Le commissariat de police de Besançon (Doubs) a été visité par deux contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté les 27 et 28 janvier 2009.
Les observations factuelles recueillies au cours du contrôle ont été communiquées le 20 mars 2009 au directeur départemental de la sécurité publique du Doubs. Elles ont donné lieu à une réponse en date du 6 avril 2009.
Le rapport complet de la visite a été communiqué pour observations, le 18 mai 2009, à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui a fait connaître sa réponse le 31 août 2009 accompagnée d'une note circonstanciée du directeur général de la police nationale.
A la suite de cette procédure, et conformément à la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a décidé de rendre publiques les recommandations suivantes :
- La vétusté des locaux de garde à vue et de dégrisement et la fréquence de leur utilisation soumettent les personnes qui y sont placées à de mauvaises conditions matérielles. Il s'ensuit aussi des conditions de travail que ne devraient pas avoir à supporter les personnels dans un commissariat où il convient de relever pourtant une réelle préoccupation de la dignité des personnes gardées à vue et de celles en dégrisement.
Des dispositions doivent être prises afin d'améliorer le sort des personnes gardées à vue qui sont, d'une part, dans l'incapacité d'effectuer une toilette faute de distribution d'eau chaude, d'équipement de douche et de mise à disposition de produits de toilette et, d'autre part, dépendantes des fonctionnaires pour se rendre aux toilettes et accéder à un point d'eau.
Il est pris acte du projet d'implantation d'un ballon d'eau chaude et d'une douche ainsi que des instructions écrites données aux policiers affectés aux postes de geôlier les invitant « à faire preuve de disponibilité pour offrir au gardé à vue d'accéder à un point d'eau, particulièrement à l'occasion de la toilette du matin ou d'une sortie définitive des geôles », tels que annoncés par le directeur général de la police nationale. - L'inventaire des objets retirés à la personne placée en garde à vue ou en dégrisement est signé à son arrivée par un agent mais non par le mis en cause. Les raisons invoquées, selon lesquelles la personne interpellée serait la plupart du temps en état d'ivresse ou désireuse de « ne pas aggraver son cas », ne paraissent pas devoir être retenues du fait de leur caractère de généralité qui exclut une appréciation individualisée, au cas par cas.
Il est recommandé que, sauf impossibilité absolue ― dont le fonctionnaire de police devra alors pendre acte ―, les personnes signent, à leur arrivée en garde à vue ou pour dégrisement, l'inventaire des objets qui leur sont retirés afin qu'elles soient en mesure, en fin de garde à vue, de vérifier de manière contradictoire l'exactitude de ce qui est restitué. - Les conditions d'entretien avec les avocats et d'examen par les médecins ne sauraient être améliorées, de manière substantielle, par le simple fait que les murs doivent faire prochainement l'objet d'un « rafraîchissement ».
Le respect des droits de la défense et de la santé des justiciables imposent que la conception et l'aménagement du local actuel soient totalement revus. - Les visites médicales sont réalisées par des médecins généralistes intervenant dans le cadre d'une convention signée avec « SOS-médecins » et effectuées différemment selon les intervenants.
Il conviendrait que le contenu de l'examen médical et les pratiques professionnelles soient harmonisés, notamment par la mise en place d'actions de formation à l'attention des médecins généralistes intervenant dans les locaux de garde à vue et de dégrisement, en prenant appui sur les recommandations de la conférence de consensus réunie sur ce thème les 2 et 3 décembre 2004. - La prise en charge financière des médicaments, concernant les personnes démunies de ressources ou dépourvues de carte Vitale, est assurée par le service de gestion opérationnelle du commissariat de Besançon sur une ligne budgétaire spécifique.
Cette organisation pourrait être utilement généralisée, afin qu'une solution soit définitivement apportée aux difficultés, constatées dans certains endroits, liées à l'abandon de la prise en charge des médicaments par les frais de justice depuis l'entrée en vigueur de la loi d'orientation relative aux lois de finances (LOLF). - La pratique du retrait du soutien-gorge et de la paire de lunettes de vue doit être revue. La circonstance d'une tentative de suicide avec son soutien-gorge d'une femme placée en garde à vue en banlieue parisienne en juin 2009 ne saurait justifier à elle seule la mise en œuvre systématique de ce qui constitue une atteinte à la dignité de la personne.
Afin de respecter le principe de proportionnalité, le directeur général de la police nationale propose que « la décision de faire retirer les sous-vêtements relève de l'officier de police judiciaire chargé de la procédure, et soit prescrite d'office, dès lors que les circonstances permettent de redouter un risque pour la sécurité des personnes ».
Sur cette base, il apparaît nécessaire qu'une instruction de portée générale soit transmise afin qu'il ne soit plus procédé au retrait systématique du soutien gorge et de la paire de lunettes et que celui-ci soit conditionné à des éléments précis et circonstanciés que l'officier de police judiciaire en charge de la procédure concernée devra faire apparaître sur le registre de garde à vue et sur le procès-verbal de déroulement de la garde à vue. - Au commissariat de Besançon comme ailleurs, la dénomination donnée au « registre d'écrou » génère une confusion, y compris chez les fonctionnaires et les personnes placées en garde à vue, puisqu'elle vise non seulement les personnes susceptibles d'être écrouées mais aussi celles placées en dégrisement dans le cadre d'une procédure d'ivresse publique manifeste. Par ailleurs, la lecture du registre de garde à vue ne permet pas la distinction entre les différents régimes de garde à vue et l'indication de son motif.
Prenant acte de ce que le directeur général de la police nationale est favorable, d'une part, à changer l'intitulé du premier registre et, d'autre part, à engager une réflexion avec le ministère de la justice pour modifier les rubriques du second, il est souhaité que ces mesures entrent en voie de réalisation. - Le registre de garde à vue, dont la tenue révèle parfois des insuffisances, ne permet pas de réaliser avec précision et fiabilité le contrôle du déroulement de la mesure, contrôle prévu par le code de procédure pénale.
La tenue d'un registre fiable et complet est essentielle pour tout organisme chargé de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.
Il est recommandé, ainsi que le contrôleur général l'a déjà proposé publiquement, que soit étudiée la mise en œuvre dématérialisée de cette obligation légale, qui permettrait de surcroît de suivre en temps réel des différentes phases de la mesure de garde à vue et une amélioration des conditions de travail des personnels. Le ministre a d'ailleurs marqué son intérêt pour cette suggestion.
Cette mise en œuvre par voie dématérialisée devrait inclure la totalité des éventuels incidents, y compris les événements affectant des déroulements de garde à vue actuellement notés uniquement sur la main courante informatique, avec possibilité d'en extraire la liste afin d'en permettre un recensement centralisé dans la durée.
1 version