JORF n°302 du 30 décembre 1999

VII. - Sur l'article 33, paragraphe X, du projet de loi

Les auteurs de la saisine soutiennent qu'un éventuel intérêt financier qui n'a d'ailleurs pas été précisé, ni par l'exposé des motifs (« Le IX et le X ont pour objet de valider les actes pris en application de l'arrêté du 28 avril 1999 qui fixe le dispositif de régulation ») ni par le Gouvernement au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour faire obstacle aux possibles effets d'une décision de justice à venir.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 95-396 DC du 28 décembre 1995 n'a pas dit autre chose lorsqu'il a jugé que « la seule considération d'un intérêt financier (...) ne constituait pas un motif d'intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d'une décision de justice déjà intervenue et, le cas échéant, à intervenir. »

La jurisprudence de votre haute juridiction devrait être précisée, dans l'intérêt du législateur, qui ne souhaite pas exposer la France à un éventuel futur désavoeu de la Cour européenne des droits de l'homme.

En effet, celle-ci a jugé, dans un arrêt du 28 octobre 1999, qu'un « risque financier » ne permet pas « en soi, que le législateur se substitue aux juges pour régler le litige » et, dans l'affaire soumise à son appréciation, elle s'est appuyée sur la considération que l'intervention de la loi de validation « rendait vaine la continuation de la procédure » pour conclure à une « ingérence » du législateur dans le fonctionnement de la justice contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En effet, « si en principe le pouvoir législatif n'est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacré par l'article 6-1 s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige ».

Peut-on considérer que la validation opérée par le paragraphe X de l'article 33 constitue un « impérieux motif d'intérêt général » ?

La réponse à cette question a été donnée par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité en réponse à une question de M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, en séance publique, lors de l'examen du projet de loi en première lecture.

Cette réponse a été la suivante (JO, Débats Sénat du vendredi 19 novembre, séance du 18 novembre, p. 6105) ; elle ne met pas en évidence, selon les sénateurs auteurs de la saisine, d'« impérieux motifs d'intérêt général » :

« S'agissant des raisons particulières qui plaident pour une validation législative de cet arrêté, sans naturellement préjuger les décisions qui seront rendues le moment venu par le Conseil d'Etat, je souhaite vous indiquer que l'arrêté du 28 avril a été conçu sans mettre en oeuvre les montants régionalisés opposables prévus par la loi.

« En effet, il était techniquement impossible de définir des montants régionaux des versements de l'assurance maladie aux établissements privés totalement exhaustifs et fondant une régulation régionale. Or, il se trouve que ce moyen fait partie des moyens invoqués par les requérants à l'appui des recours déposés contre cet arrêté.

« De même, nous ne voulions pas que cet arrêté soit l'occasion de bousculer les règles fixées par les accords annuels successifs qui se sont peu à peu écartés de la loi. Nous souhaitions le faire au contraire dans le cadre d'une réforme d'ensemble que nous vous présentons aujourd'hui.

« Soucieux des conséquences d'une éventuelle annulation sur le respect de l'ONDAM, le Gouvernement a souhaité prévoir une disposition de validation législative. »

Pour ces motifs, et pour tout autre qu'il plairait à votre conseil de soulever d'office, les auteurs de la présente saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et notamment ses articles 5, 6, 7, 24, 29, 31 et 33, paragraphe X.

(Liste des signataires : voir décision no 99-422 DC.)


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VII. - Sur l'article 33, paragraphe X, du projet de loi

Les auteurs de la saisine soutiennent qu'un éventuel intérêt financier qui n'a d'ailleurs pas été précisé, ni par l'exposé des motifs (« Le IX et le X ont pour objet de valider les actes pris en application de l'arrêté du 28 avril 1999 qui fixe le dispositif de régulation ») ni par le Gouvernement au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour faire obstacle aux possibles effets d'une décision de justice à venir.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 95-396 DC du 28 décembre 1995 n'a pas dit autre chose lorsqu'il a jugé que « la seule considération d'un intérêt financier (...) ne constituait pas un motif d'intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d'une décision de justice déjà intervenue et, le cas échéant, à intervenir. »

La jurisprudence de votre haute juridiction devrait être précisée, dans l'intérêt du législateur, qui ne souhaite pas exposer la France à un éventuel futur désavoeu de la Cour européenne des droits de l'homme.

En effet, celle-ci a jugé, dans un arrêt du 28 octobre 1999, qu'un « risque financier » ne permet pas « en soi, que le législateur se substitue aux juges pour régler le litige » et, dans l'affaire soumise à son appréciation, elle s'est appuyée sur la considération que l'intervention de la loi de validation « rendait vaine la continuation de la procédure » pour conclure à une « ingérence » du législateur dans le fonctionnement de la justice contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En effet, « si en principe le pouvoir législatif n'est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacré par l'article 6-1 s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige ».

Peut-on considérer que la validation opérée par le paragraphe X de l'article 33 constitue un « impérieux motif d'intérêt général » ?

La réponse à cette question a été donnée par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité en réponse à une question de M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, en séance publique, lors de l'examen du projet de loi en première lecture.

Cette réponse a été la suivante (JO, Débats Sénat du vendredi 19 novembre, séance du 18 novembre, p. 6105) ; elle ne met pas en évidence, selon les sénateurs auteurs de la saisine, d'« impérieux motifs d'intérêt général » :

« S'agissant des raisons particulières qui plaident pour une validation législative de cet arrêté, sans naturellement préjuger les décisions qui seront rendues le moment venu par le Conseil d'Etat, je souhaite vous indiquer que l'arrêté du 28 avril a été conçu sans mettre en oeuvre les montants régionalisés opposables prévus par la loi.

« En effet, il était techniquement impossible de définir des montants régionaux des versements de l'assurance maladie aux établissements privés totalement exhaustifs et fondant une régulation régionale. Or, il se trouve que ce moyen fait partie des moyens invoqués par les requérants à l'appui des recours déposés contre cet arrêté.

« De même, nous ne voulions pas que cet arrêté soit l'occasion de bousculer les règles fixées par les accords annuels successifs qui se sont peu à peu écartés de la loi. Nous souhaitions le faire au contraire dans le cadre d'une réforme d'ensemble que nous vous présentons aujourd'hui.

« Soucieux des conséquences d'une éventuelle annulation sur le respect de l'ONDAM, le Gouvernement a souhaité prévoir une disposition de validation législative. »

Pour ces motifs, et pour tout autre qu'il plairait à votre conseil de soulever d'office, les auteurs de la présente saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et notamment ses articles 5, 6, 7, 24, 29, 31 et 33, paragraphe X.

(Liste des signataires : voir décision no 99-422 DC.)