JORF n°0035 du 11 février 2016

Section 1 : La cession de créance

L'ordonnance propose de moderniser le régime de la cession de créance, pour faciliter la transmissibilité des obligations, conformément au vœu des acteurs économiques, et adapter les textes devenus inadaptés à une époque où la circulation des obligations n'est plus un phénomène marginal mais est devenue d'application quotidienne. Actuellement présentée dans les contrats spéciaux (dans le titre consacré à la vente), la cession de créance trouve plus logiquement sa place au sein des textes sur le régime général des obligations, dans la mesure où elle peut porter sur tout type d'obligations.
L'article 1321 définit tout d'abord la cession de créance (alinéa 1er) et en fixe le champ d'application : créance présente ou future, déterminée ou déterminable, conformément à la jurisprudence (alinéa 2), puis rappelle le principe de la transmission des accessoires de la créance (alinéa 3). Conformément à la jurisprudence, l'alinéa 4 ne fait pas du consentement du débiteur une condition, mais il introduit une exception, lorsque la créance a été stipulée incessible. L'ordonnance exige un écrit, requis pour sa validité, pour constater la cession, contrairement au droit positif, et à l'instar de ce qui est prévu pour le nantissement de créance (article 1322). En contrepartie de cette nouvelle exigence, il facilite conformément aux attentes l'opération. Unanimement critiquée comme trop coûteuse et inutile, la formalité particulièrement lourde de la signification par huissier ou de l'acceptation du débiteur par acte authentique, aujourd'hui prévue par l'article 1690 du code civil pour l'opposabilité aux tiers, est supprimée. L'article 1323 prévoit désormais un transfert immédiat entre les parties, et une opposabilité immédiate aux tiers, à la date de l'acte, ce qui permet d'aligner le régime de la cession de créance de droit commun sur celui du nantissement de créance, de la cession de créance réalisée dans le cadre d'une fiducie et de la cession de créance professionnelle. Le texte prévoit également une disposition spécifique pour la cession de créance future, qui n'opère quant à elle qu'au jour de la naissance de la créance, tant entre les parties que vis-à-vis des tiers. Enfin, pour être opposable au débiteur, la cession doit lui avoir été notifiée ou il doit en avoir pris acte, ces conditions étant très assouplies par rapport à l'actuel article 1690. Le texte précise également qu'une telle notification est inutile dans l'hypothèse où le débiteur aurait consenti à la cession (cet accord n'étant nullement une condition de la cession de créance, comme le rappelle expressément l'article 1321 alinéa 4) (article 1324).
Le régime de la cession de créance est par ailleurs précisé par de nouvelles dispositions qui ne figurent pas dans le code civil et permettent une meilleure lisibilité du mécanisme : sur les exceptions opposables par le débiteur, avec un souci de précision et d'illustration répondant à un objectif de sécurité juridique, en distinguant les exceptions inhérentes à la dette et celles nées des rapports du débiteur avec le cédant avant que la cession lui soit opposable (article 1324 alinéa 2), sur la charge des frais de la cession (article 1324 alinéa 3), sur la règle de conflit en cas de concours entre des cessionnaires successifs d'une créance (article 1325) et sur la garantie du cédant (article 1326).
Il convient de souligner que l'ordonnance ne propose pas la suppression de la procédure de retrait litigieux, qui permet d'éviter la spéculation, en mettant un terme au litige en cours portant sur les droits cédés, par le remboursement au cessionnaire (acquéreur du droit) du prix que celui-ci avait payé au cédant. Ce dispositif figure en effet toujours aux articles 1699 à 1701 du code civil relatifs au contrat de vente, lesquels ne sont pas supprimés et que l'article 1701-1 créé par la présente ordonnance rend a contrario applicable aux cessions de créance.