réseau électrique.
Le 3 juillet 2014, le maire de la commune de C. a indiqué à la société ERDF que la commune ne prendrait pas de décision dans l'immédiat en raison d'un contentieux en cours avec M. G. et dans l'attente du jugement qui était alors en délibéré.
Le même jour, la société ERDF a indiqué à M. G. que son dossier était suspendu dans l'attente d'une réponse de la mairie.
Le 3 septembre 2014, M. G. par l'intermédiaire de son conseil a indiqué à la société ERDF que le contentieux avec la mairie était terminé et lui a demandé de bien vouloir terminer l'instruction de son dossier et de procéder au raccordement au réseau électrique de son bâtiment.
Le 15 septembre 2014, M. G. par l'intermédiaire de son conseil a communiqué à la société ERDF le jugement rendu le 3 juillet 2014 par le Tribunal administratif de Grenoble sur la légalité de l'opposition de la mairie à la demande de raccordement de 2011.
Le 27 février 2015, le maire de la commune de C. a indiqué à la société ERDF qu'elle s'opposait à la demande de raccordement de M. G., faute pour elle d'avoir reçu la demande d'autorisation d'urbanisme nécessaire pour qu'il soit procédé au raccordement du projet situé…, … à...
Le 27 mars 2015, la société ERDF a indiqué au conseil de M. G. qu'elle ne pouvait faire droit à sa demande de raccordement, compte tenu de l'opposition formulée par le maire de la commune de C. dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière d'urbanisme.
Le 7 avril 2015, estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de consommation n'étaient pas satisfaisantes, M. G. a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF assortie d'une demande de mesures conservatoires.
Le 13 avril 2015, le conseil de M. G. a demandé à la société ERDF, conformément à la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, la communication du courrier par lequel la mairie de C. l'a informé de son refus de faire droit à la demande de raccordement.
Le 21 avril 2015, la société ERDF a communiqué au conseil de M. G. la décision de refus prise par la mairie, le 27 février 2015.
Le 25 novembre 2015, le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie a rejeté la demande de mesures conservatoires de M. G.

Dans ses observations, M. G. soutient que sa demande est recevable en ce qu'il s'est vu opposer un refus de la part de la société ERDF de poursuivre l'instruction de son dossier de raccordement au réseau public de distribution de l'électricité.
Il fait valoir, sans que cela soit contesté par la société ERDF, que sa demande de raccordement est complète.
M. G. considère que la société ERDF ne saurait fonder son refus de poursuivre l'instruction sur l'existence d'un contentieux pendant l'opposant à la mairie de C.
Il indique que ce différend a fait l'objet d'un jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 3 juillet 2014 et que, de surcroit, cette décision portait sur une autre demande de raccordement portant sur la parcelle 323 A et non la 323 B comme c'est le cas en l'espèce.
M. G. affirme que le Président de ce tribunal lui avait conseillé d'adresser une nouvelle de demande de raccordement à la société ERDF.
Il estime que la décision du juge administratif ne saurait empêcher que le comité de règlement des différends et des sanctions se prononce dès lors que ce dernier n'est pas une juridiction et qu'en toute hypothèse, les demandes sont différentes.
M. G. demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- déclarer recevable la saisine de M. G. ;
- d'annuler le refus d'ERDF de raccorder M. G. au réseau d'électricité ;
- d'ordonner à ERDF de poursuivre l'instruction, produire un devis de raccordement et procéder à ce raccordement sous astreinte.

Vu les observations en défense, enregistrées le 3 juillet 2015, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé tour ERDF, 34, place des Corolles, 92079 Paris-La Défense, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, ayant pour avocat Me Cédric de POUZILHAC, Cabinet SELAS Bersay & Associés, 31, avenue Hoche, 75008 Paris.
La société ERDF indique que l'examen des deux demandes de raccordement de M. G. porte sur la même parcelle cadastrale numérotée 802 A et que vraisemblablement M. G. fait référence à deux adresses distinctes : … et …, … à… pour une seule et même parcelle.
Elle précise que les demandes de M. G. ne permettent pas de savoir s'il s'agit d'un même bâtiment ou de bâtiments distincts.
La société ERDF fait valoir que si elle a suspendu le traitement de la demande objet du présent différend en raison de la réponse du maire du 3 juillet 2014 faisant référence au contentieux devant le Tribunal administratif de Grenoble, il s'est avéré que, par courrier du 27 février 2015, la mairie a ensuite formulée une opposition à la seconde demande de raccordement de M. G. au motif qu'elle n'avait pas reçu la demande d'autorisation d'urbanisme pour ce projet.
Elle considère que, contrairement à ce qu'affirme M. G., elle ne cherche pas à tirer argument de la décision du juge administratif de Grenoble et elle ne conteste pas que cette décision ait concerné une précédente demande de raccordement.
La société ERDF estime qu'elle a reçu injonction du maire de C. de suspension puis de refus formel de donner suite à la demande de raccordement de M. G.
Elle affirme qu'en tant que concessionnaire du réseau public de distribution d'électricité, elle ne peut passer outre une décision prise par une autorité de police dès lors que celle-ci lui fait injonction de ne pas procéder au raccordement au réseau électrique.
La société ERDF ajoute qu'en application de l'article 23 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique du département de l'Isère, elle avait l'obligation de se conformer à l'injonction de la mairie et, par conséquent, de refuser la demande de raccordement de M. G.
Elle fait valoir qu'en ne faisant pas droit à la demande de raccordement de M. G., elle n'a pas porté d'atteinte grave aux règles d'accès aux réseaux.
La société ERDF estime qu'elle s'est parfaitement conformée aux règles d'accès aux réseaux en refusant, par application des instructions contenues dans le cahier des charges de concession applicable, de faire droit à la demande de raccordement de M. G. pour laquelle la mairie avait formulé une opposition.
Elle ajoute que si le requérant considère la position du maire de C. de refuser le raccordement de sa parcelle au réseau comme illégale, il lui appartient de contester cette décision devant la juridiction compétente.
La société ERDF demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- déclarer irrecevable et mal fondée la demande au fond formée par M. G. ;
- notifier aux parties la décision à intervenir.

Vu les observations en réplique, enregistrées le 22 juillet 2015, présentées par M. G.
M. G. soutient qu'aucune modification ni de la destination du bâtiment ni de la structure de celui-ci n'était envisagée et qu'aucun travaux n'étaient prévus.
Il fait valoir que la société ERDF n'avait pas à demander son accord à la Commune pour le raccordement de M. G. qui n'entre pas dans le champ de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme.
M. G. estime que le courriel du 3 juillet 2014 ne saurait valoir refus ou injonction contraire au sens de l'article 23 du cahier des charges de la concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique.
Il considère qu'au surplus le contentieux visé dans ce courriel concernait une autre demande de raccordement.
M. G. conclut que la société ERDF a violé les stipulations de l'article 23 du cahier des charges selon lequel « la fourniture de l'énergie électrique devra être assurée par le concessionnaire dans le délai maximum d'un mois à partir de la demande d'abonnement ».
Il ajoute que la société ERDF n'avait pas à se conformer à la décision du maire de C. laquelle se fonde sur l'absence de demande d'autorisation d'urbanisme car de fait, M. G. n'avait pas besoin de solliciter une telle autorisation.
M. G. précise que certaines constructions ne nécessitent pas de permis en application du code de l'urbanisme.
Il affirme que l'argumentation du maire selon laquelle le bâtiment disposait déjà d'un raccordement au réseau électrique n'aurait pas dû retenir l'attention de la société ERDF dans la mesure où un même bâtiment peut disposer de plusieurs raccordements.
En conséquence, M. G. demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- déclarer recevable la saisine de M. G. ;
- annuler le refus de la société ERDF de raccorder M. G. ;
- ordonner à la société ERDF de poursuivre l'instruction, produire un devis de raccordement et procéder à ce raccordement sous astreinte.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
Vu le code de l'urbanisme, notamment son article L. 111-6 ;
Vu la décision du 11 mars 2015, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 7 avril 2015 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 05-38-15 ;
Vu la décision du 25 novembre 2015 du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie rejetant la demande de mesures conservatoires de M. G. dans le cadre du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif au raccordement d'un bâtiment au réseau public de distribution d'électricité ;
Vu la décision du 25 novembre 2015 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, fixant au 15 janvier 2016 la clôture de l'instruction relative au différend qui oppose M. G. à la société Electricité Réseau Distribution France ;
Vu le cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique attribué par le Syndicat départemental de l'électricité de l'Isère, notamment son article 23.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 13 avril 2016 du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Madame Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, Madame Henriette CHAUBON, M. Claude GRELLIER et M. Denis RAPONE, membres, en présence de :
Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché,
M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur,
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Cédric de POUZILHAC.
Après avoir entendu :

- le rapport de M. Thibaut DELAROCQUE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Cédric de POUZILHAC pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.

Sur le mémoire récapitulatif de M. G., enregistré le 11 avril 2016
L'article 5 du décret n° 2015-206 du 24 février 2015 relatif au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie dispose que « Après la clôture de l'instruction, aucune observation ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ».
Le mémoire récapitulatif enregistré le 11 avril 2016 de M. G., ayant été enregistré après la clôture de l'instruction fixée au 15 janvier 2016, est écarté des débats.
Sur le refus de la société ERDF de procéder au raccordement du bâtiment de M. G.
M. G. demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'annuler le refus d'ERDF de raccorder son bâtiment au réseau et d'ordonner à ERDF de poursuivre l'instruction de sa demande de raccordement et de produire un devis de raccordement.
La société ERDF estime qu'elle a reçu injonction de suspension puis de refus formel de la mairie de C. de donner suite à la demande de raccordement de M. G.
L'article L. 121-4 du code de l'énergie dispose que la « mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de distribution d'électricité consiste, notamment, à assurer le raccordement et l'accès à ces réseaux dans des conditions non-discriminatoires ».
En outre, l'article L. 322-8 du code de l'énergie dispose qu'un « gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : […] 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès à ces réseaux ».
Il ressort des pièces du dossier que, le 27 février 2015, le maire de la commune de C. a indiqué à la société ERDF qu'il s'opposait à la demande de raccordement de M. G., faute pour elle d'avoir reçu la demande d'autorisation d'urbanisme nécessaire pour qu'il soit procédé au raccordement du projet situé …, … à C.
Or, l'article L.111-6 du code de l'urbanisme alors applicable, disposait que « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités ».
De plus, l'article 23 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique attribué par le Syndicat départemental de l'électricité de l'Isère dispose que, sur le « territoire de la concession, le concessionnaire est tenu de consentir des abonnements, en vue de la fourniture de l'énergie électrique aux conditions du présent cahier des charges, à toute personne qui demandera à contracter ou à renouveler un abonnement […], sauf s'il a reçu entre temps injonction contraire de l'autorité compétente en matière d'urbanisme ou en matière de police et sous réserve du respect des textes réglementaires relatifs au contrôle de conformité des installations intérieures » et que le « concessionnaire est par ailleurs tenu, sous réserve des possibilités du réseau, de fournir l'énergie électrique pour la desserte des installations provisoires, sauf s'il a reçu entre temps injonction de l'autorité compétente en matière de police ».
C'est donc à bon droit, que la société ERDF, se conformant à l'opposition du maire de la commune de C. de ne pas procéder au raccordement de la construction de M. G. au réseau public de distribution, a informé le requérant que sa demande de raccordement ne pouvait aboutir, conformément aux dispositions de l'article 23 précité du cahier des charges de concession.
Dans ces conditions, les demandes de M. G. sont rejetées.

Décide :

Article 1

Les demandes de M. G. sont rejetées.

Article 2

La présente décision sera notifiée à M. G. et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 13 avril 2016.

Pour le comité de règlement des différends et des sanctions :

Le président,

M. Liebert-Champagne