1.1. Mesures regardées comme des aides publiques au sens du traité instituant la Communauté européenne (traité CE)
La notion d'aide recouvre l'ensemble des avantages, directs ou indirects, que les collectivités publiques peuvent allouer à une entreprise ou un groupe d'entreprises, notamment sous la forme de subventions, d'avantages fiscaux, quelles que soient leurs formes, de remises de dettes, d'abandons de créances, d'octrois de garanties, de prises de participations en capital, de bonifications d'intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations, de prêts ou de mises à disposition de biens meubles, immeubles ou de personnel, de rabais sur le prix de vente, de locations ou de locations-ventes de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés.
L'article 87 du traité CE fait une distinction implicite entre les mesures d'ordre général, qui ont un effet uniforme sur toutes les entreprises et tous les secteurs et ne tombent donc pas sous le coup des règles relatives aux aides d'Etat, et les aides qui favorisent certaines entreprises ou certaines productions. Sera donc regardé comme une aide d'Etat tout dispositif qui s'applique spécifiquement à certains bénéficiaires ou qui implique un pouvoir discrétionnaire des autorités publiques ou encore dont la portée territoriale est limitée.
L'aide est qualifiée de publique si son financement est assuré par des ressources d'origine publique, qu'elles proviennent de l'Etat, des collectivités territoriales ou de fonds européens, éventuellement par le biais d'organismes et établissements publics, de sociétés d'économie mixte ou d'organismes autorisés à prélever des fonds auprès des entreprises.
Toutes les entreprises sont visées par la réglementation des aides, quel que soit leur statut juridique, dans la mesure où elles sont susceptibles d'être en situation concurrentielle.
1.2. Principe d'interdiction des aides
En vertu des stipulations de l'article 87 du traité CE, les aides qui faussent ou menacent de fausser la concurrence, en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, sont interdites. Toutefois, il existe des dérogations à cette interdiction. Elles sont pour la plupart prévues par le traité CE et concernent principalement les mesures destinées à aider le développement économique des régions en difficulté, mais aussi celles qui soutiennent le développement des petites et moyennes entreprises ou encore les aides à l'environnement, à la recherche et au développement, à la formation, à l'emploi, au sauvetage et à la restructuration des entreprises et les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.
La compétence pour apprécier si les projets d'aides notifiés par les Etats peuvent être autorisés au regard de l'une de ces exceptions appartient exclusivement à la Commission européenne sous le contrôle du juge communautaire. Les critères d'appréciation qu'elle retient ont été précisés dans des communications et des règlements communautaires ainsi que par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et du Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPI).
1.3. Principe d'autorisation préalable
(par notification ou exemption)
En application de l'article 88.3 du traité CE, tout projet d'aide doit être notifié par l'Etat à la Commission européenne et autorisé par cette dernière avant sa mise en oeuvre. En cas de doute sur la qualification du dispositif, il convient également de le notifier. Les aides accordées en violation de cette règle procédurale sont réputées illégales.
Seules les aides relevant des règlements communautaires d'exemption échappent à cette obligation de notification préalable, sous réserve du respect de leurs dispositions (cf. point II-2.1.2).
Dans l'hypothèse où l'aide ou le dispositif d'aide ne respecterait pas toutes les conditions d'un règlement communautaire d'exemption, l'Etat doit notifier le projet. Toute modification significative d'un régime déjà approuvé par la Commission européenne doit également être notifiée.
1.4. Contrôle et sanction du non-respect des règles
de notification et d'autorisation préalables
Les aides accordées illégalement, c'est-à-dire versées sans avoir été notifiées, ou notifiées mais versées avant l'autorisation de la Commission européenne, peuvent être soumises à une récupération a posteriori, imposée soit par un juge national qui peut être saisi par un concurrent de l'entreprise bénéficiaire de l'aide, soit par la Commission européenne dès lors que l'aide est déclarée incompatible.
L'article 14 du règlement communautaire de procédure (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (aujourd'hui article 88 du TCE) prévoit en effet que dans le cas d'une aide illégale, la Commission européenne décide que l'Etat membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire. Les autorités publiques sont ainsi tenues de procéder à la récupération de l'aide en recourant à toutes les voies de droit disponibles, y compris la saisie des actifs de l'entreprise, voire sa mise en liquidation, même si la récupération porte atteinte aux droits des créanciers de l'entreprise. Lorsque l'aide a été accordée par une collectivité territoriale, c'est à elle qu'incombe la responsabilité de la récupération de l'aide, conformément à l'article L. 1511-1-1 du CGCT ; à défaut, après une mise en demeure restée sans effet dans un délai d'un mois à compter de sa notification, le représentant de l'Etat territorialement compétent y procède d'office par tout moyen.
En cas de versement d'une aide illégale, la Commission européenne peut en outre, à titre provisoire jusqu'à ce qu'elle statue sur la compatibilité de l'aide avec le Marché commun, arrêter une décision ordonnant à l'Etat membre la suspension du versement de l'aide illégale, ou, lorsque celle-ci a déjà été versée, ordonner sa récupération provisoire.
Contrairement à l'injonction de suspension, l'injonction de récupération provisoire est strictement encadrée par le règlement de procédure. Celle-ci ne peut en effet être utilisée que lorsque le caractère d'aide de la mesure concernée ne fait pas de doute, qu'il y a urgence à agir et qu'il existe un risque sérieux de préjudice substantiel et irréparable pour un concurrent.
Les décisions d'injonction peuvent être attaquées devant la CJCE ou le TPI par l'Etat ou l'entreprise aidée. Ce recours n'est cependant pas suspensif. Un sursis à exécution peut, certes, être demandé par le bénéficiaire de l'aide, mais, compte tenu des critères appliqués par la CJCE, il est très difficile à obtenir.
1.5. Le rôle du juge national dans la procédure
de récupération des aides illégales
Le juge national est compétent pour apprécier l'existence d'une aide et ordonner l'annulation de la mesure d'octroi s'il s'avère que celle-ci a été versée illégalement. Par ailleurs, le concurrent d'une entreprise bénéficiaire d'une aide versée dans des conditions irrégulières peut s'efforcer de rechercher la responsabilité de l'Etat, s'il est en mesure d'établir l'existence d'un préjudice directement lié au versement de l'aide illégale. L'entreprise bénéficiaire est elle-même susceptible d'engager une telle action si l'obligation de restituer l'aide lui cause un préjudice allant au-delà de la seule privation de l'aide.
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