JORF n°296 du 22 décembre 1999

III. - Absence de respect de la compétence du législateur (inconstitutionnalité du recours à une loi d'habilitation en matière de codification)

Le recours à une loi d'habilitation en matière de codification « à droit constant », c'est-à-dire pour des textes législatifs déjà promulgués, est inconstitutionnel pour un autre motif.

Pour la première fois, un gouvernement utilise le procédé de la loi d'habilitation et des ordonnances prises en application de cette loi pour procéder à une codification, fût-elle « à droit constant ». Jusqu'à aujourd'hui, le projet de code était un projet de loi et, après des modifications éventuelles par le législateur, il acquérait valeur législative.

L'innovation à laquelle a eu recours le texte de loi d'habilitation a une tout autre signification constitutionnelle. A partir du moment où l'ordonnance a été publiée jusqu'au jour de la ratification par le Parlement - c'est-à-dire pendant une période dont la durée ne peut être déterminée de façon certaine -, toutes les lois qui font l'objet des ordonnances perdent leur nature législative pour ne plus avoir qu'une valeur réglementaire puisque telle est la nature des ordonnances prises en vertu de l'article 38 de la Constitution.

Cette procédure, avec les résultats qu'elle comporte, est contraire à la Constitution. Les ordonnances prises sur la base de l'article 38 de la Constitution peuvent certes modifier des lois existantes puisque c'est l'objet même du texte, mais les modifications ont effet pour l'avenir. Ainsi, ces modifications, « qui sont normalement du domaine de la loi » selon les termes de l'article 38, se situent bien dans un cadre constitutionnel.

Au contraire, les très nombreuses lois existantes qui vont faire l'objet des ordonnances codificatrices ne sont pas modifiées, elles demeurent telles qu'elles et, brusquement, elles cessent d'être des lois pour devenir, en attendant la ratification, des actes administratifs. Il y a donc là une violation directe de la règle formulée par l'article 34 de la Constitution, alinéa premier, relatif au principe de compétence du Parlement selon lequel « la loi est votée par le Parlement ».

Jamais une procédure de codification n'a eu pour effet de faire perdre globalement, fût-ce pendant un temps très court, leur nature législative à des lois. Dans le cas présent, de la publication des ordonnances à la ratification, les administrations, les tribunaux et les citoyens appliqueront ou se verront appliquer des textes n'ayant qu'une valeur réglementaire, c'est-à-dire des actes dont la légalité peut être contestée, avec tous les risques de contradiction avec d'autres textes réglementaires et législatifs et donc avec tous les risques d'insécurité juridique qui l'accompagnent. La solution n'aurait pu être que de reporter la date d'entrée en vigueur des ordonnances à la date de promulgation de la loi de ratification. Dans ce cas, quel intérêt y a-t-il à utiliser le procédé de la loi d'habilitation et de l'ordonnance ?


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Version 1

III. - Absence de respect de la compétence du législateur (inconstitutionnalité du recours à une loi d'habilitation en matière de codification)

Le recours à une loi d'habilitation en matière de codification « à droit constant », c'est-à-dire pour des textes législatifs déjà promulgués, est inconstitutionnel pour un autre motif.

Pour la première fois, un gouvernement utilise le procédé de la loi d'habilitation et des ordonnances prises en application de cette loi pour procéder à une codification, fût-elle « à droit constant ». Jusqu'à aujourd'hui, le projet de code était un projet de loi et, après des modifications éventuelles par le législateur, il acquérait valeur législative.

L'innovation à laquelle a eu recours le texte de loi d'habilitation a une tout autre signification constitutionnelle. A partir du moment où l'ordonnance a été publiée jusqu'au jour de la ratification par le Parlement - c'est-à-dire pendant une période dont la durée ne peut être déterminée de façon certaine -, toutes les lois qui font l'objet des ordonnances perdent leur nature législative pour ne plus avoir qu'une valeur réglementaire puisque telle est la nature des ordonnances prises en vertu de l'article 38 de la Constitution.

Cette procédure, avec les résultats qu'elle comporte, est contraire à la Constitution. Les ordonnances prises sur la base de l'article 38 de la Constitution peuvent certes modifier des lois existantes puisque c'est l'objet même du texte, mais les modifications ont effet pour l'avenir. Ainsi, ces modifications, « qui sont normalement du domaine de la loi » selon les termes de l'article 38, se situent bien dans un cadre constitutionnel.

Au contraire, les très nombreuses lois existantes qui vont faire l'objet des ordonnances codificatrices ne sont pas modifiées, elles demeurent telles qu'elles et, brusquement, elles cessent d'être des lois pour devenir, en attendant la ratification, des actes administratifs. Il y a donc là une violation directe de la règle formulée par l'article 34 de la Constitution, alinéa premier, relatif au principe de compétence du Parlement selon lequel « la loi est votée par le Parlement ».

Jamais une procédure de codification n'a eu pour effet de faire perdre globalement, fût-ce pendant un temps très court, leur nature législative à des lois. Dans le cas présent, de la publication des ordonnances à la ratification, les administrations, les tribunaux et les citoyens appliqueront ou se verront appliquer des textes n'ayant qu'une valeur réglementaire, c'est-à-dire des actes dont la légalité peut être contestée, avec tous les risques de contradiction avec d'autres textes réglementaires et législatifs et donc avec tous les risques d'insécurité juridique qui l'accompagnent. La solution n'aurait pu être que de reporter la date d'entrée en vigueur des ordonnances à la date de promulgation de la loi de ratification. Dans ce cas, quel intérêt y a-t-il à utiliser le procédé de la loi d'habilitation et de l'ordonnance ?