Article ANNEXE
Pour assurer la sécurité des intérêts français, pour poursuivre dans de bonnes conditions la réforme des armées et pour conforter la place de la France dans la construction de l'Europe de la défense et dans le monde, le renforcement de notre effort de défense est nécessaire Cf. infra : 2.3.2. Le modèle d'armée 2015.
. Notre stratégie de défense devra donc renouer avec une croissance de l'effort de défense, contrairement à ce qu'a connu la décennie écoulée.
Les fondements de notre politique de défense restent pertinents :
conception globale de la défense, autonomie stratégique, solidarité européenne et transatlantique. Ils reposent sur un consensus national.
Le " modèle d'armée 2015 " et le choix de la professionnalisation des forces armées retenus en 1996 sont confirmés. Une adaptation des capacités et une accélération de certains programmes sont nécessaires pour tenir compte de l'évolution des menaces et des enseignements tirés des engagements récents de nos forces.
2.1. Assurer la sécurité des Français et la défense des intérêts nationaux
Face à l'évolution de la situation internationale, l'objectif central de notre politique est la défense de la sécurité des Français et de leurs intérêts sur le territoire et à l'extérieur (1,5 million de ressortissants à l'étranger). Nous pourrons être conduits à mener, le plus souvent en coalition, de véritables opérations de guerre à l'extérieur de nos frontières, notamment pour prévenir ou lutter contre les menaces asymétriques. Par ailleurs, conformément aux choix faits en 1996 dans le cadre de la professionnalisation et de la définition du nouveau modèle d'armée, et tout en prenant en compte les exigences de notre participation aux réseaux de solidarité européen et atlantique, nous devons :
- préserver notre autonomie de décision et d'action afin de conserver la liberté de choisir de nous engager ou non dans des opérations avec nos partenaires ou alliés, ainsi que la capacité d'agir seuls lorsque cela est nécessaire ; le maintien de cette autonomie suppose que nous disposions des moyens de dissuader tout adversaire de s'en prendre à nos intérêts vitaux, de savoir et de décider en temps opportun, et de disposer des moyens d'agir dans un cadre national ;
- préserver notre influence dans les alliances et les coalitions, ce qui suppose que nous disposions de la capacité de " nation-cadre "
" Nation-cadre " : dans une coalisation, il peut s'avérer nécessaire, dans un domaine opérationnel donné, de s'appuyer plus particulièrement sur une nation dite " nation-cadre " capable de fédérer les autres membres autour de ses propres capacités nationales.
pour la conduite d'une opération européenne et de capacités militaires suffisantes pour apporter une contribution sur l'ensemble du spectre des engagements, notamment en cas d'opérations de combat de haute intensité ;
- maintenir les savoir-faire technologiques nécessaires pour assurer dans la durée la crédibilité de la dissuasion nucléaire, pour développer les moyens adaptés à notre protection contre les nouvelles menaces, et pour préserver une base industrielle, essentiellement européenne, en mesure de produire nos principaux systèmes de défense.
Ces orientations forment un ensemble indissociable et ne peuvent se concevoir sans un effort important pour relever le niveau de préparation opérationnelle des forces et la disponibilité de leurs équipements afin qu'elles puissent assurer efficacement leurs missions.
2.2. Conforter le rôle de la France en Europe et dans le monde
L'Europe est devenue le cadre politique et géographique principal de notre action.
L'objectif poursuivi par la France, qui est de permettre à l'Union européenne de se doter, dans les meilleurs délais, des capacités militaires, technologiques et industrielles nécessaires, prend une importance accrue. Cet objectif s'est en partie concrétisé avec les engagements pris à l'occasion des sommets européens depuis 1998.
Il entraîne déjà pour la France et ses partenaires européens un certain nombre d'obligations découlant des progrès réalisés. En effet, la France a pris l'engagement de satisfaire un cinquième de l'objectif global d'Helsinki, tout en contribuant de façon décisive aux moyens stratégiques structurants : états-majors stratégique et opératif, systèmes d'information, de communication et de renseignement, notamment.
En outre, la conférence d'amélioration des capacités de novembre 2001 a mis en évidence des lacunes persistantes, notamment dans les capacités stratégiques. Le plan d'action européen sur les capacités (ECAP) vise à les combler. La France continuera à jouer un rôle moteur dans la mise en oeuvre de ce plan.
Les axes d'effort retenus dans la loi de programmation militaire sont en cohérence avec les domaines capacitaires européens déficitaires : moyens de commandement, de renseignement et de communication, réduction du déficit capacitaire pour la projection et la mobilité des forces, accélération de la modernisation des moyens d'action dans la profondeur et, enfin, renforcement des moyens de protection des forces déployées sur les théâtres extérieurs.
Dans ce cadre, nous devrons notamment :
- développer les capacités nous permettant d'assumer un rôle de nation-cadre, avec notamment la multinationalité de nos structures de planification et de commandement pour permettre la conduite d'opérations européennes couvrant l'ensemble du spectre des missions de Petersberg, y compris des opérations de combat de haute intensité ;
- soutenir les coopérations bilatérales ou multilatérales déjà existantes visant à l'optimisation des forces et au soutien mutuel entre Etats membres et en susciter de nouvelles avec les Etats membres qui seront prêts à faire les efforts financiers correspondants pour préparer et engager les nouveaux programmes nécessaires ;
- renforcer l'interopérabilité de nos forces armées avec celles de nos partenaires et alliés, et progresser dans la maîtrise de l'information devenue essentielle pour garantir la supériorité et le contrôle en temps réel de la situation sur les théâtres d'opérations.
Pour l'ensemble des Européens, préserver la liberté d'appréciation et de choix et maintenir une capacité d'action lorsqu'ils choisissent de s'engager aux côtés de leur partenaire américain passe aussi par un effort de défense renouvelé. Sans s'engager dans une compétition technologique qui ne correspond pas nécessairement à leurs besoins, il leur faut améliorer la crédibilité de leur outil militaire s'ils souhaitent peser sur la conduite des opérations de gestion de crise, participer à la restauration et à la préservation de la paix et soutenir les processus multilatéraux internationaux auxquels ils sont attachés.
La démarche globale de développement de l'Europe de la défense est donc une tâche de grande ampleur. Elle requerra, de la part des Etats membres qui voudront y jouer un rôle déterminant, un renforcement de leurs efforts de défense. Elle se conçoit en pleine cohérence avec notre engagement dans l'Alliance atlantique, dont les objectifs de renforcement capacitaire présentent de nombreuses similitudes avec la démarche européenne, les deux processus se renforçant mutuellement pour relever les défis du futur.
Au-delà des cercles de solidarité européen et transatlantique, la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, continuera de soutenir le rôle des Nations unies ainsi que les processus et engagements multilatéraux, dont la crédibilité reste un élément clé de la stabilité internationale.
Elle devra aussi veiller à conserver la capacité d'agir seule pour assurer la défense des espaces sur lesquels elle exerce sa souveraineté et être capable d'agir, sur une base nationale ou éventuellement multinationale, au titre de la mise en oeuvre de ses accords de défense, en Afrique ou au Moyen-Orient.
2.3. Les grandes fonctions stratégiques et l'adaptation du modèle 2015
Les forces armées doivent être en mesure d'exercer en toutes circonstances la dissuasion, de participer de façon permanente à la protection et à la sécurité de notre population et du territoire national et de ses approches, y compris contre des attaques conduites selon des modes nouveaux, de mettre en oeuvre nos accords de défense et de contribuer à des opérations de maintien de la paix ou de rétablissement de la paix sur mandat des Nations unies, dans le cadre de l'Union européenne, de l'Alliance atlantique ou d'une coalition. Elles doivent, plus que par le passé, être en mesure de conduire des opérations d'action dans la profondeur à grande distance et selon des formats diversifiés adaptés à la situation.
Le modèle 2015, défini dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire 1997-2002, est confirmé, la présente loi incluant les adaptations nécessaires pour tenir compte de la complexité des menaces et des enseignements tirés des engagements récents. Il est dorénavant présenté de façon plus analytique par systèmes de force.
2.3.1. Les fonctions stratégiques
Les grandes fonctions stratégiques dont découle notre modèle d'armée (dissuasion, prévention, projection-action, protection) conservent toute leur pertinence. Sur cette base, il convient, dans le contexte actuel et prévisible de risques et de menaces, de porter une attention particulière aux missions de protection et aux moyens qui permettent de prévenir ou d'empêcher une agression dans le cadre de la prévention et de la projection.
La dissuasion nucléaire reste notre garantie fondamentale. Parallèlement, la stratégie générale militaire se décline en actions de prévention, protection et projection-action afin de pouvoir faire face avec la flexibilité nécessaire à d'autres types de menaces.
Les forces armées doivent être à même de conduire les actions militaires décidées pour garantir la sécurité de nos intérêts et de nos populations, sur notre territoire national comme à l'étranger. Leur protection est un impératif. Elle repose, entre autres, sur le développement d'une capacité antimissile de théâtre.
A l'extérieur de nos frontières, dans le cadre de la prévention et de la projection-action, nous devons donc être en mesure d'identifier et de prévenir les menaces le plus tôt possible. Dans ce cadre, la possibilité d'une action préemptive pourrait être considérée, dès lors qu'une situation de menace explicite et avérée serait reconnue. Cette détermination et l'amélioration des capacités de frappes à distance devraient constituer une menace dissuasive pour nos agresseurs potentiels, d'autant que les réseaux terroristes transnationaux se développent et se préparent à l'action le plus souvent à l'extérieur de notre territoire, dans des zones non contrôlées par des Etats, voire avec le soutien d'Etats ennemis.
Sur le territoire national, dans le cadre de la protection, les capacités des forces armées à remplir leurs missions de protection des approches aériennes et maritimes doivent être renforcées. Par ailleurs, toutes les formations et les moyens militaires peuvent être requis d'apporter leur concours pour des missions de surveillance et de sauvegarde, et pour participer aux opérations de gestion des conséquences d'un attentat majeur.
a) Dissuasion
La dissuasion est au coeur des moyens garantissant à la France l'autonomie stratégique qui est l'un des fondements de sa politique de défense. Elle représente un facteur important de stabilité internationale et constitue la garantie fondamentale contre toute menace sur nos intérêts vitaux qui pourrait provenir de puissances militaires majeures, animées d'intentions hostiles et prêtes à recourir à tous les moyens nécessaires pour les concrétiser. Elle doit permettre de faire face, notamment, aux menaces que pourraient faire peser sur nos intérêts vitaux des puissances régionales dotées d'armes de destruction massive du fait de la prolifération balistique et du développement de nouvelles armes, nucléaires, biologiques ou chimiques.
Elle reste caractérisée, dans notre stratégie, par un concept de non-emploi. Elle implique de disposer de moyens diversifiés permettant d'assurer sa crédibilité face aux évolutions des menaces, quelles que soient leur localisation et leur nature. Elle repose, d'une part, sur des missiles balistiques emportés par des sous-marins nucléaires et, d'autre part, sur des missiles aérobies emportés par des aéronefs. Le développement des moyens de simulation préservera l'adaptation des forces nucléaires à l'évolution technologique et donc la crédibilité et la pérennité de la dissuasion. Cette dissuasion doit enfin pouvoir contribuer à la sécurité de l'Europe en tenant compte de la solidarité croissante des pays de l'Union.
b) Prévention
La prévention constitue la première étape de mise en oeuvre de notre stratégie de défense, dont les choix sont confortés par l'apparition de menaces asymétriques. Elle est aussi un instrument au service des objectifs de notre politique étrangère à la recherche de la paix et de la stabilité internationale. Elle est une nécessité permanente contre la réapparition de grandes menaces, directes ou indirectes, le développement de situations de crise ou de conflits susceptibles de mettre en cause notre sécurité et nos intérêts et ceux de nos partenaires de l'Union européenne et de l'Alliance atlantique. Elle doit permettre, par le renseignement, de disposer d'une capacité d'anticipation et d'une capacité autonome d'appréciation de la situation.
La prévention nécessite donc la poursuite des efforts en matière de renseignement d'origine humaine ou technique et de ceux nécessaires pour nous doter des systèmes permettant l'acquisition du renseignement au niveau stratégique et sur les théâtres d'opération. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la coordination interministérielle des analyses et des actions sera poursuivie.
La capacité de veille et d'alerte doit être coordonnée, d'abord au niveau européen, en particulier par des échanges et soutiens réciproques accrus, et au niveau international, pour mieux surveiller les nouveaux réseaux d'acteurs transnationaux. Le renseignement est en outre indispensable pour faciliter l'adaptation permanente des moyens et de l'organisation de notre défense et orienter la préparation du futur.
La prévention doit pouvoir disposer des moyens d'information, de commandement et de contrôle adaptés à la compréhension des situations et à la préparation des actions. Les outils développés doivent permettre l'échange des informations et des analyses avec nos partenaires.
La diplomatie de défense, à travers le développement des relations de défense et de sécurité avec nos partenaires étrangers, qu'il s'agisse de dialogue stratégique, d'échange d'informations, d'assistance ou de coopération militaire, participe également de la prévention. Une approche coordonnée de notre diplomatie de défense avec nos alliés européens sera favorisée.
La prévention s'appuie également sur le maintien d'un dispositif interarmées de forces prépositionnées, de façon permanente ou temporaire, qui facilite l'analyse des situations, l'exploitation des renseignements et la réaction immédiate dans les régions considérées.
c) Projection-action
La projection et l'action ont structuré la conception du modèle d'armée. La capacité à projeter des forces, aussi bien en Europe qu'à l'extérieur du continent européen, et notre aptitude à engager rapidement et à soutenir dans la durée des groupements de forces interarmées, capables d'imposer rapidement une supériorité sur un théâtre, en sont les clés.
Il s'agit de pouvoir faire intervenir, à plusieurs milliers de kilomètres, avec leur soutien et leur logistique associés, des groupements de forces interarmées, sous commandement interarmées, dans un cadre national ou multinational.
Pour ce faire, les leçons tirées des crises et engagements récents ont confirmé le besoin de disposer d'une capacité autonome de projection initiale, terrestre, aérienne et maritime, permettant de mettre rapidement en place les premiers éléments. Ceux-ci doivent en général être d'une haute spécialisation et extrêmement mobiles. La période de stabilisation nécessite ensuite le déploiement de troupes plus polyvalentes et plus nombreuses et peut se chevaucher avec la période de reconstruction qui nécessite l'engagement de personnels très spécialisés puisés majoritairement dans la réserve. L'action de ces forces doit pouvoir être précédée, complétée ou appuyée par des actions, y compris de frappes, dans la profondeur. Des efforts sont faits pour améliorer les capacités spécifiques permettant à la France de tenir un rôle de nation-cadre au sein d'une coalition et de supprimer les lacunes susceptibles de compromettre les engagements.
Les objectifs à atteindre, qui résultent d'une analyse des déploiements en termes de simultanéité et de durée, permettront de tenir nos engagements dans une opération européenne. Ils sont décrits comme suit pour chacune des forces armées :
Pour l'armée de terre, il s'agit de pouvoir engager :
- soit jusqu'à 20 000 hommes, simultanément et sans limitation de durée sur plusieurs théâtres, que ce soit dans le cas d'une opération nationale (l 000 à 5 000 hommes) ou dans celui d'une opération européenne (12 000 à 15 000 hommes). Ce niveau peut être porté jusqu'à 26 000 pour une période limitée à une année, pour tenir compte d'un taux d'activité moyen des unités n'excédant pas quatre mois de déploiement annuels ;
- soit plus de 50 000 hommes, sans relève, pour prendre part à un conflit majeur dans le cadre de l'Alliance atlantique.
Pour la marine, il s'agit de pouvoir engager une force navale comprenant le groupe aéronaval et son accompagnement, un groupe amphibie capable de projeter un groupement de type blindé léger de 1 400 hommes, ainsi que des sous-marins nucléaires d'attaque.
Pour l'armée de l'air, il s'agit de pouvoir engager une force aérienne de combat constituée d'une centaine d'avions de combat (dont soixante-quinze peuvent être engagés dans une opération européenne) et les ravitailleurs associés, un groupe de transport capable de projeter 1 500 hommes à 5 000 kilomètres en trois jours ainsi que les moyens de commandement, de conduite, de détection et de contrôle aérien et les bases aériennes nécessaires.
Pour la gendarmerie, en application des décisions des Conseils européens en matière de développement de capacités de police, un contingent d'un volume de 600 gendarmes peut être engagé à l'extérieur des frontières dans des opérations de soutien et de rétablissement de la paix ainsi que les éléments spécialisés et d'accompagnement des forces.
d) Protection
La protection des personnes, des institutions et du territoire est une exigence permanente. La défense du territoire national doit être assurée en toutes circonstances.
L'émergence de menaces diversifiées (terrorisme, prolifération, trafics et grande criminalité) confère à cette fonction une importance accrue. Il s'agit d'être capable, à tout moment, de s'opposer à l'exercice d'un chantage, de représailles ou d'agressions limitées contre le territoire ou les populations. Il s'agit également, en étant en mesure de réagir le plus rapidement possible, avec les moyens appropriés, de limiter les conséquences d'une attaque asymétrique.
Les armées sont chargées de la protection de l'espace aérien national (détection et intervention, y compris contre la menace balistique), contribuent à la surveillance et à la sauvegarde des approches maritimes (anti-pollution, sauvetage en mer, lutte antitrafics), et participent quotidiennement aux mesures de sécurité et de protection sur le territoire national.
En cas de crise ou d'événement grave et dans des circonstances exceptionnelles, les forces de sécurité peuvent être renforcées, comme cela est déjà prévu, par des moyens issus des armées, en particulier de l'armée de terre. Toutes les formations avec leurs moyens militaires doivent être en mesure d'apporter leur concours en matière d'assistance aux populations civiles à l'occasion d'attaques asymétriques, le ministère de la défense (délégation générale pour l'armement, service de santé) disposant, dans les domaines correspondants, de capacités d'expertise uniques (NRBC).
Par ailleurs, le principe du concours des armées à la protection et à la sécurité civiles, notamment en cas de catastrophe naturelle ou technologique, est confirmé. Une telle implication impose une sensibilisation et des actions de formation de l'ensemble des acteurs civils et militaires relatives à l'importance de cette mission. Dans tous les cas, l'emploi optimisé des ressources militaires à des fins de sécurité intérieure, de protection et de sécurité civiles devra être recherché pour ne pas obérer les capacités de projection des armées.
La meilleure articulation possible est recherchée entre les autorités civiles et les commandements territoriaux militaires. Les moyens de la coopération entre capacités civiles et militaires sont renforcés en s'appuyant notamment sur les nouveaux états-majors de zone de défense. Elément essentiel du dispositif de protection, la montée en puissance de la réserve opérationnelle doit faire l'objet d'une attention particulière.
La gendarmerie constitue une force militaire de sécurité, polyvalente, présente sur tout le territoire, devant disposer à terme de 50 000 réservistes rappelables de façon souple. Elle est un acteur quotidien et essentiel en matière de protection. Son placement pour emploi, en ce qui concerne ses missions de sécurité intérieure, au sein du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, permet de renforcer la protection des personnes, des institutions et du territoire grâce à une coordination accrue des moyens de l'Etat. Elle contribue à la continuité de la réponse de l'Etat face aux menaces relevant à la fois de la sécurité intérieure et de la défense.
Enfin, conséquence directe de la liberté de circulation des personnes et des biens dans l'Union européenne, la protection du territoire s'inscrit de plus en plus dans le cadre d'une coopération renforcée avec nos voisins et alliés. La protection doit, elle aussi, se concevoir notamment à l'échelle européenne.
2.3.2. Le modèle d'armée 2015
Le modèle d'armée 2015, c'est-à-dire un cadre général de grands objectifs et de moyens réalisables à cet horizon, répond à une analyse stratégique approfondie qui constatait, dès 1996, des tendances de fond, notamment : l'absence de menace militaire directe à proximité de nos frontières ; l'existence d'une instabilité dangereuse capable de dégénérer rapidement en de multiples points du globe et pouvant nous amener à contribuer à une intervention militaire extérieure au sein de coalitions ; l'accroissement de risques dus à la prolifération d'armes de destruction massive et l'apparition possible de menaces asymétriques, dont le terrorisme.
Cette analyse, dans ses axes principaux, reste pertinente aujourd'hui. Les menaces et risques identifiés, dont certains se sont renforcés et concrétisés depuis lors, constituent la base du dimensionnement et de la structure de notre modèle d'armée.
Les développements récents de la défense européenne, les leçons tirées de nos engagements dans la guerre du Golfe et dans les Balkans, la crise du 11 septembre 2001, la montée des risques terroristes et l'engagement en Afghanistan, qui confortent les grandes orientations, appellent certains ajustements, approfondissements ou accélérations des choix opérés. Cette consolidation et ces ajustements sont d'autant plus nécessaires que la loi de programmation 1997-2002, réalisée sous forte contrainte budgétaire, a conduit à ralentir la marche vers la réalisation du modèle.
L'actualisation du modèle s'articule autour de quatre axes qui ressortent directement de l'évolution du contexte stratégique, et notamment de la nécessité de participer aux efforts d'investissement qui déterminent l'avenir du projet européen :
1° Les moyens de commandement, de renseignement et d'appréciation de situation. Ce domaine fait l'objet d'un développement et d'un renforcement significatif par rapport à la loi 1997-2002. Il s'inscrit clairement dans une perspective européenne, étroitement liée aux objectifs de capacités retenus lors du sommet d'Helsinki, en décembre 1999. Il comprend, notamment, les moyens de commandement de niveaux stratégique, opératif et tactique, désormais " multinationalisables " (poste de commandement d'opération, PC interarmées de GFIM, commandement de composantes terrestre, maritime ou aérienne) ; le renseignement à base d'imagerie comportant désormais : les systèmes de drones (programmes HALE, MALE et MCMM) ; une capacité de réception d'images satellitaires tout temps et une capacité d'imagerie à très haute résolution (programme Hélios). Le modèle comprend également, dans le domaine de la navigation d'origine satellitaire, une contribution à la fonction de sécurité du système Galiléo, des objectifs en matière de numérisation de l'espace de bataille jusqu'au niveau des unités élémentaires ; il inclut aussi la prise en compte de la lutte informatique, défensive et offensive ;
2° La réduction du déficit capacitaire pour la projection et la mobilité des forces. Les opérations de ces dernières années conduisent à retenir des objectifs renforcés. Ceux-ci porteront sur une amélioration des capacités de transport aérien (avions Airbus A310 et CASA 235, avions multirôles de transport à long rayon d'action et de ravitaillement en vol des avions de combat MRTT), ainsi que sur la modernisation des moyens de projection maritime, par l'adjonction de capacités sensiblement améliorées de commandement et de soutien santé, en intégrant dans l'ensemble des quatre transports de chalands de débarquement (TCD) prévus, deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) ;
3° L'accroissement des capacités d'action et de frappes dans la profondeur. Les inflexions du modèle tirent là aussi les enseignements des engagements militaires les plus récents, en particulier dans les Balkans et en Afghanistan. Elles ont pour objectifs : la permanence à la mer du groupe aéronaval, passant par la commande d'un deuxième porte-avions, livré avant 2015 ; la mise au point d'une nouvelle capacité de frappes précises à grande distance à partir de la mer, grâce au développement de missiles de croisière navals embarqués sur des frégates et des SNA ; l'acquisition d'une capacité tout temps pour les armes air-sol de précision ; le renforcement des capacités des forces spéciales avec la création d'une nouvelle unité de niveau brigade, l'acquisition d'hélicoptères spécialisés, l'équipement en transmissions sécurisées ainsi que l'acquisition d'éléments nouveaux de guerre électronique offensive (nacelles de brouillage offensif) ;
4° Le renforcement des moyens de protection. Faisant suite à l'augmentation des menaces liées à la prolifération des armes de destruction massive, biologiques en particulier, et à leur utilisation possible dans le cadre d'actions terroristes, un ensemble de mesures sont décidées pour améliorer la protection et la sauvegarde des forces : l'introduction d'une première étape dans la capacité de protection des forces déployées contre des missiles balistiques de portée courte à moyenne portée (600 km) ; l'adoption d'un objectif de capacité de défense biologique au profit des forces, permettant la protection, individuelle, de 35 000 hommes et, collective, de dix sites projetés ; la prise en compte des besoins de protection de l'infanterie (véhicules blindés de combat - VBCI -, moyens nouveaux chenillés, programme FELIN) et le renforcement des moyens de surveillance et de sauvegarde des approches de l'espace aérien et maritime du territoire (radars Girafe, amélioration de la chaîne sémaphorique).
Dans un souci d'efficacité et d'optimisation, l'évolution des différents moyens humains et techniques qui concourent à produire un effet opérationnel est dorénavant examinée globalement au sein de " systèmes de forces ". Ceux-ci constituent notamment pour l'appréciation du modèle d'armée des ensembles fédérateurs et cohérents de capacités. Cette approche s'impose d'autant plus que toutes les opérations ont désormais un caractère interarmées. Elle privilégie l'aptitude des forces à opérer ensemble et a pour objectif de rationaliser les efforts d'équipement.
Dans cette logique, huit systèmes de forces ont été définis :
- dissuasion ;
- commandement, conduite, communication, renseignement (C3R) ;
- projection et mobilité ;
- frappe dans la profondeur ;
- maîtrise du milieu aéroterrestre ;
- maîtrise du milieu aéromaritime ;
- maîtrise du milieu aérospatial ;
- préparation et maintien de la capacité opérationnelle.
Les capacités essentielles du modèle 2015 actualisé sont présentées en parc par le tableau suivant, où les moyens figurent dans chaque capacité où ils interviennent (polyvalence des moyens).
Capacités essentielles du modèle 2015 (a)
(tableau non reproduit)
2.4. Engager un effort important d'équipement et de recherche
2.4.1. Un effort cohérent d'équipement
L'effort de modernisation doit être accéléré durant la période de la présente loi, pour compenser le retard accumulé dans la réalisation de certains programmes.
Outre l'objectif global et prioritaire de la remise à niveau et du maintien en condition des forces, les axes d'effort de la loi de programmation militaire 2003-2008 sont donc, par objectif de capacités et par système de forces, les suivants :
CAPACITÉS
AXES D'EFFORT (période 2003-2008)
(tableau non reproduit)
2.4.2. Un effort substantiel en faveur de la recherche
Un effort continu et de haut niveau en matière de recherche et technologie est essentiel pour préparer les futurs programmes d'armement et afin de définir et de réaliser les futurs systèmes d'armes dont nos forces auront besoin en 2015.
L'accroissement de l'effort de recherche est destiné à se mettre en mesure de :
- détecter au plus tôt les ruptures technologiques susceptibles de remettre en cause la conception des systèmes de défense ;
- lancer, sans délai, les programmes d'armement qui seront décidés lorsque les besoins nouveaux d'équipement des forces seront avérés et précisés ;
- maîtriser les coûts et les risques techniques inhérents à la réalisation de ces programmes.
L'essentiel de l'effort de défense sur la période 2003-2008 étant consacré à des acquisitions d'équipements, il est important de porter des crédits d'études à un niveau suffisant pour préparer, d'une part, le développement et l'acquisition des futurs systèmes, et, d'autre part, la modernisation des systèmes existants.
L'identification des besoins à venir de nos forces peut être anticipée par des études prospectives. Les choix seront ajustés, le moment venu, aux évolutions effectives.
Dans le but de réduire les coûts pour l'Etat et de confronter les idées les plus variées pour favoriser l'innovation, cet effort sera conduit avec le souci de développer la coopération européenne, de favoriser les retombées réciproques entre recherche civile et recherche de défense et de développer la contribution des PMI-PME.
L'accent sera mis sur la réalisation de démonstrateurs technologiques, qui sont des montages expérimentaux ou des simulations informatiques regroupant un ensemble de technologies nouvelles. Ils offrent l'avantage de concrétiser les résultats attendus, de mieux garantir la maîtrise des technologies nouvelles et de fournir des bases précises pour la coopération.
La maîtrise des techniques jugées nécessaires à ces futurs équipements devra être recherchée dans un cadre national s'agissant de la dissuasion nucléaire et dans un cadre prioritairement européen pour la plupart des autres grands systèmes.
2.5. Poursuivre la réforme, garantir les ressources et optimiser leur emploi
La réforme de notre outil de défense décidée en 1996 par le Président de la République avait pour but de rénover nos moyens militaires en les adaptant au nouvel environnement et aux évolutions anticipées à l'horizon 2015. La loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002 poursuivait ainsi deux objectifs : la mise en oeuvre de la professionnalisation et la réorganisation des forces d'une part, la poursuite de leur modernisation, d'autre part.
La réussite effective de la professionnalisation des armées a revêtu un caractère exemplaire dans le processus général de réforme de l'Etat par la réactivité témoignée par les personnels concernés, la rapidité de mise en oeuvre et les importantes rationalisations qui en ont résulté.
Au terme de cette première étape, il s'agit à présent, d'une part, d'entretenir la dynamique de recrutement et de renouvellement des effectifs, d'autre part, de poursuivre sur la voie de l'optimisation de l'emploi des ressources.
2.5.1. Les exigences de la professionnalisation
a) Pérennisation de l'armée professionnelle
La suspension du service militaire est intervenue dès la fin de l'année 2001. Le processus de professionnalisation des forces sera globalement achevé fin 2002. Toutefois, tous les effectifs nécessaires n'auront pas encore été réalisés, avec des effets qui ont été particulièrement sensibles dans une période de fort engagement des forces armées sur les théâtres d'opérations extérieurs comme sur le territoire national.
Les ajustements permettront de prendre en compte les besoins nouveaux révélés par les enseignements des engagements et des événements récents et d'atteindre le format prévu en 2002, favorisant ainsi la réduction de la tension sur les effectifs.
La planification et la programmation pour les six prochaines années répondent par conséquent au souci de maintenir les flux et la qualité du recrutement des personnels civils et militaires.
La réussite de la professionnalisation passe également par l'amélioration de la disponibilité des équipements et un effort significatif pour accélérer la modernisation des forces, afin qu'elles disposent des capacités adaptées au nouveau contexte.
b) L'ajustement du dispositif des réserves
aux besoins de sécurité
Pour remplir toutes ses missions, dans le contexte de forte imprévisibilité quant à la nature des crises et des moyens à mettre en oeuvre, l'armée professionnelle a besoin de renforts non permanents mais motivés et préparés qui lui sont fournis par la réserve, dans un cadre compatible avec la logique d'économie générale de l'effort de défense.
Les réserves devront voir leur rôle adapté, notamment pour être en mesure de fournir aux forces armées l'appoint nécessaire, pour maintenir ou accroître certaines de leurs capacités sollicitées par ailleurs, ou pour apporter les capacités nécessaires d'expertise dans des domaines particuliers. Plus que par le passé, elles devront aussi remplir des missions sur le territoire national, en complément ou en substitution du personnel d'active déjà sollicité et constituer ainsi un réservoir à la disposition de la puissance publique selon des modalités d'emploi définies dans un cadre interministériel, en soutien d'actions civilo-militaires et d'opérations de protection et de sécurité sur le territoire.
L'effort sera porté, dès le début de la programmation, sur une meilleure adéquation aux besoins effectifs des forces armées des dispositifs favorisant le recours aux réserves, pour donner aux forces une plus grande réactivité et la possibilité d'être engagées dans la durée. Des dispositions doivent être étudiées pour améliorer l'attractivité et le recrutement de la réserve opérationnelle, qui prennent en compte les réalités professionnelles, sociales et culturelles de la société française.
2.5.2. Le développement des facteurs d'efficacité
a) La mise en cohérence des efforts consentis
en matière de sécurité intérieure et de sécurité extérieure
Protéger le territoire et les populations conduit à mettre en cohérence les efforts consentis en matière de sécurité intérieure et de sécurité extérieure. Les moyens nouveaux et complémentaires apportés à la gendarmerie nationale, en particulier en termes d'effectifs et d'équipements, par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure figurent dans la loi de programmation militaire.
b) Le développement des synergies entre les forces armées
La mise en cohérence des efforts s'applique aussi aux forces armées qui, tout en conservant des spécificités propres à leurs milieux d'emploi (terrestre, maritime et aérien), doivent pouvoir développer leurs capacités dans un ensemble au caractère interarmées de plus en plus affirmé. Les efforts se poursuivront en priorité sur des sujets fédérateurs comme le commandement, le soutien, la formation des personnels et l'organisation. Les synergies entre armées, services et organismes seront recherchées.
c) La rationalisation et la transparence des modes de gestion
Les modes de gestion seront rationalisés et modernisés, en accompagnement du mouvement de réforme de l'Etat. Le pilotage par contrôle de gestion sera généralisé à l'ensemble du ministère. La démarche qualité dans la conduite et la réalisation des programmes d'armement sera poursuivie. Cet ensemble de mesures concrètes doit rendre plus claires et plus lisibles la répartition et l'utilisation des crédits alloués à la défense dans le cadre de la mise en place de la loi organique sur les lois de finances.
d) L'externalisation
La politique engagée par le ministère en matière d'externalisation depuis plusieurs années sera poursuivie et accentuée. Afin de ne pas immobiliser indûment une partie de leurs effectifs, les forces armées peuvent alléger le poids des tâches ne revêtant pas un caractère opérationnel ou non essentielles en temps de crise, en contractant avec des personnes publiques ou privées. Pour les opérations, elles peuvent également recourir à l'externalisation de capacités qu'elles ne possèdent pas ou de manière limitée dans le cadre de la mise en place, du soutien et du désengagement des forces.
e) L'alternative à l'acquisition patrimoniale
La solution patrimoniale ne répond pas toujours aux besoins opérationnels ou fonctionnels ni forcément à l'optimisation financière. Au cours de la période de programmation, il paraît opportun d'examiner des solutions innovantes qui s'appuient sur des expériences connues, tant en France qu'à l'étranger. Elles pourraient consister à procéder à des expérimentations dans certains domaines significatifs tels que les programmes d'armement, des opérations immobilières ou l'achat de prestations, voire de capacités.
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