Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise en application de l'article 13 loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.
Cet article habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi,
« toutes les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour réformer les régimes des fusions, des scissions, des apports partiels d'actifs et des transferts de siège des sociétés commerciales afin :
1° De transposer la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières et de prendre les mesures de coordination et d'adaptation de la législation liées à cette transposition :
a) En prévoyant que l'autorité compétente chargée du contrôle de légalité de l'opération de transformation, de fusion ou de scission transfrontalière est le greffier du tribunal de commerce ;
b) En excluant la possibilité de limiter la proportion de représentants des salariés au sein de l'organe de direction de la société issue de la transformation ou des sociétés bénéficiaires de la scission transfrontalière ;
2° D'harmoniser avec certaines des dispositions encadrant les opérations transfrontalières relevant du 1° du présent I et de simplifier, de compléter et de moderniser les régimes des fusions, des scissions, des apports partiels et des transferts de siège des sociétés commerciales prévus au chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce ;
3° De rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l'ordonnance prise sur le fondement des 1° et 2° du présent I, pour celles qui relèvent de la compétence de l'Etat, et de procéder, le cas échéant, aux adaptations de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. »
Genèse de la réforme
La procédure de fusions transfrontalières en vigueur figurant aux articles L. 236-25 et suivants du code de commerce est issue de la directive 2005/56 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux, codifiée par la directive 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés.
Cette directive a été transposée au sein du code de commerce par la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, sous le chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce, au sein d'une section intitulée « dispositions particulières aux fusions transfrontalières ».
Dans la continuité de sa stratégie pour un marché unique numérique et de son programme de travail pour 2017, la Commission a adopté le 25 avril 2018 un nouveau paquet législatif relatif au droit des sociétés comprenant deux textes, parmi lesquels la directive 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières de société de capitaux, publiée au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) le 12 décembre 2019.
Cette directive introduit deux nouvelles procédures aux cotés de celle existante des fusions transfrontalières, l'une permettant aux sociétés de transférer leur siège social dans un autre Etat membre tout en conservant leur personnalité juridique et l'autre leur permettant de se scinder en deux ou plusieurs sociétés immatriculées dans des Etats membres différents. La directive harmonise à cette occasion la procédure prévue avec celle applicable aux fusions transfrontalières, qui permettent aux sociétés de capitaux de fusionner avec une ou plusieurs sociétés constituées dans un autre Etat membre.
La procédure prévue est équivalente pour ces trois types d'opérations. Elle repose sur : (i) une étape de préparation des opérations, qui comprend notamment la rédaction d'un projet commun d'opération, d'un rapport des dirigeants et la vérification de cette préparation par une expertise indépendante ; (ii) des règles de protection des principales parties prenantes, c'est-à-dire un dispositif d'information et de consultation des salariés et de maintien de leur représentation dans les organes sociaux, une protection des créanciers antérieurs, et des actionnaires ; (iii) une procédure de contrôle de l'opération par l'Etat membre de départ et d'arrivée ; (iv) l'organisation des effets de l'opération.
Au regard de la nature législative des dispositions existantes en matière de fusions transfrontalières, il est nécessaire d'inscrire les dispositions de la directive précitée dans la loi française. La transposition de cette directive nécessite ainsi :
- la modification des dispositions existantes relatives aux fusions transfrontalières. A titre d'exemple, la procédure de contrôle par l'autorité compétente, qui repose en droit positif sur un système déclaratif aux termes duquel la société demanderesse déclare s'être conformée à toutes les dispositions législatives et règlementaires en vigueur, est désormais bien plus substantielle. Elle se trouve ainsi profondément revue afin de permettre d'identifier et de ne pas autoriser les opérations réalisées dans un but frauduleux ou abusif ;
- la création de nouvelles dispositions sous le chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce de manière à introduire les opérations de scissions et transformations transfrontalières. L'opérations de scission transfrontalière consiste pour une société à se scinder en plusieurs entités créée sous une forme sociale régie par le droit d'un autre Etat membre tandis que la transformation transfrontalière permet à une société française de se transformer en une forme sociale régie par le droit d'un autre Etat membre.
En outre, conformément au 2° du I de l'article d'habilitation, lorsque cela est justifié dans un souci d'harmonisation, de simplification, de modernisation ou de cohérence, il est également proposé des réformes des dispositions relatives aux opérations nationales, au regard de celles applicables aux opérations transfrontalières. A titre d'exemple, la figure de la scission partielle, introduite par la directive dans un contexte transfrontalier, serait également introduite dans un contexte purement national.
Objectifs de la réforme
La directive 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières a pour objet de faciliter la réalisation de ces opérations au sein de l'espace européen.
Les règles transposées visent ainsi, d'une part, à introduire en droit national les procédures de scissions et transformations transfrontalières et, d'autre part, à transposer les nouvelles dispositions relatives aux fusions transfrontalières. Ces nouvelles règles garantiront la protection des droits des parties prenantes principales : associés minoritaires, salariés et créanciers. Il est ainsi prévu un mécanisme garantissant le droit des salariés à être informés et consultés en amont de l'opération et à participer aux organes de la société issue de l'opération ; s'agissant des associés, la directive leur ménage un droit de sortie leur permettant de se faire racheter leurs parts ou actions en cas d'opposition à l'opération ; enfin, les créanciers dont la créance est née antérieurement au projet d'opération transfrontalière disposent d'un recours juridictionnel afin d'obtenir des garanties de la part de la société débitrice.
En outre, un mécanisme de protection des intérêts publics est prévu par l'instauration d'une autorité de contrôle dans l'Etat membre de départ, ainsi que dans l'Etat membre de destination. L'autorité choisie, en France, le greffier du tribunal de commerce, doit ainsi s'assurer, ce qui conditionne sa prise d'effet, que l'opération transfrontalière n'est pas réalisée « à des fins abusives ou frauduleuses menant ou visant à se soustraire au droit de l'Union européenne ou au droit français ou à le contourner, ou à des fins criminelles ». L'auteur du contrôle peut solliciter d'éventuelles autres autorités en cas de soupçons pour obtenir davantage d'informations.
L'introduction de ces dispositions pour les opérations transfrontalières nécessite de rendre cohérentes les dispositions nationales applicables aux opérations réalisées sur le territoire français. Le régime applicable aux opérations transfrontalières renvoie en effet en grande partie au régime des fusions domestiques.
En outre, les dispositions de simplification de la directive peuvent être utilement étendues aux opérations domestiques. A titre d'exemple, parmi les schémas de scissions transfrontalières régis par la directive figure la scission partielle qui permet d'attribuer directement les actions perçues en rémunération de l'apport aux associés de la société apporteuse. Ce mécanisme n'est à ce jour pas consacré au niveau national et contraint à procéder en deux étapes successives, à savoir un apport partiel d'actif suivi, par exemple, d'une distribution en nature par la société apporteuse à ses actionnaires. La transposition de la directive est l'occasion de consacrer la scission partielle à l'échelle nationale.
Présentation des articles
L'ordonnance est divisée en trois titres :
- Titre Ier. - Dispositions modifiant le code de commerce ;
- Titre II. - Dispositions modifiant le code du travail ;
- Titre III. - Dispositions de coordination, relatives à l'outre-mer, transitoires et finales.
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