Sur le II. - B des observations du Gouvernement
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Le raisonnement gouvernemental ne tient pas compte de la réalité en se réfugiant derrière la loi organique. Le Sénat a refusé en effet l'augmentation du nombre des sénateurs mais n'a pas refusé une nouvelle répartition des sièges de sénateurs entre les départements et à effectif constant, ce qui relève de la loi ordinaire.
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Dès lors, on ne pouvait pas modifier les règles du scrutin, conformément à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, surtout en apportant une attention particulière aux données démographiques dans l'augmentation du nombre des délégués des communes sans modifier la répartition des sièges.
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Prendre en considération le seul critère du nombre des sénateurs pour modifier le mode de scrutin relève donc de l'arbitraire. Il en aurait été différemment si le critère retenu avait été la démographie et non le nombre de sièges. Le Sénat avait bien vu l'obstacle en proposant le scrutin proportionnel pour les départements qui élisent au moins quatre sénateurs. Dans ce cas, il y aurait eu autant de sénateurs élus dans les deux modes de scrutin. Le critère du nombre était donc complété par un autre critère objectif.
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Dès lors, le nouveau mode de scrutin porte atteinte au principe d'égalité. Des départements éliront leurs sénateurs au scrutin majoritaire alors que d'autres à population identique les éliront au scrutin proportionnel. Ce sera le cas de la Drôme, de Vaucluse, du Tarn ou de l'Aisne, qui élisent deux sénateurs, alors qu'à population sensiblement égale ou légèrement supérieure la Manche, le Doubs, la Côte-d'Or, etc., en éliront trois.
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Des anomalies encore plus flagrantes se manifestent à l'intérieur d'un même mode de scrutin. Des départements moins peuplés ont deux sénateurs alors que les départements plus peuplés en n'ont qu'un (cas de la Creuse face à l'Ariège ou au territoire de Belfort). Des départements à trois sénateurs sont plus peuplés que les départements à quatre (Oise, Hérault ou Var face à la Meurthe-et-Moselle ou l'Ille-et-Vilaine). Il en va de même pour les départements à quatre ou cinq sénateurs.
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Ainsi, la conjugaison de l'augmentation du nombre de grands électeurs, qui met en avant le principe démographique avec le changement du mode de scrutin qui n'obéit plus aux mêmes règles, démontre bien le caractère arbitraire de cette réforme qu'il appartiendra au Conseil constitutionnel de sanctionner.
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