JORF n°303 du 31 décembre 2000

II. - Sur l'article 2

A. - L'article 2 a pour objet de tirer les conséquences de l'arrêt du 12 septembre 2000 par lequel la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que les péages perçus par les exploitants d'ouvrages de circulation routière, autres que les personnes morales de droit public agissant en qualité d'autorités publiques, devaient être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Jusque-là, une société concessionnaire exploitant une autoroute était considérée, en France comme dans plusieurs autres pays européens, comme le mandataire de l'Etat, dès lors que c'est pour le compte de ce dernier qu'elle a construit cet équipement public. Dans cette logique, les péages perçus à l'occasion de l'utilisation de cet équipement public n'étaient pas assujettis. En contrepartie, la société concessionnaire ne pouvait pas récupérer la TVA ayant grevé les travaux de construction.

Toujours selon la même logique, en sa qualité de mandataire de l'Etat, la société perçoit une rémunération pour la prestation qu'elle assure, et qui correspond aux charges d'exploitation. Le régime applicable jusqu'ici consistait donc à n'assujettir à la TVA que cette rémunération, qui correspond à une fraction du montant des péages perçus.

Le I de l'article 2 de la loi déférée abroge les dispositions actuelles. Les II à VI du même article précisent les modalités d'application aux sociétés concessionnaires des règles générales relatives aux « livraisons à soi-même ». Le VII précise la manière dont les principes qui régissent d'ores et déjà le règlement de ce genre de situation dans le passé trouvent à s'appliquer à ces sociétés, en remontant jusqu'au 1er janvier 1996.

Selon les sénateurs requérants, ces dispositions limitent le droit à un recours, en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et portent atteinte à la chose jugée par la CJCE. Le législateur validerait ainsi une doctrine administrative censurée par le juge administratif, sans motif d'intérêt général suffisant. Les requérants estiment d'ailleurs que le mécanisme rétroactif de compensation entre TVA due et crédits de TVA déductible n'est pas non plus justifié par l'intérêt général.

Les requérants considèrent, enfin, que ce dispositif se traduit par une rupture de l'égalité des sociétés devant les charges publiques, selon la date de mise en service de leurs ouvrages.

B. - Ces moyens ne sont pas fondés.

  1. En premier lieu, les dispositions contestées ne portent aucune atteinte à la chose jugée par la CJCE, non plus qu'au droit de chaque redevable d'exercer des voies de recours. Il ne s'agit pas davantage d'une validation législative.

Il s'agit seulement de tirer les conséquences d'une situation inédite : celle que constitue la condamnation, par la CJCE, d'une disposition nationale conduisant à ne pas soumettre à la TVA des opérations qui auraient dû être taxées.

a) Dans un souci de sécurité juridique, l'article 2 prévoit, pour l'essentiel, que ces opérations ne seront assujetties qu'à compter de 2001. Le VI du même article permet cependant d'appliquer le nouveau régime de livraison à soi-même, qui est avantageux pour les entreprises concernées, aux ouvrages mis en service à compter du 12 septembre 2000, la date ainsi retenue étant celle de l'arrêt de la CJCE qui a constaté le manquement.

Aucun montant de TVA n'est dû pour le passé, alors même qu'en théorie l'interprétation qui a ainsi été donnée de la directive du 16 mai 1977 signifie que les opérations en cause auraient dû être soumises à la taxe depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1979, du régime issu de la directive.

Toutefois, le régime de la TVA présente, pour les entreprises, l'avantage de réduire le coût effectif des différentes dépenses, y compris d'investissement, qui ont concouru à la réalisation de l'opération taxable : la TVA d' « amont » est récupérable, c'est-à-dire soit imputable sur la TVA due au titre des opérations que réalise l'entreprise, soit remboursable, s'il s'avère que le montant de la première est supérieur à celui de la seconde. Autrement dit, les entreprises qui, en aval, répercutent sur l'utilisateur du service - en l'espèce l'usager de l'autoroute - le montant de la TVA dont elles sont redevables à ce titre, ne supportent en amont, au titre des frais et charges liés à cette opération, qu'un coût ramené à un montant hors taxe.

C'est pourquoi les sociétés concessionnaires, désormais assujetties sur l'ensemble des péages perçus, auraient pu réclamer le remboursement de la TVA d'amont, au titre notamment d'investissements importants réalisés auparavant, le montant de cette TVA supportée sur les travaux pouvant être supérieur à celle due au titre des péages encaissés. Une telle demande aurait pu se réclamer des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, qui a entendu transposer les règles traditionnelles de la prescription quadriennale aux actions en restitution fondées sur la constatation, par une décision de justice, de la non-conformité de la règle de droit dont il avait été fait application à une règle supérieure, en particulier de droit communautaire.

On relèvera, à ce stade, que cette limitation, qui permet d'éviter des remises en cause remontant trop loin dans le passé, ne méconnaît aucun principe constitutionnel. Elle est d'ailleurs conforme au droit communautaire, ainsi que la CJCE vient de le rappeler dans un arrêt Roquette Frères SA du 28 novembre 2000, dès lors que la limitation de délai de l'action en restitution est raisonnable et s'applique dans les mêmes conditions, que le droit communautaire soit en cause ou non.

Mais conformément au droit commun de la compensation, tel qu'il est défini par l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale serait alors en droit d'objecter au demandeur que, sur la même période, il aurait dû verser la TVA au titre des mêmes opérations. Les sommes correspondant au droit à déduction éventuellement constaté au cours de la période considérée ne peuvent donc être remboursées que dans la mesure où elles sont supérieures au montant de taxe que l'entreprise en cause aurait en principe dû verser au titre de cette même période.

b) Si les dispositions contestées par les requérants ont été introduites au VII de l'article 2, c'est seulement pour préciser et clarifier la combinaison de ces différentes règles, dans le cas, inédit, où la décision de justice dont il s'agit de tirer les conséquences n'a pas constaté que des impositions ont été réclamées à tort - ce que le législateur avait essentiellement en vue lorsque la loi du 29 décembre 1989 a inséré les dispositions mentionnées plus haut dans l'article L. 190 - mais a, au contraire, jugé que des opérations avaient, à tort, échappé à l'impôt.

C'est ainsi que, pour le passé, le dispositif retenu consiste en principe à réputer que les sociétés sont assujetties, comme elles auraient normalement dû l'être si le droit communautaire avait été respecté, mais en ne remontant que jusqu'au 1er janvier 1996. En contrepartie, elles peuvent déduire la TVA ayant grevé leurs travaux réalisés depuis cette même date. Mais il faut alors distinguer deux hypothèses :

- dans le cas - qui est notamment celui des concessionnaires qui ont réalisé d'importants travaux au cours de la période considérée - où la taxe à déduire à ce titre sera supérieure à celle qui devait être acquittée, les sociétés concernées pourront alors obtenir le remboursement de l'excédent de TVA déductible ;

- si, au contraire, il s'avère que la TVA due sur les péages encaissés au cours de cette période est supérieure à celle qui aurait pu être récupérée, l'article 2 prévoit que la société concernée est dispensée de toute régularisation et n'a donc rien à verser au Trésor.

En résumé, plutôt que de replacer intégralement les sociétés concessionnaires dans la situation qui aurait dû être la leur, avec l'inconvénient de faire verser par certaines d'entre elles la TVA pour le passé, le législateur a pris acte de ce que les exploitants n'ont fait qu'appliquer les règles de TVA qu'il avait jusque-là fixées et, dans un souci de sécurité juridique, il a préféré laisser cette reconstitution de leur situation au regard de la TVA à la discrétion des seules sociétés qui y trouveront un intérêt financier.

Ce dispositif ne méconnaît donc pas la chose jugée par le CJCE, qui n'impliquait pas d'assujettir rétroactivement les entreprises concernées. Et en tant qu'il limite dans le temps la période sur laquelle elles peuvent éventuellement obtenir le remboursement d'un excédent de taxe déductible, ces dispositions ne portent - pas plus que les actuels articles L. 190 et L. 203 du livre des procédures fiscales - aucune atteinte au droit au recours des intéressées.

On précisera enfin que, contrairement à ce qui a été soutenu au cours des débats parlementaires, le mécanisme de régularisation prévu à l'article 226 de l'annexe II au code général des impôts n'aurait pu s'appliquer à l'hypothèse considérée. Ce mécanisme permet à une entreprise qui utilisait des investissements pour les besoins d'opérations légitimement exonérées de TVA de déduire une fraction de la TVA ayant grevé ces investissements lorsqu'elle décide finalement d'affecter ces derniers à la réalisation d'opérations taxées.

Or, dans le cas des exploitants d'ouvrages routiers, les investissements étaient affectés à la réalisation d'opérations considérées à tort comme non assujetties à la TVA alors qu'elles auraient dû, dès l'origine, être soumises à la taxe.

Cette distinction entre, d'une part, le régime applicable en cas de changement d'affectation d'une immobilisation d'une activité exonérée vers une activité imposée et, d'autre part, le régime applicable à une immobilisation initialement affectée à une activité située hors du champ d'application de la TVA et finalement affectée à une activité soumise à la taxe, s'impose à la France compte tenu de la position prise à ce sujet par la CJCE dans un arrêt Lennartz du 11 juillet 1991.

A la suite de cet arrêt, la Commission européenne a demandé en 1993 à la France de rapporter la mesure de tolérance administrative en vertu de laquelle les dispositions de l'article 226 de l'annexe II au CGI bénéficiaient à toutes les immobilisations initialement affectées à des activités non soumises à la TVA, que ces dernières aient été assujetties à la TVA et exonérées de cette taxe ou qu'elles n'aient pas été assujetties à la TVA. Il a été procédé à cette modification de la doctrine administrative par une instruction du 8 septembre 1994 (cf § 169 à 173 du BOI 3 CA-94).

  1. En second lieu, la disposition incriminée n'introduit aucune rupture d'égalité entre les sociétés concessionnaires.

Elle s'applique en effet à une catégorie homogène de contribuables, constituée par toutes les entreprises dont l'activité de mise à disposition à titre onéreux d'ouvrages de circulation routière n'était précédemment pas assujettie à la TVA et sera soumise à cette taxe à compter du 1er janvier 2001.

La circonstance que son application puisse, en pratique, avoir pour effet que toutes les entreprises de cette catégorie ne bénéficieront pas, en définitive, d'une restitution de taxe ne traduit aucune atteinte au principe d'égalité, dans la mesure où cet état de fait résulte des différences objectives de situation de chacune de ces entreprises au regard du fonctionnement de la taxe sur la valeur ajoutée.


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Version 1

II. - Sur l'article 2

A. - L'article 2 a pour objet de tirer les conséquences de l'arrêt du 12 septembre 2000 par lequel la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que les péages perçus par les exploitants d'ouvrages de circulation routière, autres que les personnes morales de droit public agissant en qualité d'autorités publiques, devaient être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Jusque-là, une société concessionnaire exploitant une autoroute était considérée, en France comme dans plusieurs autres pays européens, comme le mandataire de l'Etat, dès lors que c'est pour le compte de ce dernier qu'elle a construit cet équipement public. Dans cette logique, les péages perçus à l'occasion de l'utilisation de cet équipement public n'étaient pas assujettis. En contrepartie, la société concessionnaire ne pouvait pas récupérer la TVA ayant grevé les travaux de construction.

Toujours selon la même logique, en sa qualité de mandataire de l'Etat, la société perçoit une rémunération pour la prestation qu'elle assure, et qui correspond aux charges d'exploitation. Le régime applicable jusqu'ici consistait donc à n'assujettir à la TVA que cette rémunération, qui correspond à une fraction du montant des péages perçus.

Le I de l'article 2 de la loi déférée abroge les dispositions actuelles. Les II à VI du même article précisent les modalités d'application aux sociétés concessionnaires des règles générales relatives aux « livraisons à soi-même ». Le VII précise la manière dont les principes qui régissent d'ores et déjà le règlement de ce genre de situation dans le passé trouvent à s'appliquer à ces sociétés, en remontant jusqu'au 1er janvier 1996.

Selon les sénateurs requérants, ces dispositions limitent le droit à un recours, en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et portent atteinte à la chose jugée par la CJCE. Le législateur validerait ainsi une doctrine administrative censurée par le juge administratif, sans motif d'intérêt général suffisant. Les requérants estiment d'ailleurs que le mécanisme rétroactif de compensation entre TVA due et crédits de TVA déductible n'est pas non plus justifié par l'intérêt général.

Les requérants considèrent, enfin, que ce dispositif se traduit par une rupture de l'égalité des sociétés devant les charges publiques, selon la date de mise en service de leurs ouvrages.

B. - Ces moyens ne sont pas fondés.

1. En premier lieu, les dispositions contestées ne portent aucune atteinte à la chose jugée par la CJCE, non plus qu'au droit de chaque redevable d'exercer des voies de recours. Il ne s'agit pas davantage d'une validation législative.

Il s'agit seulement de tirer les conséquences d'une situation inédite : celle que constitue la condamnation, par la CJCE, d'une disposition nationale conduisant à ne pas soumettre à la TVA des opérations qui auraient dû être taxées.

a) Dans un souci de sécurité juridique, l'article 2 prévoit, pour l'essentiel, que ces opérations ne seront assujetties qu'à compter de 2001. Le VI du même article permet cependant d'appliquer le nouveau régime de livraison à soi-même, qui est avantageux pour les entreprises concernées, aux ouvrages mis en service à compter du 12 septembre 2000, la date ainsi retenue étant celle de l'arrêt de la CJCE qui a constaté le manquement.

Aucun montant de TVA n'est dû pour le passé, alors même qu'en théorie l'interprétation qui a ainsi été donnée de la directive du 16 mai 1977 signifie que les opérations en cause auraient dû être soumises à la taxe depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1979, du régime issu de la directive.

Toutefois, le régime de la TVA présente, pour les entreprises, l'avantage de réduire le coût effectif des différentes dépenses, y compris d'investissement, qui ont concouru à la réalisation de l'opération taxable : la TVA d' « amont » est récupérable, c'est-à-dire soit imputable sur la TVA due au titre des opérations que réalise l'entreprise, soit remboursable, s'il s'avère que le montant de la première est supérieur à celui de la seconde. Autrement dit, les entreprises qui, en aval, répercutent sur l'utilisateur du service - en l'espèce l'usager de l'autoroute - le montant de la TVA dont elles sont redevables à ce titre, ne supportent en amont, au titre des frais et charges liés à cette opération, qu'un coût ramené à un montant hors taxe.

C'est pourquoi les sociétés concessionnaires, désormais assujetties sur l'ensemble des péages perçus, auraient pu réclamer le remboursement de la TVA d'amont, au titre notamment d'investissements importants réalisés auparavant, le montant de cette TVA supportée sur les travaux pouvant être supérieur à celle due au titre des péages encaissés. Une telle demande aurait pu se réclamer des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, qui a entendu transposer les règles traditionnelles de la prescription quadriennale aux actions en restitution fondées sur la constatation, par une décision de justice, de la non-conformité de la règle de droit dont il avait été fait application à une règle supérieure, en particulier de droit communautaire.

On relèvera, à ce stade, que cette limitation, qui permet d'éviter des remises en cause remontant trop loin dans le passé, ne méconnaît aucun principe constitutionnel. Elle est d'ailleurs conforme au droit communautaire, ainsi que la CJCE vient de le rappeler dans un arrêt Roquette Frères SA du 28 novembre 2000, dès lors que la limitation de délai de l'action en restitution est raisonnable et s'applique dans les mêmes conditions, que le droit communautaire soit en cause ou non.

Mais conformément au droit commun de la compensation, tel qu'il est défini par l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale serait alors en droit d'objecter au demandeur que, sur la même période, il aurait dû verser la TVA au titre des mêmes opérations. Les sommes correspondant au droit à déduction éventuellement constaté au cours de la période considérée ne peuvent donc être remboursées que dans la mesure où elles sont supérieures au montant de taxe que l'entreprise en cause aurait en principe dû verser au titre de cette même période.

b) Si les dispositions contestées par les requérants ont été introduites au VII de l'article 2, c'est seulement pour préciser et clarifier la combinaison de ces différentes règles, dans le cas, inédit, où la décision de justice dont il s'agit de tirer les conséquences n'a pas constaté que des impositions ont été réclamées à tort - ce que le législateur avait essentiellement en vue lorsque la loi du 29 décembre 1989 a inséré les dispositions mentionnées plus haut dans l'article L. 190 - mais a, au contraire, jugé que des opérations avaient, à tort, échappé à l'impôt.

C'est ainsi que, pour le passé, le dispositif retenu consiste en principe à réputer que les sociétés sont assujetties, comme elles auraient normalement dû l'être si le droit communautaire avait été respecté, mais en ne remontant que jusqu'au 1er janvier 1996. En contrepartie, elles peuvent déduire la TVA ayant grevé leurs travaux réalisés depuis cette même date. Mais il faut alors distinguer deux hypothèses :

- dans le cas - qui est notamment celui des concessionnaires qui ont réalisé d'importants travaux au cours de la période considérée - où la taxe à déduire à ce titre sera supérieure à celle qui devait être acquittée, les sociétés concernées pourront alors obtenir le remboursement de l'excédent de TVA déductible ;

- si, au contraire, il s'avère que la TVA due sur les péages encaissés au cours de cette période est supérieure à celle qui aurait pu être récupérée, l'article 2 prévoit que la société concernée est dispensée de toute régularisation et n'a donc rien à verser au Trésor.

En résumé, plutôt que de replacer intégralement les sociétés concessionnaires dans la situation qui aurait dû être la leur, avec l'inconvénient de faire verser par certaines d'entre elles la TVA pour le passé, le législateur a pris acte de ce que les exploitants n'ont fait qu'appliquer les règles de TVA qu'il avait jusque-là fixées et, dans un souci de sécurité juridique, il a préféré laisser cette reconstitution de leur situation au regard de la TVA à la discrétion des seules sociétés qui y trouveront un intérêt financier.

Ce dispositif ne méconnaît donc pas la chose jugée par le CJCE, qui n'impliquait pas d'assujettir rétroactivement les entreprises concernées. Et en tant qu'il limite dans le temps la période sur laquelle elles peuvent éventuellement obtenir le remboursement d'un excédent de taxe déductible, ces dispositions ne portent - pas plus que les actuels articles L. 190 et L. 203 du livre des procédures fiscales - aucune atteinte au droit au recours des intéressées.

On précisera enfin que, contrairement à ce qui a été soutenu au cours des débats parlementaires, le mécanisme de régularisation prévu à l'article 226 de l'annexe II au code général des impôts n'aurait pu s'appliquer à l'hypothèse considérée. Ce mécanisme permet à une entreprise qui utilisait des investissements pour les besoins d'opérations légitimement exonérées de TVA de déduire une fraction de la TVA ayant grevé ces investissements lorsqu'elle décide finalement d'affecter ces derniers à la réalisation d'opérations taxées.

Or, dans le cas des exploitants d'ouvrages routiers, les investissements étaient affectés à la réalisation d'opérations considérées à tort comme non assujetties à la TVA alors qu'elles auraient dû, dès l'origine, être soumises à la taxe.

Cette distinction entre, d'une part, le régime applicable en cas de changement d'affectation d'une immobilisation d'une activité exonérée vers une activité imposée et, d'autre part, le régime applicable à une immobilisation initialement affectée à une activité située hors du champ d'application de la TVA et finalement affectée à une activité soumise à la taxe, s'impose à la France compte tenu de la position prise à ce sujet par la CJCE dans un arrêt Lennartz du 11 juillet 1991.

A la suite de cet arrêt, la Commission européenne a demandé en 1993 à la France de rapporter la mesure de tolérance administrative en vertu de laquelle les dispositions de l'article 226 de l'annexe II au CGI bénéficiaient à toutes les immobilisations initialement affectées à des activités non soumises à la TVA, que ces dernières aient été assujetties à la TVA et exonérées de cette taxe ou qu'elles n'aient pas été assujetties à la TVA. Il a été procédé à cette modification de la doctrine administrative par une instruction du 8 septembre 1994 (cf § 169 à 173 du BOI 3 CA-94).

2. En second lieu, la disposition incriminée n'introduit aucune rupture d'égalité entre les sociétés concessionnaires.

Elle s'applique en effet à une catégorie homogène de contribuables, constituée par toutes les entreprises dont l'activité de mise à disposition à titre onéreux d'ouvrages de circulation routière n'était précédemment pas assujettie à la TVA et sera soumise à cette taxe à compter du 1er janvier 2001.

La circonstance que son application puisse, en pratique, avoir pour effet que toutes les entreprises de cette catégorie ne bénéficieront pas, en définitive, d'une restitution de taxe ne traduit aucune atteinte au principe d'égalité, dans la mesure où cet état de fait résulte des différences objectives de situation de chacune de ces entreprises au regard du fonctionnement de la taxe sur la valeur ajoutée.