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RÉPONSE DE LA GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
Paris, le 4 décembre 2012.
Monsieur le Contrôleur général,
Par correspondance du 12 novembre 2012, vous avez bien voulu me faire parvenir les premières observations relatives à la visite que vous avez effectuée au centre pénitentiaire des Baumettes du 8 au 19 octobre 2012, ce dont je vous remercie. Nous nous sommes en outre rencontrés, à votre demande, le 16 novembre 2012, au sujet de cet établissement.
Vous attirez mon attention sur différents points pouvant donner lieu à des recommandations et sur lesquels vous souhaitez préalablement obtenir mes observations en vue d'une publication au Journal officiel.
A titre liminaire, je souhaiterais vous présenter le projet de restructuration de l'ensemble des bâtiments du centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes conduit actuellement par mon administration et qui s'achèvera en 2017.
L'établissement a été construit en 1936 sur une surface hors œuvre nette de 63 064 mètres carrés, comprenant 1 324 places réparties sur 1 050 cellules.
Il comprend actuellement trois types de secteurs :
― un secteur « maison d'arrêt » de 1 262 places réparties sur 988 cellules, accueillant un quartier de détention hommes, un quartier de détention femmes, un quartier de détention mineurs, un quartier de semi-liberté, un service médico-psychologique régional et un quartier arrivants. Au 1er novembre 2012, l'ensemble hébergeait 1 745 personnes détenues ;
― un secteur centre de détention femmes de 38 places réparties sur 38 cellules qui, au 1er novembre 2012, hébergeait 28 femmes détenues ;
― un secteur courtes peines aménagées de 24 places réparties sur 24 cellules qui, au 1er novembre 2012, hébergeait 28 personnes détenues.
A ce jour, le projet de restructuration du centre pénitentiaire de Marseille, qui connaît un stade d'avancement satisfaisant, concerne la construction de deux structures distinctes prévues dans le budget triennal :
― un établissement de 735 places de détention hommes sur un site proche de la maison d'arrêt d'Aix-Luynes, dit « Aix 2 », qui permettra d'accroître les capacités d'hébergement en milieu fermé de la région marseillaise ;
― un établissement neuf de 560 places (174 places de détention femmes et 386 places de détention hommes), dit « Baumettes 2 », sur l'actuel site des Baumettes, qui sera alors libéré.
Ce programme, qui sera achevé en 2017, permettra de répondre aux problèmes de vétusté constatés actuellement, mais n'augmentera pas la capacité d'accueil de l'établissement. Nous étudions les besoins en termes de nombres de places de détention pour les années à venir, en fonction des résultats attendus de la politique pénale que je conduis. La construction d'un nouveau centre de détention sur la zone actuellement occupée par la maison d'arrêt des hommes est dans ce cadre envisagée (Baumettes 3).
En ce qui concerne les conclusions de votre visite de l'établissement :
I. ― Vous formulez, en premier lieu, des observations liées à l'état fortement dégradé de l'établissement, à l'absence d'hygiène et à l'insalubrité qui en résultent.
Vous relevez que les nombreuses visites de contrôle, notamment d'organismes européens, certaines anciennes, qui ont été effectuées dans ce centre, n'ont eu aucun effet sur les conditions d'hébergement qui restent très dégradées.
Je suis en mesure de vous indiquer que dans l'attente de l'achèvement du programme de restructuration la direction de l'administration pénitentiaire a délégué à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille les crédits permettant de sécuriser les biens et les personnes.
Dans cette optique, les services de l'administration pénitentiaire recensent actuellement les travaux prioritaires à effectuer sur l'établissement dans le cadre d'une programmation pluriannuelle.
Depuis dix ans, l'Etat a déjà investi quelque 7,9 millions d'euros pour le maintien en condition opérationnelle de l'établissement des Baumettes. A titre d'exemple, 300 000 € ont été consacrés à la remise en état des réseaux d'évacuation des eaux usées. Le budget alloué à l'établissement, destiné à l'entretien et à la maintenance, a été augmenté de 12 % entre 2011 et 2012, passant de 517 544 € à 572 000 €. Dès que le budget sera voté, une nouvelle ventilation entre les directions interrégionales et les établissements sera opérée, dans un souci de répondre au mieux aux besoins.
Peuvent toutefois déjà être cités, au titre des deux prochaines années, les travaux qui vont permettre la mise en œuvre de cloisons d'intimité dans 161 cellules, pour un montant de 234 000 €, la labellisation d'un quartier arrivants de 60 places, pour un montant de 104 000 €, et la levée des réserves de la commission incendie (essentiellement électriques), pour un montant de 316 000 €.
Il est également prévu de réaliser des travaux conservatoires destinés à renforcer l'étanchéité des toitures du bâtiment A. La rénovation intégrale des toitures ne peut être envisagée, compte tenu de son coût élevé et de la fermeture de l'établissement prévue en 2016.
La lutte contre les nuisibles fait l'objet d'un marché de « prestations de dératisation et désinsectisation », qui prévoit deux types de prestations, préventives (six par an) et curatives (cinq par an). La fréquence du passage du prestataire a été accrue pour faire face aux besoins, ce qui a entraîné des coûts supplémentaires.
Il convient cependant d'indiquer que les travaux connexes en cours destinés à libérer la parcelle sur laquelle sera édifié le futur établissement Baumettes 2 représentent l'une des causes identifiées de l'augmentation actuelle du nombre des rats, phénomène constaté sur tous les chantiers de réhabilitation en site occupé et contre lequel mes services s'emploient.
Quant aux monte-charge dont vous indiquez qu'ils sont hors d'usage, ils font l'objet d'un contrat de maintenance et des réparations seront rapidement effectuées à ce titre.
II. ― Vous formulez ensuite des observations sur l'effectif de la population pénale de l'établissement.
Afin d'accueillir les personnes détenues écrouées en milieu fermé dans de meilleures conditions, l'administration pénitentiaire procède à des mesures de rééquilibrage pour répartir les personnes détenues sur d'autres établissements. Cependant, les marges de manœuvre disponibles sont particulièrement faibles dans ce ressort.
L'inondation du centre pénitentiaire de Draguignan en 2010 a supprimé 400 places sur le ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille et, au 1er novembre 2012, les maisons d'arrêt proches des Baumettes présentaient une densité carcérale de 136,6 % en moyenne.
Parallèlement à cette régulation, les instructions que j'ai données dans ma circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 doivent avoir pour effet une baisse des effectifs dans les établissements pénitentiaires, par la mise en œuvre du développement des alternatives à l'incarcération et des mesures d'aménagements de peine.
Je suis attentivement les premiers résultats de cette nouvelle politique et l'application que peuvent en faire les différentes juridictions, et notamment les parquets. A ce titre, l'établissement des Baumettes, en raison de son taux d'occupation et des conditions de détention qu'il offre, fait l'objet d'une attention soutenue.
III. ― Vous formulez ensuite des observations relatives à la prise en charge quotidienne de la population pénale.
Le constat d'une désorganisation de la distribution des cantines est lié à un contexte de diminution des tarifs des produits, qui a généré, sur une certaine période, un accroissement important de la demande qui s'est, depuis, stabilisée.
En ce qui concerne les repas, l'augmentation des effectifs au service général à venir va permettre d'améliorer les conditions d'hygiène, les modalités de préparation des repas et faciliter une distribution plus rapide des barquettes.
En ce qui concerne les problèmes de sécurité, j'ai conscience des tensions qui peuvent régner au sein des Baumettes et je connais les problèmes qui peuvent exister dans les cours de promenade, notamment lorsque la configuration des lieux ne permet pas la présence physique des surveillants, comme c'est le cas à Marseille.
Je demande à l'administration pénitentiaire de procéder à un audit complet de la sécurité dans les cours de promenade de cet établissement et de me faire des propositions précises quant aux dispositifs qui pourront être mis en place en urgence.
Par ailleurs, l'établissement mène déjà une politique de diminution des violences, par le biais notamment d'une formation de lutte contre les violences dispensées aux personnels (action intitulée « gestion de la violence en milieu carcéral »).
J'agirai également très concrètement dans les prochaines semaines, en demandant au procureur général d'Aix et au procureur de la République de Marseille d'apporter une attention toute particulière aux faits de violence et de trafic portés à leur connaissance et de donner toutes instructions aux enquêteurs placés sous leur autorité pour identifier et traduire en justice les auteurs de tels faits. L'administration pénitentiaire devra bien évidemment participer à cet effort collectif et prendre attache avec les autorités judiciaires dès qu'elle aura connaissance de faits suspects.
Je vais enfin très rapidement diligenter une inspection confiée à l'inspection générale des services judiciaires et à l'inspection des services pénitentiaires pour établir un état des lieux sur ces questions et dégager des solutions concrètes pour remédier aux difficultés qui pourraient être constatées.
IV. ― Vous relevez également une dégradation des conditions dans lesquelles s'exercent les activités et le service général.
Ainsi que vous l'avez souligné dans vos observations, le service général de l'établissement a subi, au cours des deux dernières années, une diminution de ses effectifs. Cependant, afin d'améliorer les conditions d'hygiène et l'évacuation des ordures ménagères, il est prévu de recruter 30 personnes détenues supplémentaires, ce qui présentera un impact budgétaire de 180 000 €.
La pénurie de travail en ateliers trouve une explication dans le contexte socio-économique du bassin marseillais peu favorable à l'emploi et qui génère inévitablement moins d'activité pour les ateliers pénaux.
Cependant, un agent de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille est chargé de rechercher du travail en concession.
De même, les conditions de travail au sein des ateliers demeurent satisfaisantes et seront même améliorées grâce à la reconstruction, dans le cadre de l'opération dite des « connexes », à savoir une zone ateliers de 253 mètres carrés pour les femmes, un espace ateliers de production de 1 375 mètres carrés pour les hommes ainsi qu'un secteur de formation professionnelle de 600 mètres carrés. Ces nouveaux bâtiments, qui seront livrés en 2013, apparaissent conformes aux besoins actuellement constatés, et ce d'autant que d'autres salles d'activités seront ouvertes aux personnes détenues : salles de cours, salle polyvalente, gymnase, salle de musculation, bibliothèque...
S'agissant du développement de la formation professionnelle et des activités, la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille a sollicité récemment la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur afin de faire le point sur les besoins en termes de formation pour l'année 2013.
Enfin, le contrat de la coordinatrice « cyberbase » doit être renouvelé en décembre 2012.
V. - Vous formulez enfin des observations relatives aux personnels du centre pénitentiaire.
Concernant la révision de l'organigramme des effectifs, le bureau de l'organisation des services de la direction de l'administration pénitentiaire va procéder début décembre à l'audit prévu en début d'année, dont les conclusions permettront de réajuster les moyens humains nécessaires au fonctionnement de l'établissement. Cependant, les effectifs des personnels de l'établissement ont fait l'objet d'une augmentation régulière et s'établissent à 674 au 1er novembre 2012.
De même, la direction de l'administration pénitentiaire a mené en 2012 une action visant à accroître la proportion des premiers surveillants dans les effectifs globaux de personnel en tenue. Il est également prévu, dans le cadre du plan de mutation 2013 des personnels exerçant une spécialité, d'ouvrir des postes de moniteur de sport sur l'établissement des Baumettes.
Concernant la nécessité de renforcer l'équipe technique de maintenance et de la doter de moyens suffisants, la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille a procédé, ces deux dernières années, au recrutement de huit agents contractuels destinés à pallier le manque d'agents titulaires. Parallèlement, les postes vacants sont systématiquement publiés lors des commissions administratives paritaires.
Au-delà de la question des effectifs, vous écrivez : « Le personnel gère la détention comme il le peut, avec les moyens humains et matériels dont il dispose. La plupart des surveillants (mais pas tous, ce qui engendre des conflits larvés) adoptent une manière de faire propre à l'établissement, faite de dialogue et de proximité avec les personnes détenues (familiarité), qui permet d'évidence de régler beaucoup de difficultés au prix de quelque souplesse dans l'interprétation des règles, notamment dans les relations entre prisonniers, d'une part, et le fonctionnement du "marché”, d'autre part. » Cette observation me préoccupe et je souhaite obtenir les éléments d'information les plus précis possibles sur les relations qui peuvent exister entre les personnes détenues et les personnels, qui, comme vous le savez, exercent leur métier dans des conditions difficiles. J'ai d'ores et déjà demandé au directeur interrégional des services pénitentiaires de lancer une expertise sur ce point. D'autres modalités d'investigation sont à l'étude.
Je vous prie de croire [...]
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