Non-respect des principes de l'habilitation autorisée
par l'article 38 de la Constitution
Lorsque l'article 38 énonce que « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi », le texte de la Constitution, éclairé par l'interprétation du Conseil constitutionnel, donne une signification précise à la notion de programme. Si on peut considérer que la référence à un programme gouvernemental ne se rapporte pas nécessairement aux dispositions de l'article 49 de la Constitution - encore que la cohérence entre le programme auquel il est fait référence à l'article 49 et celui énoncé à l'article 38 doit être recherchée et appréciée par le Conseil constitutionnel -, la jurisprudence constitutionnelle en a précisé les contours.
La décision no 76-72 DC du 12 janvier 1977 (Rec. 31) a pu préciser que « s'il est spécifié à l'alinéa premier de l'article 38 de la Constitution que c'est pour l'exécution de son programme que le Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au Parlement l'autorisation de légiférer, par voie d'ordonnances, pendant un délai limité, ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre » et la décision no 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ajoute : « et leur domaine d'intervention ».
Or, l'exposé des motifs du projet de loi déposé au Sénat (no 438) le 16 juin 1999 indique comme seule « finalité » du texte : « résorber le retard enregistré dans la procédure de codification », ce qui est singulièrement limité au regard des exigences constitutionnelles. La finalité des mesures, telle que l'entend la jurisprudence constitutionnelle, porte évidemment sur le fond des règles que le Gouvernement se propose de prendre par ordonnances et dont il demande l'autorisation au Parlement.
En l'espèce, le Parlement n'a été saisi que de quelques éléments des codes auxquels fait référence l'article 1er du texte de loi contesté : livres VII du code rural (projet no 820), code de commerce (projet no 1336), code de l'environnement (projet no 932), code de l'éducation (projet no 198). Pour tous les codes, le Gouvernement admet dans son exposé des motifs qu'ils « sont en cours d'examen par la Commission supérieure de codification ou par le Conseil d'Etat (code de la santé publique, code de justice administrative, code de la route, code de l'action sociale, code monétaire et financier) ». Ce qui signifie que pour ces derniers codes le Parlement n'a même pas connaissance des principes de ce que le Gouvernement lui demande d'adopter par voie d'ordonnances et encore moins de leur finalité ! Le dessaisissement de la compétence du Parlement est ici complet puisque le Gouvernement n'indique aucune des finalités auquelles il se propose d'aboutir par ces mesures de codification, autres que le respect du « droit constant ». Ainsi, le Parlement n'a donc pas été informé complètement des mesures que le Gouvernement se propose de prendre par ordonnance. L'imprécision des termes de l'habilitation est donc totale en ce qui concerne le contenu des codes présentés.
Le texte de la loi d'habilitation dépasse donc les limites permises par l'article 38 et doit en conséquence être déclaré dans sa totalité contraire à la Constitution.
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