JORF n°0077 du 31 mars 2023

ANNEXE
PROJET D'EXPÉRIMENTATION D'INNOVATION EN SANTÉ - CAHIER DES CHARGES
Projet « Passport BP »
Parcours de soins pour patients Bipolaires

NOM DU (DES) PORTEUR(S) et son statut juridique : FONDATION FONDAMENTAL- Fondation de coopération scientifique.
PERSONNE CONTACT : Marion Leboyer : [email protected].
Résumé du projet :
Les troubles bipolaires sont des troubles majeurs de l'humeur. Ils toucheraient 1 à 5 % de la population adulte française, mais aucun parcours spécifique n'existe. Pour les personnes atteintes de ces troubles, les parcours de soins sont totalement désorganisés.
Pour remédier à cela, « Passport BP » propose un parcours de soins spécifique aux troubles bipolaires, qui repose sur l'élaboration d'un plan de soins personnalisé pour chaque patient. Le projet associe une prise en charge spécialisée à des outils numériques.
Ce parcours est élaboré de manière pluridisciplinaire, à l'issue de longues consultations spécialisées, et éventuellement d'un bilan en Centre Expert FondaMental. Le plan de soins est suivi et piloté par un nouveau type de métier : le case manager. C'est un/une infirmière, formée à la coordination, qui peut intervenir et procéder à des ajustements du plan de soins, si il/elle détecte des indices de rechute ou de détérioration de la santé du patient.
Des outils connectés permettront d'assurer un meilleur suivi. Ils complèteront l'évaluation clinique, qui apporte des réponses subjectives. Grâce au traitement massif des données de santé, ces outils numériques permettront donc de piloter le projet de soins du patient et de répondre à ses besoins de santé.
Un des outils, baptisé MentalWise, et développé par la société Sêmeia, permet d'effectuer un suivi précis des symptômes de la maladie. Grâce à l'intelligence artificielle, la solution MentalWise permet aussi d'introduire des logiques prédictives : elle identifie les patients à risque important de rechutes ou d'arrêt des soins, orientant ainsi les actions à mettre en place par les soignants. Ces outils simples permettent au médecin d'avoir une vue d'ensemble de la situation du patient, d'intervenir rapidement en cas de besoin, en rectifiant un traitement par exemple, grâce à un suivi précis, avec des indices de rechutes. En plus de MentalWise, deux autres outils digitaux seront utilisés dans le cadre du projet « Passport BP » : un logiciel de psychoéducation, baptisé SimpLe et un logiciel de stimulation des fonctions cognitives, Happy Neuron.

CHAMP TERRITORIAL

| |Cocher la case| |--------|--------------| | Local | | |Régional| | |National| X |

CATÉGORIE DE L'EXPÉRIMENTATION

| |Cocher la case| |--------------------------------|--------------| | Organisation innovante | X | | Financement innovant | X | |Pertinence des produits de santé| |

DATE DES VERSIONS :
V1 : 06032023
V2 : 09032023
V3 : 10032023
V4 : 17032023
Vdef : 20032023

- Les modifications apportées au cahier de charges

La crise sanitaire qui a engendré des modifications dans l'organisation des Centres Hospitaliers et des conséquences négatives sur les inclusions de patients, ainsi que des difficultés de recrutement de personnel et des patients, a provoqué un retard de 18 mois en tout par rapport au planning initial de déploiement prévisionnel. De plus un rythme d'inclusions plus lent que prévu est observé (cf. détails en annexe 4).
Les modifications suivantes ont été apportées au cahier de charges initial :

- Durée de l'expérimentation et calendrier de déploiement
- prolongation de l'expérimentation de 18 mois avec une durée totale de 5 ans versus 3,5 ans initialement ;
- modification de la durée des différentes phases de l'expérimentation suite au retard pris par le projet telle que décrite ci-dessous :

La mise en œuvre du projet se déroulera en 3 grandes phases :
Phase 1 : les 18 premiers mois sont destinés à réaliser les travaux suivants (comprenant le retard de 12 mois pour le démarrage de l'expérimentation) :

- construction et paramétrage des systèmes d'information (applications patient, outils de suivi) ;
- information de l'écosystème sur la mise en place du programme ;
- finalisation des partenariats locaux ;
- réalisation des modèles prédictifs ;
- formation des case managers et des autres participants au programme.

Phase 2 - 24 premiers mois : financement des interventions des case manager sur la base d'une dotation dérogatoire.
Phase 3 - 18 mois suivants : même modalité de financement avec un complément d'un intéressement aux résultats, le cas échéant.
L'étape optionnelle initialement prévue de financement au parcours prospectif ne pourra être réalisée.

- Objectif de recrutement

L'effectif cible est revu à la baisse : 1 100 patients versus 2 000 patients prévus initialement.

- Acteurs du parcours de soins

Suppression de l'intervention des Pharmaciens d'officine et hospitaliers (ces interventions n'ont pas pu être réalisées dans la phase 2).

- Critères d'inclusions

Suppression du critère suivant : les patients pour lesquels le recours à l'hospitalisation complète est inférieur à 30 jours dans l'année précédente.
Ce critère est jugé trop restrictif ce qui limite considérablement les possibilités d'inclusions des patients atteints de troubles bipolaires.

- Expérimentateurs

Le CH de Moulins-Yzeure ne participera finalement pas à l'expérimentation contrairement à ce qui était prévu au cahier des charges initial.

- Modifications budgétaires

Le coût global de l'expérimentation a été révisé en tenant compte d'une part, la réduction des effectifs et d'autre part, la revalorisation des coûts des interventions de l'équipe de soins (majorations du temps d'intervention).

Table des matières

I. Description du porteur
II. Présentation des expérimentateurs et des partenaires
II.1 Expérimentateurs
III. Contexte et Constats
IV. Objectifs et effets attendus
V. Description du projet
V.1 Objet de l'expérimentation
V.2 Population cible et effectifs
V.2.a Critères d'inclusion
V.2.b Critères d'exclusion
V.2.c Effectifs
V.3 Parcours du patient/usager
V.4 Organisation de la prise en charge/Intervention
V.5 Formation, communication et information
V.6 Terrain d'expérimentation
V.7 Durée de l'expérimentation
Planning prévisionnel des grandes phases de mise en œuvre de l'expérimentation
V.8 Pilotage, gouvernance et suivi de la mise en œuvre
VI. Les outils nécessaires pour l'expérimentation
VI.1 Les outils de la prise en charge patient
VI.1.a Les outils non numériques
VI.1.b Les outils numériques
VI.2 Le système d'information (SI) général de l'expérimentation
VI.3 Obligations règlementaires et recommandations de bonnes pratiques en matière de SI et des données de santé à caractère personnel
VII. Informations recueillies sur les patients inclus dans l'expérimentation
VIII. Financement de l'expérimentation
VIII.1 Modalités de financement de la prise en charge proposée
VIII.1.a Méthode de calcul utilisée pour définir le montant des prestations dérogatoires
VIII.1.b Estimation du besoin en crédits d'amorçage et d'ingénierie (CAI)
VIII.1.c Montants versés correspondants à des dépenses entre 2019 et mars 2023
VIII.1.d Besoin de financement pour la durée restante de l'expérimentation
VIII.1.e Coût global de l'expérimentation
VIII.2 Autres sources de financement
VIII.3 Estimation des coûts de la prise en charge actuelle et des coûts évités
IX. Evaluation de l'expérimentation
X. Dérogations nécessaires pour la mise en œuvre de l'expérimentation
X.1 Aux règles de facturation, de tarification et de remboursement relevant du code de la sécurité sociale (CSS)
X.2 Aux règles d'organisation de l'offre de soins relevant des dispositions du code de la santé publique (CSP)
X.3 Aux règles de tarification et d'organisation applicables aux établissements et services mentionnés à l'article l.312-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF)
XI. Liens d'intérêts
XII. Elements bibliographiques
XIII. Annexe 1 - Coordonnées du porteur, des expérimentateurs et des partenaires
XIV. Annexe 2 - Catégories d'expérimentations
XV. Annexe 3 - Grille de fonctions des outils numériquesx
XVI. Annexe 4 - Difficultés rencontrées et modifications demandées

I. - DESCRIPTION DU PORTEUR

Créée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, la Fondation FondaMental est une fondation de coopération scientifique, issue d'un Réseau Thématique de Recherche et de Soins (RTRS) en Santé Mentale. Ses objectifs sont de mettre en place une politique de prévention, de dépistage et de diagnostic des maladies psychiatriques. Pour cela, la fondation a créé et coordonne un réseau national de 43 centres experts dont 10 centres experts bipolaires, plateformes pluridisciplinaires de diagnostic et de recherche, permettant le suivi de cohortes à l'aide d'un dossier médical informatisé, unique et partagé par tous les centres pour améliorer la qualité des diagnostics, réduire les délais d'accès à une psychiatrie moderne et personnalisée (Henry et al, 2011).
Labellisés par la Fondation FondaMental et hébergés au sein de services hospitaliers, les Centres Experts sont des centres de recours spécialisés dans l'évaluation, le diagnostic et l'aide à la prise en charge d'une pathologie psychiatrique spécifique. Ils sont construits autour d'équipes pluridisciplinaires, partagent des standards d'évaluation identiques et contribuent au développement de la recherche.
Ces Centres Experts offrent des consultations spécialisées pour avis thérapeutique ou diagnostic, un bilan exhaustif et systématisé, une aide dans l'élaboration de stratégies thérapeutiques personnalisées et innovantes, le développement de la recherche clinique et fondamentale, par l'évaluation et le suivi de larges cohortes de patients
La Fondation FondaMental assure l'évaluation et la labellisation des équipes, l'animation, la coordination et la formation des équipes, le développement du dossier médical informatisé (e-bipolar), son implémentation et sa mise à jour, les démarches de déclarations réglementaires liées aux données de santé et le contrôle qualité des données saisies, le développement d'une base de données recherche nationale (FACE-BP), l'anonymisation et le transfert des données vers cette base, l'implémentation de projets de recherche portant entre autre sur l'impact sur le pronostic du passage sur un centre expert (voir la liste des articles publiés à partir des données observationnelles recueillies dans les bases de données à la fin du document)
La fondation FondaMental travaille également de manière étroite avec les associations de patients Bipolaires (ARGOS 2001) en co-organisant par exemple chaque année la journée mondiale des troubles bipolaires, en prenant ensemble la parole au niveau des média et en rencontrant ensemble les tutelles. Les équipes de la fondation FondaMental interviennent également régulièrement pendant les conférences organisées par ARGOS et destinées aux patients et à leurs proches.

II. - PRÉSENTATION DES EXPÉRIMENTATEURS ET DES PARTENAIRES
II.1. - Expérimentateurs

Les centres effectivement impliqués sont les suivants :

- Pôle de psychiatrie du GH Hôpital Henri Mondor (Centre Expert bipolaire crée en 2010) ;
- CHU de Clermont-Ferrand (Centre Expert troubles bipolaires crée en 2017) ;
- CHU de Besançon (Centre Expert troubles bipolaires crée en 2017) ;
- CH du Vinatier (Centre Expert troubles bipolaires en projet de création).

Ils assurent le recrutement des patients, la réalisation des bilans et des consultations longues et le case management.

III. - CONTEXTE ET CONSTATS

Les troubles bipolaires touchent 1-2 % des Français, soit 600 000 à 1.2 million de patients. En 2016, ils n'étaient que 135 000 à être inscrits en ALD indiquant probablement un défaut de prise en charge et de suivi ainsi qu'une absence de parcours coordonné des soins psychiatriques et médicaux (CNAMTS, 2017).
Les troubles bipolaires débutent entre 15 et 25 ans, ont une évolution chronique. Ils occupent le 7e rang mondial parmi les maladies non fatales (OMS) puisque les troubles bipolaires pèsent pour 2.4 % des DALYs (Disability adjusted Life). Ils sont responsables d'une réduction de 10 ans de l'espérance de vie en raison de la survenue de tentatives de suicide chez 30 % des patients menant dans 20 % des cas au décès, d'une prévalence augmentée d'un tiers de syndrome métabolique (obésité, anomalie glycémie et lipidique, HTA) qui ne sont pas diagnostiqués et pris en charge dans 70 à 90 % des cas et donc d'un risque de décès pour cause de maladies cardio-métaboliques multiplié par 2 comme nous l'avons démontré en 2015 (Godin et al, 2015). Plus récemment les données de l'Assurance maladie ont montré qu'en France, les personnes avec un trouble bipolaire ont un risque de survenue d'évènement cardio-neurovasculaire aigu, par rapport à la population générale, qui est multiplié par 3 pour la maladie coronaire et l'AVC, par 9 pour l'insuffisance cardiaque et par 10 pour l'embolie pulmonaire (CNAMTS, 2018). Avec les mêmes données, l'analyse détaillée des causes externes de décès en France montre que le suicide représente 40 % des causes externes de décès parmi les personnes suivies pour des troubles psychiatriques, contre 25 % dans l'ensemble de la population. C'est chez les personnes avec des troubles bipolaires que la part des suicides parmi les causes externes est la plus élevée (57 %) (CNAMTS, 2018). Ces chiffres sont encore aggravés lorsque les troubles bipolaires sont associés à une consommation d'alcool ou de drogue (Hjorthoj, 2015).
Cette situation sanitaire détériorée est majorée par une faible adhésion aux traitements, notamment une faible utilisation des thymorégulateurs (Brown, 2015) en particulier du lithium utilisé dans moins de 5 % des cas en première ligne (CNAMTS 2018), une prise en charge insuffisante des comorbidités psychiatriques et surtout médicales qui sont souvent non-dépistées et non-traitées (Laursen, 2009 ; Smith, 2013 ; Laursen, 2014), tout particulièrement en France (Godin et al, 2015), une prise en charge non spécialisée dans un secteur psychiatrique trop généraliste, une offre de soins de moindre qualité que la normale pour le traitement des pathologies somatiques (Cai and Li, 2013). Les patients bipolaires font également face à une situation économique détériorée : dans des études internationales, seuls un quart d'entre eux ont des revenus supérieurs au salaire minimum (Davidson, 2015), malgré un niveau d'étude équivalent voire supérieur à la population générale (Carlborg, 2015).
Ceci entraîne une consommation importante de ressources du système de protection sociale essentiellement tirées par le recours à l'hospitalisation, à l'arrêt de travail et aux pensions d'invalidité. S'agissant du recours aux hôpitaux, les hospitalisations les plus longues sont liées aux épisodes maniaques et hypomaniaques alors même que les récurrences dépressives sont plus fréquentes. Les durées d'hospitalisation mesurées dans les études sont également très variables (Young et al, 2011). Ainsi 20 % des patients bipolaires seraient à l'origine des deux tiers des jours d'hospitalisation (Williams, 2011). Concernant les arrêts de travail, les troubles bipolaires pèsent représentent 1,2 % des arrêts de travail courts de 2 à 4 mois (CNAMTS, 2004) ainsi que 1,75 % des pensions d'invalidité versées (CNAMTS, 2008).
Cette utilisation importante de soins entraîne des coûts considérables. Aux Etats-Unis, la dépense annuelle d'un patient bipolaire est estimée à 81 556 $ par patient et par an (coûts directs : 21 %, coûts indirects 36 %, Chômage : 20 %, Autres coûts : 23 %). En France, les coûts directs sont estimés à 6 447 €/an/patient dont 78 % sont dus aux hospitalisations (Laidi, thèse de médecine, 2018 et article en préparation).
Face à ce fardeau, des interventions sont possibles. Elles ont montré leur efficacité. Les dernières avancées de l'intelligence artificielle permettent tout d'abord d'envisager sérieusement de rendre prévisible le parcours de soins et les complications des patients bipolaires. L'utilisation du Big Data permet de bâtir des modèles prédictifs de la ré-hospitalisation (Vigod, 2015 ; Hamilton, 2015), de l'interruption des traitements (Garcia, 2016), de la survenue de comorbidités (Osborne, 2015) ou de l'occurrence d'arrêt de travail (Fishta, 2017) à partir de données médico-administratives, de données de registre ou de données de cohorte. Il est également possible de détecter de manière précoce les changements d'humeur des patients bipolaires, ce qui est stratégique dans la mesure où ceux-ci conduisent souvent à des interruptions de traitement ainsi qu'à des rechutes d'épisodes maniaques ou dépressifs. Ces changements d'humeur sont détectables en s'appuyant sur les données d'usage standard des smartphones (Coppersmith, 2015 ; Gruenerbl, 2014), ou de capteurs spécifiques (Valenza, 2014). Les algorithmes prédictifs construits à partir de données massives ou les outils permettant de capter l'activité de la maladie en vie réelle sont clés pour mettre en place une approche personnalisée de la prise en charge des patients. Cela permet notamment de déployer des stratégies efficaces mais intensives de prise en charge à destination des patients les plus à risque.
Il existe en effet des actions qui ont fait la preuve de leur efficacité tant sur le devenir clinique que sur la maîtrise de la dépense de santé des patients bipolaires. La continuité des soins contribue, par exemple, à une baisse de la mortalité (Hoertel, 2014). Une bonne adhésion aux traitements est associée à une baisse des coûts (Jiang and Ni, 2015). La psychoéducation permet d'améliorer l'adhésion aux traitements, la qualité de vie des patients et permet également de diminuer les hospitalisations (Javadpour, 2013). Des interventions centrées sur le retour au travail permettent de diminuer le nombre de jours d'arrêt de travail (Drake ; 2013). Des interventions intensives comme la thérapie cognitivo-comportementale (Depp, 2008) ou des contacts répétés, comme l'envoi de simples SMS (Moore, 2016) permettent de renforcer l'adhésion aux traitements tant sur le lithium que sur les traitements des comorbidités.
La mise en œuvre de ces bonnes pratiques peut être soutenue par des mécanismes innovants de financement de l'offre de soins. L'un des systèmes les plus aboutis est le financement de la psychiatrie par Medicare aux Etats-Unis. A minima, celui-ci prévoit un schéma de bonus/malus, le Merit-Based Incentive Payment System (MIPS), qui concernera de 5 % du revenu des psychiatres en 2019 à 9 % en 2022.

IV. - OBJECTIFS ET EFFETS ATTENDUS

Les indicateurs de performance principaux de cette expérimentation sont les suivants, reflétant les ambitions d'amélioration clinique et médico-économiques du projet :

- taux de suicide et de tentatives de suicide ;
- taux de recours aux urgences ;
- niveau de stabilisation des maladies cardiovasculaires somatiques ;
- taux de réhospitalisation à 30 jours ;
- réduction du nombre d'hospitalisations (en nombre/an) ;
- réduction de la durée des hospitalisations (en journées/an) ;
- réduction du nombre de journées d'arrêt de travail (en journées/an).

Les indicateurs secondaires de performance pourraient être les suivants, en ligne avec l'ambition d'amélioration des parcours de soins, de santé et de vie des patients bipolaires :

- bon usage et observance des traitements thymorégulateurs (taux de prescription des thymorégulateurs recommandés, taux de patients avec un Medication Possession Ratio > 80 % pour les traitements recommandés) ;
- adhésion au plan personnalisé de soins (taux de réalisation des consultations et des examens recommandés).

Des indicateurs de qualité de vie et de satisfaction tant des patients que des soignants pourront également être mis en œuvre, matérialisant l'ambition du projet d'impacter positivement le bien-être des personnes impliquées mais également de leur donner parole et pouvoir d'agir :

- indicateur de bientraitance (par exemple le Vulnerability to abuse screen scale) ;
- indicateur de qualité de vie (WHOQOL-BREF, Resilience Scale) ;
- indicateur de bien-être au travail des soignants (indicateurs QVT HAS) ;
- réduction du nombre de journées d'arrêt de travail des soignants (en journées/an).

De manière plus ambitieuse, le programme sera l'occasion d'un groupe de travail pour définir avec l'association de patients Argos les indicateurs pertinents pour les patients et leurs proches.
Des indicateurs de moyens et de pilotage pourront enfin être mis en œuvre afin de permettre la parfaite information des conseils stratégiques et du comité technique, ainsi que plus largement, du législateur :

- indicateurs de respect du planning ;
- indicateurs budgétaires ;
- nombre de patients inclus dans l'expérimentation ;
- nombre de structures impliquées dans la démarche ;
- nombre de professionnels de santé participant à l'expérimentation ;
- nombre de professionnels de santé formés.

V. - DESCRIPTION DU PROJET
V.1. - Objet de l'expérimentation

La finalité du projet « Passport BP » est de permettre une prise en charge intégrée des patients atteints de trouble bipolaire (BP), à même d'améliorer le pronostic médical (psychiatrique et somatique), ainsi que l'insertion socio-professionnelle des patients et de diminuer le fardeau économique de la maladie. Il s'agit d'une prise en charge spécialisée et coordonnée de la maladie associée à un modèle de financement au parcours de soins.
A plus long terme, le projet « Passport BP » permettra :

- de faire évoluer l'organisation de la psychiatrie qui est jusqu'à présent peu spécialisée, souvent trop hospitalo-centrée, n'incitant pas assez à l'interaction entre l'ensemble des intervenants, ni à l'utilisation d'outils thérapeutiques innovants, ainsi qu'à l'évaluation de l'efficacité des modes de prises de charge.

V.2. - Population cible et effectifs

L'entrée dans le parcours se fera à la suite d'une venue dans le service de psychiatrie ayant mission de secteur (en hospitalisation ou en ambulatoire) piloté par l'un des cinq centres impliqués dans le programme.

V.2.a. - Critères d'inclusion

Seront inclus dans le programme :

- les patients avec un diagnostic déjà établi de trouble bipolaire, pris en charge dans les services de psychiatrie d'adultes assumant une mission de secteur et impliqués dans le programme ;
- les patients adressés pour un bilan diagnostique de trouble bipolaire par leur médecin traitant ou leur psychiatre référent ;
- les patients ayant une résidence stable, un âge compris entre 16 et 60 ans.

Ces critères visent tout à la fois à couvrir la population atteinte de troubles bipolaires dans sa diversité tout en se concentrant dans un premier temps sur la part majoritaire de cette population pour laquelle une intervention à domicile ou à distance est possible.

V.2.b. - Critères d'exclusion

Ne seront pas inclus, les individus :

- n'ayant pas un diagnostic de trouble bipolaire ;
- mineurs ;
- n'ayant pas de résidence stable ;
- sous mesure de protection (sauvegarde de justice et tutelle) ;
- non affilié à un régime de sécurité sociale ;
- n'ayant pas donné leur accord pour participer à l'étude ou dans l'impossibilité de donner leur consentement éclairé.

V.2.c. - Effectifs

Compte-tenu des critères de recrutement et du choix des centres nous comptons inclure dans l'expérimentation 1 100 patients. Au 1er mars 2023, la file active en suivi était de 895 patients.

V.3. - Parcours du patient/Usager

Face aux constats du fardeau économique et clinique de la pathologie (voir chapitre 4), de l'absence de parcours de soins spécialisés, de l'insuffisance de prise en charge des complications somatiques (associée à une diminution majeure de l'espérance de vie), de la mauvaise observance aux traitements et des difficultés de déploiement sur le territoire national de prise en charge psycho-sociales spécialisées (en particulier de la diffusion de la psychoéducation ou de la remédiation cognitive), nous proposons un programme complet et structuré de prise en charge des patients souffrant de trouble bipolaire en aval de leur passage dans le service de Psychiatrie d'Adultes ayant une mission de secteur psychiatrique, que ce soit pour une hospitalisation complète, une hospitalisation partielle ou une consultation en Centre Médico-Psychologique (CMP).
A l'inclusion dans le programme, chaque patient bénéficiera d'une consultation psychiatrique longue (120 mn), spécifique, effectuée dans les différents services hospitaliers de Psychiatrie d'Adulte. Celle-ci aura été préparée par le patient par le remplissage d'auto-questionnaires et la réalisation d'un bilan biologique préalablement prescrit par le médecin adresseur. Lors de la consultation, le psychiatre utilisera, au cours de l'entretien clinique, des hétéro-questionnaires standardisés (Evaluation du trouble bipolaire, de la réponse au traitement, des comorbidités psychiatriques, des comorbidités somatiques, du retentissement cognitif, des capacités fonctionnelles) ce qui permettra au psychiatre d'établir un diagnostic précis de la situation du malade, de l'activité de sa maladie et de ses comorbidités. Le Compte Rendu de cette consultation sera partagé avec les différents acteurs du parcours de soin par l'intermédiaire de la messagerie sécurisée.
Cette évaluation psychiatrique initiale, permet la définition du programme de soins personnalisé recommandé au patient et qui comprend :

- des recommandations d'hygiène de vie (sommeil, alimentation, sport...) ;
- un choix spécifique des traitements médicamenteux ;
- l'identification de la thérapie psycho-sociale adaptée au patient ;
- la prise en charge des comorbidités somatiques éventuelles ;
- la prescription d'utilisation d'une ou plusieurs applications numériques en fonction des besoins identifiés ;
- l'organisation de l'ensemble des actions de suivi (examens, consultations) nécessaires en routine dans un suivi optimisé ;
- l'identification précise des intervenants du parcours de soins.

Les patients pour lesquels une suspicion de résistance au traitement est identifiée pendant cette consultation longue (présence de symptômes résiduels ayant des conséquences fonctionnelles, faible efficacité des traitements passés, comorbidités non prises en charge, plaintes cognitives…) sont adressés au Centre Expert Bipolaire référent sur le territoire géographique pour un bilan extensif (hospitalisation de jour). Ce bilan spécialisé, consiste en une évaluation standardisée multidisciplinaire (psychiatrique, somatique, neuropsychologique, sociale). Il permet pour chaque patient le recours à une expertise spécifique sur les patients complexes, et la définition des éléments du parcours de soins. Ce bilan complet ciblera 20 % des patients.
Le plan personnalisé de soins est communiqué au patient, aux membres de sa famille, au case manager, en charge de la coordination du suivi, et aux intervenants chargés du suivi en ville : médecin généraliste, psychiatre (centre médico-psychologique ou psychiatre libéral), psychologue, médecins spécialistes dans le cadre de ce programme de soins ambulatoire. Cette communication se fait au travers des outils de suivi informatisés du programme.
Le médecin traitant, en charge du suivi général du patient, et notamment des comorbidités somatiques réalisera une consultation de début de plan de soins.
Une fois le plan de soins établi, le suivi et la prise en charge du patient sont réalisés de la manière suivante :

- mise en œuvre du plan personnalisé au travers du recours à l'offre de soins habituelle ;
- coordination du suivi ambulatoire assurée par une équipe de case managers spécialisés permettant un renforcement de cette prise en charge, jusqu'à ce que l'équipe et le patient décident que ce suivi renforcé n'est plus nécessaire (reprise du travail par exemple). Cette modalité de prise en charge vise à optimiser l'adhésion au programme de soins personnalisé défini à l'étape précédente en coordonnant les interventions et en s'assurant de leur mise en œuvre. Il permet également le dépistage précoce de signes de rechutes justifiant selon la gravité le recours à une consultation rapprochée, à une visite à domicile ou à une consultation aux urgences, ainsi que la contribution à l'éducation du patient ;
- utilisation d'outils numériques pour le patient et les professionnels de santé : outil de suivi de paramètres quantitatifs, écologiques et continus des symptômes du patient (activité, humeur sommeil, stress…), outils de suivi du parcours de soins et de son observance le cas échéant rétro-alimentés par le Dossier Médical Partagé, application de psychoéducation, application de remédiation cognitive. Ces applications permettent d'enregistrer des informations venant du patient, de lui prodiguer rappels, conseils et éducation de manière automatisée et personnalisée ;
- les case managers, comme les autres acteurs du parcours de soin du patient utiliseront une plateforme de suivi qui recueille les informations issues des outils connectés remis au patient. Ce monitoring permettra de dépister les signes éventuels de rechute qui déclencheront une intervention selon le niveau de gravité.

Le tableau synoptique ci-après décrit précisément les rôles de chaque type d'acteurs à chaque étape du parcours de soins ainsi que les interactions entre les acteurs :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

V.4. - Organisation de la prise en charge/Intervention

L'intensité de la prise en charge (intensité de l'intervention du case manager, fréquence des visites) seront variables en fonction du niveau de besoins des patients. Les case managers détermineront le niveau de prise en charge du patient. Ils seront aidés dans cette évaluation par des algorithmes prédictifs de stratification des patients selon leur niveau de risque (arrêt de traitement et hospitalisation) définis initialement à partir des données du SNDS. Ceux-ci permettent d'identifier ex ante les patients dont la probabilité de rupture du parcours de soins optimal est élevée, ce qui permet de concentrer les ressources sur les patients qui en ont le plus besoin. Les données recueillies sur les parcours de soins et sur les patients, particulièrement les signaux avant-coureurs de crise, permettront la re-stratification en continu de la population suivie en réappliquant les algorithmes de ciblage et de segmentation utilisés au démarrage. Les algorithmes, enrichis des données de vie réelle gagneront en précision et en caractère prédictif au fur et à mesure de l'avancée du programme.
De ce fait, on aboutit à une mobilisation croissante de ressources en fonction du niveau de besoin et du niveau de risque du patient qui peut être synthétisée au travers des schémas suivants :

- Complexité du diagnostic :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

- Risque d'arrêt de traitement :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

- Risque d'hospitalisation :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

A terme, l'intensité globale du plan de soins sera modulée en fonction du niveau de risque du patient.

V.5. - Formation, communication et information

Une formation spécifique sera mise en place pour les cases managers. C'est notamment dans le secteur de la santé que s'est développé l'emploi du terme de « Case Management » qui permet de désigner :

- le suivi, la prise en charge d'un patient dont la spécificité est d'être atteint d'une ou plusieurs maladies chroniques pour lesquels des programmes et des protocoles particuliers ont été construits ;
- l'ensemble des fonctions assurées par un responsable, le « Case Manager », chargé de coordonner les besoins, les soins et les interventions de différents intervenants (psychologues, médecins mais aussi associations, employeurs, organismes sociaux...) pour traiter le cas.

Ce terme s'est répandu en particulier aux Etats-Unis non seulement dans le secteur de la santé mais également dans celui de la justice et dans le secteur social où il s'applique notamment au traitement et au suivi de personnes victimes des conséquences d'une catastrophe naturelle (par exemple, le cyclone Sandy).
Dans le domaine de la santé il s'agit d'organiser au cas par cas la prise en charge et le suivi de malades atteints de pathologies chroniques pour lesquels des programmes et des protocoles ont été élaborés.
Les notions de base qui sous-tendent la mise en place d'un dispositif de Case management sont :

- la notion de cas par cas ;
- l'existence de programmes, protocoles ou processus devant être appliqués et impliquant un ensemble de tâches, de fonctions, de règles et d'intervenants ;
- la nécessaire coordination et la collaboration des différents intervenants ;
- le nécessité pour le suivi d'une vision d'ensemble complète de son avancement ;
- une idée de complexité des cas à traiter avec comme corollaire l'importance laissée aux décisions prises par le Case Manager pour optimiser le déroulement du suivi.

Le Case Management doit pouvoir à la fois s'inspirer de pratiques éprouvées qu'on peut reproduire sous forme de processus et offrir la flexibilité nécessaire pour traiter la spécificité de chaque cas.
Dans de différents pays notamment le Royaume-Uni, les case managers peuvent être des professionnels de santé comme des travailleurs sociaux ayant une formation spécifique. Dans notre projet, leur rôle associe coordination du parcours, mais aussi rôle clinique de repérage des signes cliniques de rechute ayant des conséquences en termes d'orientation et de soin. C'est pour ces raisons que le choix de professionnel de santé paraît le plus pertinent dans le contexte réglementaire français.
Ce seront des infirmiers (IDE) qui auront reçu une formation spécifique. Cette formation sera dispensée sous l'égide de l'Université Clermont Auvergne (UFR de Médecine et des professions paramédicales) puis sera déployée sur le territoire national au sein des universités partenaires.
Ils recevront également une formation spécifique pour l'utilisation des différents outils développés pour le parcours bipolaire (utilisation des outils connectés…). Ils auront des compétences pour utiliser les applications développées en psychoéducation, mais aussi pour dépister précocement la rechute, pour assurer suivi de l'observance médicamenteuse, la surveillance des rendez-vous médicaux et paramédicaux, de l'hygiène de vie (activité physique, régime alimentaire, sommeil).
Parallèlement à la formation des « case managers », l'information des médecins généralistes, des psychiatres libéraux, des psychiatres hospitaliers (exerçant en CMP ou en Centre Hospitalier) se fera au travers d'une méthode innovante : le recours à la télé-expertise. Dans le cadre du nouveau dispositif conventionnel, les médecins pourront, au travers du recours à l'avis d'expert des médecins des centres de s'informer en continu au travers de l'analyse commune d'un certain nombre de cas ou de situations concrètes du parcours des patients bipolaires. Cela permettra de diffuser l'expertise développée par les centres experts tout en rendant progressivement autonomes les médecins du parcours de soins.
Des actions de communication et d'information sur le projet seront mises en place par les évaluateurs pour favoriser le recrutement des patients :

- auprès des professionnels de santé (libéraux et hospitaliers) par le biais de réunions d'information régulières ;
- auprès des patients par la création de plaquettes descriptives du projet et la création d'une page dédiée sur le site du porteur du projet.

V.6. - Terrain d'expérimentation

Le terrain d'expérimentation sont les territoires couverts par les 4 centres expérimentateurs situés dans 4 départements (Puy-de-Dôme, Rhône, Doubs, Val de Marne) dans 3 régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne Franche-Comté et Ile-de-France).
Les centres envisagés pour porter l'expérimentation sont des centres experts labellisés par la Fondation Fondamental pour la prise en charge des patients bipolaires, en passe de le devenir ou rattachés à un centre expert.
Cette diversité de niveau d'expertise couplée avec la présence de ces centres dans chacun des quatre types de territoires identifiés par l'IRDES (Coldefy, 2014) comme représentatifs de l'organisation des soins en psychiatrie garantit le caractère reproductible de l'expérimentation et sa généralisation au niveau national.
Selon les centres, la population qui pourrait participer à l'expérimentation est la suivante (PMSI, 2016) :

- Pôle de psychiatrie du GH Hôpital Henri Mondor (Centre Expert bipolaire crée en 2010) : 960 patients bipolaires vus en consultations ou en hospitalisations ;
- CHU de Clermont-Ferrand (Centre Expert troubles bipolaires crée en 2017) : 932 patients souffrant d'un trouble de l'humeur vus en consultations ou en hospitalisations ;
- CHU de Besançon (Centre Expert troubles bipolaires crée en 2017) : 258 patients ;
- CH du Vinatier (Centre Expert troubles bipolaires en projet de création) : 922 patients en hospitalisation ou consultation.

V.7. - Durée de l'expérimentation

Planning prévisionnel des grandes phases de mise en œuvre de l'expérimentation
La durée totale de l'expérimentation est prévue pour 5 ans..
Après une période de construction, la mise en œuvre du projet se déroulera en 3 grandes phases.
Phase 1- Les 18 premiers mois sont destinés à réaliser les travaux suivants :

- construction et paramétrage des systèmes d'information (applications patient, outils de suivi) ;
- information de l'écosystème sur la mise en place du programme ;
- finalisation des partenariats locaux ;
- réalisation des modèles prédictifs ;
- formation des case managers et des autres participants au programme.

Les 3,5 années suivantes seront consacrées au fonctionnement opérationnel de l'expérimentation avec le cadencement suivant en termes d'évolution du modèle de financement :

- Phase 2 - 24 premiers mois : financement des interventions des case manager sur la base d'une dotation dérogatoire ;
- Phase 3 - 18 mois suivants : même modalité de financement avec un complément d'un intéressement aux résultats, le cas échéant.

V.8. - Pilotage, gouvernance et suivi de la mise en œuvre

- Gouvernance du projet

Un Comité Stratégique regroupant le porteur, les expérimentateurs et les partenaires du projet sera mis en place. Ce comité se réunira dès lors que des décisions stratégiques sur le projet devront être prises.

- Pilotage et modalités de fonctionnement

En dehors des réunions du comité stratégique seront mis en place :

- des réunions techniques axées sur le développement de l'outil Mentalwise ;
- des réunions de suivi de l'avancement de la rédaction du protocole CPP ;
- des points d'avancement réguliers avec le Ministère et la CNAM ;
- des réunions mensuelles de retour d'expérience des différents sites en présence des psychiatres du parcours, les Case managers ainsi que Sêmeia, HappyNeuron et la cheffe de projet.

VI. - LES OUTILS NÉCESSAIRES POUR L'EXPÉRIMENTATION
VI.1. - Les outils de la prise en charge patient
VI.1.a. - Les outils non numériques

N/A.

VI.1.b. - Les outils numériques

Le bouquet d'applications numériques mis à la disposition des patients constitue un outil stratégique pour augmenter l'efficience du parcours de soins. L'ensemble des briques logicielles fait l'objet d'un marquage CE de classe 1.

VI.1.b.1. - Sêmeia, un outil innovant de télésuivi

La solution Sêmeia nommée MentalWise permet un suivi innovant des patients basé sur des modèles prédictifs permettant de centrer l'intervention sur les patients les plus à risque, d'identifier le meilleur moment pour intervenir selon un contenu et un canal adapté à chaque patient (Just-in-Time, Adaptive Interventions). Ces interventions mobiliseront les « case managers » et les autres professionnels du parcours pour renforcer l'adhésion aux traitements et aux parcours de soins recommandés, permettant d'éviter arrêts de traitements, hospitalisation et désinsertion professionnelle.
Notre solution reposera sur des algorithmes initialement définis à partir des près de 200 000 patients/années atteints de troubles bipolaires et présents dans le SNDS. Des techniques d'apprentissage profond (deep learning) permettront d'identifier les profils des patients à risque nécessitant une action pro-active ou plus intensive. Ces modèles permettront d'identifier les épisodes de soins les plus déterminants dans la prévision de la détérioration de l'état du patient. Ces modèles permettront enfin d'identifier certains critères pertinents à intégrer dans les outils de suivi pour mieux prévenir ou détecter les dégradations de l'état de santé des patients
Une fois ces algorithmes construits, MentalWise mettra à disposition des professionnels de santé et des « case managers » un tableau de bord permettant d'identifier en temps réel le score de risque du patient (bas/intermédiaire/haut) et les actions à entreprendre.
Ce tableau de bord permet également aux case managers et aux psychiatres en charge du suivi des patients de paramétrer le plan personnalisé de soins du patient (traitements, tests biologiques, rendez-vous médicaux et paramédicaux) et de suivre son bon déroulement à partir des données remontées par les patients, le case manager au contact du patient et d'autres sources de données évitant la re-saisie par les professionnels de santé ou les patients.
Le tableau de bord permettra également de suivre un certain nombre de paramètres en continu (non-observance, activité, humeur, constantes biologiques) permettant aux case managers et aux psychiatres d'intervenir lorsqu'un seuil d'alertes préalablement paramétré a été dépassé.
Ainsi, l'intervention des professionnels de santé auprès du patient peut être proactive (sur la base des scores de risque) ou réactive (sur la base des seuils d'alerte)

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Une application à destination des patients, complétée par d'autres outils (portail internet, serveur de SMS interactifs) pour les patients ne disposant pas de smartphone permettra de récolter les informations clés auprès des patients (rendez-vous réalisés, observance, qualité de vie, niveau d'humeur).
A ces données collectées par des questionnaires et des échelles, seront ajoutées des données collectées passivement auprès du patient (sans intervention de sa part autre que son consentement) au travers du smartphone (actimétrie, nombre d'appels) pour les patients qui en possèdent. Les données de biologie issues des tests réalisés en ville par le patient seront également remontées au travers de flux HPRIM/HL7.
Ces données d'entrée seront potentiellement complétées par les données du Dossier Médical Partagé (DMP) dans le cadre de la proposition 27 du rapport Charges et Produits 2019 de l'Assurance maladie, ce qui permettrait d'éviter de poser des questions aux patients sur le respect de son parcours de soins et son observance par exemple.
L'ensemble de ces informations doit permettre de piloter les conseils et rappels envoyés aux patients par notification ou par SMS.
Ces informations permettent également d'envoyer des alertes aux professionnels de santé et aux case managers au travers de leurs interfaces et dans leur messagerie sécurisée lorsqu'un seuil préalablement paramétré est dépassé (non-observance, activité, humeur, constantes biologiques).
Au-delà, l'ensemble de ces informations contribueront à la re-stratification en continu des patients et à l'évolution de leurs scores de risque. La stratification initiale et la restratification réalisées au travers des outils Sêmeia permettront l'ajustement de l'activité des case managers. Son utilisation est donc la condition d'une intervention plus ou moins intensive par les case managers et du modèle économique global de l'expérimentation.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Ces données de vie réelle seront stockées de manière anonymisées afin d'affiner les algorithmes prédictifs basés au départ uniquement sur les données rétrospectives du SNDS.
MentalWise hautement paramétrable, dispose déjà de l'ensemble de l'infrastructure permettant déployer la solution décrite :

- le module Partner, dédié au patient permet d'adresser questionnaire et échelles auprès du patient ainsi que conseils éducatifs et rappels contextualisés ;
- la brique Pilot permet aux professionnels de santé de paramétrer tout plan personnalisé de soins, de suivre les niveaux de risque des patients, les constantes et les seuils d'alerte et de piloter des interventions d'éducation ou de rappels personnalisées par un case manager ou un professionnel de santé ;
- la brique Prophet, notre système expert, abrite les modèles prédictifs construits à partir des données du SNDS, les modèles de renforcement de ces outils prédictifs à partir des données de vie réelle et les moteurs de règle permettant de piloter actions et alertes tant pour les patients que pour les professionnels de santé. Des premiers modèles ont été construits sur le cancer du sein, les patients à fort risque cardiovasculaire et les transplantés rénaux. Une librairie spécifique construite depuis permet de réaliser les modèles prédictifs à partir des données du SNDS sur le risque d'hospitalisation et le risque d'arrêt de traitement en 4 semaines une fois les données du SNDS obtenues.

A partir de cette solution standard, pour réaliser la solution technique de suivi nécessaire pour les patients bipolaires, les adaptations suivantes seront nécessaires :

- paramétrage des traitements et des actes de soins utilisés sur le parcours de soins bipolaires ;
- paramétrage des règles d'alerte et de relance ;
- paramétrage des contenus éventuels d'éducation ;
- réalisation des modèles prédictifs ;
- développements spécifiques liés à la captation des données passives ;
- développements spécifiques en cas d'accord sur l'accès aux données du DMP.

VI.1.b.2. - SIMPLE, un outil digital de psychoéducation

L'application SIMPLe (CHU Clermont-Ferrand, Pr L Samalin) qui permet de délivrer des messages de psychoéducation individualisée sera également déployée auprès des patients.
Si une modification significative de l'humeur est détectée au travers de l'application Sêmeia (par la conjonction de la modification de différentes variables à l'aide d'un algorithme), l'utilisateur recevra une nouvelle évaluation basée sur les critères actuels du DSM-5 qui permettra de confirmer la présence d'un nouvel épisode (dépressif ou maniaque). Si l'utilisateur reste stable au cours des tests quotidiens l'évaluation de la symptomatologie basée sur ces critères ne sera proposée qu'une seule fois par semaine (tests hebdomadaires).
L'application délivrera également des graphiques montrant les modifications de l'humeur (agenda de l'humeur) et l'utilisateur pourra regarder les résultats de ses tests quotidiens. Des messages de psychoéducation quotidiens et personnalisés (en fonction des réponses aux tests réalisés) seront envoyés à l'utilisateur par notifications. Ce dernier peut définir au préalable le meilleur moment de la journée où il est disponible pour réaliser ses tests et recevoir ses messages de psychoéducation. Des alertes pourront être envoyées au case manager si l'application détecte la présence de symptômes dépressifs ou maniaques ou si le patient a exprimé des idées suicidaires. La construction des algorithmes permettant d'assurer ce monitoring et d'adresser ces messages de psychoéducation est individualisée à chaque patient.
Cette application est téléchargeable gratuitement sur les plateformes habituelles de téléchargement (App Store et Google Play). Elle nécessitera un code d'accès pour être utilisée, fourni dès lors que le patient se sera connecté sur la plateforme dédiée. Cette application est disponible pour le projet d'expérimentation PARCOURS depuis janvier 2019.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Fonctionnement général de l'application SIMPLe

Cette application SIMPLe fait l'objet d'un programme de recherche sur la performance du système des soins (PREPS) par la réalisation d'une étude de non-infériorité comparant deux modalités différentes de psychoéducation (application SIMPLe vs groupe présentiel) dans une population de patients souffrant d'un trouble bipolaire (Pr Samalin, acronyme AppEduc, n° PREPS-17-0121).
La propriété intellectuelle de l'application appartient au Professeur Eduard Vieta, au Docteur Hidalgo-Mazzei et au Docteur Colom. Son développement est d'origine académique (Institut de Neuroscience de Barcelone) et cette protection vise en premier lieu à éviter tout détournement industriel. Nous avons l'autorisation d'utiliser et développer cette application en France. Le travail préliminaire de traduction en français et d'adaptation culturelle a été réalisé.
A l'issu de l'expérimentation, le déploiement de l'application se fera par l'intermédiaire d'un médecin psychiatre (sur prescription). Son accès nécessitera l'obtention d'un code d'accès qui se fourni par le médecin. Si les droits d'utilisation resteront libres, des coûts de gestion et maintenance ainsi qu'à minima de développement seront nécessaires comme toute intervention de télémédecine.

VI.1.b.3. - Happy Neuron, un outil digital de remédiation cognitive

En parallèle au déploiement de cette application de psychoéducation, nous développerons une application destinée à assurer un programme de remédiation cognitive pour les patients bipolaires (en partenariat avec la société SBT/Happy Neuron). La remédiation cognitive est un ensemble de processus thérapeutiques visant à améliorer le fonctionnement cognitif par le renforcement de fonctions déficitaires ou l'établissement de stratégies cognitives alternatives. Elle se base sur un ensemble d'exercices ludiques et d'un accompagnement thérapeutique permettant au patient d'améliorer sa vie quotidienne.
La société SBT/Happyneuron est le leader français de la remédiation cognitive. Son programme Psychiatrie comprend une méthodologie spécifique de stimulation cognitive, qui a déjà prouvé son intérêt dans le traitement de la schizophrénie (Bowie et al., 2012 ; Franck et al., 2013) et de la dépression (Bowie et al., 2013). Le programme utilise des exercices spécifiques, avec des niveaux et des séquences bien définies. Actuellement, une série d'une vingtaine d'exercices regroupés en modules (selon classification MATRICS) est disponible.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Exemples d'exercices de remédiation cognitive

Le programme adaptera la difficulté des exercices à chaque patient selon des règles de progression optimisées. Le thérapeute ou le case manager ont accès à la vue détaillée de la progression du patient tout au long du programme et à son observance.
Parallèlement au développement et à la mise à disposition de ces applications, le système d'information du programme alimentera une base de données spécifique anonymisée, qui permettra l'évaluation de l'impact de l'expérimentation.
Dans la mesure où nos trois régions d'expérimentation sont celles où se déploient les programmes TSN (Territoires de Soins Numériques), nous proposons que ces programmes intègrent une articulation avec les solutions spécifiques que nous développons dans le champ des troubles bipolaires. Les travaux d'interfaçage n'ont pas été budgétés à ce stade.

VI.2. - Le système d'information (SI) général de l'expérimentation

Mentalwise comprend une solution de coordination et de pilotage ainsi que des fonctions permettant le suivi du parcours du patient et la télésurveillance.

VI.3. - Obligations règlementaires et recommandations de bonnes pratiques en matière de SI et des données de santé à caractère personnel

Le logiciel Mental Wise fait l'objet d'un marquage CE en classe I selon la directive européenne conforme jusqu'en mai 2024. Conformément au règlement européen sur les dispositifs médicaux, il fera l'objet d'un marquage CE en classe II a avant la fin de l'année 2023.

VII. - INFORMATIONS RECUEILLIES SUR LES PATIENTS INCLUS DANS L'EXPÉRIMENTATION

Les données collectées par la solution Mental Wise seront considérées comme des données de santé et bénéficieront d'un traitement et d'un hébergement sécurisé auprès d'un hébergeur certifié en données de santé à caractère personnel.
Ces données seront de 4 types :

- données sur l'état clinique du patient collectés au cours des entretiens réalisés (en présentiel ou à distance) avec l'infirmier Case Manager en Psychiatrie ;
- données sur l'état clinique du patient en condition écologique par l'intermédiaire de d'échelles visuelles analogiques que le patient réalisera via l'application smartphone ;
- données collectées passivement auprès du patient (sans intervention de sa part) au travers du smartphone (actimétrie, nombre d'appels)
- données du Dossier Médical Partagé (DMP) dans le cadre de la proposition 27 du rapport Charges et Produits 2019 de l'Assurance maladie, permettant d'évaluer l'observance au traitement et le respect de son parcours de soins.

VIII. - FINANCEMENT DE L'EXPÉRIMENTATION

Le modèle de financement est complémentaire avec une modalité de payement mixte, à la dotation (pour les établissements de santé expérimentateurs) et au forfait (pour les industriels) avec une part d'intéressement selon les résultats (pour tous les intervenants).

VIII.1. - Modalités de financement de la prise en charge proposée
VIII.1.a. - Méthode de calcul utilisée pour définir le montant des prestations dérogatoires

Par rapport à la prise en charge standard, les nouvelles actions suivantes seront réalisées et budgétées pour tout ou partie des patients intégrés dans l'expérimentation en fonction de leur niveau de risque.
Une partie des interventions dérogeant aux soins standard sont déjà financées :

- les bilans experts bipolaires font l'objet d'un financement DGOS/ARS dans le cadre de l'enveloppe plus globale dédiée au financement des centres experts;
- l'application Simple fait l'objet d'une traduction et d'une adaptation déjà financées dans le cadre d'un PREPS ;
- le financement de la télé-expertise est entré dans le droit commun.

Les dépenses des prestations dérogatoires soumises au financement de l'article 51 ont été calculées de 3 manières :

- pour les ressources hospitalières (case managers, chefs d'équipe cadre infirmier, chefs d'équipes médecins des case managers) : le surcoût est calculé en fonction du nombre et du coût chargé des ETP spécifiques mobilisés pour le projet ;
- pour les outils numériques : le coût des licences commerciales est intégré dans le calcul des coûts ;
- pour l'intéressement : prise en compte du différentiel entre dépenses évitées par la nouvelle prise en charge et la prise en charge standard des patients avec le même diagnostic et profil (hospitalisations + soins de ville + indemnités journalières). Cet intéressement est limité à 5 % des dépenses en hospitalisations en prise en charge standard.

Calcul du coût des interventions de l'équipe soignante :

| | |Coût horaire brut chargé|Durée moyenne de PEC / patient en min (en heure)|Coût/patient/an| |-----------------------------------------------------|-------------------------------|------------------------|------------------------------------------------|---------------| | Infirmière hospitalière | Case Manager | 37 € | 569 (9,5) | 354 € | | Cadre de soins |Chef d'équipe CM (hiérarchique)| 37 € | 79 (1,3) | 49 € | |Chef de clinique /Psychiatre hospitalier /psychologue|Chef d'équipe CM (fonctionnel) | 47 € | 252 (4,2) | 197 € | | Coût moyen/patient/an | | | | 600 € |

NB. : Le coût moyen d'intervention de l'équipe soignante par patient et par an du cahier de charges initialement autorisé (512 €) est d'une part décompté des coûts des interventions des pharmaciens hospitaliers et d'officine (54 €) qui ne sont plus prévus, et d'autre part, revalorisé en termes de temps d'intervention de l'équipe de soins, notamment des CM pour aboutir au montant revalorisé de 600 €.


Historique des versions

Version 1

ANNEXE

PROJET D'EXPÉRIMENTATION D'INNOVATION EN SANTÉ - CAHIER DES CHARGES

Projet « Passport BP »

Parcours de soins pour patients Bipolaires

NOM DU (DES) PORTEUR(S) et son statut juridique : FONDATION FONDAMENTAL- Fondation de coopération scientifique.

PERSONNE CONTACT : Marion Leboyer : [email protected].

Résumé du projet :

Les troubles bipolaires sont des troubles majeurs de l'humeur. Ils toucheraient 1 à 5 % de la population adulte française, mais aucun parcours spécifique n'existe. Pour les personnes atteintes de ces troubles, les parcours de soins sont totalement désorganisés.

Pour remédier à cela, « Passport BP » propose un parcours de soins spécifique aux troubles bipolaires, qui repose sur l'élaboration d'un plan de soins personnalisé pour chaque patient. Le projet associe une prise en charge spécialisée à des outils numériques.

Ce parcours est élaboré de manière pluridisciplinaire, à l'issue de longues consultations spécialisées, et éventuellement d'un bilan en Centre Expert FondaMental. Le plan de soins est suivi et piloté par un nouveau type de métier : le case manager. C'est un/une infirmière, formée à la coordination, qui peut intervenir et procéder à des ajustements du plan de soins, si il/elle détecte des indices de rechute ou de détérioration de la santé du patient.

Des outils connectés permettront d'assurer un meilleur suivi. Ils complèteront l'évaluation clinique, qui apporte des réponses subjectives. Grâce au traitement massif des données de santé, ces outils numériques permettront donc de piloter le projet de soins du patient et de répondre à ses besoins de santé.

Un des outils, baptisé MentalWise, et développé par la société Sêmeia, permet d'effectuer un suivi précis des symptômes de la maladie. Grâce à l'intelligence artificielle, la solution MentalWise permet aussi d'introduire des logiques prédictives : elle identifie les patients à risque important de rechutes ou d'arrêt des soins, orientant ainsi les actions à mettre en place par les soignants. Ces outils simples permettent au médecin d'avoir une vue d'ensemble de la situation du patient, d'intervenir rapidement en cas de besoin, en rectifiant un traitement par exemple, grâce à un suivi précis, avec des indices de rechutes. En plus de MentalWise, deux autres outils digitaux seront utilisés dans le cadre du projet « Passport BP » : un logiciel de psychoéducation, baptisé SimpLe et un logiciel de stimulation des fonctions cognitives, Happy Neuron.

CHAMP TERRITORIAL

Cocher la case

Local

Régional

National

X

CATÉGORIE DE L'EXPÉRIMENTATION

Cocher la case

Organisation innovante

X

Financement innovant

X

Pertinence des produits de santé

DATE DES VERSIONS :

V1 : 06032023

V2 : 09032023

V3 : 10032023

V4 : 17032023

Vdef : 20032023

- Les modifications apportées au cahier de charges

La crise sanitaire qui a engendré des modifications dans l'organisation des Centres Hospitaliers et des conséquences négatives sur les inclusions de patients, ainsi que des difficultés de recrutement de personnel et des patients, a provoqué un retard de 18 mois en tout par rapport au planning initial de déploiement prévisionnel. De plus un rythme d'inclusions plus lent que prévu est observé (cf. détails en annexe 4).

Les modifications suivantes ont été apportées au cahier de charges initial :

- Durée de l'expérimentation et calendrier de déploiement

- prolongation de l'expérimentation de 18 mois avec une durée totale de 5 ans versus 3,5 ans initialement ;

- modification de la durée des différentes phases de l'expérimentation suite au retard pris par le projet telle que décrite ci-dessous :

La mise en œuvre du projet se déroulera en 3 grandes phases :

Phase 1 : les 18 premiers mois sont destinés à réaliser les travaux suivants (comprenant le retard de 12 mois pour le démarrage de l'expérimentation) :

- construction et paramétrage des systèmes d'information (applications patient, outils de suivi) ;

- information de l'écosystème sur la mise en place du programme ;

- finalisation des partenariats locaux ;

- réalisation des modèles prédictifs ;

- formation des case managers et des autres participants au programme.

Phase 2 - 24 premiers mois : financement des interventions des case manager sur la base d'une dotation dérogatoire.

Phase 3 - 18 mois suivants : même modalité de financement avec un complément d'un intéressement aux résultats, le cas échéant.

L'étape optionnelle initialement prévue de financement au parcours prospectif ne pourra être réalisée.

- Objectif de recrutement

L'effectif cible est revu à la baisse : 1 100 patients versus 2 000 patients prévus initialement.

- Acteurs du parcours de soins

Suppression de l'intervention des Pharmaciens d'officine et hospitaliers (ces interventions n'ont pas pu être réalisées dans la phase 2).

- Critères d'inclusions

Suppression du critère suivant : les patients pour lesquels le recours à l'hospitalisation complète est inférieur à 30 jours dans l'année précédente.

Ce critère est jugé trop restrictif ce qui limite considérablement les possibilités d'inclusions des patients atteints de troubles bipolaires.

- Expérimentateurs

Le CH de Moulins-Yzeure ne participera finalement pas à l'expérimentation contrairement à ce qui était prévu au cahier des charges initial.

- Modifications budgétaires

Le coût global de l'expérimentation a été révisé en tenant compte d'une part, la réduction des effectifs et d'autre part, la revalorisation des coûts des interventions de l'équipe de soins (majorations du temps d'intervention).

Table des matières

I. Description du porteur

II. Présentation des expérimentateurs et des partenaires

II.1 Expérimentateurs

III. Contexte et Constats

IV. Objectifs et effets attendus

V. Description du projet

V.1 Objet de l'expérimentation

V.2 Population cible et effectifs

V.2.a Critères d'inclusion

V.2.b Critères d'exclusion

V.2.c Effectifs

V.3 Parcours du patient/usager

V.4 Organisation de la prise en charge/Intervention

V.5 Formation, communication et information

V.6 Terrain d'expérimentation

V.7 Durée de l'expérimentation

Planning prévisionnel des grandes phases de mise en œuvre de l'expérimentation

V.8 Pilotage, gouvernance et suivi de la mise en œuvre

VI. Les outils nécessaires pour l'expérimentation

VI.1 Les outils de la prise en charge patient

VI.1.a Les outils non numériques

VI.1.b Les outils numériques

VI.2 Le système d'information (SI) général de l'expérimentation

VI.3 Obligations règlementaires et recommandations de bonnes pratiques en matière de SI et des données de santé à caractère personnel

VII. Informations recueillies sur les patients inclus dans l'expérimentation

VIII. Financement de l'expérimentation

VIII.1 Modalités de financement de la prise en charge proposée

VIII.1.a Méthode de calcul utilisée pour définir le montant des prestations dérogatoires

VIII.1.b Estimation du besoin en crédits d'amorçage et d'ingénierie (CAI)

VIII.1.c Montants versés correspondants à des dépenses entre 2019 et mars 2023

VIII.1.d Besoin de financement pour la durée restante de l'expérimentation

VIII.1.e Coût global de l'expérimentation

VIII.2 Autres sources de financement

VIII.3 Estimation des coûts de la prise en charge actuelle et des coûts évités

IX. Evaluation de l'expérimentation

X. Dérogations nécessaires pour la mise en œuvre de l'expérimentation

X.1 Aux règles de facturation, de tarification et de remboursement relevant du code de la sécurité sociale (CSS)

X.2 Aux règles d'organisation de l'offre de soins relevant des dispositions du code de la santé publique (CSP)

X.3 Aux règles de tarification et d'organisation applicables aux établissements et services mentionnés à l'article l.312-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF)

XI. Liens d'intérêts

XII. Elements bibliographiques

XIII. Annexe 1 - Coordonnées du porteur, des expérimentateurs et des partenaires

XIV. Annexe 2 - Catégories d'expérimentations

XV. Annexe 3 - Grille de fonctions des outils numériquesx

XVI. Annexe 4 - Difficultés rencontrées et modifications demandées

I. - DESCRIPTION DU PORTEUR

Créée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, la Fondation FondaMental est une fondation de coopération scientifique, issue d'un Réseau Thématique de Recherche et de Soins (RTRS) en Santé Mentale. Ses objectifs sont de mettre en place une politique de prévention, de dépistage et de diagnostic des maladies psychiatriques. Pour cela, la fondation a créé et coordonne un réseau national de 43 centres experts dont 10 centres experts bipolaires, plateformes pluridisciplinaires de diagnostic et de recherche, permettant le suivi de cohortes à l'aide d'un dossier médical informatisé, unique et partagé par tous les centres pour améliorer la qualité des diagnostics, réduire les délais d'accès à une psychiatrie moderne et personnalisée (Henry et al, 2011).

Labellisés par la Fondation FondaMental et hébergés au sein de services hospitaliers, les Centres Experts sont des centres de recours spécialisés dans l'évaluation, le diagnostic et l'aide à la prise en charge d'une pathologie psychiatrique spécifique. Ils sont construits autour d'équipes pluridisciplinaires, partagent des standards d'évaluation identiques et contribuent au développement de la recherche.

Ces Centres Experts offrent des consultations spécialisées pour avis thérapeutique ou diagnostic, un bilan exhaustif et systématisé, une aide dans l'élaboration de stratégies thérapeutiques personnalisées et innovantes, le développement de la recherche clinique et fondamentale, par l'évaluation et le suivi de larges cohortes de patients

La Fondation FondaMental assure l'évaluation et la labellisation des équipes, l'animation, la coordination et la formation des équipes, le développement du dossier médical informatisé (e-bipolar), son implémentation et sa mise à jour, les démarches de déclarations réglementaires liées aux données de santé et le contrôle qualité des données saisies, le développement d'une base de données recherche nationale (FACE-BP), l'anonymisation et le transfert des données vers cette base, l'implémentation de projets de recherche portant entre autre sur l'impact sur le pronostic du passage sur un centre expert (voir la liste des articles publiés à partir des données observationnelles recueillies dans les bases de données à la fin du document)

La fondation FondaMental travaille également de manière étroite avec les associations de patients Bipolaires (ARGOS 2001) en co-organisant par exemple chaque année la journée mondiale des troubles bipolaires, en prenant ensemble la parole au niveau des média et en rencontrant ensemble les tutelles. Les équipes de la fondation FondaMental interviennent également régulièrement pendant les conférences organisées par ARGOS et destinées aux patients et à leurs proches.

II. - PRÉSENTATION DES EXPÉRIMENTATEURS ET DES PARTENAIRES

II.1. - Expérimentateurs

Les centres effectivement impliqués sont les suivants :

- Pôle de psychiatrie du GH Hôpital Henri Mondor (Centre Expert bipolaire crée en 2010) ;

- CHU de Clermont-Ferrand (Centre Expert troubles bipolaires crée en 2017) ;

- CHU de Besançon (Centre Expert troubles bipolaires crée en 2017) ;

- CH du Vinatier (Centre Expert troubles bipolaires en projet de création).

Ils assurent le recrutement des patients, la réalisation des bilans et des consultations longues et le case management.

III. - CONTEXTE ET CONSTATS

Les troubles bipolaires touchent 1-2 % des Français, soit 600 000 à 1.2 million de patients. En 2016, ils n'étaient que 135 000 à être inscrits en ALD indiquant probablement un défaut de prise en charge et de suivi ainsi qu'une absence de parcours coordonné des soins psychiatriques et médicaux (CNAMTS, 2017).

Les troubles bipolaires débutent entre 15 et 25 ans, ont une évolution chronique. Ils occupent le 7e rang mondial parmi les maladies non fatales (OMS) puisque les troubles bipolaires pèsent pour 2.4 % des DALYs (Disability adjusted Life). Ils sont responsables d'une réduction de 10 ans de l'espérance de vie en raison de la survenue de tentatives de suicide chez 30 % des patients menant dans 20 % des cas au décès, d'une prévalence augmentée d'un tiers de syndrome métabolique (obésité, anomalie glycémie et lipidique, HTA) qui ne sont pas diagnostiqués et pris en charge dans 70 à 90 % des cas et donc d'un risque de décès pour cause de maladies cardio-métaboliques multiplié par 2 comme nous l'avons démontré en 2015 (Godin et al, 2015). Plus récemment les données de l'Assurance maladie ont montré qu'en France, les personnes avec un trouble bipolaire ont un risque de survenue d'évènement cardio-neurovasculaire aigu, par rapport à la population générale, qui est multiplié par 3 pour la maladie coronaire et l'AVC, par 9 pour l'insuffisance cardiaque et par 10 pour l'embolie pulmonaire (CNAMTS, 2018). Avec les mêmes données, l'analyse détaillée des causes externes de décès en France montre que le suicide représente 40 % des causes externes de décès parmi les personnes suivies pour des troubles psychiatriques, contre 25 % dans l'ensemble de la population. C'est chez les personnes avec des troubles bipolaires que la part des suicides parmi les causes externes est la plus élevée (57 %) (CNAMTS, 2018). Ces chiffres sont encore aggravés lorsque les troubles bipolaires sont associés à une consommation d'alcool ou de drogue (Hjorthoj, 2015).

Cette situation sanitaire détériorée est majorée par une faible adhésion aux traitements, notamment une faible utilisation des thymorégulateurs (Brown, 2015) en particulier du lithium utilisé dans moins de 5 % des cas en première ligne (CNAMTS 2018), une prise en charge insuffisante des comorbidités psychiatriques et surtout médicales qui sont souvent non-dépistées et non-traitées (Laursen, 2009 ; Smith, 2013 ; Laursen, 2014), tout particulièrement en France (Godin et al, 2015), une prise en charge non spécialisée dans un secteur psychiatrique trop généraliste, une offre de soins de moindre qualité que la normale pour le traitement des pathologies somatiques (Cai and Li, 2013). Les patients bipolaires font également face à une situation économique détériorée : dans des études internationales, seuls un quart d'entre eux ont des revenus supérieurs au salaire minimum (Davidson, 2015), malgré un niveau d'étude équivalent voire supérieur à la population générale (Carlborg, 2015).

Ceci entraîne une consommation importante de ressources du système de protection sociale essentiellement tirées par le recours à l'hospitalisation, à l'arrêt de travail et aux pensions d'invalidité. S'agissant du recours aux hôpitaux, les hospitalisations les plus longues sont liées aux épisodes maniaques et hypomaniaques alors même que les récurrences dépressives sont plus fréquentes. Les durées d'hospitalisation mesurées dans les études sont également très variables (Young et al, 2011). Ainsi 20 % des patients bipolaires seraient à l'origine des deux tiers des jours d'hospitalisation (Williams, 2011). Concernant les arrêts de travail, les troubles bipolaires pèsent représentent 1,2 % des arrêts de travail courts de 2 à 4 mois (CNAMTS, 2004) ainsi que 1,75 % des pensions d'invalidité versées (CNAMTS, 2008).

Cette utilisation importante de soins entraîne des coûts considérables. Aux Etats-Unis, la dépense annuelle d'un patient bipolaire est estimée à 81 556 $ par patient et par an (coûts directs : 21 %, coûts indirects 36 %, Chômage : 20 %, Autres coûts : 23 %). En France, les coûts directs sont estimés à 6 447 €/an/patient dont 78 % sont dus aux hospitalisations (Laidi, thèse de médecine, 2018 et article en préparation).

Face à ce fardeau, des interventions sont possibles. Elles ont montré leur efficacité. Les dernières avancées de l'intelligence artificielle permettent tout d'abord d'envisager sérieusement de rendre prévisible le parcours de soins et les complications des patients bipolaires. L'utilisation du Big Data permet de bâtir des modèles prédictifs de la ré-hospitalisation (Vigod, 2015 ; Hamilton, 2015), de l'interruption des traitements (Garcia, 2016), de la survenue de comorbidités (Osborne, 2015) ou de l'occurrence d'arrêt de travail (Fishta, 2017) à partir de données médico-administratives, de données de registre ou de données de cohorte. Il est également possible de détecter de manière précoce les changements d'humeur des patients bipolaires, ce qui est stratégique dans la mesure où ceux-ci conduisent souvent à des interruptions de traitement ainsi qu'à des rechutes d'épisodes maniaques ou dépressifs. Ces changements d'humeur sont détectables en s'appuyant sur les données d'usage standard des smartphones (Coppersmith, 2015 ; Gruenerbl, 2014), ou de capteurs spécifiques (Valenza, 2014). Les algorithmes prédictifs construits à partir de données massives ou les outils permettant de capter l'activité de la maladie en vie réelle sont clés pour mettre en place une approche personnalisée de la prise en charge des patients. Cela permet notamment de déployer des stratégies efficaces mais intensives de prise en charge à destination des patients les plus à risque.

Il existe en effet des actions qui ont fait la preuve de leur efficacité tant sur le devenir clinique que sur la maîtrise de la dépense de santé des patients bipolaires. La continuité des soins contribue, par exemple, à une baisse de la mortalité (Hoertel, 2014). Une bonne adhésion aux traitements est associée à une baisse des coûts (Jiang and Ni, 2015). La psychoéducation permet d'améliorer l'adhésion aux traitements, la qualité de vie des patients et permet également de diminuer les hospitalisations (Javadpour, 2013). Des interventions centrées sur le retour au travail permettent de diminuer le nombre de jours d'arrêt de travail (Drake ; 2013). Des interventions intensives comme la thérapie cognitivo-comportementale (Depp, 2008) ou des contacts répétés, comme l'envoi de simples SMS (Moore, 2016) permettent de renforcer l'adhésion aux traitements tant sur le lithium que sur les traitements des comorbidités.

La mise en œuvre de ces bonnes pratiques peut être soutenue par des mécanismes innovants de financement de l'offre de soins. L'un des systèmes les plus aboutis est le financement de la psychiatrie par Medicare aux Etats-Unis. A minima, celui-ci prévoit un schéma de bonus/malus, le Merit-Based Incentive Payment System (MIPS), qui concernera de 5 % du revenu des psychiatres en 2019 à 9 % en 2022.

IV. - OBJECTIFS ET EFFETS ATTENDUS

Les indicateurs de performance principaux de cette expérimentation sont les suivants, reflétant les ambitions d'amélioration clinique et médico-économiques du projet :

- taux de suicide et de tentatives de suicide ;

- taux de recours aux urgences ;

- niveau de stabilisation des maladies cardiovasculaires somatiques ;

- taux de réhospitalisation à 30 jours ;

- réduction du nombre d'hospitalisations (en nombre/an) ;

- réduction de la durée des hospitalisations (en journées/an) ;

- réduction du nombre de journées d'arrêt de travail (en journées/an).

Les indicateurs secondaires de performance pourraient être les suivants, en ligne avec l'ambition d'amélioration des parcours de soins, de santé et de vie des patients bipolaires :

- bon usage et observance des traitements thymorégulateurs (taux de prescription des thymorégulateurs recommandés, taux de patients avec un Medication Possession Ratio > 80 % pour les traitements recommandés) ;

- adhésion au plan personnalisé de soins (taux de réalisation des consultations et des examens recommandés).

Des indicateurs de qualité de vie et de satisfaction tant des patients que des soignants pourront également être mis en œuvre, matérialisant l'ambition du projet d'impacter positivement le bien-être des personnes impliquées mais également de leur donner parole et pouvoir d'agir :

- indicateur de bientraitance (par exemple le Vulnerability to abuse screen scale) ;

- indicateur de qualité de vie (WHOQOL-BREF, Resilience Scale) ;

- indicateur de bien-être au travail des soignants (indicateurs QVT HAS) ;

- réduction du nombre de journées d'arrêt de travail des soignants (en journées/an).

De manière plus ambitieuse, le programme sera l'occasion d'un groupe de travail pour définir avec l'association de patients Argos les indicateurs pertinents pour les patients et leurs proches.

Des indicateurs de moyens et de pilotage pourront enfin être mis en œuvre afin de permettre la parfaite information des conseils stratégiques et du comité technique, ainsi que plus largement, du législateur :

- indicateurs de respect du planning ;

- indicateurs budgétaires ;

- nombre de patients inclus dans l'expérimentation ;

- nombre de structures impliquées dans la démarche ;

- nombre de professionnels de santé participant à l'expérimentation ;

- nombre de professionnels de santé formés.

V. - DESCRIPTION DU PROJET

V.1. - Objet de l'expérimentation

La finalité du projet « Passport BP » est de permettre une prise en charge intégrée des patients atteints de trouble bipolaire (BP), à même d'améliorer le pronostic médical (psychiatrique et somatique), ainsi que l'insertion socio-professionnelle des patients et de diminuer le fardeau économique de la maladie. Il s'agit d'une prise en charge spécialisée et coordonnée de la maladie associée à un modèle de financement au parcours de soins.

A plus long terme, le projet « Passport BP » permettra :

- de faire évoluer l'organisation de la psychiatrie qui est jusqu'à présent peu spécialisée, souvent trop hospitalo-centrée, n'incitant pas assez à l'interaction entre l'ensemble des intervenants, ni à l'utilisation d'outils thérapeutiques innovants, ainsi qu'à l'évaluation de l'efficacité des modes de prises de charge.

V.2. - Population cible et effectifs

L'entrée dans le parcours se fera à la suite d'une venue dans le service de psychiatrie ayant mission de secteur (en hospitalisation ou en ambulatoire) piloté par l'un des cinq centres impliqués dans le programme.

V.2.a. - Critères d'inclusion

Seront inclus dans le programme :

- les patients avec un diagnostic déjà établi de trouble bipolaire, pris en charge dans les services de psychiatrie d'adultes assumant une mission de secteur et impliqués dans le programme ;

- les patients adressés pour un bilan diagnostique de trouble bipolaire par leur médecin traitant ou leur psychiatre référent ;

- les patients ayant une résidence stable, un âge compris entre 16 et 60 ans.

Ces critères visent tout à la fois à couvrir la population atteinte de troubles bipolaires dans sa diversité tout en se concentrant dans un premier temps sur la part majoritaire de cette population pour laquelle une intervention à domicile ou à distance est possible.

V.2.b. - Critères d'exclusion

Ne seront pas inclus, les individus :

- n'ayant pas un diagnostic de trouble bipolaire ;

- mineurs ;

- n'ayant pas de résidence stable ;

- sous mesure de protection (sauvegarde de justice et tutelle) ;

- non affilié à un régime de sécurité sociale ;

- n'ayant pas donné leur accord pour participer à l'étude ou dans l'impossibilité de donner leur consentement éclairé.

V.2.c. - Effectifs

Compte-tenu des critères de recrutement et du choix des centres nous comptons inclure dans l'expérimentation 1 100 patients. Au 1er mars 2023, la file active en suivi était de 895 patients.

V.3. - Parcours du patient/Usager

Face aux constats du fardeau économique et clinique de la pathologie (voir chapitre 4), de l'absence de parcours de soins spécialisés, de l'insuffisance de prise en charge des complications somatiques (associée à une diminution majeure de l'espérance de vie), de la mauvaise observance aux traitements et des difficultés de déploiement sur le territoire national de prise en charge psycho-sociales spécialisées (en particulier de la diffusion de la psychoéducation ou de la remédiation cognitive), nous proposons un programme complet et structuré de prise en charge des patients souffrant de trouble bipolaire en aval de leur passage dans le service de Psychiatrie d'Adultes ayant une mission de secteur psychiatrique, que ce soit pour une hospitalisation complète, une hospitalisation partielle ou une consultation en Centre Médico-Psychologique (CMP).

A l'inclusion dans le programme, chaque patient bénéficiera d'une consultation psychiatrique longue (120 mn), spécifique, effectuée dans les différents services hospitaliers de Psychiatrie d'Adulte. Celle-ci aura été préparée par le patient par le remplissage d'auto-questionnaires et la réalisation d'un bilan biologique préalablement prescrit par le médecin adresseur. Lors de la consultation, le psychiatre utilisera, au cours de l'entretien clinique, des hétéro-questionnaires standardisés (Evaluation du trouble bipolaire, de la réponse au traitement, des comorbidités psychiatriques, des comorbidités somatiques, du retentissement cognitif, des capacités fonctionnelles) ce qui permettra au psychiatre d'établir un diagnostic précis de la situation du malade, de l'activité de sa maladie et de ses comorbidités. Le Compte Rendu de cette consultation sera partagé avec les différents acteurs du parcours de soin par l'intermédiaire de la messagerie sécurisée.

Cette évaluation psychiatrique initiale, permet la définition du programme de soins personnalisé recommandé au patient et qui comprend :

- des recommandations d'hygiène de vie (sommeil, alimentation, sport...) ;

- un choix spécifique des traitements médicamenteux ;

- l'identification de la thérapie psycho-sociale adaptée au patient ;

- la prise en charge des comorbidités somatiques éventuelles ;

- la prescription d'utilisation d'une ou plusieurs applications numériques en fonction des besoins identifiés ;

- l'organisation de l'ensemble des actions de suivi (examens, consultations) nécessaires en routine dans un suivi optimisé ;

- l'identification précise des intervenants du parcours de soins.

Les patients pour lesquels une suspicion de résistance au traitement est identifiée pendant cette consultation longue (présence de symptômes résiduels ayant des conséquences fonctionnelles, faible efficacité des traitements passés, comorbidités non prises en charge, plaintes cognitives…) sont adressés au Centre Expert Bipolaire référent sur le territoire géographique pour un bilan extensif (hospitalisation de jour). Ce bilan spécialisé, consiste en une évaluation standardisée multidisciplinaire (psychiatrique, somatique, neuropsychologique, sociale). Il permet pour chaque patient le recours à une expertise spécifique sur les patients complexes, et la définition des éléments du parcours de soins. Ce bilan complet ciblera 20 % des patients.

Le plan personnalisé de soins est communiqué au patient, aux membres de sa famille, au case manager, en charge de la coordination du suivi, et aux intervenants chargés du suivi en ville : médecin généraliste, psychiatre (centre médico-psychologique ou psychiatre libéral), psychologue, médecins spécialistes dans le cadre de ce programme de soins ambulatoire. Cette communication se fait au travers des outils de suivi informatisés du programme.

Le médecin traitant, en charge du suivi général du patient, et notamment des comorbidités somatiques réalisera une consultation de début de plan de soins.

Une fois le plan de soins établi, le suivi et la prise en charge du patient sont réalisés de la manière suivante :

- mise en œuvre du plan personnalisé au travers du recours à l'offre de soins habituelle ;

- coordination du suivi ambulatoire assurée par une équipe de case managers spécialisés permettant un renforcement de cette prise en charge, jusqu'à ce que l'équipe et le patient décident que ce suivi renforcé n'est plus nécessaire (reprise du travail par exemple). Cette modalité de prise en charge vise à optimiser l'adhésion au programme de soins personnalisé défini à l'étape précédente en coordonnant les interventions et en s'assurant de leur mise en œuvre. Il permet également le dépistage précoce de signes de rechutes justifiant selon la gravité le recours à une consultation rapprochée, à une visite à domicile ou à une consultation aux urgences, ainsi que la contribution à l'éducation du patient ;

- utilisation d'outils numériques pour le patient et les professionnels de santé : outil de suivi de paramètres quantitatifs, écologiques et continus des symptômes du patient (activité, humeur sommeil, stress…), outils de suivi du parcours de soins et de son observance le cas échéant rétro-alimentés par le Dossier Médical Partagé, application de psychoéducation, application de remédiation cognitive. Ces applications permettent d'enregistrer des informations venant du patient, de lui prodiguer rappels, conseils et éducation de manière automatisée et personnalisée ;

- les case managers, comme les autres acteurs du parcours de soin du patient utiliseront une plateforme de suivi qui recueille les informations issues des outils connectés remis au patient. Ce monitoring permettra de dépister les signes éventuels de rechute qui déclencheront une intervention selon le niveau de gravité.

Le tableau synoptique ci-après décrit précisément les rôles de chaque type d'acteurs à chaque étape du parcours de soins ainsi que les interactions entre les acteurs :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

V.4. - Organisation de la prise en charge/Intervention

L'intensité de la prise en charge (intensité de l'intervention du case manager, fréquence des visites) seront variables en fonction du niveau de besoins des patients. Les case managers détermineront le niveau de prise en charge du patient. Ils seront aidés dans cette évaluation par des algorithmes prédictifs de stratification des patients selon leur niveau de risque (arrêt de traitement et hospitalisation) définis initialement à partir des données du SNDS. Ceux-ci permettent d'identifier ex ante les patients dont la probabilité de rupture du parcours de soins optimal est élevée, ce qui permet de concentrer les ressources sur les patients qui en ont le plus besoin. Les données recueillies sur les parcours de soins et sur les patients, particulièrement les signaux avant-coureurs de crise, permettront la re-stratification en continu de la population suivie en réappliquant les algorithmes de ciblage et de segmentation utilisés au démarrage. Les algorithmes, enrichis des données de vie réelle gagneront en précision et en caractère prédictif au fur et à mesure de l'avancée du programme.

De ce fait, on aboutit à une mobilisation croissante de ressources en fonction du niveau de besoin et du niveau de risque du patient qui peut être synthétisée au travers des schémas suivants :

- Complexité du diagnostic :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

- Risque d'arrêt de traitement :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

- Risque d'hospitalisation :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

A terme, l'intensité globale du plan de soins sera modulée en fonction du niveau de risque du patient.

V.5. - Formation, communication et information

Une formation spécifique sera mise en place pour les cases managers. C'est notamment dans le secteur de la santé que s'est développé l'emploi du terme de « Case Management » qui permet de désigner :

- le suivi, la prise en charge d'un patient dont la spécificité est d'être atteint d'une ou plusieurs maladies chroniques pour lesquels des programmes et des protocoles particuliers ont été construits ;

- l'ensemble des fonctions assurées par un responsable, le « Case Manager », chargé de coordonner les besoins, les soins et les interventions de différents intervenants (psychologues, médecins mais aussi associations, employeurs, organismes sociaux...) pour traiter le cas.

Ce terme s'est répandu en particulier aux Etats-Unis non seulement dans le secteur de la santé mais également dans celui de la justice et dans le secteur social où il s'applique notamment au traitement et au suivi de personnes victimes des conséquences d'une catastrophe naturelle (par exemple, le cyclone Sandy).

Dans le domaine de la santé il s'agit d'organiser au cas par cas la prise en charge et le suivi de malades atteints de pathologies chroniques pour lesquels des programmes et des protocoles ont été élaborés.

Les notions de base qui sous-tendent la mise en place d'un dispositif de Case management sont :

- la notion de cas par cas ;

- l'existence de programmes, protocoles ou processus devant être appliqués et impliquant un ensemble de tâches, de fonctions, de règles et d'intervenants ;

- la nécessaire coordination et la collaboration des différents intervenants ;

- le nécessité pour le suivi d'une vision d'ensemble complète de son avancement ;

- une idée de complexité des cas à traiter avec comme corollaire l'importance laissée aux décisions prises par le Case Manager pour optimiser le déroulement du suivi.

Le Case Management doit pouvoir à la fois s'inspirer de pratiques éprouvées qu'on peut reproduire sous forme de processus et offrir la flexibilité nécessaire pour traiter la spécificité de chaque cas.

Dans de différents pays notamment le Royaume-Uni, les case managers peuvent être des professionnels de santé comme des travailleurs sociaux ayant une formation spécifique. Dans notre projet, leur rôle associe coordination du parcours, mais aussi rôle clinique de repérage des signes cliniques de rechute ayant des conséquences en termes d'orientation et de soin. C'est pour ces raisons que le choix de professionnel de santé paraît le plus pertinent dans le contexte réglementaire français.

Ce seront des infirmiers (IDE) qui auront reçu une formation spécifique. Cette formation sera dispensée sous l'égide de l'Université Clermont Auvergne (UFR de Médecine et des professions paramédicales) puis sera déployée sur le territoire national au sein des universités partenaires.

Ils recevront également une formation spécifique pour l'utilisation des différents outils développés pour le parcours bipolaire (utilisation des outils connectés…). Ils auront des compétences pour utiliser les applications développées en psychoéducation, mais aussi pour dépister précocement la rechute, pour assurer suivi de l'observance médicamenteuse, la surveillance des rendez-vous médicaux et paramédicaux, de l'hygiène de vie (activité physique, régime alimentaire, sommeil).

Parallèlement à la formation des « case managers », l'information des médecins généralistes, des psychiatres libéraux, des psychiatres hospitaliers (exerçant en CMP ou en Centre Hospitalier) se fera au travers d'une méthode innovante : le recours à la télé-expertise. Dans le cadre du nouveau dispositif conventionnel, les médecins pourront, au travers du recours à l'avis d'expert des médecins des centres de s'informer en continu au travers de l'analyse commune d'un certain nombre de cas ou de situations concrètes du parcours des patients bipolaires. Cela permettra de diffuser l'expertise développée par les centres experts tout en rendant progressivement autonomes les médecins du parcours de soins.

Des actions de communication et d'information sur le projet seront mises en place par les évaluateurs pour favoriser le recrutement des patients :

- auprès des professionnels de santé (libéraux et hospitaliers) par le biais de réunions d'information régulières ;

- auprès des patients par la création de plaquettes descriptives du projet et la création d'une page dédiée sur le site du porteur du projet.

V.6. - Terrain d'expérimentation

Le terrain d'expérimentation sont les territoires couverts par les 4 centres expérimentateurs situés dans 4 départements (Puy-de-Dôme, Rhône, Doubs, Val de Marne) dans 3 régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne Franche-Comté et Ile-de-France).

Les centres envisagés pour porter l'expérimentation sont des centres experts labellisés par la Fondation Fondamental pour la prise en charge des patients bipolaires, en passe de le devenir ou rattachés à un centre expert.

Cette diversité de niveau d'expertise couplée avec la présence de ces centres dans chacun des quatre types de territoires identifiés par l'IRDES (Coldefy, 2014) comme représentatifs de l'organisation des soins en psychiatrie garantit le caractère reproductible de l'expérimentation et sa généralisation au niveau national.

Selon les centres, la population qui pourrait participer à l'expérimentation est la suivante (PMSI, 2016) :

- Pôle de psychiatrie du GH Hôpital Henri Mondor (Centre Expert bipolaire crée en 2010) : 960 patients bipolaires vus en consultations ou en hospitalisations ;

- CHU de Clermont-Ferrand (Centre Expert troubles bipolaires crée en 2017) : 932 patients souffrant d'un trouble de l'humeur vus en consultations ou en hospitalisations ;

- CHU de Besançon (Centre Expert troubles bipolaires crée en 2017) : 258 patients ;

- CH du Vinatier (Centre Expert troubles bipolaires en projet de création) : 922 patients en hospitalisation ou consultation.

V.7. - Durée de l'expérimentation

Planning prévisionnel des grandes phases de mise en œuvre de l'expérimentation

La durée totale de l'expérimentation est prévue pour 5 ans..

Après une période de construction, la mise en œuvre du projet se déroulera en 3 grandes phases.

Phase 1- Les 18 premiers mois sont destinés à réaliser les travaux suivants :

- construction et paramétrage des systèmes d'information (applications patient, outils de suivi) ;

- information de l'écosystème sur la mise en place du programme ;

- finalisation des partenariats locaux ;

- réalisation des modèles prédictifs ;

- formation des case managers et des autres participants au programme.

Les 3,5 années suivantes seront consacrées au fonctionnement opérationnel de l'expérimentation avec le cadencement suivant en termes d'évolution du modèle de financement :

- Phase 2 - 24 premiers mois : financement des interventions des case manager sur la base d'une dotation dérogatoire ;

- Phase 3 - 18 mois suivants : même modalité de financement avec un complément d'un intéressement aux résultats, le cas échéant.

V.8. - Pilotage, gouvernance et suivi de la mise en œuvre

- Gouvernance du projet

Un Comité Stratégique regroupant le porteur, les expérimentateurs et les partenaires du projet sera mis en place. Ce comité se réunira dès lors que des décisions stratégiques sur le projet devront être prises.

- Pilotage et modalités de fonctionnement

En dehors des réunions du comité stratégique seront mis en place :

- des réunions techniques axées sur le développement de l'outil Mentalwise ;

- des réunions de suivi de l'avancement de la rédaction du protocole CPP ;

- des points d'avancement réguliers avec le Ministère et la CNAM ;

- des réunions mensuelles de retour d'expérience des différents sites en présence des psychiatres du parcours, les Case managers ainsi que Sêmeia, HappyNeuron et la cheffe de projet.

VI. - LES OUTILS NÉCESSAIRES POUR L'EXPÉRIMENTATION

VI.1. - Les outils de la prise en charge patient

VI.1.a. - Les outils non numériques

N/A.

VI.1.b. - Les outils numériques

Le bouquet d'applications numériques mis à la disposition des patients constitue un outil stratégique pour augmenter l'efficience du parcours de soins. L'ensemble des briques logicielles fait l'objet d'un marquage CE de classe 1.

VI.1.b.1. - Sêmeia, un outil innovant de télésuivi

La solution Sêmeia nommée MentalWise permet un suivi innovant des patients basé sur des modèles prédictifs permettant de centrer l'intervention sur les patients les plus à risque, d'identifier le meilleur moment pour intervenir selon un contenu et un canal adapté à chaque patient (Just-in-Time, Adaptive Interventions). Ces interventions mobiliseront les « case managers » et les autres professionnels du parcours pour renforcer l'adhésion aux traitements et aux parcours de soins recommandés, permettant d'éviter arrêts de traitements, hospitalisation et désinsertion professionnelle.

Notre solution reposera sur des algorithmes initialement définis à partir des près de 200 000 patients/années atteints de troubles bipolaires et présents dans le SNDS. Des techniques d'apprentissage profond (deep learning) permettront d'identifier les profils des patients à risque nécessitant une action pro-active ou plus intensive. Ces modèles permettront d'identifier les épisodes de soins les plus déterminants dans la prévision de la détérioration de l'état du patient. Ces modèles permettront enfin d'identifier certains critères pertinents à intégrer dans les outils de suivi pour mieux prévenir ou détecter les dégradations de l'état de santé des patients

Une fois ces algorithmes construits, MentalWise mettra à disposition des professionnels de santé et des « case managers » un tableau de bord permettant d'identifier en temps réel le score de risque du patient (bas/intermédiaire/haut) et les actions à entreprendre.

Ce tableau de bord permet également aux case managers et aux psychiatres en charge du suivi des patients de paramétrer le plan personnalisé de soins du patient (traitements, tests biologiques, rendez-vous médicaux et paramédicaux) et de suivre son bon déroulement à partir des données remontées par les patients, le case manager au contact du patient et d'autres sources de données évitant la re-saisie par les professionnels de santé ou les patients.

Le tableau de bord permettra également de suivre un certain nombre de paramètres en continu (non-observance, activité, humeur, constantes biologiques) permettant aux case managers et aux psychiatres d'intervenir lorsqu'un seuil d'alertes préalablement paramétré a été dépassé.

Ainsi, l'intervention des professionnels de santé auprès du patient peut être proactive (sur la base des scores de risque) ou réactive (sur la base des seuils d'alerte)

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Une application à destination des patients, complétée par d'autres outils (portail internet, serveur de SMS interactifs) pour les patients ne disposant pas de smartphone permettra de récolter les informations clés auprès des patients (rendez-vous réalisés, observance, qualité de vie, niveau d'humeur).

A ces données collectées par des questionnaires et des échelles, seront ajoutées des données collectées passivement auprès du patient (sans intervention de sa part autre que son consentement) au travers du smartphone (actimétrie, nombre d'appels) pour les patients qui en possèdent. Les données de biologie issues des tests réalisés en ville par le patient seront également remontées au travers de flux HPRIM/HL7.

Ces données d'entrée seront potentiellement complétées par les données du Dossier Médical Partagé (DMP) dans le cadre de la proposition 27 du rapport Charges et Produits 2019 de l'Assurance maladie, ce qui permettrait d'éviter de poser des questions aux patients sur le respect de son parcours de soins et son observance par exemple.

L'ensemble de ces informations doit permettre de piloter les conseils et rappels envoyés aux patients par notification ou par SMS.

Ces informations permettent également d'envoyer des alertes aux professionnels de santé et aux case managers au travers de leurs interfaces et dans leur messagerie sécurisée lorsqu'un seuil préalablement paramétré est dépassé (non-observance, activité, humeur, constantes biologiques).

Au-delà, l'ensemble de ces informations contribueront à la re-stratification en continu des patients et à l'évolution de leurs scores de risque. La stratification initiale et la restratification réalisées au travers des outils Sêmeia permettront l'ajustement de l'activité des case managers. Son utilisation est donc la condition d'une intervention plus ou moins intensive par les case managers et du modèle économique global de l'expérimentation.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Ces données de vie réelle seront stockées de manière anonymisées afin d'affiner les algorithmes prédictifs basés au départ uniquement sur les données rétrospectives du SNDS.

MentalWise hautement paramétrable, dispose déjà de l'ensemble de l'infrastructure permettant déployer la solution décrite :

- le module Partner, dédié au patient permet d'adresser questionnaire et échelles auprès du patient ainsi que conseils éducatifs et rappels contextualisés ;

- la brique Pilot permet aux professionnels de santé de paramétrer tout plan personnalisé de soins, de suivre les niveaux de risque des patients, les constantes et les seuils d'alerte et de piloter des interventions d'éducation ou de rappels personnalisées par un case manager ou un professionnel de santé ;

- la brique Prophet, notre système expert, abrite les modèles prédictifs construits à partir des données du SNDS, les modèles de renforcement de ces outils prédictifs à partir des données de vie réelle et les moteurs de règle permettant de piloter actions et alertes tant pour les patients que pour les professionnels de santé. Des premiers modèles ont été construits sur le cancer du sein, les patients à fort risque cardiovasculaire et les transplantés rénaux. Une librairie spécifique construite depuis permet de réaliser les modèles prédictifs à partir des données du SNDS sur le risque d'hospitalisation et le risque d'arrêt de traitement en 4 semaines une fois les données du SNDS obtenues.

A partir de cette solution standard, pour réaliser la solution technique de suivi nécessaire pour les patients bipolaires, les adaptations suivantes seront nécessaires :

- paramétrage des traitements et des actes de soins utilisés sur le parcours de soins bipolaires ;

- paramétrage des règles d'alerte et de relance ;

- paramétrage des contenus éventuels d'éducation ;

- réalisation des modèles prédictifs ;

- développements spécifiques liés à la captation des données passives ;

- développements spécifiques en cas d'accord sur l'accès aux données du DMP.

VI.1.b.2. - SIMPLE, un outil digital de psychoéducation

L'application SIMPLe (CHU Clermont-Ferrand, Pr L Samalin) qui permet de délivrer des messages de psychoéducation individualisée sera également déployée auprès des patients.

Si une modification significative de l'humeur est détectée au travers de l'application Sêmeia (par la conjonction de la modification de différentes variables à l'aide d'un algorithme), l'utilisateur recevra une nouvelle évaluation basée sur les critères actuels du DSM-5 qui permettra de confirmer la présence d'un nouvel épisode (dépressif ou maniaque). Si l'utilisateur reste stable au cours des tests quotidiens l'évaluation de la symptomatologie basée sur ces critères ne sera proposée qu'une seule fois par semaine (tests hebdomadaires).

L'application délivrera également des graphiques montrant les modifications de l'humeur (agenda de l'humeur) et l'utilisateur pourra regarder les résultats de ses tests quotidiens. Des messages de psychoéducation quotidiens et personnalisés (en fonction des réponses aux tests réalisés) seront envoyés à l'utilisateur par notifications. Ce dernier peut définir au préalable le meilleur moment de la journée où il est disponible pour réaliser ses tests et recevoir ses messages de psychoéducation. Des alertes pourront être envoyées au case manager si l'application détecte la présence de symptômes dépressifs ou maniaques ou si le patient a exprimé des idées suicidaires. La construction des algorithmes permettant d'assurer ce monitoring et d'adresser ces messages de psychoéducation est individualisée à chaque patient.

Cette application est téléchargeable gratuitement sur les plateformes habituelles de téléchargement (App Store et Google Play). Elle nécessitera un code d'accès pour être utilisée, fourni dès lors que le patient se sera connecté sur la plateforme dédiée. Cette application est disponible pour le projet d'expérimentation PARCOURS depuis janvier 2019.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Fonctionnement général de l'application SIMPLe

Cette application SIMPLe fait l'objet d'un programme de recherche sur la performance du système des soins (PREPS) par la réalisation d'une étude de non-infériorité comparant deux modalités différentes de psychoéducation (application SIMPLe vs groupe présentiel) dans une population de patients souffrant d'un trouble bipolaire (Pr Samalin, acronyme AppEduc, n° PREPS-17-0121).

La propriété intellectuelle de l'application appartient au Professeur Eduard Vieta, au Docteur Hidalgo-Mazzei et au Docteur Colom. Son développement est d'origine académique (Institut de Neuroscience de Barcelone) et cette protection vise en premier lieu à éviter tout détournement industriel. Nous avons l'autorisation d'utiliser et développer cette application en France. Le travail préliminaire de traduction en français et d'adaptation culturelle a été réalisé.

A l'issu de l'expérimentation, le déploiement de l'application se fera par l'intermédiaire d'un médecin psychiatre (sur prescription). Son accès nécessitera l'obtention d'un code d'accès qui se fourni par le médecin. Si les droits d'utilisation resteront libres, des coûts de gestion et maintenance ainsi qu'à minima de développement seront nécessaires comme toute intervention de télémédecine.

VI.1.b.3. - Happy Neuron, un outil digital de remédiation cognitive

En parallèle au déploiement de cette application de psychoéducation, nous développerons une application destinée à assurer un programme de remédiation cognitive pour les patients bipolaires (en partenariat avec la société SBT/Happy Neuron). La remédiation cognitive est un ensemble de processus thérapeutiques visant à améliorer le fonctionnement cognitif par le renforcement de fonctions déficitaires ou l'établissement de stratégies cognitives alternatives. Elle se base sur un ensemble d'exercices ludiques et d'un accompagnement thérapeutique permettant au patient d'améliorer sa vie quotidienne.

La société SBT/Happyneuron est le leader français de la remédiation cognitive. Son programme Psychiatrie comprend une méthodologie spécifique de stimulation cognitive, qui a déjà prouvé son intérêt dans le traitement de la schizophrénie (Bowie et al., 2012 ; Franck et al., 2013) et de la dépression (Bowie et al., 2013). Le programme utilise des exercices spécifiques, avec des niveaux et des séquences bien définies. Actuellement, une série d'une vingtaine d'exercices regroupés en modules (selon classification MATRICS) est disponible.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Exemples d'exercices de remédiation cognitive

Le programme adaptera la difficulté des exercices à chaque patient selon des règles de progression optimisées. Le thérapeute ou le case manager ont accès à la vue détaillée de la progression du patient tout au long du programme et à son observance.

Parallèlement au développement et à la mise à disposition de ces applications, le système d'information du programme alimentera une base de données spécifique anonymisée, qui permettra l'évaluation de l'impact de l'expérimentation.

Dans la mesure où nos trois régions d'expérimentation sont celles où se déploient les programmes TSN (Territoires de Soins Numériques), nous proposons que ces programmes intègrent une articulation avec les solutions spécifiques que nous développons dans le champ des troubles bipolaires. Les travaux d'interfaçage n'ont pas été budgétés à ce stade.

VI.2. - Le système d'information (SI) général de l'expérimentation

Mentalwise comprend une solution de coordination et de pilotage ainsi que des fonctions permettant le suivi du parcours du patient et la télésurveillance.

VI.3. - Obligations règlementaires et recommandations de bonnes pratiques en matière de SI et des données de santé à caractère personnel

Le logiciel Mental Wise fait l'objet d'un marquage CE en classe I selon la directive européenne conforme jusqu'en mai 2024. Conformément au règlement européen sur les dispositifs médicaux, il fera l'objet d'un marquage CE en classe II a avant la fin de l'année 2023.

VII. - INFORMATIONS RECUEILLIES SUR LES PATIENTS INCLUS DANS L'EXPÉRIMENTATION

Les données collectées par la solution Mental Wise seront considérées comme des données de santé et bénéficieront d'un traitement et d'un hébergement sécurisé auprès d'un hébergeur certifié en données de santé à caractère personnel.

Ces données seront de 4 types :

- données sur l'état clinique du patient collectés au cours des entretiens réalisés (en présentiel ou à distance) avec l'infirmier Case Manager en Psychiatrie ;

- données sur l'état clinique du patient en condition écologique par l'intermédiaire de d'échelles visuelles analogiques que le patient réalisera via l'application smartphone ;

- données collectées passivement auprès du patient (sans intervention de sa part) au travers du smartphone (actimétrie, nombre d'appels)

- données du Dossier Médical Partagé (DMP) dans le cadre de la proposition 27 du rapport Charges et Produits 2019 de l'Assurance maladie, permettant d'évaluer l'observance au traitement et le respect de son parcours de soins.

VIII. - FINANCEMENT DE L'EXPÉRIMENTATION

Le modèle de financement est complémentaire avec une modalité de payement mixte, à la dotation (pour les établissements de santé expérimentateurs) et au forfait (pour les industriels) avec une part d'intéressement selon les résultats (pour tous les intervenants).

VIII.1. - Modalités de financement de la prise en charge proposée

VIII.1.a. - Méthode de calcul utilisée pour définir le montant des prestations dérogatoires

Par rapport à la prise en charge standard, les nouvelles actions suivantes seront réalisées et budgétées pour tout ou partie des patients intégrés dans l'expérimentation en fonction de leur niveau de risque.

Une partie des interventions dérogeant aux soins standard sont déjà financées :

- les bilans experts bipolaires font l'objet d'un financement DGOS/ARS dans le cadre de l'enveloppe plus globale dédiée au financement des centres experts;

- l'application Simple fait l'objet d'une traduction et d'une adaptation déjà financées dans le cadre d'un PREPS ;

- le financement de la télé-expertise est entré dans le droit commun.

Les dépenses des prestations dérogatoires soumises au financement de l'article 51 ont été calculées de 3 manières :

- pour les ressources hospitalières (case managers, chefs d'équipe cadre infirmier, chefs d'équipes médecins des case managers) : le surcoût est calculé en fonction du nombre et du coût chargé des ETP spécifiques mobilisés pour le projet ;

- pour les outils numériques : le coût des licences commerciales est intégré dans le calcul des coûts ;

- pour l'intéressement : prise en compte du différentiel entre dépenses évitées par la nouvelle prise en charge et la prise en charge standard des patients avec le même diagnostic et profil (hospitalisations + soins de ville + indemnités journalières). Cet intéressement est limité à 5 % des dépenses en hospitalisations en prise en charge standard.

Calcul du coût des interventions de l'équipe soignante :

Coût horaire brut chargé

Durée moyenne de PEC / patient en min (en heure)

Coût/patient/an

Infirmière hospitalière

Case Manager

37 €

569 (9,5)

354 €

Cadre de soins

Chef d'équipe CM (hiérarchique)

37 €

79 (1,3)

49 €

Chef de clinique /Psychiatre hospitalier /psychologue

Chef d'équipe CM (fonctionnel)

47 €

252 (4,2)

197 €

Coût moyen/patient/an

600 €

NB. : Le coût moyen d'intervention de l'équipe soignante par patient et par an du cahier de charges initialement autorisé (512 €) est d'une part décompté des coûts des interventions des pharmaciens hospitaliers et d'officine (54 €) qui ne sont plus prévus, et d'autre part, revalorisé en termes de temps d'intervention de l'équipe de soins, notamment des CM pour aboutir au montant revalorisé de 600 €.