L'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 prévoit que « les décisions sur les tarifs sont prises conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, notamment à la demande des opérateurs, pour les tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz et des installations de gaz naturel liquéfié ».
La présente proposition porte sur les tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel des gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel : Gaz de France et 22 entreprises locales de distribution (ELD).
Pour la préparer, la CRE a travaillé en étroite concertation avec les opérateurs concernés. Elle a procédé à des auditions et a conduit de nombreuses réunions avec les distributeurs - Gaz de France et ELD -, les fournisseurs et les consommateurs. La CRE a également organisé une consultation publique, du 13 novembre au 4 décembre 2003, afin de recueillir l'opinion de tous les acteurs concernés.
En application de l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003, les tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel sont établis en fonction de critères publics, objectifs et non discriminatoires, en tenant compte des caractéristiques du service et des coûts liés à ce service.
Ces coûts ont été évalués selon une méthodologie dite « cost plus » en prenant en considération, pour chaque gestionnaire de réseau de distribution (GRD), d'une part, les charges d'exploitation nécessaires au bon fonctionnement et à la maintenance des réseaux et installations et, d'autre part, les charges de capital (amortissement et rémunération des biens utilisés au titre de l'activité de distribution de gaz naturel). Ils sont recouvrés au travers des tarifs.
Toutefois, pour les ELD de petite taille, qui ne sont pas en mesure de présenter des comptes dissociés, la CRE a retenu un tarif commun.
La méthode de calcul des charges à recouvrer par les tarifs est la même pour tous les GRD concernés, mais les niveaux tarifaires obtenus sont différents. Les ELD présentent des tarifs unitaires significativement plus élevés que celui de Gaz de France.
Des vérifications sur le niveau des charges à couvrir pour chaque GRD seront effectuées par la CRE, lors de missions d'audit, en application de la loi du 3 janvier 2003.
Les tarifs résultant de la présente proposition sont conçus pour s'appliquer, au plus tard, à partir du 1er juillet 2004, date de l'ouverture du marché du gaz à l'ensemble des consommateurs professionnels, pour une durée de l'ordre de douze à dix-huit mois. A l'issue de cette période, la CRE proposera des tarifs qui tiendront compte des résultats des audits sur le niveau des charges et comprendront un objectif d'amélioration de la productivité des opérateurs, tout en intégrant les contraintes de sécurité et de modernisation des réseaux.
A. - Couverture des coûts supportés par les gestionnaires
de réseaux de distribution
Le calcul des charges à couvrir par le tarif d'utilisation des réseaux de distribution concerne les GRD ayant présenté des comptes dissociés, soit Gaz de France et les neuf ELD suivantes :
Gaz de Barr ;
Gaz de Bordeaux ;
Gaz de Strasbourg ;
Gaz électricité de Grenoble ;
Régie d'équipement et de gaz de la Vienne ;
Régie municipale de Colmar (Vialis) ;
Régies municipales de Dreux (GEdia) ;
Service gaz et eau de la ville de Guebwiller ;
Syndicat intercommunal de Huningue, Saint-Louis, Hégenheim et Village-Neuf.
Charges d'exploitation
Les charges d'exploitation que couvrent les tarifs proposés ont été déterminées à partir de l'ensemble des coûts des réseaux de distribution tels qu'ils ont été communiqués à la CRE et tels qu'ils apparaissent dans la comptabilité des opérateurs.
Pour fixer le niveau de ces charges, la CRE s'est fondée notamment :
- sur les données issues des comptes des opérateurs pour l'exercice 2002 et, en particulier, des comptes dissociés ;
- sur des hypothèses d'évolution des dépenses pour les années 2003 et 2004, communiquées par les opérateurs.
Les données retenues par la CRE ont fait l'objet d'échanges de vue avec les opérateurs, mais n'ont pas pu être contrôlées, à ce stade, de manière approfondie. Des vérifications seront effectuées, lors de missions d'audit, en application du deuxième alinéa du I de l'article 8 de la loi du 3 janvier 2003.
Le montant des charges d'exploitation s'entend net des recettes accessoires encaissées à divers titres par les gestionnaires de réseaux de distribution.
S'agissant des frais de gestion de clientèle, la CRE a considéré qu'ils pouvaient être imputés à l'activité de GRD, à hauteur de 50 % maximum, le reste étant imputé à l'activité de commercialisation de gaz naturel.
S'agissant des frais commerciaux, la CRE a considéré que pouvait être imputée au GRD la part de ces frais correspondant à l'activité d'ingénierie de raccordement et de développement des réseaux.
S'agissant des frais de publicité, la CRE a considéré qu'ils devaient être imputés en totalité à l'activité de commercialisation, à l'exception des frais de communication relatifs à la sécurité des réseaux.
Les redevances prévues aux contrats de concession de distribution, qui ne représentent une charge que pour les distributeurs constitués en personne morale distincte de l'autorité concédante, ont été couvertes, soit au titre des charges de capital, dans les cas où la redevance a été définie comme la contrepartie d'investissements financés par l'autorité concédante, soit au titre des charges d'exploitation dans les autres cas.
Dans les cas où la redevance n'a pas été - ou a été insuffisamment - définie comme la contrepartie d'une prestation fournie par l'autorité concédante, et dans l'attente d'un examen détaillé de ces contreparties à l'occasion du prochain tarif, elle a été incluse dans les charges à couvrir par le présent tarif.
Charges de capital
Valeur des actifs
La valeur économique initiale des actifs de distribution a été calculée comme la valeur résultant de la réévaluation des valeurs historiques (1) au 31 décembre 2002 (ou au 30 septembre 2002, selon que la comptabilité des opérateurs de distribution est calée sur l'année civile ou l'année gazière), en fonction de l'indice des prix du PIB marchand et d'un amortissement linéaire calculé sur une durée de vie normative des actifs, fixée pour les canalisations de distribution à 50 ans, comme pour les canalisations de transport. Pour l'avenir, la durée de vie retenue est de 45 ans pour tenir compte de l'incertitude sur la durée de vie des canalisations actuelles, pour lesquelles le retour d'expérience est limité.
Les actifs tels que les véhicules, aménagements, matériels de micro-informatique, petits équipements, etc., ont été pris en compte sur la base de leur valeur nette comptable, et les terrains sur la base de leur valeur historique réévaluée non amortie.
Une fois la valeur initiale de la base d'actifs régulés (BAR) arrêtée par la CRE, la BAR évolue en fonction du taux de réévaluation annuel, des amortissements, des nouveaux actifs qui y entrent et des actifs qui en sortent.
En particulier, les actifs sont réévalués, à partir de 2003, en fonction de l'indice d'évolution des prix à la consommation, hors tabac, de l'ensemble des ménages résidant en France, calculé par l'INSEE. La réévaluation des actifs sera appliquée, au début de chaque année civile, en utilisant un taux d'inflation prévisionnel couvrant la période du 01/07/N - 1 au 30/06/N.
Calcul des charges de capital
Les charges de capital se composent, d'une part, d'un amortissement calculé selon le mode linéaire sur la durée de vie économique des ouvrages, d'autre part, d'une rémunération financière calculée sur la valeur au 1er janvier des actifs.
Pour chaque classe d'actifs, les durées de vie normatives retenues sont les suivantes :
La méthode retenue pour évaluer le taux de rendement autorisé est fondée sur le coût moyen pondéré du capital (CMPC), à structure financière normative. Le niveau de rémunération de l'opérateur doit en effet, d'une part, lui permettre de financer les charges d'intérêt sur sa dette, d'autre part, lui apporter une rentabilité des fonds propres comparable à celle qu'il pourrait obtenir par ailleurs dans des investissements comportant des niveaux de risque comparables.
Le taux de rémunération retenu pour les actifs de distribution, qu'il s'agisse des actifs historiques ou des nouveaux investissements, est identique au taux retenu pour les actifs actuels de transport (7,75 % réels avant impôt).
Charges à couvrir
Sur ces bases, le niveau tarifaire, égal à la somme des charges nettes d'exploitation et des charges de capital telles qu'elles résultent des principes de calcul exposés ci-dessus, que la CRE propose de couvrir s'élève à :
B. - Structure des tarifs d'utilisation des réseaux de distribution
Principes généraux
Les tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz concernent une clientèle de masse : environ 11 millions de consommateurs sont raccordés aux réseaux de distribution, dont plus de 500 000 seront éligibles le 1er juillet 2004.
La CRE considère que, pour permettre une ouverture réelle du marché du gaz en France, ces tarifs doivent être aussi simples et lisibles que possible. Elle a donc retenu les principes généraux suivants.
Une structure tarifaire commune pour tous les gestionnaires
de réseau de distribution
Le tarif de chaque gestionnaire de réseau de distribution est composé de quatre options tarifaires principales. Pour un point de livraison donné, le choix de l'option tarifaire optimale est laissé à l'expéditeur.
Le tarif appliqué à un expéditeur est égal à la somme de ce qui est dû pour chaque point de livraison qu'il alimente. En conséquence :
- il n'y a pas d'effet de foisonnement, c'est-à-dire pas d'avantage lié à la taille ou à la diversification du portefeuille de clients de chaque expéditeur ;
- il est possible de faire apparaître, dans la facture de gaz de chaque consommateur, la part due à l'utilisation des réseaux de distribution.
Une péréquation géographique pour chaque gestionnaire
de réseau de distribution
La gamme tarifaire applicable pour l'utilisation des réseaux de distribution est identique pour tous les consommateurs reliés aux réseaux de distribution d'un même gestionnaire.
Des règles simples d'allocation des coûts
et de segmentation de la clientèle
Les quatre options tarifaires correspondent chacune à un segment de clientèle. Le niveau de chaque option tarifaire est défini de façon que la recette obtenue corresponde aux coûts qui sont affectés au segment de clientèle concerné afin d'éviter toute subvention croisée entre les différents segments de clientèle, notamment au profit des clients éligibles.
Les deux critères retenus pour allouer les coûts à chaque segment de clientèle sont le nombre de clients et le débit de pointe. Seuls Gaz de France, Gaz de Bordeaux et Gaz de Strasbourg ont fourni à la CRE des informations suffisamment détaillées sur la nature des charges à couvrir pour permettre une allocation des coûts spécifique.
La structure des trois premières options tarifaires est de type binôme, avec un abonnement annuel et un terme proportionnel à la quantité consommée.
La 4e option tarifaire est de type trinôme, avec un abonnement annuel, un terme proportionnel à la quantité consommée et un terme proportionnel à la capacité journalière souscrite.
Ces options tarifaires correspondent aux segments de clientèle suivants :
- option binôme T 1 : consommation annuelle de 0 à 6 000 kWh ;
- option binôme T 2 : consommation annuelle de 6 000 à 300 000 kWh ;
- option binôme T 3 : consommation annuelle de 300 000 à 5 000 000 kWh ;
- option trinôme T 4 : consommation annuelle supérieure à 5 000 000 kWh.
L'option T 1 concerne les clients ayant une consommation régulière sur l'année (modulation supérieure à 200 jours), compte tenu des hypothèses sur les débits de pointe retenues pour allouer les charges d'investissements à ce segment de clientèle.
Pour l'option T 4, les règles concernant les souscriptions mensuelles de capacité sont similaires à celles retenues par la CRE pour les antennes régionales, dans sa proposition tarifaire du 24 juillet 2003 pour l'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel.
La commercialisation de capacités interruptibles n'est pas prévue dans le cadre de cette première proposition tarifaire, du fait des caractéristiques des réseaux de distribution.
Autres éléments
Tarif de proximité
Les tarifs comprennent également une option tarifaire spéciale dite « tarif de proximité », afin d'éviter certains raccordements de gros consommateurs au réseau de transport de gaz, alors qu'ils sont déjà alimentés via les réseaux de distribution. Cette option tarifaire est réservée au cas de clients ayant la possibilité réglementaire de se raccorder directement à un réseau de transport. Elle comprend un abonnement annuel, un terme proportionnel à la capacité journalière souscrite et un terme proportionnel à la distance entre le point de livraison et le réseau de transport le plus proche.
Clients sans compteur individuel
Pour les clients finals ne disposant pas de compteurs individuels, le tarif applicable est un forfait calculé sur la base de l'option T 1.
Pénalités pour dépassement de capacité journalière souscrite
L'option tarifaire T 4 et l'option « tarif de proximité », qui concernent les plus gros consommateurs, comprennent un terme proportionnel à la capacité journalière souscrite. Il est nécessaire de définir des pénalités pour dépassement de la capacité journalière souscrite. La CRE a retenu, pour calculer ces pénalités, des modalités similaires à celles qu'elle a proposées pour le tarif d'utilisation des réseaux de transport, avec une tolérance gratuite de 5 %.
Pour ce premier tarif, la CRE n'a pas défini de règle de gestion des capacités horaires sur les réseaux de distribution, ni de pénalité pour dépassement de capacité horaire, du fait des modes de fonctionnement des réseaux de distribution et de l'absence, sauf cas exceptionnel, de données pertinentes concernant les consommations horaires.
Prestations supplémentaires offertes par les GRD
Chaque option des tarifs d'utilisation des réseaux de distribution comprend des prestations de base, qui doivent être publiées par chaque GRD. Chaque GRD devra, en outre, publier un catalogue de prestations supplémentaires avec leurs tarifs.
Cas particulier des GRD de rang 2
Un GRD est dit de rang 2 s'il est alimenté par l'intermédiaire du réseau d'un autre GRD. Cela signifie que, pour livrer un consommateur raccordé au réseau de ce GRD de rang 2, un fournisseur doit payer le tarif d'utilisation du premier réseau de distribution, puis celui du GRD de rang 2.
Afin d'éviter que l'addition de ces tarifs conduise à un prix final du gaz excessif et mette en cause la viabilité économique des GRD concernés, la CRE a retenu le principe d'une option tarifaire spéciale pour les points de livraison alimentant un GRD de rang 2. C'est pourquoi le tarif d'utilisation des réseaux de distribution de Gaz de Strasbourg prévoit une option tarifaire spéciale pour alimenter le GRD de rang 2 Gaz de Barr.
Développement des réseaux de distribution
Il est nécessaire de définir une méthode rationnelle de choix des investissements nouveaux dans les réseaux de distribution, fondée sur un critère de rentabilité minimale pour le GRD. La CRE attend des GRD qu'ils lui proposent une telle méthode avant l'entrée en vigueur de la présente proposition tarifaire.
C. - Hypothèses de quantités consommées en 2004
Il est nécessaire de faire des hypothèses sur les quantités de gaz qui seront consommées en 2004 pour définir des tarifs unitaires qui permettent de recouvrer les charges.
A partir des quantités de gaz effectivement consommées en 2002, les hypothèses de quantités consommées en 2004 dépendent de deux facteurs principaux : le rythme de développement des ventes de gaz et la définition d'une année climatique moyenne. Sur ces deux points, la situation de chaque gestionnaire de réseau de distribution est spécifique.
La CRE a retenu, pour l'évolution des quantités distribuées entre 2002 et 2004, les prévisions fournies par chaque GRD, qui sont celles utilisées dans leur gestion interne (établissement du budget annuel, etc.).
En ce qui concerne Gaz de France, les prévisions sont fondées sur un rythme de développement des quantités consommées de 2 % par an, et sur un changement de modèle climatique se traduisant par une diminution de la consommation de 7 TWh pour une année moyenne.
Les prévisions de quantités distribuées en 2004 sont les suivantes :
distribuées
Quantités
distribuées
Cas particulier de la Régie d'équipement et de gaz de la Vienne
Le réseau de la Régie d'équipement et de gaz de la Vienne a été mis en gaz récemment (2000) et est encore en phase de développement. L'essentiel des investissements a déjà été réalisé et se retrouve dans le niveau des charges à couvrir, mais les quantités de gaz livrées sont encore relativement faibles, même si elles vont croître rapidement dans les prochaines années.
La CRE a donc choisi de retenir, pour établir le tarif d'utilisation du réseau de cette régie, les quantités de gaz prévues pour 2006 et les charges d'exploitation correspondantes, ce qui permettra d'éviter, d'une part, que le premier tarif soit trop élevé, d'autre part qu'il subisse par la suite des variations trop importantes.
Il existe d'autres régies en phase de développement, mais elles n'ont pas été en mesure de présenter des comptes dissociés.
D. - Cas des entreprises locales de distribution
n'ayant pas présenté de comptes dissociés
Sont concernées les ELD suivantes :
Energies services Lannemezan ;
GAZELEC de Péronne ;
Régie d'électricité de Seyssel ;
Régie de Villard-Bonnot ;
Régie gaz électricité de Bonneville ;
Régie gaz électricité de Sallanches ;
Régie intercommunale d'énergies et de services du syndicat électrique du pays chartrain ;
Régie municipale d'énergie de Lavaur ;
Régie municipale de Saint-Avold ;
Régie municipale gaz électricité de Carmaux ;
Régie municipale multiservices de La Réole ;
Régies municipales d'Aire-sur-l'Adour ;
Régies municipales de Bazas.
Pour ces entreprises, qui n'ont pas été en mesure de présenter des comptes dissociés, la CRE a retenu un tarif commun. De façon à assurer un traitement non discriminatoire de toutes les ELD, le niveau de ce tarif commun est obtenu à partir de la moyenne des niveaux tarifaires des trois entreprises locales de distribution dont les quantités de gaz distribuées sont les moins élevées, parmi celles ayant présenté des comptes dissociés.
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