Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise sur le fondement du VII de l'article 2 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.
Elle propose l'adoption des mesures relevant du domaine de la loi pour la transposition de la directive (UE) 2023/2225 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 relative aux contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 2008/48/CE.
La directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, transposée par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, a établi des règles à l'échelle de l'Union concernant les contrats de crédit aux consommateurs d'un montant compris entre 200 euros et 75 000 euros.
Une révision de cette directive s'est imposée du fait des évolutions technologiques rapides enregistrées depuis, entraînant d'importants changements sur le marché du crédit à la consommation, tant du côté de l'offre que du côté de la demande, tels que l'apparition de nouveaux produits et l'évolution du comportement et des préférences des consommateurs, rendant une exclusion de plusieurs types de contrats de crédit à la consommation du champ d'application de la directive 2008/48 peu justifiable.
Des disparités nationales dans les règles applicables au crédit à la consommation et, dans certains cas, des distorsions de concurrence entre les prêteurs dans l'Union entravent au demeurant le fonctionnement du marché intérieur. Cette situation restreint les possibilités qu'ont les consommateurs de tirer parti de l'offre toujours plus importante de crédit transfrontière, qui devrait encore augmenter en raison de la transition numérique. Cette situation a conduit également à un niveau inadéquat et incohérent de protection des consommateurs dans l'ensemble de l'Union européenne.
La directive relative au crédit à la consommation du 18 octobre 2023 a donc pour objectif d'assurer une meilleure protection des emprunteurs, une réduction du risque de surendettement et une plus grande harmonisation des normes applicables au sein du marché européen du crédit à la consommation.
Dans ce but, la directive 2023/2225 apporte des avancées sur deux axes complémentaires.
En premier lieu, la directive élargit le champ de la réglementation protectrice des consommateurs à des contrats de crédit à la consommation qui étaient auparavant moins réglementés. Cet élargissement concerne aux termes de l'article 2 de la directive les crédits sans aucun frais ni intérêt dit crédits gratuit mais qui néanmoins créent une charge de remboursement, les crédits de moins de 200 euros dit mini-crédit, les crédits de moins de trois mois avec des frais négligeables, soit des paiements fractionnés et différés, les crédits à la consommation entre 75 000 € et 100 000 € et les contrats de location avec option d'achat. En intégrant davantage de produits dans son champ d'application, notamment ceux ont connu un fort développement depuis 2008, la directive a pour but d'éviter toute ligne de fuite en termes de protection des emprunteurs.
En second lieu, la directive renforce la réglementation en vigueur et déjà applicable au crédit à la consommation. Le champ des publicités interdites est étendu ; les informations précontractuelles et contractuelles et les exigences en matière d'analyse de solvabilité sont renforcées ; les prêteurs devront proposer des mesures de renégociation aux clients en difficulté financière ; les prêteurs devront orienter gratuitement ces clients en difficulté vers des services de conseil aux personnes endettées ; l'utilisation des traitements automatisés par les prêteurs sera mieux encadrée ; les règles relatives aux ventes groupées d'un crédit et d'une assurance sur le crédit feront l'objet d'un renforcement pour éviter que l'emprunteur ne soit contraint par le prêteur dans son choix ; les services de conseil offerts en cas de crédit à la consommation seront tenus à des exigences précisées ; les délais de rétractation des emprunteurs du contrat de crédit sont allongés en cas de non-respect par le prêteur de ses obligations d'informations contractuelles ; en cas de remboursement anticipé, l'emprunteur aura droit à une réduction du coût du crédit, dont l'assiette doit inclure les frais imposés par le prêteur à l'emprunteur.
Les emprunteurs en France disposent d'un haut niveau de protection en matière de crédit à la consommation depuis la loi du 1er juillet 2010.
Plusieurs dispositions du texte européen s'appliquent en effet d'ores et déjà, soit partiellement soit en totalité, en France. La directive prévoit ainsi l'introduction de la location avec option d'achat dans le champ d'application. Sur le marché français du crédit à la consommation, la location avec option d'achat est déjà soumise à la quasi-totalité des normes du crédit à la consommation. La transposition se traduira en particulier par l'instauration d'un taux d'usure pour la location avec option d'achat. De même, les interdictions de publicités mentionnant l'existence d'une période de franchise de paiement de loyers ou de remboursement des échéances du crédit supérieures à trois mois ou laissant entendre que le prêt améliore la situation financière de l'emprunteur, nouvellement prévues par la directive, sont déjà en place en droit français, tout comme la protection des données à caractère personnel concernant les diagnostics de maladies oncologiques des emprunteurs afin qu'elles ne soient pas utilisées avant une période fixe dans les demandes d'assurance emprunteur.
Le titre Ier du livre III du code de la consommation dédiées aux opérations de crédit concentre l'essentiel des modifications apportées par l'ordonnance. Les titres II, IV du même livre, relatifs respectivement aux règles de formation et d'exécution de certains contrats et aux sanctions, font l'objet d'évolutions ciblées en lien avec les adaptations des règles applicables au crédit à la consommation. Enfin, plusieurs adaptations concernent les articles du livre II et surtout du livre VII du même code.
Le code monétaire et financier est par ailleurs modifié à son livre III ainsi qu'à son livre V pour y faire figurer les dispositions de la directive relatives à l'exemption d'enregistrement pour les prêteurs à titre accessoire ainsi que pour prévoir une soumission au secret professionnel des gestionnaires de crédit qui sont amener à participer pleinement au fonctionnement du FICP.
La directive dispose à son article 42 que « les Etats membres ne peuvent pas maintenir ou introduire dans leur droit national des dispositions divergeant de celles prévues par la présente directive, sauf disposition contraire dans la présente directive ». La capacité d'adaptation aux situations nationales est réduite dans le but de mieux harmoniser les marchés du crédit à la consommation au sein de l'Union européenne. Cela constitue une différence majeure avec la précédente directive de 2008 sur le crédit à la consommation qui était d'harmonisation minimale.
La directive laisse par conséquent peu d'options d'arbitrage aux Etats membres au stade de la transposition. Il est notamment retenu l'exemption des cartes à débit différé, déjà présente en droit français depuis la loi du 1er juillet 2010, une consultation facultative du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) lors de l'analyse de solvabilité pour, d'une part, les opérations de crédit comportant un délai de remboursement ne dépassant pas trois mois et qui ne sont assorties d'aucun intérêt ni d'aucun frais ou qui sont assorties d'intérêts et de frais d'un montant négligeable et pour, d'autre part, les opérations de crédit dont le montant total de crédit est inférieur à 200 euros, une adaptation limitée du nombre d'informations précontractuelles et contractuelles à fournir pour les contrats de crédit de moins de trois mois et n'ayant que des frais négligeables, les contrats de crédit gratuits ou d'un montant de moins de 200 euros.
L'ordonnance est composée de quatre titres, le premier relatif aux dispositions modifiant le code de la consommation, le deuxième aux dispositions modifiant le code monétaire et financier, le troisième aux dispositions relatives à l'outre-mer et le quatrième aux dispositions transitoires et finales.
Au titre Ier, les chapitres I et II complètent la liste des définitions relatives aux opérations de crédit et élargissent le champ d'application à des contrats de crédit précédemment hors du périmètre du droit spécifique du crédit à la consommation. Les chapitres III et IV renforcent les exigences en matière de publicité et instaurent un droit à l'accès à une information générale sur les contrats de crédit à la consommation au bénéfice des consommateurs. Le chapitre V précise les règles applicables aux informations précontractuelles. Le chapitre VI fixe les obligations en matière d'explications adéquates fournies à l'emprunteur, de service de conseil et prévoit un devoir de mise en garde explicite pour les prêteurs. Le chapitre VII prévoit un relèvement général des exigences relatives à l'analyse de la solvabilité des emprunteurs. Le droit de rétractation des emprunteurs est renforcé au chapitre VIII. Les dispositions relatives à la formation du contrat de crédit à la consommation sont ajustées avec une harmonisation du délai de mise à disposition des fonds au chapitres IX. Les chapitres X et XI précisent les règles applicables aux informations contractuelles et aux modifications du contrat. Un droit à une réduction du coût total du crédit est instauré en cas de remboursement anticipé au chapitre XII. Afin de mieux protéger les emprunteurs en difficulté, des mesures de renégociation sont déterminées au chapitre XIII et les prêteurs doivent orienter les emprunteurs en difficultés vers des services de conseil aux personnes endettées comme le prévoit le chapitre XIV. Les dispositions spécifiques applicables au crédit affecté sont ajustées au chapitre XV. Aux chapitres XVI et XVII, les dispositions applicables respectivement aux autorisations de découvert et aux dépassements sont modifiées conformément à la directive pour accroître les droits des emprunteurs notamment en cas de réduction ou de résiliation par les prêteurs. Le chapitre XVIII renforce les règles de conduite et exigences applicables au personnel des prêteurs. Les dispositions relatives aux sanctions sont complétées au chapitre XIX qui comporte également une transformation de certaines sanctions pénales en sanctions administratives. Enfin, au chapitre XX, les obligations de radiation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers sont étendues à de nouveaux acteurs en cas de cession du contrat de crédit ou de transfert des droits du créancier.
Au titre, II, l'article 86 porte une mesure de coordination relative au seuil de l'usure pour tenir compte de l'élargissement du champ d'application. L'article 87 limite le bénéfice de l'exemption au monopole bancaire pour les délais de paiement des fournisseurs de biens et prestataires de services aux seules petites et moyennes entreprises les octroyant. Les articles 88, 89, 90 et 91 soumettent le personnel des intermédiaires de crédit à des obligations renforcées en matière de règles de conduite et d'exigences de formation et de compétences. Enfin, les articles 92 et 93 prévoient une soumission au secret professionnel des gestionnaires de crédit qui sont amener à participer au fonctionnement du FICP.
Les dispositions du titre III relatif à l'outre-mer étend des dispositions relatives au crédit à la consommation établies par la présente ordonnance en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
L'article 99 précise que la présente ordonnance entre en vigueur le 20 novembre 2026. Les contrats de crédit en cours au 20 novembre 2026 restent régis par les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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