JORF n°18 du 22 janvier 2003

I. - Sur les faits :
Le différend oppose PEM abrasif-réfractaires (PEMAR) à Réseau de transport d'électricité (RTE). Il porte sur la conclusion de dispositions contractuelles d'accès au réseau et, plus particulièrement, sur la définition des domaines de tension du raccordement de l'usine du site de La Bâthie en vue de l'application de la tarification correspondante.
Le projet de contrat envoyé par RTE à la société PEMAR classe le site de La Bâthie dans le domaine de tension HTA. PEMAR demande à RTE pour l'application du décret du 19 juillet 2002 de classer le site de La Bâthie dans le domaine de tension HTB1. RTE refuse de modifier le projet de contrat.
II. - Sur la légalité du décret du 19 juillet 2002 en tant qu'il définit les niveaux de tension :
Aux termes du II de l'article 4 de la loi du 10 février 2000, « les décisions sur les tarifs (...) sont prises conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité pour les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution (...) ». L'article 8 du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, dispose que « les premiers tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixés par décret en Conseil d'Etat, sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité (...) ».
En application de ces dispositions, la CRE a adopté, le 10 janvier 2002, une proposition de tarif qui a été approuvée par le décret du 19 juillet 2002.
La proposition de la CRE, conformément à l'article 4 du décret du 26 avril 2001 aux termes duquel « [les tarifs] sont fonction de la tension de raccordement », distinguait quatre « niveaux de tension ». La définition de ces niveaux de tension n'était pas précisée. L'intention de la CRE, comme le principe de légalité conduisaient à se référer, pour en déterminer les limites, au seul acte réglementaire pertinent en vigueur définissant les classes de tension, c'est-à-dire au cahier des charges de la concession du réseau d'alimentation générale, approuvé par le décret du 23 décembre 1994, et notamment à l'annexe I de son article 8-1.2, aux termes de laquelle les classes de tension dénommées dans la proposition de la CRE sont ainsi définies :

Le 1er paragraphe de l'annexe au décret du 19 juillet 2002 approuvant cette proposition précise, quant à lui, que pour l'application de ce décret, les domaines de tension des réseaux publics de transport et de distribution sont définis par le tableau ci-dessous :

Il résulte donc de la confrontation de la proposition de la CRE, d'une part, et de l'annexe au décret du 19 juillet 2002, d'autre part, que la classification des domaines de tension déterminant le tarif applicable à un client n'est pas la même. Cette modification substantielle a pour effet, comme l'illustrent les faits de l'espèce, d'entraîner l'application à certains clients d'un tarif différent de celui qui aurait résulté de la proposition de la CRE.
Les auteurs du décret ne disposaient d'aucun pouvoir de modification de cette proposition. Le régime légal de fixation des tarifs d'utilisation des réseaux, prévu par l'article 4 de la loi du 10 février 2000, ne permet en effet aux ministres que d'approuver ou de refuser d'approuver la proposition qui leur est transmise. Toute modification, qu'elle retranche, ajoute ou substitue des dispositions, à laquelle ils prendraient l'initiative de procéder aboutit à mettre en vigueur des dispositions qui, par nature, n'ont pas fait l'objet, en violation de la loi, d'une proposition de la CRE.
Il serait loisible de soutenir que, par la modification opérée, les auteurs du décret du 19 juillet 2002 ont entendu, en l'espèce, implicitement, mais nécessairement, opérer une modification du cahier des charges du RAG, approuvé par un décret de même valeur. Telle n'était clairement pas leur intention, la définition des classes de tension n'étant donnée que « pour l'application du présent décret » (du 19 juillet 2002), au demeurant adopté au terme d'une procédure différente de celle exigée pour modifier le cahier des charges, qui comporte, notamment, des consultations auxquelles il n'a pas été procédé ici.
Ayant ainsi procédé à une modification substantielle de la proposition formulée par la CRE, les auteurs du décret du 19 juillet 2002 ont commis une erreur de droit qui entache d'illégalité ce décret en tant qu'il définit les classes de tension.
Autorité administrative indépendante soumise au principe de légalité, la CRE est dans l'obligation, dans l'exercice de ses pouvoirs décisionnels, et notamment lorsqu'elle règle un différend par application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, de ne pas faire application de dispositions illégales. A défaut, elle entacherait sa décision elle-même d'une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.
III. - Sur les conclusions de la société PEMAR tendant à ce qu'il lui soit fait application du décret du 19 juillet 2002 sur la base du niveau de tension HTB1 :
Aux termes de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, la CRE, lorsqu'elle est saisie d'un différend, doit « préciser les conditions d'ordre technique et financier du règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux publics ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés ».
Il incombe donc à la CRE, par la présente décision, de déterminer le tarif que RTE devra appliquer au demandeur. En effet, jusqu'à la modification du décret du 19 juillet 2002, à laquelle les auteurs du décret sont légalement tenus de procéder, sans qu'il soit besoin que la CRE formule une proposition à cette fin, afin de rétablir la légalité, RTE ne peut, même en ayant connaissance de l'erreur de droit entachant le décret, cesser de l'appliquer, n'étant pas tenu par le même devoir d'écarter l'application d'un texte illégal que les autorités administratives. Seule une modification du décret du 19 juillet 2002 par un autre décret aurait pu lui permettre, avant l'introduction de la demande de règlement de différend de la société PEMAR, de faire droit à son souhait.
Il résulte clairement de l'adoption du décret du 19 juillet 2002 et de son contenu que les intentions de ses auteurs étaient d'approuver intégralement la proposition de la CRE. L'approbation régulière de la proposition n'aurait pu reposer que sur la définition des niveaux de tension, telle que conçue par la CRE par référence à celle du cahier des charges du RAG, à laquelle il convient donc de recourir pour régler le présent différend. Aux termes de l'annexe I de l'article 8-1.2 du décret du 23 décembre 1994, une installation raccordée à une tension de 42 kV relève de la classe de tension HTB définie par une tension physique de raccordement comprise entre 40 kV et 130 kV exclu. Or, le décret du 19 juillet 2002 a non seulement renommé les classes de tensions, mais a illégalement modifié la tarification applicable aux installations raccordées à un niveau de tension compris entre 40 kV et 50 kV. La conformité du décret à la proposition de la CRE implique que le domaine de tension HTB1 soit défini de même manière que la classe de tension HTB mentionnée par le cahier des charges du RAG. La société PEMAR est donc fondée à demander, et RTE est tenu de faire droit à cette demande, que le tarif lui soit appliqué, pour son site de La Bâthie au point de raccordement « Arbine 42 kV », sur la base du domaine de tension HTB1 du décret du 19 juillet 2002, à compter de la date à laquelle devait entrer en vigueur le contrat d'accès au réseau, objet de la présente demande de règlement de différend. En conséquence, RTE proposera, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de la présente décision, à la société PEMAR, pour son site de La Bâthie, un contrat d'accès au réseau faisant application de ces principes, Décide :


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I. - Sur les faits :

Le différend oppose PEM abrasif-réfractaires (PEMAR) à Réseau de transport d'électricité (RTE). Il porte sur la conclusion de dispositions contractuelles d'accès au réseau et, plus particulièrement, sur la définition des domaines de tension du raccordement de l'usine du site de La Bâthie en vue de l'application de la tarification correspondante.

Le projet de contrat envoyé par RTE à la société PEMAR classe le site de La Bâthie dans le domaine de tension HTA. PEMAR demande à RTE pour l'application du décret du 19 juillet 2002 de classer le site de La Bâthie dans le domaine de tension HTB1. RTE refuse de modifier le projet de contrat.

II. - Sur la légalité du décret du 19 juillet 2002 en tant qu'il définit les niveaux de tension :

Aux termes du II de l'article 4 de la loi du 10 février 2000, « les décisions sur les tarifs (...) sont prises conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité pour les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution (...) ». L'article 8 du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, dispose que « les premiers tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixés par décret en Conseil d'Etat, sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité (...) ».

En application de ces dispositions, la CRE a adopté, le 10 janvier 2002, une proposition de tarif qui a été approuvée par le décret du 19 juillet 2002.

La proposition de la CRE, conformément à l'article 4 du décret du 26 avril 2001 aux termes duquel « [les tarifs] sont fonction de la tension de raccordement », distinguait quatre « niveaux de tension ». La définition de ces niveaux de tension n'était pas précisée. L'intention de la CRE, comme le principe de légalité conduisaient à se référer, pour en déterminer les limites, au seul acte réglementaire pertinent en vigueur définissant les classes de tension, c'est-à-dire au cahier des charges de la concession du réseau d'alimentation générale, approuvé par le décret du 23 décembre 1994, et notamment à l'annexe I de son article 8-1.2, aux termes de laquelle les classes de tension dénommées dans la proposition de la CRE sont ainsi définies :

Le 1er paragraphe de l'annexe au décret du 19 juillet 2002 approuvant cette proposition précise, quant à lui, que pour l'application de ce décret, les domaines de tension des réseaux publics de transport et de distribution sont définis par le tableau ci-dessous :

Il résulte donc de la confrontation de la proposition de la CRE, d'une part, et de l'annexe au décret du 19 juillet 2002, d'autre part, que la classification des domaines de tension déterminant le tarif applicable à un client n'est pas la même. Cette modification substantielle a pour effet, comme l'illustrent les faits de l'espèce, d'entraîner l'application à certains clients d'un tarif différent de celui qui aurait résulté de la proposition de la CRE.

Les auteurs du décret ne disposaient d'aucun pouvoir de modification de cette proposition. Le régime légal de fixation des tarifs d'utilisation des réseaux, prévu par l'article 4 de la loi du 10 février 2000, ne permet en effet aux ministres que d'approuver ou de refuser d'approuver la proposition qui leur est transmise. Toute modification, qu'elle retranche, ajoute ou substitue des dispositions, à laquelle ils prendraient l'initiative de procéder aboutit à mettre en vigueur des dispositions qui, par nature, n'ont pas fait l'objet, en violation de la loi, d'une proposition de la CRE.

Il serait loisible de soutenir que, par la modification opérée, les auteurs du décret du 19 juillet 2002 ont entendu, en l'espèce, implicitement, mais nécessairement, opérer une modification du cahier des charges du RAG, approuvé par un décret de même valeur. Telle n'était clairement pas leur intention, la définition des classes de tension n'étant donnée que « pour l'application du présent décret » (du 19 juillet 2002), au demeurant adopté au terme d'une procédure différente de celle exigée pour modifier le cahier des charges, qui comporte, notamment, des consultations auxquelles il n'a pas été procédé ici.

Ayant ainsi procédé à une modification substantielle de la proposition formulée par la CRE, les auteurs du décret du 19 juillet 2002 ont commis une erreur de droit qui entache d'illégalité ce décret en tant qu'il définit les classes de tension.

Autorité administrative indépendante soumise au principe de légalité, la CRE est dans l'obligation, dans l'exercice de ses pouvoirs décisionnels, et notamment lorsqu'elle règle un différend par application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, de ne pas faire application de dispositions illégales. A défaut, elle entacherait sa décision elle-même d'une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.

III. - Sur les conclusions de la société PEMAR tendant à ce qu'il lui soit fait application du décret du 19 juillet 2002 sur la base du niveau de tension HTB1 :

Aux termes de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, la CRE, lorsqu'elle est saisie d'un différend, doit « préciser les conditions d'ordre technique et financier du règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux publics ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés ».

Il incombe donc à la CRE, par la présente décision, de déterminer le tarif que RTE devra appliquer au demandeur. En effet, jusqu'à la modification du décret du 19 juillet 2002, à laquelle les auteurs du décret sont légalement tenus de procéder, sans qu'il soit besoin que la CRE formule une proposition à cette fin, afin de rétablir la légalité, RTE ne peut, même en ayant connaissance de l'erreur de droit entachant le décret, cesser de l'appliquer, n'étant pas tenu par le même devoir d'écarter l'application d'un texte illégal que les autorités administratives. Seule une modification du décret du 19 juillet 2002 par un autre décret aurait pu lui permettre, avant l'introduction de la demande de règlement de différend de la société PEMAR, de faire droit à son souhait.

Il résulte clairement de l'adoption du décret du 19 juillet 2002 et de son contenu que les intentions de ses auteurs étaient d'approuver intégralement la proposition de la CRE. L'approbation régulière de la proposition n'aurait pu reposer que sur la définition des niveaux de tension, telle que conçue par la CRE par référence à celle du cahier des charges du RAG, à laquelle il convient donc de recourir pour régler le présent différend. Aux termes de l'annexe I de l'article 8-1.2 du décret du 23 décembre 1994, une installation raccordée à une tension de 42 kV relève de la classe de tension HTB définie par une tension physique de raccordement comprise entre 40 kV et 130 kV exclu. Or, le décret du 19 juillet 2002 a non seulement renommé les classes de tensions, mais a illégalement modifié la tarification applicable aux installations raccordées à un niveau de tension compris entre 40 kV et 50 kV. La conformité du décret à la proposition de la CRE implique que le domaine de tension HTB1 soit défini de même manière que la classe de tension HTB mentionnée par le cahier des charges du RAG. La société PEMAR est donc fondée à demander, et RTE est tenu de faire droit à cette demande, que le tarif lui soit appliqué, pour son site de La Bâthie au point de raccordement « Arbine 42 kV », sur la base du domaine de tension HTB1 du décret du 19 juillet 2002, à compter de la date à laquelle devait entrer en vigueur le contrat d'accès au réseau, objet de la présente demande de règlement de différend. En conséquence, RTE proposera, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de la présente décision, à la société PEMAR, pour son site de La Bâthie, un contrat d'accès au réseau faisant application de ces principes, Décide :