JORF n°0169 du 23 juillet 2011

Rapport relatif à l'ordonnance n° 2011-864 du 22 juillet 2011

Monsieur le Président de la République,
Prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, en application de l'article 94 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, la présente ordonnance a pour objet de renforcer, en les adaptant aux départements et collectivités d'outre-mer concernés, les mesures de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche relatives à la lutte contre la régression des terres agricoles.
En effet, les terres agricoles des départements et collectivités d'outre-mer sont soumises à une pression foncière urbaine extrêmement forte, qui a des conséquences d'autant plus importantes sur l'agriculture que les terres arables y sont relativement plus rares qu'en métropole. L'extension urbaine combinée à un mitage du territoire rural, lié à la diffusion de l'habitat individuel, menace de réduire à néant les meilleures terres agricoles d'ici quelques décennies, notamment à la Martinique et à La Réunion.
Face aux fortes sollicitations auprès des élus locaux pour la délivrance de permis de construire, les documents d'urbanisme ne permettent pas de protéger durablement les espaces agricoles et naturels de l'urbanisation. Les outils de préservation des terres agricoles, zones d'action prioritaire (ZAP) et périmètres de protection des espaces agricoles et naturels (PAEN), qui requièrent l'aval des municipalités, sont peu utilisés et ne permettent d'ailleurs qu'une protection « en confettis » des espaces agricoles.
Les perspectives de révision des documents d'urbanisme par les municipalités permettent aux propriétaires d'anticiper les changements d'usage et de réaliser des plus-values foncières substantielles en vendant leurs terres agricoles pour d'autres usages. Ces anticipations participent au renchérissement des terres et accroissent les difficultés d'accès au foncier des agriculteurs, notamment des jeunes, lors de leur installation. Il est donc urgent de limiter les anticipations de changement d'usage et de réguler un marché foncier qui soit compatible avec le maintien d'une activité agricole.
Par ailleurs, l'extension des surfaces incultes dans les départements et collectivités d'outre-mer, résultant de l'abandon de l'activité agricole, a plusieurs origines : l'anticipation de changement d'usage des parcelles en zone périurbaine, l'abandon des parcelles isolées ou de qualité médiocre, insuffisamment rentables au regard des revenus que l'on peut recevoir par ailleurs et, également, le morcellement de la propriété dû à l'indivision des parcelles au moment de l'héritage. Face à l'urgence de développer la production locale, il convient de stopper le gâchis de terres agricoles en améliorant la procédure de remise en culture des terres incultes ou insuffisamment exploitées
Les articles 1er à 4 de l'ordonnance modifient le code rural et de la pêche maritime, en améliorant, dans un nouveau titre VIII consacré aux dispositions particulières à l'outre-mer, le classement de ces dispositions au sein du livre Ier du code rural et de la pêche maritime.
L'article 2 étend aux départements d'outre-mer et dans le Département de Mayotte le rôle de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue par l'article 51 de la loi du 27 juillet 2010 précitée, en en adaptant la composition et en en élargissant les compétences. Cette commission, présidée par le préfet, et composée d'experts en matière de foncier agricole en proportion égale : représentants de l'Etat concernés, profession agricole, opérateur foncier agricole, propriétaire foncier, association agréée de protection de l'environnement, aura un rôle déterminant sur les projets entraînant un déclassement des terres agricoles puisqu'elle est appelée à donner un avis favorable, selon des critères strictement encadrés, sur le projet présenté. A Saint-Martin, compte tenu des compétences que cette collectivité est appelée à exercer à compter du 1er janvier 2012 en matière d'urbanisme, cette commission aura un rôle consultatif de portée générale.
L'article 3 reclasse au sein du titre VIII nouvellement créé les dispositions existantes relatives aux terres incultes ou manifestement sous-exploitées, et y ajoute deux mesures nouvelles : d'une part, une procédure simplifiée d'information du public lors de la procédure d'enquête sur l'état d'inculture ou de sous-exploitation des terres, conformément à l'article 7 de la charte de l'environnement ; d'autre part, l'obligation pour l'attributaire de présenter un projet de mise en valeur du fonds qui lui a été attribué, afin d'éviter que ces terres ne retombent dans le même état d'inculture ou de sous-exploitation que précédemment.
L'article 4, afin de limiter le morcellement des terres agricoles, néfaste à une exploitation efficace sur le plan économique et qui accentue la pression en faveur de l'urbanisation, soumet certaines divisions de parcelles agricoles à déclaration et à autorisation dont l'examen est confié à la commission départementale d'aménagement foncier.
L'article 5 est un article de coordination avec le code général des impôts pour ce qui concerne la taxe sur la publicité foncière afférente à ces procédures.
L'article 6 prévoit une entrée en vigueur progressive, compte tenu des spécificités des départements d'outre-mer concernés, de l'article 71 de la même loi, qui a confié aux chambres départementales d'agriculture des missions relatives à l'installation des agriculteurs. La situation de ces chambres outre-mer justifie en effet de ne leur confier ces missions, actuellement assumées par l'Agence de services et de paiement, qu'au moment où leur prise en charge ne fera pas obstacle aux efforts qu'elles font actuellement pour améliorer leur intervention en faveur du développement agricole, et selon des modalités adaptées.
L'article 7 prévoit un différé de six mois d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la procédure d'autorisation préalable au déclassement de terres agricoles et des dispositions transitoires pour tenir compte de l'extension progressive à Mayotte de la législation applicable en métropole en matière d'urbanisme et d'aménagement foncier.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.