JORF n°0082 du 7 avril 2024

Avis

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Avis de la CNCDH sur le droit au logement en France

Résumé La Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH) a publié un avis sur la situation du logement en France, soulignant l'aggravation du mal-logement malgré les lois et plans mis en place. L'avis met en lumière l'insuffisance des données, l'inadéquation de l'offre et de la demande, et les pratiques discriminatoires. La CNCDH appelle à des actions urgentes pour garantir le droit à un logement décent pour tous.

Assemblée plénière du 28 mars 2024
(Adoption à l'unanimité)
Table des matières

Partie 1. En 2024, les insuffisances persistantes dans le recueil des données sur le logement compromettent la pertinence de l'action publique
1.1. L'Etat ne dispose pas de données exhaustives et récentes relatives aux besoins des personnes sans domicile ou vivant dans un logement inadapté
1.1.1. Les services de l'Etat ne disposent pas de statistiques récentes sur les populations sans domicile
1.1.2. Les services de l'Etat ne disposent pas d'une connaissance précise et complète des besoins en logements sociaux en raison d'un manque de fiabilité des données du Système national d'enregistrement (SNE)
1.1.3. Depuis la dernière Enquête nationale du logement de 2013, les services de l'Etat n'ont pas publié de données exhaustives, récentes et accessibles sur les conditions de logement des ménages (qualité de l'habitat, surpeuplement, dépenses…)
1.2. L'Etat ne dispose pas d'une vision qualitative et quantitative exhaustive du parc des logements
1.2.1. Les offres de logements aux « publics prioritaires », encouragées par la loi Egalité et citoyenneté de 2017, sont mal connues
1.2.2. Les données sur les logements vacants sont imprécises
1.2.3. Le manque de données sur les logements accessibles aux personnes handicapées ou à besoins spécifiques (à mobilité réduite, mal‐voyantes, âgées ) participe d'un système discriminant dans l'accès au logement
1.2.4. La connaissance des logements indignes, et donc de l'étendue des rénovations à engager, reste très partielle
1.2.5. Dans les départements et régions d'Outre‐mer (DROM), particulièrement concernés par le mal‐logement, le déficit de données précises participe d'un système discriminant
Partie 2. Pourquoi le droit au « logement suffisant » régresse malgré des leviers d'actions pertinents
2.1. Une gouvernance complexe et instable compromet le droit au logement suffisant pour tous
2.2. Les choix politiques, économiques et budgétaires ne favorisent pas suffisamment la mise à disposition et la rénovation de logements adaptés aux besoins dans les zones tendues
2.2.1. La financiarisation croissante du logement freine le droit à un « logement suffisant »
2.2.1.1. L'augmentation du prix des logements, déconnectée de l'augmentation des revenus du travail, limite l'accès à la propriété
2.2.1.2. Les solutions expérimentées par les collectivités locales pour lutter contre le développement excessif des locations touristiques de courte durée exigent des évolutions législatives
2.2.2. Les choix budgétaires et politiques limitent la production de logements sociaux adaptés aux besoins des ménages aux revenus les plus bas
2.2.2.1. Le parc de logements sociaux adaptés aux ménages dont les revenus sont les plus faibles est insuffisant
2.2.2.2. Des tentatives de modification de définition du « logement social » remettent en cause l'objectif de protection sociale porté par la loi SRU
2.2.2.3. La loi SRU, bien qu'utile et même nécessaire, est insuffisamment mise en œuvre
2.2.2.4. Les projets de réhabilitations urbaines se heurtent à des obstacles qui freinent leur réalisation
2.2.2.5. La poursuite d'objectifs de mixité sociale dans le cadre du Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) peut aboutir à l'exclusion des habitants les plus pauvres des quartiers réhabilités
2.2.2.6. Les leviers utiles pour mobiliser les logements vacants et l'offre privée à vocation sociale sont encore trop peu activés
2.2.2.7. Développer l'accession sociale à la propriété pourrait permettre de limiter la gentrification et la spéculation immobilière et de libérer des logements locatifs sociaux
2.2.3. L'engagement de l'Etat pour l'amélioration de la qualité des logements ne profite pas de manière équitable à toute la population
2.2.3.1. L'engagement de l'Etat pour lutter contre « l'habitat indigne et très dégradé » dans le parc privé reste insuffisant face à l'ampleur du problème
2.2.3.2. Le parc social souffre d'un manque de rénovations et de réhabilitations
2.3. Le Logement d'abord, politique qui réaffirme le droit au logement, se heurte à des contradictions qui en limitent l'effet
2.4. L'accompagnement au logement, enjeu essentiel dans la politique publique du logement, est à soutenir et renforcer
Partie 3. L'augmentation du taux d'effort des ménages et l'insuffisante attribution des logements sociaux abordables aux demandeurs les plus pauvres engendrent une discrimination systémique
3.1. Le taux d'effort des ménages a continué d'augmenter pour les plus pauvres
3.1.1. Le logement, premier poste de dépense des Français, représente souvent une charge excessive pour les ménages aux revenus les plus bas qui ont vu leur taux d'effort augmenter
3.1.2. Les mesures de restrictions budgétaires concernant les aides au logement au cours de la période 2017‐2023 ont été décidées sans que soient suffisamment pris en compte leurs effets négatifs sur les ménages les plus pauvres
3.1.3. L'encadrement des loyers dans le logement privé est une mesure pertinente dont les effets sont encore insuffisants
3.1.4. Les loyers et les charges dans le logement social augmentent alors que de nombreux locataires des logements sociaux s'appauvrissent
3.1.4.1. Dans le logement social, les loyers tendent à se rapprocher du plafond fixé par convention entre le bailleur et l'Etat
3.1.4.2. Les charges locatives pèsent de façon importante dans le budget des ménages
3.1.5. Le surloyer dans le logement social demeure un dispositif à optimiser pour lutter contre le mal‐logement
3.1.6. La politique de prévention des expulsions pour impayés de loyer doit impérativement être renforcée
3.2. L'accès au logement social repose sur un processus d'attribution qui rend ineffectif le droit au logement convenable pour les ménages aux revenus les plus faibles
3.2.1. Des études tendent à montrer que les ménages les plus pauvres sont désavantagés dans l'accès au logement social
3.2.2. Le droit au logement opposable (DALO) est largement ineffectif
3.2.2.1. La baisse du taux de décision favorable est inquiétante.
3.2.2.2. Le pourcentage d'attribution de logements sociaux aux personnes reconnues prioritaires DALO est insuffisant
3.2.2.3. En cas d'injonction à reloger, le système de versement de l'astreinte exonère l'Etat de ses responsabilités
3.2.2.4. Mixité sociale et droit au logement risquent d'être mis en opposition
Conclusion

  1. Dans son précédent avis de 2016 sur le droit au logement (1), la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) s'inquiétait d'une « aggravation des situations personnelles de mal logement » en raison d'une « crise du logement » qui relevait « de la combinaison de multiples facteurs ». Alors que la France reconnaît pourtant l'accès au logement comme un droit fondamental depuis 1982 (2), que la loi du 31 mai 1990 dite loi « Besson » (3) réaffirme explicitement le droit à accéder à un « logement décent », reconnu comme un objectif constitutionnel (4), la Commission pointait en particulier, dans son analyse de la situation en 2016, « l'inadéquation de l'offre et de la demande », « l'application partielle et incertaine du droit en vigueur », des « stratégies de contournement » et des « pratiques discriminantes de certains acteurs locaux », qui représentaient « autant de freins à l'action des pouvoirs publics » à lever de manière urgente « pour permettre à tous d'accéder à un logement digne et mettre un terme aux situations de mal‐logement (5).
  2. Ce nouvel avis ne traitera volontairement pas de la question de l'hébergement d'urgence, elle aussi essentielle et directement en lien avec la problématique de l'accès au logement pérenne, mais qui ne peut se confondre avec elle. La CNCDH a choisi de se concentrer sur la problématique du mal‐logement et entend faire le bilan critique de décisions et d'actions mises en place depuis l'avis précédent, en s'appuyant sur le suivi des recommandations qu'elle portait dans son avis de 2016. Elle regrette, à titre liminaire, que la plupart de ces recommandations restent malheureusement d'actualité, alors que la situation s'est détériorée, comme le constatent les acteurs du monde du logement au fil de leurs rapports et prises de parole (6).
  3. Pourtant les lois, décrets et plans ont continué à se multiplier, sans parvenir à résoudre tous les problèmes posés par le mal‐logement : à la loi n° 2017‐86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté s'est ajoutée la loi n° 2018‐1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, puis la loi n° 2022‐217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, qui entendent proposer des améliorations pragmatiques dans la gestion du logement social, du prix du logement et de la lutte contre l'habitat indigne, en particulier contre les marchands de sommeil ; la loi n° 2021‐1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », et plusieurs décrets s'attaquent quant à eux notamment à la question de la rénovation énergétique ; pour leur part, les plans Logement d'abord invitent à un changement de paradigme pour lutter contre le sans‐abrisme, après la promesse d'Emmanuel Macron de juillet 2017 (7) que plus personne ne dorme à la rue « d'ici la fin de l'année ».
  4. Depuis 2017, la question du mal‐logement en France a fait l'objet de plusieurs interpellations des représentants des Nations unies. A la suite de sa visite en avril 2019, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable, Leilani Farha, a porté un regard très critique (8) : « En tant que 7e économie mondiale, avec une longue tradition de logement social et de droits humains, il est difficile de justifier les conditions de logement vécues par les plus vulnérables en France ». En mars 2023, à l'occasion de l'examen de la loi n° 2023‐668 du 27 juillet 2023 visant à défendre les logements contre l'occupation illicite, deux rapporteurs spéciaux de l'ONU, le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, ainsi que sur le droit à la non‐discrimination à cet égard, Balakrishnan Rajagopal, et le Rapporteur spécial sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme, Olivier De Schutter, ont eux aussi fait part de leurs inquiétudes et rappelé la France au respect de ses engagements internationaux (9). A cette occasion, la CNCDH, par la voix de son président (10), alertait sur la remise en cause « du droit au respect du domicile » garanti par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme relative à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme (11).
  5. Plus récemment, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, dans ses observations finales adoptées le 13 octobre 2023 (12) à la suite de l'examen de la France, réitère « sa préoccupation face à la pénurie persistante de logements convenables » et recommande à la France « de mener une révision de ses politiques en matière de logement afin de répondre efficacement aux besoins de logement de la population en particulier des individus et des groupes défavorisés et marginalisés », une préoccupation exprimée également lors du 4e cycle de l'Examen périodique universel dans les recommandations adressées à la France (13).
  6. Alors que ces situations régulièrement dénoncées engendrent des coûts sociaux et économiques (14) importants et mettent en péril le respect des droits humains qui repose sur l'effectivité des droits, le logement n'a pas été considéré dans le discours politique de ces dernières années comme une priorité de l'action publique française. Si les déclarations de la Première ministre Elisabeth Borne à Dunkerque le 16 novembre 2023 (15) et l'annonce d'un nouveau plan de soutien au secteur du logement a pu sembler relancer une meilleure dynamique, le discours de politique générale du 30 janvier 2024 du Premier ministre Gabriel Attal, loin de répondre aux nombreuses attentes du secteur, a soulevé de nouvelles inquiétudes. Il conviendrait pourtant de prendre la mesure de la gravité de la crise en cours et des conséquences qu'elle peut entraîner pour l'ensemble de la société. Le logement ne peut en effet être considéré comme un simple bien marchand ou une variable d'ajustement budgétaire.
  7. La CNCDH rappelle que le droit à un logement convenable, inscrit comme un des droits fondamentaux dans la Déclaration universelle des droits de l'homme (art. 25) (16), le Pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels (art. 11) (17), la Convention européenne des droits de l'homme (art. 8) (18) et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (art. 34) (19), conditionne l'exercice des autres droits fondamentaux, en particulier le droit à la vie privée et familiale, à la santé (20), au travail, à la sécurité et à l'éducation. Faire en sorte qu'il soit une réalité et que tous et toutes aient accès à un logement digne et décent doit être considéré comme une priorité de l'action publique et un investissement nécessaire pour la cohésion sociale.
  8. L'avis s'intéressera pour commencer à la connaissance de l'offre de logements décents et abordables et à l'évaluation de la demande (partie 1), ainsi qu'aux moyens engagés et aux leviers exploités pour résoudre la problématique du mal‐logement (partie 2). L'avis portera ensuite sur la persistance et même l'aggravation de la situation des plus pauvres, du fait d'un coût excessif du logement ponctionnant déraisonnablement le reste à vivre, et de l'insuffisante attribution des logements sociaux abordables aux demandeurs les plus pauvres, malgré le Droit au logement opposable (partie 3) ‐ difficultés qui peuvent s'apparenter à une forme de discrimination systémique (21).
  9. L'avis présente de nombreuses recommandations afin de rendre plus effectif le droit au logement, conformément à nos engagements internationaux.

Partie 1
En 2024, les insuffisances persistantes dans le recueil des données sur le logement compromettent la pertinence de l'action publique

  1. Afin de répondre au problème du mal logement en faisant des choix de moyen et long terme adaptés, il convient d'avoir des connaissances actualisées des données territoire par territoire, et problématique par problématique. Le fait de pouvoir s'appuyer sur des données à jour est d'autant plus nécessaire que le domaine du logement repose sur des travaux de planification, pour prévoir construction et réhabilitation. Malgré des progrès notables des outils de la statistique publique, l'existence de plusieurs enquêtes nationales et le travail de différentes instances chargées de recueillir et d'analyser les données du logement (22), ces dernières, qui, comme le note la Cour des Comptes dans un référé de 2022 (23), devraient être « exhaustives, récentes et accessibles », ne répondent pas à ces exigences requises et peuvent manquer de fiabilité.
  2. Le mal logement revêt en particulier des aspects qualitatifs provenant d'une évolution profonde et diversifiée des besoins de la population, aspects insuffisamment analysés et pris en compte. Deux exemples peuvent en être donnés : d'une part, l'évolution des formes de la famille et de l'exercice de la parentalité (familles monoparentales, familles recomposées, développement de la garde alternée…) ; d'autre part, le virage domiciliaire attendu par les personnes en limite d'autonomie (personnes en situation de handicap et personnes âgées dépendantes).

1.1. L'Etat ne dispose pas de données exhaustives et récentes relatives aux besoins des personnes sans domicile ou vivant dans un logement inadapté

  1. Chiffrer la réalité est un processus complexe qui implique de recueillir et de croiser plusieurs types de données. Or les différentes enquêtes et sources exploitables, nationales ou locales, ne fournissent pas toutes des données à la fiabilité comparable et ne décrivent pas
    forcément les mêmes éléments, ce qui rend leur utilisation croisée délicate. Les profils des demandeurs et donc des besoins à combler potentiellement, restent mal connus (24).

1.1.1. Les services de l'Etat ne disposent pas de statistiques récentes sur les populations sans domicile

  1. L'évaluation précise du nombre de personnes sans logement personnel est très difficile à réaliser compte‐tenu de la mobilité des personnes et de la diversité des situations (dont certaines invisibilisées dans les décomptes, comme celle des personnes hébergées par des tiers). Les différents décomptes menés localement (25), associés aux données des dispositifs d'accueil d'urgence, des services d'hébergement et de la plateforme « Résorption‐bidonvilles » (26), ne permettent que de faire une approximation du phénomène (27). En l'absence de nouvelle enquête nationale menée sur le sans‐abrisme depuis celle de 2012 (28), la Fondation Abbé Pierre mène chaque année un travail essentiel en proposant une estimation dans son Rapport sur l'état du mal‐logement en France (29), faute de données récentes produites par les services de l'Etat. La troisième enquête Sans Domicile, pilotée par L'INSEE et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), prévue pour 2025, permettra vraisemblablement de fournir une estimation plus affinée du nombre de personnes sans domicile et de « décrire les difficultés d'accès au logement, ainsi que les trajectoires ayant amené les personnes à la situation de sans‐domicile » (30).
  2. La CNCDH ne peut que regretter la trop faible périodicité de cette enquête essentielle. Elle suivra avec intérêt les évolutions de la proposition de loi n° 861 visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune (31), déposée le 6 juillet 2023 et adoptée en première lecture par le Sénat le 24 janvier 2024, qui vise à prévenir et à mieux combattre le sans‐abrisme en instaurant un recensement annuel par toutes les communes et un décompte annuel de nuit dans les grandes agglomérations.
  3. La Commission insiste ici sur le fait que mettre en place une offre de logement adaptée aux besoins, dans l'esprit du Logement d'abord (32), nécessite une statistique publique qui permette de progresser dans la connaissance des populations privées de domicile personnel et de leur situation (hébergement chez un tiers, occupants sans droit ni titre vivant en campement, bidonvilles et squats, sans‐abris, à la rue, etc.) et garantisse l'actualisation régulière et fréquente des données.
    Recommandation n° 1 : la CNCDH recommande d'améliorer le suivi statistique public quantitatif et qualitatif des personnes sans domicile et d'en renforcer la fréquence pour aider à l'élaboration d'une vraie politique du « logement d'abord », qui vise à faire passer directement de la rue au logement, sans passer par l'hébergement.

1.1.2. Les services de l'Etat ne disposent pas d'une connaissance précise et complète des besoins en logements sociaux en raison d'un manque de fiabilité des données du Système national d'enregistrement (SNE)

  1. Parmi les éléments pouvant expliquer ce manque de fiabilité des données (33), leur caractère déclaratif peut engendrer des erreurs ou des omissions, volontaires ou non, des demandeurs : ceux‐ci peuvent éprouver des difficultés à se repérer dans le processus complexe de l'inscription et ne pas parvenir à faire de mises à jour, avoir des revenus instables, ou encore considérer à tort qu'une minoration ou une majoration de leurs revenus pourra faire avancer leur demande. C'est pourtant sur ces données que l'on s'appuie pour calculer, en fonction des territoires, le seuil de « niveau de ressources le plus élevé du quartile des demandeurs aux ressources les plus faibles parmi les demandeurs » (34). La mise en place du numéro unique national, prévue par la loi n° 2017‐86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, pourrait peut‐être permettre un recoupement automatique des ressources du demandeur ; mais son déploiement a été retardé (35). Des doublons peuvent également persister dans le système (36). Enfin, comme le note la Cour des comptes (37), le SNE « ne permet ni d'identifier les demandes répondant aux critères de priorité, ni de repérer les publics prioritaires au titre d'un plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées ou d'accords collectifs intercommunaux ».
  2. Des solutions doivent être trouvées dans l'attente d'un interfaçage (c'est‐à‐dire une mise en relation des données) sécurisé avec d'autres systèmes d'informations comme ceux de la Direction générale des finances publiques ou de la Caisse nationale d'allocations familiales, qui permettrait, selon la Cour des comptes, de « renseigner le revenu fiscal de référence déclaré par les demandeurs et de connaître, grâce à la caisse d'allocations familiales, les allocations sociales à prendre en compte par les bailleurs lors du calcul du taux d'effort » - y compris les aides au logement. Il conviendrait par exemple que les données inexactes soient corrigées et mises à jour (38) au moment de l'attribution par les bailleurs (39). Il faudrait, pour une meilleure transparence des données et des pratiques, que l'outil soit plus ergonomique pour faciliter l'actualisation des données et réponde davantage aux besoins des bailleurs sociaux, qui, comme le note la Cour des comptes (40), « préfèrent, dans la plupart des cas, utiliser leur propre logiciel de gestion pour les attributions ».
  3. Par ailleurs, le SNE est complexe pour les personnes concernées par l'illectronisme (8 millions de personnes, soit 15 % des Français) (41) ou ayant besoin d'aide et d'accompagnement dans la gestion des tâches administratives. Le maintien de bureaux enregistreurs, et leur création dans les territoires qui en manquent (42) sont donc nécessaires.
  4. Enfin, il importe, pour affiner les besoins de logements au niveau territorial, que les services préfectoraux transmettent aux communes les données issues du Système national d'enregistrement, comme le suggère l'Union sociale pour l'habitat dans ses propositions pour le Conseil national de la refondation (CNR) logement (43). Cela devrait se faire dans le cadre de l'établissement des documents locaux d'urbanisme, organisés en un dossier connu sous le terme de « porter à connaissance » (art. L. 132‐1 à L. 132‐4 du code de l'urbanisme).
    Recommandation n° 2 : la CNCDH recommande :

- une mise à jour effective des données du système national d'enregistrement des demandes de logement social (SNE) par les bailleurs à l'occasion de la décision d'attribution ;
- l'ouverture de bureaux enregistreurs de demande de logement social en nombre suffisant sur tout le territoire ;
- la réalisation d'un bilan annuel de l'utilisation du SNE par l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) : mise à jour des données par les bailleurs, évolutions des saisies dans les bureaux enregistreurs.

Recommandation n° 3 : la CNCDH recommande, à la suite des propositions de l'Union sociale pour l'habitat pour le Conseil national de la refondation ‐ logement, que les services préfectoraux communiquent « une fois par an aux Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes un “porter à connaissance” » les encourageant à effectuer l'analyse de la demande à leur échelle.

1.1.3. Depuis la dernière Enquête nationale du logement de 2013, les services de l'Etat n'ont pas publié de données exhaustives, récentes et accessibles sur les conditions de logement des ménages (qualité de l'habitat, surpeuplement, dépenses…)

  1. L'Enquête nationale logement (ENL), menée depuis 1955 par l'INSEE, qui permet de mieux cerner l'état du parc des résidences principales, les conditions de logement des ménages (44) (qualité de l'habitat, sous et sur‐occupation (45), dépenses en logement…) et leurs évolutions, est une source d'information essentielle pour la statistique publique et la politique du logement. Reconnue d'intérêt général et de qualité statistique, avec caractère obligatoire, mais coûteuse, elle souffre de ne pas être exigée par un règlement européen (46), ce qui a pu nuire à la fréquence de sa programmation ces dernières décennies. Réalisée en moyenne tous les 4 à 6 ans jusqu'à 2006, elle n'a ensuite été programmée qu'en 2013, puis en 2020‐2021 (47) (enquête réalisée en France métropolitaine uniquement par le service des données et études statistiques et non par l'INSEE pour cette édition) et enfin en 2023‐2024 de nouveau, avec une méthodologie modifiée (48).
  2. La CNCDH espère que l'ENL sera désormais de nouveau réalisée, dans le respect de sa périodicité d'origine et qu'il sera bientôt possible d'obtenir des données territoriales plus précises. Elle souligne à ce titre l'avancée que peut constituer, depuis 2016, la mise en place du dispositif Fideli ou « Fichier Démographique d'origine fiscale sur les Logements et les Individus », qui permet d'apparier sources fiscales (49) sur les personnes et informations sur le logement, rendant ainsi possible des analyses territoriales.
    Recommandation n° 4 : la CNCDH recommande, compte‐tenu de l'importance de l'Enquête nationale logement pour la connaissance du logement en France :

- qu'elle soit inscrite de façon prioritaire dans la programmation de la statistique publique ;
- que sa périodicité - initialement prévue pour être reproduite tous les 4 à 6 ans - soit respectée ;
- qu'elle soit toujours déclinée à la fois en France métropolitaine et dans les départements d'outre‐mer ;
- que ses données puissent être exploitées territoire par territoire.

1.2. L'Etat ne dispose pas d'une vision qualitative et quantitative exhaustive du parc des logements

  1. L'état de l'offre potentiellement disponible, y compris dans le contingent de l'Etat, est lui aussi imparfaitement connu, et l'articulation entre le niveau national et local reste complexe.

1.2.1. Les offres de logements aux « publics prioritaires », encouragées par la loi Egalité et citoyenneté de 2017, sont mal connues

  1. L'ensemble du dispositif du droit au logement pour les « publics prioritaires » repose sur le principe de réservations. Avec la loi n° 2017‐86 du 27 janvier 2017 Egalité et Citoyenneté, les bénéficiaires des logements sociaux (c'est‐à‐dire les financeurs, soit les bailleurs, les employeurs, les collectivités, l'Etat) doivent désormais chacun réserver 25 % des logements qui leur sont attribués aux demandeurs bénéficiant du Droit au logement opposable (DALO) ou à défaut, prioritaires en application de l'art. L. 441‐1 du code de construction et de l'habitat (CCH). La CNCDH regrette l'absence de synthèse et d'analyse de l'offre de logements sociaux aux publics prioritaires telle qu'encouragé par la loi de 2017.
  2. Pour ce qui est plus spécifiquement de l'offre de logements au titre du DALO, la CNCDH avait rappelé dans son avis de 2016 à la fois l'avancée qu'avait représentée le DALO et le manque d'efficacité du dispositif. Depuis, plusieurs rapports pointent sa « dégradation » (50) et son « enlisement » (51).
  3. Parmi les problèmes recensés, un important rapport (52) d'octobre 2023 du Haut Comité pour le droit au logement (HCDL) souligne la méconnaissance d'une partie significative du contingent préfectoral « réservé DALO ». Aucun bilan national d'identification et de gestion de ce contingent (53) n'est aujourd'hui disponible, un problème qui n'est pas récent puisque fin 2016, le rapport de la mission Carlotti, « L'effectivité du Droit au logement Opposable dans 14 départements » (54), faisait déjà observer que « les contingents de logement de l'Etat ne se trouvaient pas correctement identifiés dans tous les territoires, et des centaines d'attributions échappaient ainsi aux services de l'Etat entraînant de trop nombreuses condamnations pour absence de proposition de logement dans les délais légaux ».
  4. A partir de la loi n° 2018‐1021 du 23 novembre 2018, dite loi ELAN, « le législateur a souhaité fluidifier la gestion des attributions de logement social et atteindre une meilleure adéquation entre les publics et les logements grâce à une gestion en flux annuel des contingents des différents réservataires, portant sur un nombre d'attributions et non sur une détermination physique des logements. Il sera ainsi mis fin au cloisonnement induit par le système de réservation actuel qui découpe le parc social en logements désignés par réservataire » (55). La loi n° 2022‐217 du 21 février 2022 (dite loi 3DS) relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a acté une mise en œuvre au 24 novembre 2023. Alors que le passage, fin 2023, d'une gestion en stock à une gestion en flux (56) implique d'avoir une visibilité précise de l'ensemble des logements disponibles, le Haut Comité pour le droit au logement (HDCL) constate que les outils de suivi qui peuvent être utilisés pour identifier le contingent préfectoral risquent d'engendrer des « défaillances » tandis que « l'interfaçage » (mise en relation des données) entre les différents systèmes d'information fonctionne mal (57).
  5. La CNCDH salue en revanche la possibilité ouverte par cette mesure, via le flux de logements bénéficiant à la préfecture, de réattribuer 25 % des logements disponibles dans le parc social (neufs ou libérés) aux publics prioritaires. Cette mesure qui semble prometteuse, mais sur laquelle le recul est encore insuffisant, devra faire l'objet d'une évaluation régulière.
    Recommandation n° 5 : la CNCDH recommande aux préfets, à l'occasion du passage de la gestion par stocks des logements des organismes réservataires à la gestion en flux, de produire annuellement les bilans des attributions aux publics prioritaires.

1.2.2. Les données sur les logements vacants sont imprécises

  1. Plusieurs sources essaient de préciser les caractéristiques du « parc vacant » (58), les causes multiples qui l'engendrent et les formes diverses qu'il peut prendre. Dans le cadre du Plan national de lutte contre les logements vacants (59), un jeu de données (60) sur les logements vacants « par ancienneté de vacance, par commune et par établissement public de coopération intercommunale (EPCI) » a été mis en place par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) (61). Les données (62) sont accessibles aux collectivités territoriales à des fins d'objectivation et « de prise de contact avec les propriétaires pour leur proposer des solutions incitatives de remise sur le marché » ; mais cette démarche ne semble pas conçue pour permettre un suivi actualisé. Le site web « Pas De Vacances Pour La Vacance » (PDV) (63), en cours de développement par le gouvernement, propose, en s'appuyant sur ces données collectées, une observation de la vacance des logements à l'échelle de toute la France pour permettre « un décryptage rapide du contexte » et mettre « en lumière les existants d'un territoire », avec cette précaution méthodologique : « PDV est une représentation de données issues de sources variées aux méthodologies différentes(…) ; il ne saurait en aucun cas être exhaustif et 100 % fiable ».
  2. Centré sur la vacance des logements dans le parc social, un rapport réalisé par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CRÉDOC) pour l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) en 2022 (64) note par ailleurs que les outils utilisés par les bailleurs sociaux pour leur gestion du phénomène, très divers, ne permettent pas tous un suivi et une transmission fiables des données au sein de l'organisation.
  3. Un recensement local effectué selon la méthodologie présentée dans le Guide sur la lutte contre la vacance publié fin 2018 par le réseau national des collectivités mobilisées contre le logement vacant (RNCLV) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) (65) serait un bon complément aux données existantes.
    Recommandation n° 6 : la CNCDH recommande aux collectivités d'élaborer, sur des secteurs tendus, des diagnostics permettant de quantifier et qualifier le phénomène de la vacance. Elle conseille en particulier de mettre en place un recensement en suivant la méthodologie préconisée dans le Guide sur la lutte contre la vacance publié fin 2018 par le réseau national des collectivités mobilisées contre le logement vacant (RNCLV) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), afin de garantir la précision et l'harmonisation du recueil des données, ainsi que leur comparabilité.

1.2.3. Le manque de données sur les logements accessibles aux personnes handicapées ou à besoins spécifiques (à mobilité réduite, mal‐voyantes, âgées…) participe d'un système discriminant dans l'accès au logement

  1. Le nombre de logements accessibles PMR (pour les personnes à mobilité réduite, ce qui inclut à la fois des personnes en situation de handicap et des personnes vieillissantes) sur le territoire, avec un suivi de leur occupation, n'est pas connu. Dans un avis de 2018 (66), le Défenseur des droits souligne l'absence de statistiques officielles sur les logements accessibles, autre qu'une évaluation du nombre d'appartement en rez‐de‐chaussée ou desservis par un ascenseur - évaluation qui est loin de répondre précisément aux enjeux - et d'un recensement (partiellement et inégalement réalisé faute de moyens) des logements accessibles laissé à l'initiative des commissions communales ou intercommunales d'accessibilité pour les personnes handicapées dans les communes de plus de 5 000 habitants (67).
  2. En 2016 a été créée la base de données IMOPE (68). Cette base visait à regrouper toutes les données géolocalisées et en open data concernant le bâtiment (énergie, urbanisme, risques, occupation…). Elle a été portée au départ par les partenaires publics intéressés (69), avec des aides publiques à la recherche, sous l'égide de l'Ecole nationale des mines de Saint‐Etienne (70). L'Observatoire national du bâtiment, récemment créé, dans la continuité d'IMOPE, vise plus spécifiquement les données propres aux bâtiments. La CNCDH regrette qu'une recherche par mots‐ clés « accessibilité » ou « handicap » ne donne pas de résultats (71). Ces données ne permettent par ailleurs pas de connaître vraiment l'évolution de l'offre en temps réel (72).
  3. La CNCDH attire l'attention sur la nécessité de développer une connaissance précise de l'offre de logements accessibles sur le plan quantitatif comme qualitatif, pour enfin garantir l'accès effectif des personnes à besoins particuliers à un logement qui leur soit adapté (73), prévu par la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées que la France a ratifiée.
    Recommandation n° 7 : la CNCDH recommande, à la suite du Défenseur des droits, de finaliser le recensement de l'offre de logements adaptés aux différents types de handicap, en particulier :

- en faisant apparaître dans les bases de données et fichiers relatifs à la construction de logements neufs des informations précises ;
- en recueillant des informations sur l'accessibilité dans le cadre de l'Enquête nationale logement et en ajoutant un volet dans les diagnostics exigés pour les nouvelles mises en location ;
- en précisant obligatoirement l'offre de logements adaptés disponibles, par typologie de logement, dans l'ensemble de l'offre de logements sociaux disponibles mise en ligne par les bailleurs.

1.2.4. La connaissance des logements indignes, et donc de l'étendue des rénovations à engager, reste très partielle

  1. En premier lieu, les études sur le logement indigne souffrent de la concurrence de plusieurs définitions, qui recouvrent des critères et des risques différents.
  2. L'habitat indigne est défini tout d'abord par la loi n° 2009‐323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (dite « loi MOLLE ») (74). L'indignité y recouvre tant des risques d'atteintes à la sécurité (75) que des risques d'atteintes à la santé (76) : on parle également d'insalubrité ; cette notion a fait l'objet de précisions dans le code de la santé publique (77) à la suite du décret n° 2023‐695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation et assimilé ; suite à la parution de ce décret, certaines associations de défense du droit au logement se sont par ailleurs inquiétées du risque de régressivité des critères de salubrité (78), précédemment décrits dans les règlements sanitaires départementaux.
  3. La notion de « décence » du logement inclut la dignité et permet de spécifier les éléments nécessaires à la mise en location d'un logement : surface minimale, absence de risque pour la sécurité et la santé du locataire, absence d'animaux nuisibles et de parasites, performance énergétique minimale, mise à disposition de certains équipements. Les décrets n° 2017‐312 du 9 mars 2017 et n° 2002‐120 du 30 janvier 2002 relatifs aux caractéristiques du logement décent, viennent ainsi préciser les caractéristiques d'un logement décent - qui doit être protégé contre les infiltrations d'air, permettre une aération suffisante (79), ne pas dépasser un certain seuil de consommation d'énergie (80) ainsi que respecter les normes en matière de sécurité et d'équipement sanitaire (81).
  4. Ces définitions ont une importance particulière pour les allocataires des aides personnalisées au logement : la caisse d'allocation familiale peut dans les cas d'indécence retenir l'aide en ne la versant ni au bailleur, ni au locataire.
  5. Il n'existe pas de recensement public du parc des logements indécents, en dehors de celle des logements et immeubles frappés par un arrêté de traitement de l'insalubrité ou par un arrêté de mise en sécurité (82). La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) (83) ne peut produire que des estimations. L'enquête sur les conditions de logement des ménages effectuée en 2020 auprès des ménages rend compte de leur perception (84).
  6. Pour affiner la connaissance du parc privé de logements indignes, un fichier du « Parc privé potentiellement indigne » (85) a bien été développé par l'Agence de l'habitat (ANAH) et le ministère de la cohésion des territoires. Basé sur des estimations statistiques construites à partir du fichier des logements à la commune (FILOCOM), « seule source d'informations statistique permettant de croiser les caractéristiques du logement avec celles des occupants » (86), il s'appuie sur des remontées malheureusement sporadiques (87) et ne permet pas de quantification précise, mais seulement de définir une « géographie du risque et des priorités pour agir dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne » (88).
  7. D'autres sources d'informations, directes ou indirectes, peuvent également être utilisées et compilées. Les diagnostics obligatoires opérés au moment des transactions immobilières et vérifiés par les notaires au moment d'une vente (89), qui incluent désormais le diagnostic de performances énergétiques, dont les résultats sont centralisés par l'Agence de la transition écologique (ADEME) (90), apportent des informations précises et fiables (91), mais qui ne concernent que le moment de la transaction immobilière ; elles ne prennent pas en compte la notion de décence du logement sous tous ses aspects. Lorsqu'on sort de cette situation bien encadrée, les données sont en revanche déclaratives et incomplètes : les informations manquent par exemple trop souvent pour les logements occupés par une même personne sur des temporalités longues.
  8. Pour ce genre de cas de figure, on peut s'appuyer sur des données locales récoltées à l'initiative de certaines municipalités (92), par des directions régionales et interdépartementales de l'hébergement et du logement (93), ou encore par les bilans d'actions des différents centres communaux d'action sociale (CCAS). De manière générale, afin d'améliorer la précision du repérage, un effort complémentaire de la part des collectivités territoriales semble nécessaire afin que soit vérifiée la décence des logements et que les logements non conformes notamment en termes de santé publique puissent être tous identifiés.
  9. Depuis son développement en 2020 et son déploiement progressif à partir de 2021, il est également possible aux particuliers de certains territoires (94) de déclarer une situation de mal‐ logement sur le site d'Histologe (95). L'objectif est d'avoir terminé la couverture nationale de la plateforme d'ici 2025. Toujours déployée en version test, elle reste peu connue du grand public et n'a pas fait l'objet d'une grande campagne de communication nationale.
  10. Il serait pertinent, comme le recommande le rapport de la mission Lutz‐Hanotin « relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne » (96), de pouvoir s'appuyer sur des diagnostics complémentaires rendus obligatoires - au niveau des copropriétés ainsi qu'en vue de la mise en location - afin de compléter les données disponibles et de pouvoir prendre des mesures efficaces et rapides dans les situations qui l'imposent (97). Une piste pourrait consister à encourager les communes à déterminer les quartiers identifiés comme sensibles sur ce plan et d'y mettre en place une procédure de permis de louer.
  11. La loi n° 2014‐366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR) portait une ambition quant à la résorption de l'indécence. Elle permet aux établissements de coopération intercommunale (EPCI) et aux communes volontaires de définir des secteurs géographiques, voire des catégories de logements ou ensembles immobiliers au sein de secteurs géographiques, pour lesquels la mise en location d'un bien par un bailleur est soumise à une autorisation préalable qui donne lieu à un permis de louer, ou à une déclaration consécutive à la signature du contrat de location. Zones, catégories et caractéristiques des logements doivent être en cohérence avec le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) et le programme local de l'habitat (PLH) (98). La loi du 23 novembre 2018 dite loi ELAN a toutefois exclu du champ de mise en œuvre du permis de louer les logements mis en location par un organisme de logement social (99). S'il n'existe pas de statistiques officielles, la Banque des Territoires faisait état de 400 communes ayant instauré le permis de louer en mars 2022 ; le dispositif concernerait plus de 500 communes en 2024. La commune de Grigny dans l'Essonne s'en est par exemple saisie pour lutter contre les marchands de sommeil (100).
    Recommandation n° 8 : la CNCDH recommande de mettre en œuvre toutes les mesures permettant de mieux connaître le parc indécent, tant dans le secteur privé que dans celui du logement social. Elle invite en particulier à généraliser le permis de louer dans toutes les zones identifiées comme sensibles par les collectivités.

1.2.5. Dans les départements et régions d'outre‐mer (DROM), particulièrement concernés par le mal‐logement, le déficit de données précises participe d'un système discriminant

  1. Compte‐tenu de l'importance de la problématique du mal‐logement dans les outre‐mer (101), la CNCDH souhaite attirer ici tout particulièrement l'attention sur le déficit de données précises, fiables et actualisées pour les DROM (102), nécessaires pour mettre en place une politique adaptée aux spécificités de chaque territoire. Alors que 85 % de la population des DROM loge dans le secteur privé, ce secteur reste malheureusement peu connu et « exclu des suivis de données » (103) ; on estime cependant à plus de 110 000 le nombre d'habitats indignes (104), un nombre « sans commune mesure avec la métropole » comme le note le plan Logement outre‐mer 2019‐2022 (105) ; la Fondation Abbé Pierre, qui regrette le caractère incomplet des indicateurs disponibles, estime quant à elle « à près de 600 000 les personnes qui souffrent du mal‐logement ou de l'absence de logement personnel, soit près de 3 habitants ultramarins sur 10 » (106).
  2. Dans un tel contexte, les données d'une nouvelle enquête nationale se font attendre depuis 2013 - l'enquête de 2020 réalisée par le SDES n'ayant pu prendre en compte les outre‐mer. Après l'échec du plan Logement outre‐mer 2015‐2019 (107), le plan 2019‐2022 insiste, dans son axe 1, sur la nécessité de mieux connaître les besoins pour ajuster les dépenses publiques et prévoit notamment qu'une partie des budgets soit consacrée à des enquêtes sur le parc privé, des études triennales de territorialisation des besoins par chaque EPCI, et à la mise en place d'observatoires locaux du foncier. Alors que ce plan touche à sa fin (il a été prolongé pour 2023, le contexte particulier de l'année 2020 ayant pu entraîner un retard dans sa mise en œuvre), la CNCDH insiste sur la nécessité qu'il aboutisse à des résultats concrets et fasse l'objet d'une évaluation détaillée. Elle s'inquiète qu'un an après la fin théorique de ce plan, les mesures de l'axe 1 n'aient vraisemblablement pas été toutes concrétisées et n'aient pas débouché sur l'ensemble des publications (108) qui étaient attendues.
    Recommandation n° 9 : la CNCDH recommande, à la suite des préconisations de la Cour des comptes dans son rapport de 2020 sur le logement dans les départements et régions d'outre‐mer (DROM), de :

- fiabiliser l'évaluation des besoins en logement dans chaque DROM, en intégrant les données relatives à l'habitat informel et insalubre ;
- mettre en place dans chaque DROM un dispositif de connaissance du parc privé.

  1. En conclusion, la CNCDH déplore l'absence de données quantitatives et qualitatives exhaustives et récentes en ce qui concerne tant les besoins en logements (109) exprimés par les ménages que l'offre de logements à leur disposition. Dans cette situation, il devient difficile pour les services centraux d'assurer leur mission « de contribuer à programmer la production de logements à la bonne échelle du territoire national » (110).
    Recommandation n° 10 : la CNCDH recommande au Gouvernement de s'assurer que les dispositifs mis à la disposition des habitants sur l'ensemble du territoire pour les aider à sortir d'une situation de mal‐logement sont :

- connus ;
- accessibles et efficaces pour tous ;
- évalués, en particulier par les usagers, avec des résultats rendus publics.

Recommandation n° 11 : la CNCDH recommande, compte‐tenu de l'ampleur des différents phénomènes à évaluer et à mesurer, en particulier dans un contexte d'évolutions sociologiques à tous les âges de la vie (évolution des modèles familiaux, vieillissement de la population et perte d'autonomie), de garantir les moyens et les effectifs attribués aux différents services statistiques de l'Etat et de ses partenaires chargés de la question du logement.

Partie 2
Pourquoi le droit au « logement suffisant » régresse malgré des leviers d'actions pertinents

  1. Les résultats de l'enquête du service des données et études statistiques (SDES) sur les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020 indiquent que près de 80 % des ménages sont satisfaits ou très satisfaits de leur logement (111). Il reste donc un ménage sur cinq qui n'a pas accès à un logement satisfaisant, voire à un logement. Il faut donc essayer de comprendre quels sont les obstacles à l'accès au « droit au logement suffisant » (112).
  2. En 2021, 9,1 millions (113) de personnes vivaient en‐dessous du seuil de pauvreté, soit 13 % de la population. Jamais autant de personnes résidant en logement ordinaire n'avaient vécu sous le seuil de pauvreté défini à 60 % du revenu médian (soit 1 158 € par mois pour une personne seule en 2021). Comme le titre l'étude de l'INSEE, sur la base des données de 2021, au sortir de la crise du Covid‐19 « les inégalités et la pauvreté augmentent » (114).
  3. Dans ce contexte, la Fondation Abbé Pierre, qui effectue chaque année un travail statistique reconnu, estime, dans son rapport de 2024, que 4,1 millions de personnes sont soit privées de logement (pour plus d'un million d'entre elles), soit dans des « conditions de logement très difficiles » (privation de confort, surpeuplement accentué). Un « halo de 12,1 millions » (17,7 % de la population) de personnes sont « fragilisées par la crise du logement, soit qu'elles supportent un surpeuplement modéré, soit qu'elles aient du mal à payer leur loyer, soit qu'elles vivent dans des copropriétés dégradées ». Les conclusions de ce rapport montrent que « si le confort s'améliore […] le surpeuplement et le froid, pas du tout ! » (115).
  4. Depuis le précédent avis de la CNCDH, des normes et des mesures budgétaires sont intervenues qui ne participent pas d'une organisation globale et cohérente propre à garantir le droit au logement suffisant pour tous ; pour certaines, elles contribuent même au développement d'un système qui finit par discriminer les personnes dont les revenus sont les plus faibles.

2.1. Une gouvernance complexe et instable compromet le droit au logement suffisant pour tous

  1. La politique du logement se décline à l'échelle de chaque territoire sous l'égide d'une gouvernance locale, qui regroupe trois acteurs : l'Etat, l'Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI) et les communes. Le poids respectif de chaque acteur a évolué dans le temps et continue à évoluer, induisant une instabilité des systèmes locaux de gouvernance.
  2. On peut synthétiser les évolutions de la gouvernance selon deux mouvements distincts, qui expliquent la complexité et les difficultés d'élaboration et de mise en œuvre de la politique du logement dans les territoires :

- le premier mouvement concerne la répartition des compétences en matière de logement entre communes et EPCI (116), avec, ces dernières années, des transferts importants de compétences des communes vers les EPCI, celles‐ci prenant, par exemple, une part beaucoup plus active dans la politique de programmation et d'attribution des logements sociaux ;
- le second mouvement concerne la décentralisation des compétences de l'Etat vers les EPCI, la loi déterminant de plus en plus de compétences potentiellement transférables, sans aller pour l'instant jusqu'à rendre ces transferts obligatoires. La question d'une nouvelle étape de décentralisation est aujourd'hui posée, avec la perspective d'une future loi.

  1. Les questions induites par ces deux mouvements sont de nature très différente :

- l'évolution de la répartition des compétences entre EPCI et communes pose la question de la bonne échelle territoriale, au regard de l'intérêt général, pour une approche cohérente des différentes dimensions du développement local : logement, transport, urbanisme, économie locale, politique foncière et environnementale ;
- l'évolution de la répartition des compétences entre l'Etat et les EPCI pose une tout autre question, celle du rôle de l'Etat dans la politique du logement. Ce rôle demeure aujourd'hui très important à l'échelle locale pour assurer le droit au logement et l'équité territoriale entre les habitants. L'Etat doit en rester le garant, et conserver les moyens nécessaires à son implication locale, par exemple en matière de construction de logements sociaux ou de contrôle d'attribution de ces logements pour s'assurer notamment que les collectivités locales respectent leurs obligations en la matière. A l'égard des plus pauvres, cette obligation positive de prendre des mesures nécessaires pour assurer un logement décent résulte des engagements internationaux, et notamment de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Un désengagement de l'Etat marquerait un grave recul pour le droit au logement et son effectivité.

  1. Les principales évolutions ont progressivement reconnu aux EPCI des compétences dans le domaine du logement : le programme local de l'habitat (PLH) (117) a pour but de coordonner sur un territoire l'aménagement, l'urbanisme (compétence communale), le logement (domaine étatique) et l'action sociale (qui relevait du département) ; puis la loi n° 2004‐809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a permis à l'Etat de déléguer la gestion des aides à la pierre aux EPCI compétents en matière d'habitat ainsi qu'aux départements. En 2006, la loi n° 2006‐872 portant engagement national pour le logement (dite ENL) crée le plan départemental de l'habitat (PDH) visant à assurer la cohérence des politiques du logement entre les territoires couverts par un PLH et le reste du département. Les lois n° 2014‐58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et n° 2014‐366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) ont consacré le territoire intercommunal en tant que territoire pertinent de la mise en œuvre des politiques locales de l'habitat et de l'hébergement, en s'appuyant sur le dispositif de délégation de compétences. La loi n° 2015‐991 du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRé) poursuit cette tendance. Depuis, les lois « Lamy » (loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine), Egalité et Citoyenneté (2017), ELAN (2018), et plus récemment la loi 3DS (2022), ont consacré l'EPCI comme « chef de file » des politiques de gestion de la demande et des attributions (118).
  2. En février 2022, la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration, simplification) a acté la création des autorités organisatrices de l'habitat (AOH) sur le modèle de l'autorité organisatrice de la mobilité (AOM) : encore peu utilisé, ce modèle peut offrir de réelles opportunités de gouvernances territoriales adaptées aux spécificités locales, en s'adressant aux intercommunalités qui en font la demande (119) et qui sont déjà assez fortement impliquées dans le domaine de l'habitat.
  3. Même si, pour des raisons en particulier de contexte territorial et politique, les compétences restent « à géométrie variable » (120) selon la taille du regroupement (qu'il s'agisse d'une communauté de communes, d'une communauté d'agglomération, d'une communauté urbaine ou d'une métropole) et selon le contenu des compétences que les communes ont décidé d'exercer (121), l'intercommunalité est progressivement apparue comme le niveau de décision pertinent pour la politique du logement locale.
  4. Dans son précédent avis de 2016, la CNCDH avait recommandé de renforcer les compétences des EPCI, au regard des pressions pouvant s'exercer sur les maires (rejet des logements sociaux et des populations fragiles), plus faciles à endiguer à l'échelle intercommunale ; le critère de l'intérêt général par la mise en cohérence des différentes politiques plaidait déjà fortement en faveur d'un renforcement des compétences des EPCI en matière de logement. La CNCDH avait donc largement soutenu cette option, portée ensuite par la loi Egalité et citoyenneté de 2017, avec la création systématique d'une conférence intercommunale du logement chargée d'élaborer les orientations en matière d'attributions de logements sociaux (122). La CNCDH avait recommandé de « rationaliser la gouvernance locale des politiques du logement, de l'hébergement, de l'urbanisme et de l'habitat en renforçant les dispositifs partenariaux à l'échelle intercommunale et en transférant aux intercommunalités les compétences et les outils qui y sont liés (notamment les plans locaux d'urbanisme, les programmes locaux de l'habitat, la délivrance des autorisations de construire) ». Elle avait également invité à la plus grande vigilance dans l'usage d'un critère de « préférence communale » pour l'attribution des logements sociaux.
  5. C'est dans ce contexte de mise en place progressive d'une politique territoriale au niveau de l'intercommunalité qu'est intervenue en 2023 la proposition de loi de Sophie Primas visant à « renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux » (123) ; la proposition, adoptée par le Sénat en première lecture le 10 octobre 2023 puis transmise à l'Assemblée, apporte un élément de confusion, en renforçant de nouveau le pouvoir des maires dans la politique du logement locale, notamment en ce qui concerne l'attribution des logements sociaux :

- le maire deviendrait le président de la Commission d'attribution de logements et d'examen de l'occupation des logements (CALEOL), en lieu et place du représentant de l'organisme de logement social ; la représentation de la commune serait renforcée et portée au même niveau que celle de l'organisme de logement social, soit six membres, choisis parmi les élus du conseil municipal ;
- le maire présiderait une commission de concertation chargée de suivre les programmes de constructions neuves jusqu'à leur date de livraison ;
- lors de la mise en location initiale des logements, l'Etat délèguerait à la commune les réservations de logements dont il bénéficie.

  1. Si une plus grande maîtrise des attributions peut éventuellement motiver les maires à accepter la construction de logements sociaux, néanmoins, il existe d'autres mesures incitatives à privilégier comme la compensation totale et pérenne par l'Etat de l'exonération de taxe foncière, ainsi que le recommandait le rapport de la commission Rebsamen (124) en 2021, ou encore une meilleure prise en compte des logements sociaux par le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales entre communes, qui prévoit un « effort de solidarité entre les territoires, en redistribuant entre eux une partie de leur richesse fiscale » (125).
  2. En donnant son soutien au rôle prépondérant du maire dans l'attribution des logements sociaux, à l'occasion de son discours de politique générale du 30 janvier 2024 devant l'Assemblée nationale (126), le Premier ministre revient par cette seule déclaration sur une politique nationale
    engagée depuis plus de 40 ans. Cette politique avait pourtant pour but d'éloigner les décideurs des pressions locales relatives au logement, d'éviter l'instrumentalisation du droit au logement à des fins électorales ou politiques, tout en gardant une gouvernance du logement ancrée dans les réalités d'un territoire.
    Recommandation n° 12 : la CNCDH, inquiète d'un brutal changement de gouvernance qui redonnerait le pouvoir de décision en matière de logement aux maires, réitère ses recommandations de l'avis de 2016 relatives au rôle prépondérant que doivent avoir les Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de logement, de manière à permettre la mise en œuvre d'une politique de l'habitat adaptée à un territoire. Elle insiste sur la nécessité que l'Etat reste le garant du droit au logement suffisant pour tous sur tout le territoire.
    Recommandation n° 13 : la CNCDH recommande de développer des mesures incitatives à la construction de logements sociaux par les communes. Il pourrait s'agir en particulier de la compensation totale et pérenne par l'Etat de l'exonération de la taxe foncière, comme le recommandait le rapport de la commission Rebsamen ; ou encore d'une meilleure prise en compte du nombre de logements sociaux dans la répartition des sommes versées par le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales entre communes.

2.2. Les choix politiques, économiques et budgétaires ne favorisent pas suffisamment la mise à disposition et la rénovation de logements adaptés aux besoins dans les zones tendues
2.2.1. La financiarisation (127) croissante du logement freine le droit à un « logement suffisant »
2.2.1.1. L'augmentation du prix des logements, déconnectée de l'augmentation des revenus du travail, limite l'accès à la propriété

  1. Dans sa dernière étude « Revenus et patrimoines des ménages » (128) de 2021, l'INSEE indique clairement une évolution à deux vitesses : en prenant pour base 100 l'année 2001, les données font état d'une augmentation de 225 % du prix des logements anciens (260 % en Ile‐de‐ France), tandis que le revenu disponible brut par ménage n'a augmenté que de 29 %.
  2. Il ne s'agit là que d'un chiffre global qui a pour principal intérêt de mettre en évidence la force avec laquelle le risque a été pris collectivement de déconnecter l'accès au logement des droits humains fondamentaux pour privilégier son aspect marchand (129).
  3. En novembre 2022, le Conseil national pour la refondation (CNR) - logement a été lancé par le ministre chargé du Logement. Comme l'indique le site éponyme (130), « la méthode CNR a permis dans ce cadre de mettre autour de la table des spécialistes du logement et de la rénovation, les élus locaux, les associations et les citoyens qui partagent leurs besoins et difficultés, ainsi que le tissu industriel et la filière du bâtiment ; créant un espace de dialogue et de propositions. Cette concertation inédite a réuni plus de 200 entreprises, institutions, associations, élus, fédérations et personnalités reconnues dans le secteur du logement ». A l'issue des travaux, les participants, malgré la diversité de leurs intérêts, ont reconnu que « l'idée d'encadrer ou de réguler les prix fonciers, de partager la valeur d'un “bien commun” ou qui doit le redevenir commence à faire consensus parmi la plupart des acteurs de la filière » (131).
  4. Des propositions ont été faites au gouvernement dans ce sens, dont la CNCDH soutient l'expérimentation : « permettre aux collectivités volontaires d'expérimenter l'encadrement des prix du foncier sur le modèle de l'expérimentation des loyers telle que prévue par la loi ELAN, [en proposant] d'instaurer, à titre expérimental pour une durée de 10 ans, dans les zones tendues, un encadrement du niveau des prix du foncier […] » (132). Une variante proposée également serait « une fiscalité croissante sur la valeur ajoutée immobilière [qui] pourrait encourager les vendeurs à ne pas maximiser le prix de vente. Une telle mesure devrait être accompagnée d'une taxation croissante de la rétention foncière pour maintenir les volumes de vente et d'activité ».
    Recommandation n° 14 : la CNCDH recommande, à la suite des propositions faites par le Conseil national de la refondation - logement, l'expérimentation d'un encadrement du prix du foncier à l'instar de ce qui se pratique pour l'encadrement des loyers, lorsque les Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en feront la demande.

2.2.1.2. Les solutions expérimentées par les collectivités locales pour lutter contre le développement excessif des locations touristiques de courte durée exigent des évolutions législatives

  1. Au 1er janvier 2022, on estimait que la France comptait environ 800 000 meublés de tourisme destinés à des locations de courtes durées, soit une augmentation de plus de 18 % par rapport à 2020 (133). Cette dernière est en grande partie due à l'émergence de certaines plateformes en ligne, et plus particulièrement Airbnb, de loin la principale plateforme de locations saisonnières avec plus de 600 000 annonces à son actif en France (134) et près de 60 000 annonces pour le seul marché parisien (135). L'intensification de l'activité de ces plateformes s'est, par ailleurs, accompagnée d'une professionnalisation du secteur. En effet, à Paris, 21 % des annonces Airbnb étaient le fait de loueurs proposant au moins deux logements différents en 2020, 25 % en 2021, 27 % en 2022 et 30 % en 2023 (136). La part des annonces correspondant à de très gros loueurs, ayant 10 logements ou plus, est passée en trois ans de 8 % à 15 % du total des annonces proposées sur le site d'Airbnb à Paris entre février 2020 et février 2023 (137).
  2. Le phénomène des résidences secondaires inoccupées (dont le pourcentage a été évalué en 2020 par l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) (138) à 19 % à Paris, et même plus de 30 % dans les 6e, 7e et 8e arrondissements) peut s'ajouter localement à cette problématique. Il concerne un nombre important de logements sortis du marché en zones parfois très tendues. Loin de n'être que parisien, il touche tout particulièrement les zones littorales et touristiques ; les résidences secondaires et occasionnelles sont ainsi en expansion et leur proportion a pratiquement doublé en vingt ans (139).
  3. Le développement de ce type d'investissement a des répercussions inquiétantes sur le marché du logement. Dans les zones touristiques, dans les grandes métropoles, comme à Paris, et dans les zones côtières, de trop nombreux logements quittent le parc locatif privé de longue durée. En zones côtières ou montagneuses, cette situation est particulièrement problématique pour les saisonniers qui ne peuvent plus se loger, mais aussi pour les personnes à la recherche d'un logement locatif dans le parc privé, en particulier les jeunes ménages. Ces derniers sont nombreux à devoir accepter un contrat de location de moyenne durée (bail mobilité), et à se retrouver sans logement pendant les mois les plus touristiques (souvent de juin à septembre) ‐ un phénomène que la perspective des jeux Olympiques de Paris contribue à renforcer dans la capitale en 2024.
  4. Par ailleurs, l'impact ne se limite pas aux logements mis sur les plateformes de locations de courte durée. En effet, le ministère de la cohésion des territoires a estimé que le développement des plateformes comme Airbnb a un effet inflationniste sur les loyers des grandes métropoles françaises (140). Selon une étude d'impact, une augmentation d'un point de la densité de logements Airbnb « professionnels » entraînerait une augmentation des niveaux de loyers de 1,65 % à Lyon, 1,29 % à Marseille, 1,5 % à Montpellier et 1,26 % à Paris (141). Ce processus ne s'explique pas seulement par la raréfaction de l'offre de location longue durée, mais aussi par l'augmentation de la rentabilité des biens à vocation de logement (142) : un logement loué en meublé touristique est, selon les villes, entre 1,5 et 2,4 fois plus rentable qu'un meublé loué à l'année (143).
  5. La CNCDH s'inquiète particulièrement de cette financiarisation croissante du logement et des conséquences sociétales engendrées par le développement rapide de ces locations de courte durée, dans un contexte de crise du logement. Elle appelle à une action politique rapide.
  6. Depuis 2014, le législateur est intervenu pour clarifier le cadre juridique des locations de courte durée en France et donner aux communes des outils de régulation. La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a fait la distinction entre résidence principale et résidence secondaire, limitant la durée de location à 120 nuits maximum par an pour une résidence principale. Lorsqu'il s'agit d'une résidence secondaire, le propriétaire doit effectuer une demande d'autorisation préalable de changement d'usage (144) pour la proposer à la location de courte durée. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a permis aux communes mettant en œuvre le changement d'usage de soumettre toute location en meublé de tourisme à l'obtention d'un numéro d'enregistrement (145). Les plateformes doivent publier ce numéro et transmettre aux communes le nombre de nuitées au cours desquelles le logement a été loué. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a renforcé l'interdiction de louer sa résidence principale pour plus de 120 jours, et ce, dans toutes les communes. Elle a de plus renforcé les sanctions en cas de non‐respect de la loi. Enfin, la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a permis aux communes de soumettre à autorisation la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.
  7. Les communes se sont progressivement emparées de ces outils législatifs. A Saint‐Malo ou à Annecy, les municipalités ont mis en place des quotas par quartiers. Dans le Pays basque, 24 communes ont, depuis 2022, soumis les nouvelles locations saisonnières à une obligation de compensation par la création d'un logement de location long terme, de surface au moins équivalente (146). Ce principe était déjà en vigueur dans des villes comme Paris (147) ou Bordeaux pour les meublés touristiques qui ne constituent pas une résidence principale.
  8. Cependant, si les villes semblent disposer de nombreux instruments, elles se heurtent encore à une certaine limitation de leurs actions, comme le souligne le rapport de la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans‐abris (FEANTSA)/Fondation Abbé Pierre intitulé « La ville est à nous ! Comment encadrer AirBnb face à la pénurie de logement » (148). Tout d'abord, la possibilité de réglementer le changement d'usage d'un logement et de mettre en place le numéro d'enregistrement obligatoire est territorialement circonscrit (149). Par ailleurs, les communes font face à des réclamations fréquentes en justice des hébergeurs et des plateformes. Il a été montré à ce titre le rôle fondamental du droit européen (150). A cela s'ajoute la difficulté pour les communes de contrôler le respect de la législation face aux stratégies de contournement développées (151).
  9. Il est à noter que les meublés de tourisme échappent pour le moment à l'interdiction de mise en location des « passoires thermiques » (152), permettant ainsi aux propriétaires de continuer à louer un logement sur une courte durée sans engager les travaux de rénovation.
  10. En 2023 une évolution timide apparaît avec la loi de finance et des évolutions législatives ont été proposées :

- déposée le 14 février 2023, la proposition de loi n° 853 portant mesures d'urgence pour lutter contre la spéculation locative et favoriser l'accès au logement dans les territoires en tension (153) a été renvoyée à la commission des affaires économiques ; ses auteurs ont présenté 4 articles pour « répondre à la crise du logement en zone tendue » : l'art. 1er vise à limiter l'avantage fiscal associé aux meublés de tourisme ; l'art. 2 vise à durcir les conditions de mise en location (abaissement du nombre de nuitées à 60 et enregistrement obligatoire) ; l'art. 3 a pour but de lutter contre la fraude croissante aux baux mobilités dans les zones touristiques en tension ; l'art. 4 renforce la taxation de ces logements ;
- la loi de finances 2024 (154) a réduit à 30 % l'abattement pour les meublés de courte durée (155) ;
- le 29 janvier 2024, l'Assemblée nationale a adopté en 1re lecture, avec quelques modifications, la proposition de loi n° 1176 visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue (156) ; moins ambitieuse que la première proposition de loi (n° 853), elle traduit le besoin d'encadrement du marché.

Recommandation n° 15 : la CNCDH recommande à l'Etat de veiller à l'encadrement du marché du logement de courte durée :

- en soutenant les initiatives communales qui cherchent à interdire des locations de courtes durées via des plateformes dans des zones où le marché du logement est extrêmement tendu ;
- en organisant une taxation plus favorable aux propriétaires qui louent en baux de longue durée qu'aux propriétaires qui louent en meublés de tourisme ;
- en imposant les mêmes règles de salubrité et de décence aux meublés de tourisme qu'aux autres logements.

2.2.2. Les choix budgétaires et politiques limitent la production de logements sociaux adaptés aux besoins des ménages aux revenus les plus bas

  1. Le logement social ou HLM est un logement construit avec l'aide de l'Etat, soumis à des règles de construction, de gestion et d'attribution précises. Les loyers sont également réglementés et l'accès au logement est conditionné à des ressources maximales.
  2. Il existe, comme le précise le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « plusieurs catégories de logements sociaux suivant les prêts et subventions accordés aux organismes, lors de la construction de l'immeuble » (157) :

- le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) « réservé aux personnes en situation de grande précarité qui cumulent des difficultés sociales et économiques (158). Les loyers sont compris entre 4,56 €/m2 et 5,97 €/m2 selon les régions » ;
- le prêt locatif à usage social (PLUS) qui « correspond aux HLM traditionnelles. Les loyers sont compris entre 5,14 €/m2 et 6,70 €/m2 selon les zones. Plus de 80 % des logements sociaux sont régis par ce plafond de loyer et de ressources » (« à Paris, une personne seule ne devra pas gagner plus de 2 130 € mensuels pour prétendre à un logement PLUS ») ;
- le prêt locatif social (PLS) qui « finance des logements situés en priorité dans les zones dont le marché immobilier est le plus tendu » et qui s'adresse à des locataires disposant de ressources pouvant excéder de 30 % le plafond de ressources du PLUS.

2.2.2.1. Le parc de logements sociaux adaptés aux ménages dont les revenus sont les plus faibles est insuffisant

  1. 70 % des demandeurs de logement social ont des ressources inférieures au plafond d'éligibilité des logements PLAI (159), dits « très sociaux ». En raison de la faible mobilité des ménages modestes au sein du parc de logements à loyer modéré, seulement 9 % de l'offre annuelle de logements sociaux relève de la catégorie PLAI. Il convient d'ajouter à ce chiffre 19 % de logements PLUS anciens assimilés au PLAI, ce qui signifie que seuls 28 % de l'ensemble de l'offre sociale de logements sont effectivement accessibles à ces ménages, chaque année (160).
  2. Un plan ambitieux 2018‐2022 (161) portait en axe 1 la production de « logements sociaux et très sociaux adaptés aux besoins des personnes » : le projet consistait à « porter la production de PLAI à 40 000 par an ». Dans les faits, le parc construit reste actuellement très en‐deçà (162). Plusieurs raisons à cela : le ralentissement et les retards pris pendant la crise du Covid, mais aussi la situation d'insécurité financière induite par la réduction du loyer de solidarité (RLS) (163) et la hausse de la TVA sur la construction. La RLS a consisté à réduire considérablement, à partir de 2018, les aides personnalisées au logement (APL) en compensant cette baisse par une baisse des loyers prise en charge par les bailleurs. Cela a fortement réduit les marges financières des bailleurs (d'environ un milliard d'euros par an) et les a freinés dans leurs nouveaux projets de construction - tandis que, par ailleurs, la réduction des loyers initialement mise en avant à l'occasion de la réforme RLS n'a en rien amélioré l'accessibilité du parc pour les plus faibles revenus. Dans le même temps, l'Etat encourageait les bailleurs à vendre une partie de leur parc.
  3. A titre d'illustration, en Ile‐de‐France, sur la base des données du « Répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux », la Fondation Abbé Pierre relève que les logements sociaux les moins chers (assimilés à du PLAI, avec des loyers de moins de 6,39 euros/m2), qui représentaient encore 49 % du parc social en 2012, ne pesaient plus que pour 43 % du parc en 2020 (164).
    Recommandation n° 16 : la CNCDH recommande à l'Etat, aux collectivités et aux bailleurs sociaux de redoubler d'efforts afin que les engagements politiques qui ont été pris pour la construction de 40 000 PLAI/an, mais n'ont pas été tenus, puissent être rattrapés ; elle estime qu'il s'agit d'une obligation de résultat.

2.2.2.2. Des tentatives de modification de définition du « logement social » remettent en cause l'objectif de protection sociale porté par la loi SRU

  1. Dans un contexte de construction du logement social difficile, la tentation est grande de modifier la définition du « logement social » pour faciliter l'atteinte du quota de logements sociaux imposé par la loi SRU. Certaines modifications ont déjà été apportées à l'occasion de la mise en vente de logements sociaux : le logement ainsi vendu demeure dans la base des logements sociaux pour une durée pouvant aller jusqu'à 10 ans (165). Les logements en accession vendus dans le cadre des baux réels solidaires rentrent aussi désormais dans le périmètre du logement social (166). Certains projets de loi ont également donné lieu à des tentatives de redéfinition du logement social, comme le projet de loi dit « asile et immigration » qui proposait d'intégrer les logements d'urgence dans le périmètre du logement social, introduisant une confusion entre droit à une mise à l'abri et « droit au logement suffisant ». Plus récemment, dans son discours de politique générale du 30 janvier 2024 (167), le Premier ministre a indiqué souhaiter intégrer le « logement intermédiaire » dans la définition du « logement social » : le risque est grand d'opposer les besoins d'une partie de la population aux revenus moyens (168) à ceux de la population dont les revenus ne permettent pas de financer le loyer d'un « logement suffisant », et ainsi de modifier, par la définition et le comptage, l'esprit de la loi.
  2. Adoptée le 13 décembre 2000, la loi n° 2000‐1208 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite SRU) visait à recréer un équilibre social dans chaque territoire et à répondre à la pénurie de logements sociaux. Ainsi que l'indique le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur son site (169), l'« article 55 oblige certaines communes à disposer d'un nombre minimum de logements sociaux, proportionnel à leur parc résidentiel ». Les services de l'Etat procèdent chaque année à un inventaire contradictoire avec les communes dites concernées par la loi SRU pour décompter le nombre de logements sociaux sur le territoire communal et ainsi déterminer le taux de logements sociaux, en regard des résidences principales.
  3. Nombre de communes ont déjà suffisamment de logements sociaux et atteignent leur taux légal applicable (25 % ou 20 %) : elles sont dites concernées, mais déjà en règle avec l'article 55 de la loi SRU. D'autres communes ne disposent pas d'un nombre suffisant de logements sociaux : elles doivent rattraper leur retard. Ces communes, dites déficitaires, sont soumises à un plan de rattrapage négocié avec l'Etat par périodes de 3 ans.
  4. Il est donc essentiel de bien poser la définition du « logement social » : le site du ministère du logement indique (170) qu'un « logement social ou HLM est un logement construit avec l'aide de l'Etat, qui est soumis à des règles de construction, de gestion et d'attributions précises. Les loyers sont également réglementés et l'accès au logement conditionné à des ressources maximales ».
  5. La précision relative à la définition du logement social est d'autant plus importante que la loi du 13 décembre 2000 fixe un certain nombre d'objectifs et de dispositions de suivi et de contrôle qui ont fait l'objet d'évolutions et nécessitent de maintenir une définition homogène pour évaluer l'impact de la politique publique.
    Recommandation n° 17 :la CNCDH recommande aux pouvoirs publics d'être vigilants quant à la définition du « logement social » et aux caractéristiques des logements concernés par la loi n° 2000‐1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU. Elle recommande de ne pas introduire les « logements intermédiaires » dans le décompte des obligations SRU, sous peine de dénaturer l'esprit de l'article 55 de la loi.

2.2.2.3. La loi SRU, bien qu'utile (171) et même nécessaire, est insuffisamment mise en œuvre

  1. L'article 55 de la loi SRU, promulguée en décembre 2000 (172), visait « à recréer un équilibre social dans chaque territoire et à répondre à la pénurie de logements sociaux » par une obligation de construction d'un taux minimum de logements sociaux.
  2. Dans ce même objectif, la loi Egalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 a révisé les conditions d'exemption des communes du dispositif SRU, pour permettre le recentrage de l'application des obligations SRU sur les territoires où la demande de logement social est avérée, tout particulièrement les territoires agglomérés ou, à défaut, bien connectés aux bassins de vie et d'emplois. Un décret, pris par le ministre en charge du Logement en début de chaque période triennale, fixe, pour une durée de trois ans, la liste des communes exemptées des obligations de mixité sociale. La loi 3DS de 2022 a prolongé la loi SRU au‐delà de 2025 et réaménagé les conditions dans lesquelles les communes carencées peuvent rattraper leur retard.
  3. Les communes ont alors à atteindre un objectif quantitatif (20 ou 25 % de logements social) et qualitatif (au moins 30 % des logements sociaux construits doivent l'être en PLAI).
  4. A la fin de chaque période triennale, le préfet doit effectuer un bilan et peut décider en fonction de la bonne ou mauvaise volonté de la commune de la « carencer », à savoir déclarer la situation de carence de logements sociaux de la commune, ce qui entraine des pénalités pour la commune et la reprise possible, par le préfet, de certaines compétences d'urbanisme dédiées à la commune.
  5. Si, comme l'indique le ministère chargé du logement, « l'analyse du bilan triennal SRU 2017‐2019 démontre de bons résultats agrégés au niveau national, confirmant l'efficacité de la loi SRU pour développer l'offre, puisque près de 211 000 logements sociaux ont été mis en service ou financés dans ces communes » (173), il n'en va pas de même du bilan 2020‐2022 (174) qui montre que plus de la moitié des communes concernées ne respectent pas leurs obligations légales. Certaines communes sont particulièrement récalcitrantes à produire du logement social (175), multipliant les pénalités pour carences depuis la mise en place de la loi, et se dispensant de l'accueil des plus modestes en orientant la production vers des logements intermédiaires. En cas de carence, il revient au préfet d'apprécier la situation et d'éventuellement majorer la pénalité imposée à la commune, en application de l'article L. 302‐9‐1 du code de construction de l'habitat.
  6. La CNCDH regrette que les préfets fassent trop rarement preuve de sévérité : sur les 550 communes n'ayant pas respecté leurs objectifs en 2017‐2019, seules 46 % d'entre elles avaient initialement été proposées à la carence par les préfets (176). Si la loi 3DS a stabilisé et prolongé ce volet de la loi SRU, qui devait initialement prendre fin en 2025, elle a également assoupli les objectifs, via le développement des contrats de mixité sociale (CMS) (177), permettant d'ajuster le rythme de construction sur une période pouvant aller jusqu'à neuf ans. La CNCDH craint ainsi une augmentation des arrangements locaux, une baisse de contrôle par la Commission nationale SRU (178), étant donné la complexification du cadre légal, et un allègement des sanctions imposées (179).
  7. Il convient toutefois de faire état des difficultés réelles auxquelles sont confrontées les communes : le secteur du BTP traverse une crise importante causée par la hausse des prix de l'énergie (180) et des fournitures (181), la rareté actuelle de certains matériaux et la pénurie de main d'œuvre. Ces éléments entraînent une plus grande volatilité des prix (182), qui réduit sensiblement la durée de vie des devis, et perturbe sérieusement un secteur qui planifie des travaux sur plusieurs années.
  8. Les collectivités font également face à un budget contraint et parfois à des difficultés (183) pour construire du logement social là où le foncier est cher, avec une multiplication des normes de construction qui peuvent générer des surcoûts (184).
  9. La question du foncier est particulièrement prégnante dans les difficultés mises en avant par les collectivités ne se conformant pas aux objectifs de la loi SRU. Ces dernières se heurtent à cet égard à la rareté croissante du foncier induite par la volonté légitime de préserver les sols naturels et agricoles et des espaces verts en ville. Mais cette rareté est source de deux types de comportements, de la part des propriétaires fonciers et immobiliers, qui amplifient les impacts négatifs de cette rareté : des comportements spéculatifs actifs de rétention du foncier, dans l'anticipation de fortes plus‐values ultérieures ; et des comportements d'attente, non activement spéculatifs, mais relevant de l'enrichissement sans cause de tous ceux qui bénéficient d'un patrimoine bien situé et qui profitent de la valorisation induite par l'action et l'investissement de la collectivité en équipements, transports, aménagement de l'espace public - tout ce qui peut concourir à l'attractivité de la ville.
  10. Ces comportements, volontaires ou passifs, alimentent la hausse des prix immobiliers et fonciers, rendant de plus en plus difficile l'accès des populations modestes au logement et donc la mixité sociale visée par la loi SRU.
  11. Ce constat doit être rapproché d'un autre : actuellement, les pénalités dites de carence pour non‐respect des objectifs de la loi SRU sont à la charge de la collectivité, et donc de l'ensemble des contribuables, en particulier des locataires du parc social ou privé, alors que les bénéficiaires des comportements qui font obstacle à l'atteinte de ces objectifs sont les propriétaires immobiliers et fonciers. Un transfert des pénalités de carence sur ces derniers permettrait de réguler ces comportements et la hausse des prix qu'ils induisent, tout en maintenant la pression fiscale globale, et donc l'incitation pesant sur la commune à réduire celle‐ci.
  12. A ces problématiques foncières s'ajoutent les enjeux de bon fonctionnement et de construction de la ville et les conjonctures budgétaires des intercommunalités, soumises ces dernières années, à des incertitudes de financement. En particulier, la suppression de la taxe d'habitation, compensée par le reversement de la part des départements de la Taxe foncière sur la propriété bâtie (TFPB) et par une compensation de l'Etat, a suscité des interrogations (185) et un certain flou préjudiciable à la construction. De même, l'exonération de la Taxe foncière sur la propriété bâtie (TFPB) de 25 ans pour les nouveaux logements sociaux (186) génère un manque à gagner pour les collectivités. L'Etat s'est engagé, dans la loi de finances pour 2022, à garantir aux collectivités une compensation intégrale, pendant dix ans, de la perte de recettes liée à l'exonération de cette taxe foncière (187) ; mais là encore, avec des incertitudes dommageables au secteur de la construction de logement social. La loi n° 2023‐1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 prévoit, par ailleurs, que les logements anciens réhabilités (188) bénéficient d'une exonération de la TFPB. Si cette mesure constitue une forte incitation à la rénovation lourde du parc locatif ancien, aucune compensation n'est pour l'instant prévue pour les collectivités.
  13. Enfin, la construction est confrontée à une exigence environnementale de lutte contre l'artificialisation des terres, traduite par l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) (189). L'artificialisation est définie dans l'article 192 de la loi dite Climat et résilience comme « l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». Cet objectif vise à la fois à préserver les terres agricoles et la biodiversité, à lutter contre le réchauffement climatique, grâce à la captation du carbone par les sols et la végétation, et à faciliter l'absorption de l'eau. Cependant, en l'absence de moyens suffisants (190) donnés par l'Etat aux collectivités pour réinventer un urbanisme plus raisonnable et complexe, certaines se voient contraintes de limiter une construction nécessaire à l'accueil des ménages. D'autres (191) ont expérimenté depuis plusieurs années dans leur PLU des solutions pour mener de front les deux objectifs.
  14. Rappelant que, dans un contexte de limitation, les besoins socialement les plus urgents doivent passer avant des usages moins essentiels, comme les résidences secondaires, le tourisme, ou le développement de zones d'activités commerciales, la CNCDH appelle le gouvernement à prendre en urgence des mesures politiques et budgétaires conciliant la nécessité du ZAN et la réponse aux besoins en logement social (192).
    Recommandation n° 18 : la CNCDH réitère sa recommandation de 2016 de transférer la compétence de statuer sur les arrêtés de carence au préfet de région, moins exposé à la pression directe des élus locaux, de façon à réduire la part de subjectivité dans l'établissement du constat de carence et la modulation des pénalités.
    Recommandation n° 19 : la CNCDH recommande de substituer à la pénalité pour carence appliquée aux communes ne respectant pas les objectifs de logements sociaux de la loi n° 2000‐1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) une surtaxe temporaire, assise sur la valeur des biens immobiliers et fonciers détenus par les propriétaires des communes concernées, hors bailleurs sociaux et quartiers de la politique de la ville. Ces surtaxes pour carence financées par les propriétaires seront reversées au fonds de solidarité pour le logement du département.
    Recommandation n° 20 : la CNCDH recommande de dresser un bilan de la mise en œuvre des contrats de mixité sociale négociés dans les communes soumises à la loi n° 2000‐1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et de leur impact sur l'atteinte des objectifs de production globale de logement social.

2.2.2.4. Les projets de réhabilitations urbaines se heurtent à des obstacles qui freinent leur réalisation

  1. La construction de logements neufs ne pouvant répondre à elle seule à la demande de logements, surtout dans un contexte de sobriété foncière, de lutte contre l'étalement urbain et de transition écologique et climatique, il est essentiel de faciliter les opérations de réhabilitation. Pourtant, comme le note l'ouvrage Le logement : enjeux, crises et mutations (193), « les outils sont parfois insuffisants » et « les freins juridiques et financiers font trop souvent obstacle à une vraie transformation urbaine efficiente pour produire du logement abordable ». Plusieurs contraintes pèsent en effet sur les projets de rénovation, qui demandent du temps, exigent toute une série de diagnostics préalables et une conciliation entre la mise aux nouvelles normes et la préservation du patrimoine existant. Ces contraintes engendrent des coûts supplémentaires par rapport à une construction ex nihilo (194) et nécessitent la mobilisation et la coordination d'acteurs et d'intervenants très différents.
  2. Pour éviter qu'elle ne dissuade les promoteurs privés et ne décourage les porteurs de nouveaux projets, la complexité du processus de rénovation doit alors s'accompagner d'une « implication forte des pouvoirs publics, au plan national, par des incitations financières et fiscales, par la simplification ou l'assouplissement des normes et réglementations, et au plan local, par un engagement fort depuis l'amont, pour la mise en place des moyens d'études et d'appui à la concertation, puis dans la mise en œuvre du projet » (195). Il serait en particulier intéressant de réfléchir aux moyens de lever certains freins fiscaux, comme le recommandait le rapport Hovorka/Pelletier Renouveau urbain et rénovation environnementale des bâtiments : Amplifier et accélérer (196) de septembre 2020, et à une simplification juridique, réglementaire et technique pour faciliter les opérations de renouveau urbain (197) (par exemple, dans le cas d'opérations d'isolation thermique par l'extérieur qui empièteraient en limites de parcelles).
    Recommandation n° 21 : La CNCDH recommande qu'une réflexion soit engagée sur les moyens de lever les freins fiscaux et juridiques lors des opérations d'acquisition rénovation et sur une simplification des démarches. Cette réflexion pourrait être confiée à une mission interministérielle dédiée au renouveau urbain.

2.2.2.5. La poursuite d'objectifs de mixité sociale dans le cadre du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) peut aboutir à l'exclusion des habitants les plus pauvres des quartiers réhabilités

  1. Si les restructurations engagées dans le cadre des programmes de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) (198) participent d'une volonté louable de rénover l'espace urbain de manière globale, en particulier en revitalisant des quartiers anciens dégradés (199), en travaillant à réinstaurer de la mixité sociale et une offre de services et en réhabilitant un parc social ancien, vieillissant et devenu inadapté, ces programmes, dont les délais de mises en œuvre ont pu par ailleurs poser problème (200), n'ont pas forcément entraîné une amélioration des conditions de vie de l'ensemble des anciens locataires pauvres du parc social dégradé. Une note d'analyse de France Stratégie (201), parue en février 2024, propose un bilan au terme du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) qui s'est achevé en 2021 ; elle montre que « dans les quartiers où la rénovation a été la plus intense (202) […], on constate une baisse de 6 points de pourcentage de la part des logements sociaux (qui restent majoritaires) et une réduction de 5 points de la part des ménages les plus pauvres », en raison principalement de la « démolition des logements qui accueillaient le plus de ménages pauvres et dans une mesure nettement moindre par la construction de logements accueillant des ménages moins souvent pauvres ».
  2. Le PNRU aurait donc atteint dans ces quartiers l'objectif visé (un renforcement de la « mixité sociale ») mais se pose alors la question du sort réservé aux ménages les plus pauvres dont le logement a été détruit sans qu'ils aient pu nécessairement profiter d'un relogement dans un habitat neuf ou rénové accessible devenu plus rare et de l'amélioration générale des conditions de vie dans leur quartier. Des remontées (203) font plutôt état pour ces personnes de difficultés : longue attente dans des logements désormais moins entretenus en raison d'une démolition programmée, installation dans des logements plus petits non adaptés aux besoins des familles, ou réinstallation dans des logements neufs ou rénovés décevants, souffrant de défauts de construction.
  3. L'expérimentation, auprès de bailleurs et EPCI volontaires, de la quittance adaptée (que le présent avis évoquera dans la partie 3 et dans sa recommandation n° 33) (204) serait intéressante, afin que les ménages qui le souhaitent puissent rester dans leur quartier d'origine.

2.2.2.6. Les leviers utiles pour mobiliser les logements vacants et l'offre privée à vocation sociale sont encore trop peu activés

  1. En France, en 2023, la vacance (205) a atteint 8,2 % du parc total de logements, selon la dernière estimation publiée par l'INSEE (206), soit 3,1 millions de logements vacants. Ce chiffre est en augmentation depuis le dernier avis de la CNCDH : en 2017, 4,3 % des logements étaient vacants (207), et il y a désormais 1,2 million de logements vacants de plus qu'en 1990. Leur nombre a augmenté « 2,3 fois plus vite que le nombre total de logements entre 2005 et 2023 » (208). L'enjeu de résorption de la vacance touche surtout le parc privé, étant donné la faiblesse de la vacance dans le parc social (2,7 % des logements du parc HLM étaient vacants au 1er janvier 2022 [209]).
  2. Parmi cette vacance dans le parc privé, on distingue la vacance « frictionnelle », estimée en 2023 par le ministère de la transition écologique, à 5,8 % du parc de logements (210), de la vacance « structurelle ». La première, qualifiée d'incompressible, est utilisée pour parler de la vacance de courte durée. Elle permet la fluidité des parcours résidentiels et est nécessaire à l'entretien du parc de logements. La seconde concerne soit des logements mis sur le marché mais inadaptés à la demande, en raison de la taille ou de la localisation ou du loyer trop élevé, soit des logements qui ne sont plus proposés sur le marché. Ainsi, la vacance « structurelle » est plus importante dans les espaces les moins denses en population, dans les communes rurales et dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants (211), et plus spécifiquement dans les centres‐bourgs, où la demande de logements est plus faible. La vacance est aussi particulièrement forte en outre‐mer (212).
  3. Résoudre les problèmes de vacance « structurelle » est un véritable enjeu pour améliorer l'offre de logements. Cela passe à la fois par une revitalisation des centres‐bourgs, par la mise en place de mesures incitatives encourageant les propriétaires à mettre leur logement vides sur le marché, et par la réalisation de travaux de rénovation pour réhabiliter des logements qui ne sont plus habitables. Les leviers d'action utilisés concernent principalement la taxation des logements vacants (213) et les incitations financières à la réalisation de travaux de réhabilitation. Le plan national de lutte contre les logements vacants (214), lancé en 2020, a créé une nouvelle base de données (LOVAC) pour aider les intercommunalités dans le repérage et la caractérisation des logements vacants (215), ainsi qu'une plateforme (Zéro Logement Vacant) pour aider les collectivités à contacter et convaincre les propriétaires de logements vacants. Une évaluation du plan, et notamment de ces deux outils, est encore attendue.
  4. L'intermédiation locative sociale (216) dans le parc privé constitue un autre levier d'action pour mobiliser les logements vacants, encore trop peu exploité. Elle repose sur un principe solidaire : les propriétaires louent leur logement à des ménages en grande précarité, sortant par exemple des dispositifs d'hébergement et ne trouvant pas de logement sur le marché. Afin de garantir le bon entretien du bien et le paiement du loyer, et de simplifier la relation entre le locataire et le bailleur, l'intermédiation locative, telle que mise en avant par le mouvement SOLIHA, « solidaires pour l'habitat » (217), est effectuée en partenariat avec un tiers social (opérateur, organismes agréés par l'Etat ou association agréée par l'Etat) (218). La CNCDH salue la pertinence de ce dispositif et enjoint aux pouvoirs publics de le rendre plus attractif et de soutenir ses acteurs.
  5. Il convient ici de souligner que l'intermédiation locative ne vise pas seulement l'enjeu de mobilisation de la vacance ; de par sa visée très sociale, elle permet aussi de compléter l'offre locative du parc HLM à destination des ménages à faibles ressources. Entre 1,5 et 1,8 millions de logements privés sont en effet mis en location chaque année, contre moins de 500 000 attributions dans le parc locatif social (219). Le parc locatif privé représente ainsi un important gisement d'offres déjà existantes et donc disponibles rapidement, ne consommant pas de foncier nouveau et souvent bien localisées. Mais les aides et moyens mis en place par l'Etat, en particulier par l'intermédiaire de l'ANAH, restent insuffisants pour donner toute l'ampleur souhaitée à la mobilisation du parc privé à des fins sociales (220).
  6. Au‐delà de la contrainte financière, les associations qui assurent l'intermédiation locative se heurtent à d'autres difficultés, administratives, la mobilisation des aides publiques passant par des appels à projets requérant une ingénierie complexe, et en termes de ressources humaines (221), le recrutement des travailleurs sociaux se heurtant à la faiblesse des salaires, d'autant plus que l'intervention se situe en zone tendue, avec des loyers élevés.
  7. Dans le cadre du plan Logement d'abord 2 (222) ainsi qu'à la suite des travaux du CNR logement, la volonté politique de développer l'intermédiation locative a été exprimée par plusieurs ministres du logement, avec un objectif de 30 000 places entre 2023 et 2027 dans le parc privé qui demeure très modeste au regard de l'importance des besoins.
  8. La concrétisation des objectifs de développement de l'intermédiation locative se heurte pour certains propriétaires au caractère insuffisamment incitatif des aides qu'ils perçoivent en contrepartie d'un loyer inférieur au loyer de marché - en particulier, les propriétaires modestes pour lesquels la réduction d'impôt sur le revenu est largement inopérante.
  9. En zone tendue, la mobilisation du parc privé ne doit pas se limiter aux seuls logements vacants ; elle passe par un effort accru de conviction et d'incitation des propriétaires en faveur de la location à visée sociale, dont l'intermédiation locative est le levier.
    Recommandation n° 22 :
    22‐a) La CNCDH recommande aux collectivités locales, à l'occasion de la taxation des logements vacants, de mieux faire connaître aux propriétaires concernés les dispositifs qui leur permettent de contribuer à la lutte contre le mal‐logement - en termes de rénovation (aides possibles), d'intermédiation locative (louer son bien via un tiers social) ou de vente à des organismes de foncier solidaire (pour la réalisation de baux réels solidaires).
    22‐b) La CNCDH recommande un effort accru et soutenu de développement de l'intermédiation locative, passant par le soutien apporté aux organismes solidaires qui accompagnent propriétaires et locataires, aux plans financier et administratif, et par la formation et l'aide au recrutement des travailleurs sociaux.

2.2.2.7. Développer l'accession sociale à la propriété pourrait permettre de limiter la gentrification et la spéculation immobilière et de libérer des logements locatifs sociaux.

  1. L'accès à la propriété a longtemps été un fondement de la politique du logement, en réponse aux aspirations d'une large majorité des ménages et aux incertitudes pesant sur l'avenir du système des retraites. Ce n'est plus vrai aujourd'hui : en l'absence d'incitations fiscales à l'accession, le dispositif d'aide se limite au financement via le Prêt à Taux Zéro (PTZ), ou via le 1 % Logement (Action Logement) ou des prêts bancaires limités ou assez peu attractifs et, pour l'accession sociale, à un fonds dédié, le Fonds national d'aide à la pierre (FNAP) associant dans sa gouvernance l'Etat, les bailleurs sociaux et des élus nationaux et locaux. L'Etat s'est désengagé ces dernières années du financement du FNAP, Action Logement se substituant progressivement à l'Etat.
  2. Au regard des missions du FNAP, principalement orientées sur le financement de l'accession sociale et des logements locatifs très sociaux (PLAI), le désengagement de l'Etat constitue un sujet de forte inquiétude pour plusieurs raisons :

- la pérennité des financements d'Action Logement n'est pas assurée ;
- la construction des PLAI, déjà largement insuffisante, est fragilisée ;
- le FNAP est la principale source d'aide publique pour la construction de logements en accession sociale ; or ces logements constituent un levier important pour le parcours résidentiel des locataires du parc social disposant de ressources suffisantes ; la fragilité du FNAP pèse donc sur la principale composante de l'offre de logements sociaux, à savoir les sorties des locataires vers un autre logement ;
- enfin, particulièrement en zone tendue, l'accession sociale, donc le FNAP, est un des moyens de parvenir à une meilleure mixité sociale, dans les quartiers où l'immobilier privé est trop cher pour les ménages de la classe moyenne.

  1. Il est donc souhaitable de mettre un terme au processus en cours de fragilisation du FNAP en levant les incertitudes actuelles pesant sur son financement et en pérennisant celui‐ci à la hauteur des enjeux de préservation de la mixité sociale et d'amélioration de l'offre de logements sociaux et très sociaux.
  2. Pour favoriser l'accession sociale, la loi ALUR du 24 mars 2014, puis la loi ELAN du 23 novembre 2018, ont créé un double outil, le bail réel solidaire (BRS), couplé avec l'Office foncier solidaire (OFS) ; ces deux outils permettent de dissocier le foncier et le bâti ; ainsi l'accédant, sous conditions de plafond de ressources, achète le logement par l'intermédiaire du BRS mais reste locataire du terrain détenu par l'OFS, propriétaire pérenne du foncier, qui est ainsi mis à l'abri des comportements spéculatifs. La location du terrain se traduit par une redevance couvrant les coûts d'acquisition et de portage de l'OFS ; ces coûts sont financés par l'OFS dans un cadre fiscal privilégié (TVA à taux réduit, exonération de plus‐value immobilière, voire de taxe foncière à l'initiative de la collectivité) à l'aide de prêts à très long terme complétés le cas échéant par des subventions, ce qui permet de limiter fortement le montant de la redevance. Ainsi l'achat du logement coûte‐t‐il 30 % à 50 % moins cher (223). Le prix de revente du logement et les futurs acquéreurs sont encadrés par le BRS pour pérenniser la vocation d'accession sociale en empêchant toute spéculation immobilière.
  3. On a constaté une rapide multiplication des OFS ces dernières années, permettant le développement de nombreuses opérations d'accession sociale, mais celles‐ci demeurent quantitativement limitées à l'échelle des besoins et sont principalement ciblées sur la maison individuelle, le montage en BRS se prêtant difficilement à la vente de logements existants ou neufs en collectif, au regard des règles juridiques et fiscales et de décision régissant les copropriétés.
  4. Compte‐tenu des contraintes croissantes pesant sur la disponibilité foncière, avec l'instauration du zéro artificialisation net (ZAN) par la loi Climat et Résilience du 24 août 2021, qui limite fortement l'étalement urbain en périphérie d'agglomération, et donc l'habitat individuel, l'accession sociale devra s'inscrire de plus en plus en tissu urbain et en immeuble collectif, évolution qui pourra nécessiter des adaptations du couple d'outils BRS/OFS (224).
    Recommandation n° 23 : la CNCDH recommande une relance forte de l'accession sociale en zone tendue pour faciliter les parcours résidentiels et les sorties du parc locatif social. A cette fin doivent être confortés et pérennisés, d'une part les moyens financiers du Fonds national d'aide à la pierre, d'autre part les deux outils permettant une baisse des coûts de l'accession sociale que sont le Bail réel solidaire et l'Office foncier solidaire. La CNCDH recommande en outre que l'ANCOLS évalue régulièrement l'atteinte de cet objectif, en particulier la vocation de l'accession sociale, à savoir limiter la gentrification et la spéculation immobilière et libérer des logements locatifs sociaux.

2.2.3. L'engagement de l'Etat pour l'amélioration de la qualité des logements ne profite pas de manière équitable à toute la population

  1. Selon l'estimation Eurostats, 18 % de la population française habiterait un logement pouvant être considéré comme insalubre (225). Selon l'association des maires de France, « il est estimé qu'environ 420 000 logements du parc privé occupé en métropole et 100 000 logements dans les départements et régions d'Outre‐mer entrent dans le champ de l'habitat indigne » (226).
  2. La dégradation progressive des logements est un processus inéluctable qu'il faut anticiper et prendre en charge en amont afin d'éviter des situations d'indignité. Au‐delà de ce processus prévisible, la vétusté du bâti et des problèmes liés à ses caractéristiques techniques, des phénomènes climatiques, ou encore des défauts de construction, de rénovation (227) ou d'entretien peuvent engendrer des situations néfastes pour la santé physique et mentale des occupants qui y sont confrontés quotidiennement, voire mortelles comme l'ont tragiquement rappelé, depuis le dernier avis de la CNCDH en 2016, plusieurs incendies et effondrements qui ont fait disparaître des immeubles entiers (228).
  3. Au‐delà de la question du confort sanitaire, qui s'est considérablement amélioré au fil des décennies (229), et de celle des performances énergétiques et de l'isolation du logement, sur lesquelles les pouvoirs publics ont porté une attention particulière ces dernières années avec la mise en place d'un calendrier précis visant à interdire la remise en location des « passoires thermiques » (230) et toute augmentation de loyer pour les baux en cours, quantité d'autres problématiques peuvent se poser dans les logements indignes : problèmes persistants d'aération et d'humidité entraînant des symptômes respiratoires, « bouilloires thermiques » étouffantes l'été, électricité qui n'est plus aux normes pouvant engendrer des incendies, fuites récurrentes dans des tuyauteries vétustes, matériaux en amiante à surveiller, peintures au plomb et canalisations anciennes non changées pouvant entraîner des cas de saturnisme, ponts thermiques non supprimés, fissures non réparées fragilisant l'ensemble et facilitant l'infestation de nuisibles… Il convient de ne pas les oublier pour envisager une réponse globale aux problèmes d'habitat indigne.
  4. La Fondation Abbé Pierre, qui consacre un chapitre entier à cette problématique dans son dernier rapport sur le mal‐logement, rappelle qu'elle concerne tous les territoires, urbains comme ruraux, et tout type d'habitation - maisons individuelles anciennes ou récentes, appartements individuels dans le parc social ou privé, voire copropriétés entières démunies face à l'ampleur de la rénovation à réaliser. Pointant du doigt l'écart « abyssal entre le nombre de logements indignes et le nombre de procédures engagées », la Fondation souligne que « l'action publique est notoirement insuffisante » ne serait‐ce que pour améliorer la situation des logements actuellement dégradés (231), sans parler de ceux qui le seront bientôt.
  5. Parallèlement, l'inflation et l'augmentation de la part du budget consacré par les ménages au logement conjuguées à la hausse du coût des matières premières et des travaux et à la réduction de la marge de manœuvre financière pour les organismes HLM peuvent pousser bailleurs et propriétaires en difficulté à repousser des travaux nécessaires à moyen terme, ce qui ne peut qu'entraîner une dégradation de la situation. Plutôt que des aides ponctuelles à la rénovation énergétique, il est donc urgent que des moyens importants soient engagés et pérennisés pour lutter contre l'habitat indigne de façon globale et coordonnée - la Fondation Abbé Pierre rappelle à ce titre que « sans une collaboration organisée entre [tous les] acteurs [locaux, associatifs comme institutionnels de la lutte contre l'habitat indigne], normalement constituée autour d'un pôle départemental de lutte contre l'habitat indigne (PDLHI) sous l'autorité du préfet, aucun traitement de l'habitat indigne n'est efficace » (232).

2.2.3.1. L'engagement de l'Etat pour lutter contre « l'habitat indigne et très dégradé » dans le parc privé reste insuffisant face à l'ampleur du problème

  1. Alors que la définition même d'indignité et de dégradation demeure floue, ainsi que le repérage des logements indignes (233), la lutte contre l'habitat indigne nécessite une organisation, un travail en réseau entre les différentes autorités compétentes et des solutions de relogement à trouver pour les habitants, autant d'étapes qui impliquent une volonté forte de la part des acteurs locaux.
  2. La problématique des copropriétés dégradées, qui peut avoir des conséquences dramatiques comme l'a rappelé à plusieurs reprises l'actualité (234) et exige des actions spécifiques, est désormais plus visible dans le débat public et politique, en particulier depuis la loi ALUR de 2014, la loi ELAN de 2018 et le lancement du « plan initiative copropriétés » (PIC) en octobre 2018, piloté par l'ANAH (235). Des outils ont été mis en place pour faciliter le repérage et le traitement des situations d'abus (236) et de dégradation (237), comme la mise en place d'un plan de sauvegarde avant une dégradation trop avancée ; mais ces outils interviennent souvent trop tard, lorsque la copropriété est déjà confrontée à des difficultés financières, et sans parvenir toujours à enrayer la dégradation de l'ensemble. Le rapport de la Cour des comptes de 2022, « Copropriétés dégradées : mieux répondre à l'urgence » (238), note qu'en dépit de la mobilisation de certains acteurs, le PIC a souffert d'un démarrage trop lent et de moyens insuffisants pour que des réponses adaptées efficaces viennent à bout de toutes les situations de dégradation repérées. La Cour des comptes relève aussi plusieurs freins contribuant à ralentir ou bloquer les interventions qui pourraient aider les copropriétés à se redresser : procédure d'alerte insuffisante, chaîne d'intervention et de financement difficile à faire fonctionner (239), difficultés pour assurer un portage financier permettant les opérations de rénovation globales…
  3. Les moyens attribués à l'ANAH (240) pour assurer la mise en œuvre du PIC doivent donc être impérativement renforcés et réservés à cette problématique spécifique. Des solutions doivent être apportées pour résoudre les difficultés engendrées par les procédures, actuellement trop longues et complexes pour permettre une sortie précoce de l'insalubrité (ce qui prend en moyenne 10 ans selon les estimations) : les prêts, qui permettraient d'engager des travaux nécessaires, sont presque impossibles à obtenir pour les copropriétés concernées, dans l'incapacité de payer un reste à charge trop élevé malgré la mise en place d'aides.
  4. Les solutions et l'accompagnement à mettre en place doivent par ailleurs pouvoir être adaptés à chaque situation - la dégradation pouvant être par exemple le résultat d'une mauvaise gestion d'un syndic, de difficultés cumulées pour des petits propriétaires, incapables de financer des travaux trop longtemps repoussés ou confrontés brutalement à des travaux structurels plus importants que prévus, mais aussi de choix financiers de propriétaires bailleurs en quête de rentabilité et peu pressés d'entretenir un bien voué à se dégrader (dans le cas d'immeubles gérés par des marchands de sommeil [241] par exemple).
  5. Des constats et des propositions issues des acteurs locaux (242) sont alors à mettre en œuvre pour réduire l'habitat indigne. Par lettre de commande ministérielle du 27 mars 2023, une mission relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne a été confiée aux maires de Mulhouse et Saint‐Denis et a été l'occasion de visites de terrain et de nombreux entretiens avec des élus et des associations. Elle donne lieu à 24 propositions documentées (243) et concrètes dans le but « d'amplifier le pouvoir d'agir des collectivités pour des interventions plus rapides ; de faciliter l'intervention des acteurs de l'habitat privé ; d'améliorer l'accompagnement et la protection des habitants » et « d'accentuer les mesures coercitives envers les propriétaires indélicats et les marchands de sommeil ». Les propositions de ce rapport, dont certaines sont reprises dans le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement (244) adopté le 27 mars 2024 et dont la CNCDH salue l'adoption, sont à étudier pour renforcer le pouvoir d'action des collectivités et accélérer la mise en place d'une réponse adaptée aux problèmes de l'habitat dégradé. La CNCDH souhaite à l'instar de ce rapport que la lutte contre l'habitat indigne soit reconnue d'intérêt général.
    Recommandation n° 24 : la CNCDH recommande un suivi de mise en œuvre des propositions de la « mission relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne », dont le rapport a été remis le 23 octobre 2023 au ministre chargé du logement.
  6. La CNCDH regrette de plus qu'entre 2018 et 2023 les aides de l'ANAH dédiés à la lutte contre « l'habitat indigne et dégradé » n'aient augmenté que de 10 % (pour concerner moins de 14 000 logements en 2023, pour un peu plus de vingt millions d'euros), quand le budget de l'agence augmentait de 345 % (il représente 3,12 milliards d'euros en 2023).
  7. Il est à noter que les ayants droits de revenus minimas garantis sont pour un tiers locataires du secteur social, pour 28 % du secteur libre et pour 14 % propriétaires, selon les données de (245) la DREES dans son étude annuelle « Minimas sociaux et prestations sociales - ménages aux revenus modestes et redistribution ». Celle‐ci précise que « les bénéficiaires de revenus minima garantis sont davantage confrontés que l'ensemble de la population à de mauvaises conditions de logement, quel que soit l'indicateur retenu pour les caractériser ».
  8. La CNCDH est préoccupée notamment des conditions de financement envisagées pour les travaux de rénovation chez ces personnes. A l'instar de la géographe Solène Gaudin dans « Les cahiers de l'ANAH » de janvier 2024 (246), la CNCDH s'inquiète du reste à charge trop important à l'occasion des travaux à engager : en 2024, si l'on peut saluer la création de « MaPrimeRenov'Parcours accompagné » (247) destinée à des rénovations d'ampleur qui passent pas des travaux importants (l'aide pouvant aller « jusqu'à 80 % de financement, dans la limite de 70 k€ pour les ménages aux revenus très modestes »), la CNCDH s'interroge sur le nombre de ménages « aux revenus très modestes » qui pourront trouver le financement des 20 % (17,5 k€) restant à charge.
  9. La CNCDH salue le soutien à la rénovation énergétique entrepris par l'ANAH depuis plusieurs années, qui a concerné 569 243 logements en 2023, ainsi que les projets engagés dans le cadre de « Ma Prime Logement Décent ». Elle regrette toutefois que 88 % du budget 2023 de l'ANAH soit consacré à « MaPrimeRenov' » (soit 2,74 Md€), sans qu'aucune étude d'impact ne permette de s'assurer de la pertinence financière du dispositif. La CNCDH salue cependant la coopération de l'ANAH, de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et de la Fédération française du bâtiment (FFB) pour lutter contre la fraude et recommande qu'une évaluation (248) de l'ensemble du dispositif soit réalisé.
    Recommandation n° 25 : la CNCDH recommande un rééquilibrage des financements de travaux par l'ANAH de manière à réellement améliorer « l'habitat indigne et très dégradé » ; elle suggère qu'une évaluation de l'usage des 2,74 milliards d'euros consacrés en 2023 à « MaPrimeRenov' » soit effectuée à cette occasion.

2.2.3.2. Le parc social souffre d'un manque de rénovations et de réhabilitations

  1. Comme dans le parc privé, un certain nombre de logements sociaux restent mal isolés, thermiquement et acoustiquement, ou dégradés, notamment par des problèmes d'humidité. Selon l'enquête annuelle de 2022 de l'ANCOLS, qui note une légère dégradation depuis 2021 (- 3 points) de la satisfaction des locataires vis à vis de leur logement en raison de « son état » (pour 61 % des locataires insatisfaits), 50 % des locataires du parc social trouvent que leur logement n'est pas bien isolé du bruit, 37 % estiment que la température n'est pas agréable en hiver dans leur logement et 42 % en été (249). Par ailleurs, 27,5 % des locataires du parc social signalent des défauts d'humidité dans leur logement et 7,8 % des infiltrations extérieures d'eau, d'après l'enquête ENL 2020 (250). L'enquête logement réalisée en 2020 montre également que c'est dans le logement social que la part des ménages estimant leurs conditions de logement satisfaisantes ou très satisfaisantes est la plus faible, en diminution même par rapport à 2013 (251).
  2. Conscients du problème, les bailleurs sociaux se sont emparés de ces problématiques, dans les dernières années, en poursuivant la réhabilitation du parc et en rénovant thermiquement, entre 2016 et 2020, 10,5 % du parc social (252). En outre, 66 % des bailleurs sociaux ont prévu d'accroître leurs dépenses dans la rénovation thermique pour les trois prochaines années, selon l'enquête de l'ANCOLS (253).
  3. Cependant, ces rénovations sont insuffisantes pour pallier les dégradations progressives des logements et on observe une régression de la qualité du parc social sur certains aspects (254). Dans certains cas, la suppression de postes de gardien a pu conduire à un éloignement entre le bailleur et les habitants, le bailleur perdant en connaissance sur l'état de ses habitations et les petits travaux non pris en charge en amont pouvant participer à une dégradation généralisée. Par ailleurs, les rénovations thermiques réalisées ne permettent pas réellement, en nombre et en qualité, de compenser les 1,5 millions de logements sociaux classés en DPE E, F et G, et d'atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone (SNBC) (255).
  4. Parmi les freins à l'amélioration du parc social identifiés dans l'enquête réalisée par l'ANCOLS, la problématique financière est pointée du doigt par 60 % des bailleurs (256). La Banque des territoires juge ainsi que la situation économique actuelle et prévisionnelle va imposer aux bailleurs sociaux de revoir leurs investissements à la baisse et de faire un arbitrage entre constructions neuves et réhabilitations (257). Les coupes budgétaires, comme la mise en place de la réduction du loyer de solidarité (RLS) (258), risquent ainsi non seulement d'avoir un impact sur la construction de logements neufs, mais aussi de forcer les bailleurs, soumis à la loi Climat et Résilience, de se restreindre à la seule rénovation énergétique (259) au détriment des travaux nécessaires d'entretien, d'enchaîner les rénovations insatisfaisantes (260) et de faire peser sur les locataires les prix des travaux en augmentant les loyers au‐delà des économies de charge dont les locataires bénéficieront (261). Un autre frein identifié est celui de la complexité des dispositifs d'aides proposées aux bailleurs sociaux pour réaliser des travaux de rénovation (262).
  5. La CNCDH est donc particulièrement inquiète des conséquences que peut engendrer la réduction brutale de la marge de manœuvre budgétaire des bailleurs sociaux. Elle appelle les pouvoirs publics à prendre en compte rapidement cette problématique, qui menace la relation de confiance entre l'Etat et les bailleurs.
  6. La CNCDH rappelle par ailleurs que la rénovation générale du parc social dégradé et des quartiers environnants (végétalisation, accès aux services, relocalisation des commerces et activités à proximité des lieux de vie…) ne peut en aucun cas se faire au détriment des habitants, et surtout pas sans eux. Les locataires doivent absolument être consultés pour tout projet de rénovation susceptibles d'avoir des conséquences sur leurs conditions de vie ; les habitants les plus pauvres ne doivent pas subir une dégradation de leur situation mais pouvoir bénéficier d'un relogement adapté et d'une réelle amélioration du confort de leur habitat au terme des projets de rénovation.
    Recommandation n°26 : la CNCDH, inquiète des difficultés administratives et financières dont se plaignent les bailleurs, qui renoncent à certains travaux de rénovation des logements sociaux dont ils ont la charge, recommande une simplification des démarches administratives pour entreprendre les travaux et un rééquilibrage des financements de l'Etat pour l'amélioration de l'entretien du parc social. Le contrôle de la qualité et de l'efficacité des travaux réalisés devrait par ailleurs intégrer systématiquement la participation de représentants de locataires.

2.3. Le Logement d'abord, politique qui réaffirme le droit au logement, se heurte à des contradictions qui en limitent l'effet

  1. Le plan Logement d'abord, décliné en deux périodes, 2018‐2022 et 2023‐2027, a pour ambition de diminuer de manière significative le nombre de personnes sans domicile. Il se base sur un changement de paradigme, par rapport à la politique française développée jusqu'alors, en proposant une solution de logement à des personnes sans abri, sans que ces dernières aient à franchir des étapes probatoires et que leur « capacité à habiter » ait été testée, limitant ainsi autant que possible leur passage préalable par l'hébergement. Cette initiative a été saluée par de nombreux collectifs et associations (263) et a obtenu des résultats convaincants à l'échelle expérimentale dans le programme « Un chez soi d'abord » (264). Le plan, dans sa mise en place, a par ailleurs permis de mieux coordonner les acteurs de l'hébergement et du logement, des collectivités et de l'Etat, et de la veille sociale et de la santé. L'intermédiation locative (IML) (265) a été développée avec la création de 37 600 nouvelles places entre 2017 et 2022 (266) ; 7 200 places en pension de famille ont été ouvertes (267) et la part des PLAI au sein de la construction des logements sociaux a augmenté (268), notamment celle des PLAI adaptés (269). Des résultats tangibles ont ainsi été observés (270).
  2. Cependant, malgré ces avancées, les résultats du plan 1 se sont révélés pour beaucoup en deçà des attentes (271) et le passage d'un niveau expérimental à une réelle politique publique d'ampleur semble limité, en raison du manque de mobilisation de certains territoires et de l'insuffisance des moyens engagés malgré l'augmentation des crédits mobilisés par l'Etat, empêchant la réalisation de certains objectifs - notamment la mise en place d'un accompagnement « correctement dimensionné, global bien financé et porteur d'une réelle technicité » (272). La réalisation de ces objectifs a pu être freinée par ailleurs par le manque structurel et général de logements à bas loyers disponibles, non compensé par le rythme des nouvelles productions.
  3. De plus, si le principe du logement d'abord a gagné en légitimité selon une approche par les droits, il a en revanche échoué à transformer le système de prise en charge cloisonnant hébergement et logement. Pour les personnes les plus vulnérables, le passage par l'hébergement d'urgence, puis temporaire, demeure toujours le parcours standard avant d'accéder à un logement autonome.
  4. L'ambition du premier plan Logement d'abord de « prévenir les ruptures dans les parcours résidentiels et recentrer l'hébergement sur ses missions de réponse immédiate et inconditionnelle » (273) s'est heurtée également à une autre réalité, celle des évacuations et des expulsions, trop souvent sans solution de relogement, qui continuent par ailleurs à se produire à un rythme soutenu : un nombre record de 17 500 expulsions a en effet été atteint en 2022, soit 38 000 personnes concernées (274). Certes, le plan Logement d'abord 2 a pérennisé les équipes de prévention des expulsions locatives mises en place pendant la période hivernale et a renforcé les Commissions de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) ; néanmoins, le manque de moyens face à l'ampleur de ce problème ainsi que le vote de la loi n° 2023‐668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (dite « antisquat ») (275) inquiètent fortement, même si cette loi compte, selon la DIHAL, « des évolutions favorables à la prévention des expulsions » (276).
  5. Par ailleurs, si la stratégie du Logement d'abord vise à mettre fin au sans‐abrisme, un pan entier de ce public échappe à son champ d'action : les personnes dépourvues de droit au séjour (277), qui n'ont alors accès qu'à des solutions d'hébergement. Enfin, le dispositif financier du plan 2, à l'instar du 1er plan, semble sous‐doté financièrement (278). On observe alors une mise en œuvre inégale du plan sur le territoire. Si 45 territoires avaient répondu aux deux appels à manifestation d'intérêt de l'Etat en 2018 et 2021, de nombreux se sont depuis désengagés, pour des raisons financières et de pénurie de logements disponibles (279).
  6. La CNCDH espère cependant que le déploiement du plan Logement d'abord 2 (dont les objectifs annoncés sont de « produire et mobiliser des solutions de logement adaptées et abordables ; conforter le maintien dans le logement et prévenir les ruptures afin d'éviter la dégradation des situations ; accélérer l'accès au logement et proposer des parcours d'accompagnement en croisant logement, emploi et santé »), permettra de prolonger les dynamiques mises en place dans certains territoires et de les relancer pour les autres. Le budget annoncé de 44 millions d'euros risque toutefois de se révéler insuffisant, selon les analyses des acteurs du secteur (280), et l'on ne peut que recommander qu'il soit réévalué à la hausse en cours de route pour que le déploiement du plan puisse répondre complètement aux enjeux fixés.
    Recommandation n° 27 : la CNCDH recommande qu'une évaluation précise et transparente de l'adéquation des moyens engagés aux objectifs du plan Logement d'abord 2 ainsi que des résultats obtenus en termes d'accès réel au logement soit conduite afin que cette politique puisse être généralisée.

2.4. L'accompagnement au logement, enjeu essentiel dans la politique publique du logement, est à soutenir et renforcer

  1. L'accompagnement au logement, initialement expérimenté dans le champ associatif (281), concernait initialement les personnes les plus éloignées du logement. Il a ensuite été relayé par une politique d'accompagnement vers et dans le logement (AVDL) visant particulièrement des personnes en difficulté économique, sociale et/ou psychologique (10 000 logements accompagnés en 2014). L'expérience, évaluée par la recherche du « Un chez soi d'abord » à l'échelle nationale et internationale, lui a donné une forte validité (282) scientifique et une légitimité certaine dans le champ des acteurs du logement (283). L'accompagnement au logement est fondé sur trois principes : le logement est un droit humain fondamental inconditionnel ; il n'existe pas d'incapacité à habiter ; ce sont les personnes elles‐mêmes qui déterminent prioritairement leurs besoins. Ces principes reconfigurent les modalités d'intervention du travail social. Il s'agit d'aller vers les personnes en difficulté là où elles vivent.
  2. La mise en pratique de ces principes appelle à construire un dispositif d'accueil de logement, d'insertion, de prévention des expulsions et de lutte contre l'habitat indigne selon des modalités variables : l'enjeu est celui de la stabilité résidentielle des personnes, leur expulsion les renvoyant à des logiques de survie.
  3. Ce dispositif se développe dans trois directions visant soit des procédures, soit des personnes, soit des dispositifs collectifs selon une approche par les droits :

- accompagnement à la gestion locative adaptée (aide aux procédures administratives complexes d'accès et d'entrée dans le logement, baux glissants, intermédiation locative…) ;
- soutien psychosocial aux personnes ou médiation sociale (dans des situations d'incurie, de difficultés personnelles, de troubles du voisinage, d'impayés de loyers…) ; la pluri‐professionnalité est à favoriser (travailleurs sociaux, professionnels du care, médiateurs, pairs aidants…) (284) ;
- plateformes d'accompagnement territorialisées au service des usagers, comme les Agences départementales d'information sur le logement (ADIL) (285), permettant de mieux les informer de leurs droits, de les orienter ou de les défendre.

  1. Ces accompagnements nécessitent des professionnels en nombre suffisant, formés et aguerris (286). Or il existe un manque chronique de travailleurs sociaux. Selon le baromètre Fehap‐ Nexem, une fédération d'employeurs associatifs dans les secteurs social, médico‐social et sanitaire, en 2022, 71 % des établissements du secteur rencontraient des difficultés de recrutement et 30 000 postes seraient ainsi vacants dans le secteur (287), une situation qui risque d'empirer compte‐tenu du nombre de départs en retraite à prévoir et d'un phénomène important de démissions (288). Les écoles du travail social peinent de plus en plus à recruter, tandis que la difficulté du travail (nombre de dossiers suivis en augmentation dans un contexte qui plus est de sous‐effectif, perte de sens engendrée par des missions « bureaucratisées », plus lourdes et parfois moins lisibles, embauche conditionnée à la validation des agréments par les départements…) et les bas salaires (qui ont subi par ailleurs un décrochage important par rapport à l'inflation, non suffisamment corrigé par les différentes revalorisations) entraînent une crise des vocations. Des inégalités très problématiques se sont par ailleurs ajoutées à ces éléments qui nuisaient déjà à l'attractivité du métier : l'ensemble des conseils départementaux n'ayant pas voté le Ségur 2 relatif à l'augmentation des salaires des travailleurs sociaux, il existe désormais une différence de salaire entre les travailleurs sociaux d'Etat et ceux financés par le département, que doit compenser l'association opératrice, dont l'équilibre financier est déjà difficile à maintenir.
  2. Pour répondre aux différents enjeux, quelles que soient les modalités d'accompagnement, un certain nombre de problèmes demeurent lorsqu'il s'agit de :

- dépasser le stade expérimental de la logique d'« appel à projet », souvent trop complexe à mettre en œuvre pour les associations, afin d'inscrire l'accompagnement au logement dans les politiques d'habitat social et plus largement du droit commun - ce dépassement nécessite une enveloppe de financement via le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL) plus importante et décentralisée au niveau local et il manque de façon récurrente un cadre pérenne de financement de ces actions ;
- aider à mettre en place des projets interassociatifs pour rassembler des compétences différentes (289) ;
- mieux articuler l'accompagnement à une gestion locative adaptée avec le soutien psychosocial à la personne logée ou en recherche de logement ;
- favoriser le soutien approprié aux besoins des personnes (distinction à faire entre soutien intensif, d'intensité variable et soutien léger) ;
- regrouper de façon plus systématique les services et les ressources d'accompagnement liés aux droits et à l'accompagnement à l'échelle d 'un territoire (290).

Recommandation n° 28 : la CNCDH, constatant que les actions d'accompagnement socio‐ économique, juridique et de soutien psychosocial sont devenues déterminantes pour mettre en œuvre le droit au logement pour tous, recommande de développer de façon pérenne, dans la palette des politiques publiques de logement, des modes d'accompagnement différenciés en fonction des besoins spécifiques des personnes.
Recommandation n° 29 : la CNCDH recommande de répondre au besoin de recrutement de travailleurs sociaux et de revalorisation de leurs conditions d'exercice et de leur salaire. La formation sur la problématique du logement devrait par ailleurs être intégrée plus fortement dans les formations initiales et continues du travail social.

Partie 3
L'augmentation du taux d'effort des ménages et l'insuffisante attribution des logements sociaux abordables aux demandeurs les plus pauvres engendrent une discrimination systémique

3.1. Le taux d'effort des ménages a continué d'augmenter pour les plus pauvres.

3.1.1. Le logement, premier poste de dépense des Français, représente souvent une charge excessive pour les ménages aux revenus les plus bas qui ont vu leur taux d'effort augmenter

  1. En l'absence d'enquête logement actualisée permettant des comparaisons fines quant à l'évolution de la situation depuis 2013, il est indispensable de relever de grandes tendances : le taux d'effort (291) des ménages pour se loger est très différent selon le niveau de vie, le statut d'occupation, l'ancienneté dans le logement ou le territoire. Ainsi, si le taux d'effort moyen des ménages est stable depuis 2009 (oscillant en moyenne autour de 17,5 %), en revanche les « ménages pauvres » ont vu leur taux d'effort, après déduction des aides, augmenter de plus de 3 % entre 2017 et 2020 (passant de 34,3 % à 37,5 %) (292).
  2. Les travaux menés par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) (293) en 2018 à partir de l'enquête logement et de l'enquête budget des familles (294) mettaient en relief la forte augmentation de l'effort financier des ménages à bas revenus depuis les années 2000. L'ONPES note, à partir de l'enquête revenu et patrimoine de l'INSEE de 2017, une augmentation particulièrement sensible pour les locataires du parc privé ayant un revenu qui les place dans le 1er quartile (295) (c'est‐à‐dire les 25 % aux revenus les plus bas) : pour ces locataires, le taux d'effort atteint 42,4 % en moyenne. L'ONPES a proposé la définition d'une « charge excessive de logement » à partir d'un taux d'effort net supérieur à 40 % pour les ménages à revenus bas et modestes. A ces taux d'effort, il faut ajouter un ensemble d'autres dépenses dites « pré‐engagées » (abonnements divers, assurances, cantines scolaires…) et le « reste à vivre » est très faible et en diminution ; le poids des charges liées au logement fragilise considérablement ces ménages.

3.1.2. Les mesures de restrictions budgétaires concernant les aides au logement au cours de la période 2017‐2023 ont été décidées sans que soient suffisamment pris en compte leurs effets négatifs sur les ménages les plus pauvres (296)

  1. Les aides au logement représentent « l'ensemble des avantages financiers (versements ou réductions de dépenses) accordés aux consommateurs ou producteurs de service de logement » (297). Elles sont passées de 2,2 % du PIB en 2010 à 1,6 % en 2022.
  2. Parmi elles, les aides personnelles au logement sont nées en 1948 dans une période de relance de la construction associée à la pénurie de logements (loi n° 48‐1360 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement) : d'abord l'allocation de logement familiale (ALF), puis en 1971 l'allocation de logement sociale (ALS) pour aider les ménages sans enfant du parc privé. L'aide personnalisée au logement (APL), dédiée au parc social, apparaît en 1977, dans le cadre de la réforme dite « Barre » qui vise à privilégier les « aides à la personne » plutôt que les « aides à la pierre » qui s'étaient développées depuis les années 50. L'APL relève du code de la construction ; l'ALF et l'ALS relevaient du code de la sécurité sociale, et depuis 2019, elles relèvent elles aussi du code de la construction ; certaines sont directement versées au propriétaire (298).
  3. En 2018, sur la base de données de 2013, le rapport de l'ONPES, déjà cité, faisait état du rôle d'amortisseur des hausses de loyers et des charges locatives, joué par les aides au logement. Il faisait simultanément le constat que ces aides étaient de moins en moins capables « d'endiguer la hausse générale du coût du logement » (299).
  4. Les différentes mesures portant sur les APL depuis 2017 ont encore accentué la précarité financière des ménages aux revenus le plus faibles - qu'il s'agisse du gel des APL entre 2017 et 2019 (300), de la baisse de 5 euros décidée à l'été 2017, de l'extinction de l'APL‐accession en 2018, et enfin du passage à une prise en compte trimestrielle des revenus et non plus annuelle pour le calcul des APL (301) (par laquelle les jeunes sont particulièrement fragilisés au moment de la prise du 1er emploi).
  5. La mise en œuvre de ces mesures portées techniquement par les CAF est bien évidemment très complexe : lors de la préparation de la loi de finances pour 2023, on peut ainsi lire dans l'un des rapports parlementaires (302) à quel point ces décisions ont un impact social et politique : « cette complexité a généré de nombreux problèmes techniques (les “exceptions”), occasionnant une interruption du versement des aides ou la génération artificielle d'indus. Ces impayés ou la reprise d'indus inexistants en réalité ont suscité de nombreuses incompréhensions de la part des allocataires. Cela a conduit à mettre sous tension les agents des CAF ».
  6. A ces mesures s'ajoute de manière indirecte la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS), dont il a été question plus haut (303). Imposée en 2018 aux bailleurs pour compenser la baisse des APL, cette charge supplémentaire qui pèse sur les bailleurs a nécessairement des conséquences négatives sur les possibilités financières de ces organismes pour rénover et/ou construire.
  7. En conclusion, entre 2018 et 2022, la part des aides au logement dans le PIB (constituée d'aides à la pierre versées aux bailleurs et aux accédants sociaux et d'aides au paiement des loyers, APL et allocations logement) est restée stable (1,6 %). La CNCDH s'inquiète pourtant de l'évolution de la répartition des aides : sur cette période, la RLS a permis de diminuer brutalement d'environ 1 Md€/an la part des aides au loyer, désormais à la charge des bailleurs sociaux, d'autant moins enclins à prendre des risques pour rénover, ou construire des logements à faibles loyers. Dans le même temps les aides distribuées par l'ANAH passaient de 700 M € à 3,4 Md €/an, sans que l'impact social en ait été démontré. Ainsi la part des aides au logement, bien que stable dans le PIB, ne garantit plus du tout dans les mêmes proportions la protection sociale qu'elle finançait jusque‐là.
    Recommandation n° 30 :la CNCDH recommande une réforme des aides au logement qui garantisse un taux d'effort maximum de 25 % pour les ménages du 1er quartile - dès lors que le système actuel des aides au logement ne permet plus de solvabiliser la demande de logement des ménages dont les revenus sont les plus bas.

3.1.3. L'encadrement des loyers dans le logement privé est une mesure pertinente dont les effets sont encore insuffisants

  1. Les loyers augmentent au rythme de l'inflation depuis 2005, selon l'indice de référence des loyers (IRL) (304). Par la loi du 16 août 2022 visant la protection du pouvoir d'achat, l'augmentation de l'IRL a cependant été plafonnée à 3,5 % sur un an pour une inflation de 5,2 % en 2022. Ce plafonnement a été prolongé par la loi du 7 juillet 2023 jusqu'au 31 mars 2024. A cette augmentation s'ajoute, en particulier dans les zones tendues, une réévaluation des loyers à l'occasion des changements de locataires, ce qui explique le loyer au m2 supérieur pour les petits logements dans lesquels le turn‐over est plus important (305).
  2. Pour limiter l'inflation trop importante du taux d'effort, les locataires peuvent s'appuyer sur un dispositif législatif qui prévoit l'encadrement des loyers : la loi ELAN du 23 novembre 2018, dans son article 140, a tout d'abord introduit « à titre expérimental et pour une durée de 8 ans » un dispositif d'encadrements des loyers. Il ne concernait que les trois zones de la métropole du Grand Paris, de la métropole de Lyon et de la métropole d'Aix‐Marseille et comprenait des critères d'éligibilité qui obéraient l'accès de certaines communes qui le souhaitaient au dispositif - comme la ville de Grigny dans l'Essonne. En effet, la procédure d'autorisation a été critiquée car parmi les critères d'autorisation figurait l'insuffisance de la construction de logements, ce qui donne un avantage aux villes réticentes au logement social. La loi n° 2022‐217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS a permis de nouvelles candidatures : en 2024, 24 communes du Pays basque et 21 communes de Grenoble‐Alpes Métropole seront concernées (306).
  3. Pour Paris et l'agglomération parisienne (307), les conclusions des études annuelles de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP) (308) sur l'encadrement des loyers montrent un « effet modérateur réel mais modéré » de cette mesure : à l'occasion des relocations, « les loyers initiaux au‐dessus du plafond ont baissé de 4,2 % en moyenne ». Les effets limités de cette loi sont dus à l'insuffisance des contrôles effectuées par les communes d'une part, et à celle des sanctions prises par les préfets en cas de mise en demeure restée infructueuse d'autre part. On peut noter l'intérêt de promouvoir ces mesures par diverses voies de communication (309).
    Recommandation n° 31 : la CNDH recommande la généralisation de l'encadrement des loyers dans les zones tendues. Elle appelle les communes à renforcer les contrôles et à en dresser un bilan annuel quantitatif et qualitatif (modalités des contrôles effectués). Elle appelle parallèlement les préfets à dresser un bilan de ces actions : mise en demeure du bailleur, fixation de l'amende, recouvrement. La CNCDH soutient la position du Conseil national de la refondation (CNR)‐ logement (310) de février 2023 qui vise à rendre plus efficace l'encadrement des loyers, notamment par l'augmentation des amendes administratives pour les contrevenants aux plafonds fixés.
    Recommandation n° 32 : la CNCDH recommande la pérennisation de l'article 12 de la loi n° 2022‐1158 du 16 août 2022 qui a fixé le plafonnement de l'augmentation annuelle des loyers, dont les effets ont été prolongés par la loi du 7 juillet 2023 jusqu'au premier trimestre 2024.

3.1.4. Les loyers et les charges dans le logement social augmentent alors que de nombreux locataires des logements sociaux s'appauvrissent (311)

3.1.4.1. Dans le logement social, les loyers tendent à se rapprocher du plafond fixé par convention entre le bailleur et l'Etat

  1. La méthode de calcul des loyers des logements sociaux est fondée sur les conditions initiales de financement de ces logements. Or, dans un contexte d'inflation des coûts du foncier, de la construction, de la rénovation, de l'énergie, et simultanément de diminution des moyens de financement des bailleurs sociaux du fait de la baisse des aides de l'Etat et de la ponction sur leurs fonds propres consécutive à la réduction du loyer de solidarité (RLS) (312), les loyers du parc social ne correspondent plus aux possibilités des ménages à faibles revenus (313).
  2. A l'occasion de son étude de 2023 « Le rapprochement des loyers vers leur plafond (314) : un phénomène tendanciel toujours en cours » (315), l'ANCOLS montre que c'est parmi les logements PLAI que la proportion des loyers proches du plafond est la plus importante (61 %).
  3. Pour lutter contre cette tendance, les lois Egalité et citoyenneté (2017) et ELAN (2018) ont prévu à titre expérimental des dispositifs de fixation des loyers dérogatoires : ils permettent de moduler les loyers en‐deçà et au‐delà du plafond dès lors que la masse des loyers reste la même.
  4. Qu'il s'agisse du « loyer unique », de la nouvelle politique des loyers (NPL) puis de la « Politique dérogatoire de fixation des loyers » (loi ELAN), ces dispositifs apparaissent trop complexes et incertains pour être généralisés par les bailleurs (316) ; ils ont été peu utilisés. Seule la métropole de Rennes s'en est réellement emparée dans le cadre d'une expérimentation de 5 ans dite du loyer unique. Toutefois il ressort de l'analyse comparée dans 12 métropoles régionales publiée en septembre 2022 par le collectif inter‐associatif (constitué de solidarités nouvelles pour le logement, la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique, ATD Quart Monde, l'Association DALO, et Habitat et humanisme) que, dans cette ville de Rennes, si trois quarts des logements sociaux se situent hors QPV, « le quart le plus pauvre des demandeurs n'obtient que 13% d'attribution de logements sociaux hors QPV » (317), résultat très décevant au regard des autres villes visées de l'étude.
  5. Pour sortir de cette logique qui éloigne le logement social de sa vocation première, à savoir assurer le droit au logement pour les ménages qui n'ont pas les moyens de se loger dans le parc privé, il convient d'explorer des voies plus radicales, comme l'expérimentation de la quittance adaptée aux ressources du ménage (318).
    Recommandation n°33 : la CNCDH recommande d'expérimenter auprès de bailleurs volontaires, dans des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) volontaires, la quittance adaptée (loyer + charges) aux ressources du ménage ; dans ce cas, il conviendra d'établir une convention spécifique entre l'Etat et le bailleur pour la fixation de l'aide au logement, apportée par convention de l'Etat au bailleur. Cette expérimentation devra donner une perspective financière sécurisée au bailleur.

3.1.4.2. Les charges locatives pèsent de façon importante dans le budget des ménages

  1. Les associations avaient alerté, avant la vague inflationniste de 2021 qui se poursuit, sur le fait « que l'action sur les charges est quant à elle trop souvent négligée » alors que les charges locatives pouvaient représenter jusqu'à « la moitié du loyer principal » (319) et que l'augmentation touche l'ensemble des locataires, tant du parc privé que social (320).
  2. Pour ce qui concerne le parc social, dans le calcul de l'APL, on distingue le loyer et les charges : si, comme l'explique le site aide‐sociale.fr, « la formule de calcul de l'APL est assez complexe », pour les charges, le forfait retenu pour le calcul est, depuis 2007, indexé sur l'IRL, ce qui le fait évoluer moins vite que le coût réel des dépenses d'eau et d'énergie notamment (321). Or la situation s'est encore dégradée malgré le « bouclier tarifaire » pour les personnes aux revenus les plus faibles (322) puisque « les dépenses d'énergie représentent 12,7 % des dépenses de consommation des 10 % des ménages avec les revenus les plus faibles, contre 9,5 % pour les 10 % des ménages avec les revenus les plus élevés » (323).
  3. D'ailleurs, dans l'enquête annuelle 2023 auprès des locataires du parc social l'ANCOLS (324), 28 % des répondants répondent « non » ou « non, pas du tout » à la question : « vos charges ou dépenses de chauffage sont‐elles raisonnables ? ».
  4. Il semble donc essentiel et urgent de revoir l'aide à apporter aux ménages pour qu'ils puissent s'acquitter des charges dans des conditions satisfaisantes.
    Recommandation n° 34 : la CNCDH recommande de mieux prendre en compte la réalité des charges locatives : elle propose de revaloriser le « forfait charges » des aides au logement, en tenant davantage compte, entre autres, du coût de l'énergie.

3.1.5. Le surloyer dans le logement social demeure un dispositif à optimiser pour lutter contre le mal‐logement

  1. Le surloyer ou supplément de loyer solidarité (SLS) est un dispositif qui s'applique aux ménages locataires d'habitations à loyer modéré « dès lors qu'au cours du bail les ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer excèdent d'au moins 20 % les plafonds de ressources en vigueur pour l'attribution de ces logements » (art. L. 441‐3 du CCH code de la construction et de l'habitation). Les logements classés en « zone de revitalisation rurale » ou en « quartier prioritaire de la politique de la ville » sont exclus de la mesure.
  2. Ce dispositif existe depuis 1958 dans l'objectif de favoriser la mixité sociale dans les logements locatifs sociaux, mais aussi d'inciter les locataires les plus aisés à évoluer vers des logements privés.
  3. Au cours du temps, le surloyer a connu certaines évolutions dont la dernière, portée par la loi Egalité et Citoyenneté (2017), est à saluer puisqu'elle a, selon l'ANCOLS, « homogénéisé l'application du SLS sur le territoire national en supprimant de nombreux cas de modulations voire d'exemptions qui limitaient sa portée. Elle a entraîné une augmentation des montants de SLS d'environ 50 % et une diminution des écarts entre les dépenses locatives (somme du loyer et du SLS) au sein du parc social et les loyers du parc privé pour un logement aux caractéristiques équivalentes » (325).
  4. Le « Bilan de l'enquête SLS édition 2022 » (326) quantifie cette mesure : sur les 5 267 900 logements sociaux recensés dans le répertoire du parc locatif social (RPLS), seuls 215 502 locataires dépassent le plafond de ressources et en définitive seuls 83 450 locataires s'acquittent du surloyer.
  5. Les montants des surloyers ont augmenté suite à la mise en œuvre des dispositions de la loi de 2017 et s'ajustent désormais autour de 136 M€/an. Le code de la construction et de l'habitation en son article L. 441‐3‐2 prévoit « pour permettre de satisfaire aux exigences du deuxième alinéa de l'article L. 441, et notamment de favoriser la mixité sociale des villes et des quartiers, [que] le produit du supplément de loyer de solidarité peut être affecté au financement de remises sur le loyer acquitté par les locataires connaissant des difficultés économiques et sociales. Cette remise effectuée par le bailleur doit faire l'objet d'une mention expresse sur la quittance mensuelle délivrée au locataire » (327). Cet article mériterait une application systématique, notamment en zone « tendue », comme le propose le rapport inter‐associatif de 2023 sur « les difficultés d'accès au logement social les ménages à faibles ressources » (328).
    Recommandation n° 35 : la CNCDH recommande d'expérimenter, en priorité dans la métropole du Grand Paris, l'augmentation du surloyer de manière à rapprocher progressivement la dépense de location, incluant le loyer complété du surloyer dans les logements sociaux, des loyers du parc privé ; simultanément, la CNCDH recommande, comme le permet l'article L. 441‐3‐2 du code de la construction et de l'habitation, de réaffecter systématiquement le produit des surloyers à des remises aux locataires à faibles ressources. Elle recommande également d'accompagner les locataires au‐dessus des plafonds de ressources vers la sortie du logement, par des dispositifs tels que le logement à loyer intermédiaire ou l'acquisition immobilière auprès d'un office foncier solidaire, au moyen d'un bail réel solidaire (329).

3.1.6. La politique de prévention des expulsions pour impayés de loyer doit impérativement être renforcée

  1. Les décisions de justice prononçant l'expulsion sont passées de 127 412 en 2016 à 130 514 en 2019 ; depuis cette date les données des ministères de l'intérieur et de la justice relatives aux différentes étapes du contentieux lié à l'expulsion locative font défaut. Seuls ont été transmis par le ministère de l'intérieur - et font l'objet d'un diagramme chronologique dans le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre -, le nombre « d'expulsions locatives avec le concours de la force publique » : il a atteint le chiffre record de 17 500 (330) en 2022.
  2. Il convient face à ces chiffres de souligner que les mesures de prévention prévues sont associées à des solutions de relogement mais aussi d'hébergement. Ainsi en va‐t‐il de l'instruction du 26 avril 2021 (331) : le préfet est invité « à mobiliser les capacités de relogement et d'hébergement […] pour proposer une solution adaptée aux occupants dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement » ; force est de constater qu'avec cette instruction, le droit au logement est refusé en cas d'impossibilité financière.
  3. Un plan de prévention des expulsions a été confié à la DIHAL en 2017, qui s'accompagne d'un guide aux 48 recommandations très ambitieuses ; à titre d'exemple la 1ère recommandation indique par exemple « Afficher dans les documents à caractère programmatique […] des objectifs de développement d'une offre à bas loyers (logements du parc existant ayant un loyer inférieur au PLAI + logements à produire sur la période de référence) : pour ces derniers, contractualiser avec les bailleurs sociaux sur un objectif de 30 % de logements respectant le plafond de loyer APL et le forfait charge » (332) : les décisions budgétaires des années 2017‐2022 ont montré l'impossibilité de tenir ce type d'engagements pour les bailleurs sociaux (333).
  4. La Cour des comptes évaluant en 2022 la prévention des expulsions locatives sur l'exercice 2016‐2021 (334) a relevé un certain nombre de faiblesses des dispositifs mis en oeuvre pour éviter l'expulsion : complexité des procédures, absence d'évaluation, système informatique peu performant, efficacité marginale des Commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) censées coordonner « les acteurs qui, par les aides personnelles qu'ils allouent ou les procédures d'apurement de dettes qu'ils mettent en œuvre, facilitent la reprise des paiements et permettent ainsi de retarder ou d'empêcher l'expulsion » (335) ; à cela s'ajoute le fonctionnement des fonds solidarité au logement (FSL) - dont les règles d'octroi d'aides diffèrent selon les départements, qui ne donnent pas lieu à des publications systématiques.
  5. Par ailleurs, certains détails sont susceptibles de conduire à de nouvelles expulsions pour des ménages, même après apurement de leurs dettes locatives. La délibération relative à la demande d'autorisation auprès des services de la CNIL de l'outil EXPLOC (336) destiné « à améliorer la qualité du service », indique qu'il est prévu « d'effectuer un archivage des dossiers, afin de retrouver plus facilement un dossier en cas de nouvel incident de paiement de loyer pour un locataire en difficulté » : ainsi en dehors de la signature d'un nouveau bail une famille ayant eu à faire face à des impayés de loyers, bien qu'ayant apuré sa dette, verra la procédure initiale reprendre.
  6. De surcroît, en 2023, le message politique s'est montré encore plus incisif par le vote de la loi n° 2023‐668 du 27 juillet visant à protéger les logements de l'occupation illicite, dont le chapitre 2 a pour objet de « sécuriser les rapports locatifs ». Malgré la mobilisation de nombreuses associations, et malgré l'intervention du rapporteur spécial de l'ONU sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, la loi a été promulguée et elle qui durcit certaines des mesures à prendre face aux locataires confrontés à l'impossibilité de payer leur loyer : accélération de la procédure d'expulsion, limitation du pouvoir du juge de maintenir le locataire dans les lieux, amende de 7 500 € en cas de maintien dans les lieux après une décision d'expulsion. Avant l'adoption de cette loi, le président de la CNCDH avait alerté pris la peine d'alerter les sénateurs (337) et les députés (338) sur les risques d'atteinte au droit au logement pour tous, dans un contexte où « le droit au logement opposable (DALO) instauré par la loi du 5 mars 2007 souffre d'un engagement insuffisant de l'Etat, des collectivités territoriales et des bailleurs. Trop de personnes pourtant éligibles à ce droit, notamment parce qu'elles font l'objet d'une mesure d'expulsion sans solution de relogement, n'accèdent pas pour autant à un logement. Par conséquent, la proposition de loi aura pour effet de précariser et de mettre à la rue encore davantage de personnes, et des familles, qui relèveraient pourtant de l'obligation de relogement de l'Etat ».
  7. Si cette loi contient également un volet intéressant consacré à la prévention des expulsions et au renforcement de l'accompagnement des personnes (339), il faudra attendre 2025 pour bénéficier d'un recul sur les retombées éventuelles des nouveaux dispositifs.
  8. La CNCDH ne peut enfin que déplorer le nombre croissant de « commandements de quitter les lieux » (340) et le défaut de bilans relatifs aux expulsions et aux préventions d'expulsions : les données ministérielles sont connues avec retard ; les bilans de l'activité des CCAPEX présidées par le président du conseil départemental ne font l'objet d'aucune production systématique, ni étude nationale.
  9. La CNCDH souhaite également rappeler que selon l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme Winterstein c. France (341), la décision d'expulsion doit se faire dans le respect de la règle de proportionnalité au regard du droit au respect de la vie privée et familiale. Il faut en effet rappeler que la complexité des dispositifs à actionner pour éviter d'entrer dans une procédure d'expulsion, et simultanément l'opacité de ces procédures et la subjectivité des personnes chargées d'instruire les dossiers, si précisément décrites par le sociologue Camille François (342), laissent souvent les personnes concernées dans un grand désarroi.
    Recommandation n° 36 : la CNCDH renouvelle la recommandation de son avis de 2016 de « conduire une politique ambitieuse de lutte contre les expulsions locatives » qui nécessite :

- une connaissance précise des motifs des décisions prises à chaque étape de la procédure d'expulsion ; la CNCDH recommande la publication régulière des statistiques des ministères de l'Intérieur et de la Justice relatives aux procédures d'expulsions engagées pour défaut de paiement de loyers d'une part et celles des commandements de quitter les lieux, des décisions relatives au concours de la force publique, des interventions effectives de la force publique, d'autre part ;
- la mise en cohérence des objectifs et des moyens du plan national de prévention des expulsions élaboré et piloté par la DIHAL ;
- et que tout soit mis en œuvre pour que le droit au logement soit maintenu en cas de particulière vulnérabilité économique.

La CNCDH recommande également d'imposer la signature d'un nouveau bail au bailleur, dès lors qu'une situation d'impayé de loyer a été assainie.

3.2. L'accès au logement social repose sur un processus d'attribution qui rend ineffectif le droit au logement convenable (343) pour les ménages aux revenus les plus faibles.

3.2.1. Des études tendent à montrer que les ménages les plus pauvres sont désavantagés dans l'accès au logement social

  1. Plusieurs études ont montré la difficulté croissante d'accès des ménages les plus défavorisés au logement social. En 2017, la Cour des comptes (344) observait qu'en moyenne, une demande de logement social était pourvue pour 3,91 demandes. En comparaison, pour les ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté, le ratio était d'une sur 4,25 et, pour ceux en grande précarité de logement, elle était d'une sur 5,92. Depuis, la situation s'est encore détériorée, selon une étude de 2022 de l'USH : en 2021, c'est désormais une demande pourvue pour 7,14 demandeurs ayant des revenus inférieurs à 500 euros mensuels par unité de consommation ; une demande pour 4,55 demandeurs percevant entre 1 000 et 1 499 euros ; et une demande pour 5,26 demandeurs percevant entre 1 500 et 2 000 euros (345). Ainsi, les ménages les plus pauvres sont défavorisés dans leur accès au logement social, en dépit de leur incapacité à se loger dans le parc privé.
  2. Une des causes de ce phénomène est le manque d'offre de logements adaptés aux ressources des ménages. Comme évoqué dans la partie 2.1, l'offre de logements très accessibles - PLAI et PLUS d'avant 1977 (346) - ne permet pas de répondre à la demande. Cependant, ce déficit de l'offre ne peut expliquer entièrement l'écart des taux d'attributions aux ménages les plus pauvres (347) par rapport aux autres demandeurs de logement social.
  3. Par ailleurs, l'idée selon laquelle les demandeurs les plus pauvres seraient concentrés dans les zones les plus en tension, ce qui, de fait, réduirait leur chance d'accéder au parc social, est largement contestable (348). En effet, la répartition de la demande de logements sociaux des ménages à faibles ressources est plus focalisée dans les zones B1 (grandes agglomérations hors zone A qui regroupe les zones urbaines très denses) et B2 (agglomérations de taille moyenne et périphérie des agglomérations de la zone A), et elle est moins présente, relativement à la moyenne, en zone tendue A. Le phénomène est inverse pour les demandeurs de logements sociaux aux plus hauts revenus, qui se concentrent majoritairement (65 %) en zone A (349).
  4. Ainsi il apparaît, comme le montrent les travaux de l'économiste Pierre Madec et son équipe dans l'étude « Quelles difficultés d'accès des ménages les plus pauvres au parc social ? » (350) réalisée avec le soutien du Défenseur des droits, que les ménages les plus pauvres font face à des difficultés particulières pour accéder au parc social. Dans cette étude fondée sur une analyse économétrique qui compare l'impact des revenus « toutes choses égales par ailleurs » (offre disponible, composition familiale, motif de la demande, priorisation du dossier, nombre d'enfants, nationalité, statut vis‐à‐vis de l'emploi, localisation de la demande), les auteurs concluent en effet que « les chances d'obtenir un logement ont tendance à croître avec le niveau de vie »351.
  5. Ce résultat est en réalité peu étonnant car dans le système d'attribution, le critère de niveau de revenus des demandeurs est mal pris en compte. Les ménages aux revenus les plus faibles sont, le plus souvent, mis en « concurrence » avec des ménages moins pauvres, mais cumulant d'autres critères de précarité, comme la situation de logement, l'ancienneté de la demande, la composition du ménage ou la situation au regard de l'emploi. A titre d'exemple, l'étude précitée montre qu'à Paris, dans le système de cotation, le critère de vulnérabilité économique (basé sur un taux d'effort élevé et un reste à vivre faible) ne pèse que pour moins de 20 points sur un ensemble de 200 points. Dès lors, la CNCDH considère qu'il serait nécessaire de revaloriser la place du critère économique dans la priorisation des demandes car l'on est en présence d'une discrimination systémique à l'égard des personnes en « particulière vulnérabilité économique » (352).
  6. Ce phénomène a de multiples causes. En particulier, l'insolvabilité des demandeurs les plus précaires est souvent présumée : les bailleurs ne souhaitent, en général, pas prendre le risque d'un taux d'effort supérieur à 35 % (353). Certains bailleurs utilisent, par ailleurs, des critères non prévus par la loi pour attester de la solvabilité des ménages (354) : il en est ainsi du reste à vivre par jour et par personne.
  7. L'impact des pratiques d'attribution sur l'accessibilité du parc social a été analysé en termes qualitatifs dans une recherche universitaire conduite par Pauline Portefaix (355) et quantifié par l'Action Tank Entreprise et Pauvreté (356). En prenant en compte les critères d'attribution d'une cinquantaine de bailleurs sociaux en Ile‐de‐France, l'analyse montre que le taux d'exclusion des demandeurs de logements sociaux, en fonction du critère économique, varierait de 11 à 48 % selon les organismes, certains étant plus sélectifs que d'autres. Au critère de solvabilité s'ajoute celui de la stabilité des ressources et de l'insertion sur le marché du travail, défavorisant les plus précaires. De surcroît, lors des attributions, le lien à la commune est favorisé, et d'autant plus pour les demandeurs à bas revenu (357). Enfin, il a été démontré que les caractéristiques individuelles des ménages ont un effet sur l'obtention effective d'un logement (358), comme l'obtention d'un diplôme, le vécu de situations d'impayé de loyer ou d'expulsion locative, un passé carcéral, ou une nationalité non‐européenne (359), d'autant plus lorsque le niveau de vie est très bas. Le recours à la notion de population à risque s'est ainsi progressivement constitué comme une norme de gestion des bailleurs sociaux et des élus locaux, pour placer le « bon candidat » au « bon endroit » (360).
  8. En réponse aux discriminations systémiques, qui paraissent bien réelles et attentatoires au principe d'égalité entre les personnes, la CNCDH affirme la nécessité, au‐delà des mesures de cotation dont on attend le bilan, d'une plus grande transparence sur les procédures d'attribution, depuis la phase de sélection des candidatures par les bailleurs jusqu'aux Commissions d'attribution de logements et d'examen de l'occupation des logements (CALEOL) qui décident de l'attribution.
  9. Il convient de souligner pour conclure que la loi Egalité et Citoyenneté (LEC) du 27 janvier 2017 poursuivait deux objectifs :

- faciliter l'accès au logement social des ménages aux plus faibles ressources ;
- favoriser la mixité sociale en augmentant l'accueil des ménages les plus modestes hors quartier prioritaire de la ville (QPV) ; elle prévoit qu'au moins 25 % des attributions annuelles (baux signés) hors QPV soient consacrées à l'accueil de demandeurs dont les ressources sont inférieures au seuil du 1er quartile.

  1. Force est de constater, comme l'indique un rapport de l'ANCOLS de 2021 (361), que cette « réforme n'atteint pas aujourd'hui ces objectifs » : « les territoires en zones tendues sont ceux qui sont le plus éloignés du seuil : en zone A ou A bis, 1 seul EPCI/ EPT sur 56 atteint le taux de 25 %, soit moins de 2 % ».
    Recommandation n° 37 : la CNCDH, estimant que les mécanismes d'attribution participent d'un processus de discrimination systémique à l'égard des personnes en « particulière vulnérabilité économique », recommande de veiller à ce que la réglementation relative au logement garantisse l'effectivité du droit au logement pour les ménages aux revenus les plus faibles. La CNCDH suggère notamment de mieux prendre en compte la faiblesse des ressources dans la cotation.

3.2.2. Le droit au logement opposable (DALO) est largement ineffectif.

  1. La loi du 5 mars 2007 (dite « DALO ») a instauré le droit au logement opposable, et la CNCDH tient à souligner l'avancée qu'elle représente, dans la mesure où elle permet aux personnes mal logées de faire valoir leur droit à un logement digne (362). Elle affirme la garantie de l'Etat sur le droit au logement, non plus seulement par une obligation de moyens, mais par une obligation de résultat (363). Selon la Cour des comptes, en 12 ans, 209 509 ménages ont bénéficié d'un relogement adapté, suite à une reconnaissance DALO (364).

3.2.2.1. La baisse du taux de décision favorable est inquiétante

  1. Si en 2008, le taux de décision favorable DALO était de 45,3 %, il était en 2020 de 34,8 %, selon le Haut Comité pour le droit au logement (HCDL) (365). Cette baisse a par ailleurs été enregistrée de façon inégale sur le territoire : en Vendée, en 2020, le taux d'acceptation était de 13,6 %, contre 57,5 % en Isère (366). Cet écart conséquent « interroge quant à un égal traitement des citoyens dans la reconnaissance au titre du Droit au logement opposable » (367) et reflète les pratiques disparates des commissions de médiation (COMED) locales chargées d'instruire les demandes.
  2. De plus, si la corrélation entre territoires sous tension et faible taux de décisions favorables s'est atténuée, le HCDL constate que « les COMED continuent à prendre en compte l'offre de logement sur leur territoire au moment d'instruire les recours DALO » (368), quand bien même elles devraient se prononcer objectivement sur la situation de chaque requérant (369), sur la base des critères d'éligibilité à la reconnaissance DALO.
  3. Enfin, les taux de décisions favorables diffèrent selon les motifs invoqués par les requérants (370), et certaines commissions refusent la reconnaissance pour des motifs abusifs (371), attestant d'une inégale application du droit. Rappelant que « le DALO ne peut révéler l'ampleur des dysfonctionnements de la politique publique du logement que si le nombre de décisions favorables reflète objectivement la situation d'urgence des requérants », la CNCDH se joint au HCDL pour affirmer qu'il est « essentiel que les COMED ne méconnaissent pas leurs prérogatives et ne se retrouvent pas à opérer un tri entre des situations qui relèvent toutes de l'urgence » (372).

3.2.2.2. Le pourcentage d'attribution de logements sociaux aux personnes reconnues prioritaires DALO est insuffisant

  1. Etre reconnu éligible au DALO ne représente pour un ménage qu'une première étape. Il revient alors à l'Etat de proposer rapidement une offre de logement adaptée. Selon la Cour des comptes, à l'échelle nationale, depuis 2008, moins de la moitié des ménages reconnus prioritaires DALO a été relogée dans les délais fixés par la loi (373). En Ile‐de‐France, près d'un tiers des ménages reconnus éligibles au DALO depuis 2008 sont toujours en attente d'une offre de relogement par l'Etat (374), en dépit du caractère urgent de la demande, inhérent à la reconnaissance de priorité DALO.
  2. Cette situation résulte d'un manque de logements sociaux disponibles (375) mais aussi de l'insuffisante identification des contingents préfectoraux (376) et de l'écart considérable entre les obligations légales et la réalité de la mobilisation des contingents dans presque tous les départements : comme l'indique le rapport du HCDL d'octobre 2023, seuls 5 % des logements sociaux en 2021 ont été attribués à des personnes reconnues prioritaires DALO, alors que plus de 93 116 ménages reconnus au titre du DALO attendent un logement depuis plusieurs années (377). L'effort fourni par les bailleurs, les communes et Action Logement quant à leur obligation de consacrer sur le contingent non réservé au moins 25 % de leurs attributions annuelles aux ménages DALO ou, à défaut, aux autres catégories de publics prioritaires (378), est lui aussi très en dessous (379) des objectifs fixés par le législateur en 2017.
  3. A la suite de la Cour des comptes, la CNCDH considère que « le terme de “désignation” parfois mentionné dans le code de la construction et de l'habitation (CCH) introduit une confusion et laisse entendre l'existence d'une possibilité de refus ». Une harmonisation des dispositions juridiques viserait à expliciter le fait que la désignation d'un ménage attributaire d'un DALO par le préfet vaut injonction à loger pour le bailleur.

3.2.2.3. En cas d'injonction à reloger, le système de versement de l'astreinte exonère l'Etat de ses responsabilités

  1. En cas d'absence de relogement d'une personne désignée prioritaire DALO, le juge administratif peut prononcer une injonction à reloger, éventuellement assortie du versement d'une astreinte. Cependant, cette dernière est versée à un fonds géré par les services de l'Etat (le fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, ou FNAVDL), et non directement à la personne concernée. Si ce fonds finance des actions d'accompagnement pour les prioritaires DALO et pour d'autres personnes en situation de précarité au regard de l'accès au logement, la CNCDH considère que cette situation porte une atteinte importante à la notion de droit au logement opposable à l'Etat. Elle déplore que le fonds des associations de solidarité provienne de cette source de financement au détriment des prioritaires DALO.

3.2.2.4. Mixité sociale et droit au logement risquent d'être mis en opposition

  1. A la suite du Défenseur des droits qui souligne les risques discriminatoires soulevés par l'opposition entre exigence de mixité sociale et droit au logement (380), la CNCDH rappelle que si la mixité sociale est un impératif, elle ne saurait en aucun cas être instrumentalisée pour exclure du parc social certains ménages très précaires.
    La CNCDH s'inquiète à ce titre des effets négatifs que pourrait avoir l'application de la circulaire du 18 décembre 2023 relative à la mixité sociale dans les quartiers prioritaires de la ville (381), qui invite à « faire de la mixité sociale la première et unique priorité des politiques d'attribution de logement social dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ».
  2. Faisant suite à Bernard Lacharme, président de l'association DALO, la CNCDH considère que ce serait « commettre une lourde erreur que d'opposer mixité sociale et droit au logement ».
  3. A la lumière des recommandations du HCDL (382), la CNCDH invite à effectuer un recentrage sur l'effectivité d'une loi essentielle pour la lutte contre les inégalités, avec une vigilance particulière au regard :

- de la mise en œuvre de la circulaire du 18 décembre 2023 relative à la mixité sociale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qui demande aux préfets « de ne plus désigner de candidats ayant bénéficié de la reconnaissance d'un Droit Au Logement Opposable (DALO) en situation sociale ou professionnelle précaire » dans les quartiers en politique de la ville ;
- du projet de loi (383) visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux, selon laquelle le maire se verrait déléguer le contingent préfectoral.

  1. Ces multiples éléments amènent la CNCDH à souligner l'ineffectivité du droit au logement opposable pour de très nombreux ménages. A la suite de la Cour des comptes (384), elle s'inquiète du risque que « le DALO devienne de plus en plus source de désillusions grandissantes » (385).
    Recommandation n° 38 : la CNCDH recommande que tous les moyens soient mis en œuvre pour porter la loi DALO à la connaissance des personnes mal logées et pour leur permettre de saisir la commission de médiation de leur département.
    Recommandation n° 39 : la CNCDH recommande que la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) publie chaque année un guide des bonnes pratiques, avec des documents administratifs accessibles et mis à jour (CERFA), diffusé largement auprès des professionnels (mairies, Maisons des solidarités, médecins, assistantes sociales…) et accompagné d'une instruction ministérielle demandant l'application de ce guide par les commissions départementales de médiation (COMED) et l'interdiction d'ajouter, dans leurs règlements intérieurs, d'autres critères que ceux prévus par la loi.
    Recommandation n° 40 : la CNCDH recommande de réformer la procédure spécifique en injonction du DALO, suite à l'absence de proposition de logement, en posant le principe du versement de l'astreinte directement au requérant afin de rendre le dispositif plus juste.
    Recommandation n° 41 : dans la continuité de son avis de 2016, la CNCDH recommande de nouveau, afin de lutter contre les pratiques discriminatoires lors du processus d'attribution :
    41‐a) de veiller à la représentation effective des services déconcentrés de l'Etat, au moins pour les dossiers jugés complexes, dans les Commissions départementales de médiation (COMED) et les Commissions d'attribution de logements et d'examen de l'occupation des logements (CALEOL) ;
    41‐b) de rendre possible la représentation des associations défendant et accompagnant les mal‐logés dans les COMED et les CALEOL ;
    41‐c) de motiver et expliciter les non‐attributions de logement ;
    41‐d) d'expérimenter une procédure de débat contradictoire préalable dans les COMED afin que le requérant DALO puisse être entendu, et accompagné, lorsque sa situation est examinée, surtout si l'instance précitée envisage de rendre une décision défavorable.

Conclusion

  1. Au terme de cet avis, la CNCDH estime que la politique du logement comporte des aspects de discrimination systémique : alors qu'il existe des leviers normatifs pour organiser une solidarité nationale efficace (prévus notamment par les lois SRU, DALO et Egalité et Citoyenneté), le défaut d'évaluation de la cohérence entre arbitrages budgétaires et mise en œuvre des normes - par ailleurs pléthoriques - la complexité des procédures, les limites des réponses aux besoins d'accompagnement et l'absence de contrôles coercitifs en cas d'inapplication des textes, conduisent de fait à exclure du droit au logement décent une partie des personnes dont les revenus sont les plus faibles.

Recommandations formulées par la CNCDH

Recommandation n° 1 : la CNCDH recommande d'améliorer le suivi statistique public quantitatif et qualitatif des personnes sans domicile et d'en renforcer la fréquence pour aider à l'élaboration d'une vraie politique du « logement d'abord », qui vise à faire passer directement de la rue au logement, sans passer par l'hébergement.
Recommandation n° 2 : la CNCDH recommande :

- une mise à jour effective des données du Système national d'enregistrement des demandes de logement social (SNE) par les bailleurs à l'occasion de la décision d'attribution,
- l'ouverture de bureaux enregistreurs de demande de logement social en nombre suffisant sur tout le territoire ;
- la réalisation d'un bilan annuel de l'utilisation du SNE par l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) : mise à jour des données par les bailleurs, évolutions des saisies dans les bureaux enregistreurs.

Recommandation n° 3 : la CNCDH recommande, à la suite des propositions de l'union sociale pour l'habitat pour le Conseil national de la refondation ‐ logement, que les services préfectoraux communiquent « une fois par an aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes un “porter à connaissance” » les encourageant à effectuer l'analyse de la demande à leur échelle.
Recommandation n° 4 : la CNCDH recommande, compte‐tenu de l'importance de l'enquête nationale logement pour la connaissance du logement en France :

- qu'elle soit inscrite de façon prioritaire dans la programmation de la statistique publique ;
- que sa périodicité - initialement prévue pour être reproduite tous les 4 à 6 ans - soit respectée ;
- qu'elle soit toujours déclinée à la fois en France métropolitaine et dans les départements d'outre‐mer ;
- que ses données puissent être exploitées territoire par territoire.

Recommandation n° 5 : la CNCDH recommande aux préfets, à l'occasion du passage de la gestion par stocks des logements des organismes réservataires à la gestion en flux, de produire annuellement les bilans des attributions aux publics prioritaires.
Recommandation n° 6 : la CNCDH recommande aux collectivités d'élaborer, sur des secteurs tendus, des diagnostics permettant de quantifier et qualifier le phénomène de la vacance. Elle conseille en particulier de mettre en place un recensement en suivant la méthodologie préconisée dans le Guide sur la lutte contre la vacance publié fin 2018 par le réseau national des collectivités mobilisées contre le logement vacant (RNCLV) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), afin de garantir la précision et l'harmonisation du recueil des données, ainsi que leur comparabilité.
Recommandation n° 7 : la CNCDH recommande, à la suite du Défenseur des droits, de finaliser le recensement de l'offre de logements adaptés aux différents types de handicap ; en particulier :

- en faisant apparaître dans les bases de données et fichiers relatifs à la construction de logements neufs des informations précises ;
- en recueillant des informations sur l'accessibilité dans le cadre de l'enquête nationale logement et en ajoutant un volet dans les diagnostics exigés pour les nouvelles mises en location ;
- en précisant obligatoirement l'offre de logements adaptés disponibles, par typologie de logement, dans l'ensemble de l'offre de logements sociaux disponibles mise en ligne par les bailleurs.

Recommandation n° 8 : la CNCDH recommande de mettre en œuvre toutes les mesures permettant de mieux connaître le parc indécent, tant dans le secteur privé que dans celui du logement social. Elle invite en particulier à généraliser le permis de louer dans toutes les zones identifiées comme sensibles par les collectivités.
Recommandation n° 9 : la CNCDH recommande, à la suite des préconisations de la Cour des comptes dans son rapport de 2020 sur le logement dans les départements et régions d'outre‐mer (DROM), de :

- fiabiliser l'évaluation des besoins en logement dans chaque DROM, en intégrant les données relatives à l'habitat informel et insalubre.
- mettre en place dans chaque DROM un dispositif de connaissance du parc privé.

Recommandation n° 10 : la CNCDH recommande au Gouvernement de s'assurer que les dispositifs mis à la disposition des habitants sur l'ensemble du territoire pour les aider à sortir d'une situation de mal‐logement sont :

- connus ;
- accessibles et efficaces pour tous ;
- évalués, en particulier par les usagers, avec des résultats rendus publics.

Recommandation n° 11 : la CNCDH recommande, compte‐tenu de l'ampleur des différents phénomènes à évaluer et à mesurer, en particulier dans un contexte d'évolutions sociologiques à tous les âges de la vie (évolution des modèles familiaux, vieillissement de la population et perte d'autonomie), de garantir les moyens et les effectifs attribués aux différents services statistiques de l'Etat et de ses partenaires chargés de la question du logement.
Recommandation n° 12 : la CNCDH, inquiète d'un brutal changement de gouvernance qui redonnerait le pouvoir de décision en matière de logement aux maires, réitère ses recommandations de l'avis de 2016 relatives au rôle prépondérant que doivent avoir les Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de logement, de manière à permettre la mise en œuvre d'une politique de l'habitat adaptée à un territoire. Elle insiste sur la nécessité que l'Etat reste le garant du droit au logement suffisant pour tous sur tout le territoire.
Recommandation n° 13 : la CNCDH recommande de développer des mesures incitatives à la construction de logements sociaux par les communes. Il pourrait s'agir en particulier de la compensation totale et pérenne par l'Etat de l'exonération de la taxe foncière, comme le recommandait le rapport de la commission Rebsamen ; ou encore d'une meilleure prise en compte du nombre de logements sociaux dans la répartition des sommes versées par le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales entre communes.
Recommandation n° 14 : la CNCDH recommande, à la suite des propositions faites par le Conseil national de la refondation - logement, l'expérimentation d'un encadrement du prix du foncier à l'instar de ce qui se pratique pour l'encadrement des loyers, lorsque les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en feront la demande.
Recommandation n° 15 : la CNCDH recommande à l'Etat de veiller à l'encadrement du marché du logement de courte durée :

- en soutenant les initiatives communales qui cherchent à interdire des locations de courtes durées via des plateformes dans des zones où le marché du logement est extrêmement tendu ;
- en organisant une taxation plus favorable aux propriétaires qui louent en baux de longue durée qu'aux propriétaires qui louent en meublés de tourisme ;
- en imposant les mêmes règles de salubrité et de décence aux meublés de tourisme qu'aux autres logements.

Recommandation n° 16 : la CNCDH recommande à l'Etat, aux collectivités et aux bailleurs sociaux de redoubler d'efforts afin que les engagements politiques qui ont été pris pour la construction de 40 000 PLAI/an, mais n'ont pas été tenus, puissent être rattrapés ; elle estime qu'il s'agit d'une obligation de résultat.
Recommandation n° 17 : la CNCDH recommande aux pouvoirs publics d'être vigilants quant à la définition du « logement social » et aux caractéristiques des logements concernés par la loi n° 2000‐1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU. Elle recommande de ne pas introduire les « logements intermédiaires » dans le décompte des obligations SRU, sous peine de dénaturer l'esprit de l'article 55 de la loi.
Recommandation n° 18 : la CNCDH réitère sa recommandation de 2016 de transférer la compétence de statuer sur les arrêtés de carence au préfet de région, moins exposé à la pression directe des élus locaux, de façon à réduire la part de subjectivité dans l'établissement du constat de carence et la modulation des pénalités.
Recommandation n° 19 : la CNCDH recommande de substituer à la pénalité pour carence appliquée aux communes ne respectant pas les objectifs de logements sociaux de la loi n° 2000‐1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) une surtaxe temporaire, assise sur la valeur des biens immobiliers et fonciers détenus par les propriétaires des communes concernées, hors bailleurs sociaux et quartiers de la politique de la ville. Ces surtaxes pour carence financées par les propriétaires seront reversées au fonds de solidarité pour le logement du département.
Recommandation n° 20 : la CNCDH recommande de dresser un bilan de la mise en œuvre des contrats de mixité sociale négociés dans les communes soumises à la loi n° 2000‐1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et de leur impact sur l'atteinte des objectifs de production globale de logement social.
Recommandation n° 21 : la CNCDH recommande qu'une réflexion soit engagée sur les moyens de lever les freins fiscaux et juridiques lors des opérations d'acquisition rénovation et sur une simplification des démarches. Cette réflexion pourrait être confiée à une mission interministérielle dédiée au renouveau urbain.
Recommandation n° 22 :
22‐a) La CNCDH recommande aux collectivités locales, à l'occasion de la taxation des logements vacants, de mieux faire connaître aux propriétaires concernés les dispositifs qui leur permettent de contribuer à la lutte contre le mal‐logement - en termes de rénovation (aides possibles), d'intermédiation locative (louer son bien via un tiers social) ou de vente à des organismes de foncier solidaire (pour la réalisation de baux réels solidaires).
22‐b) La CNCDH recommande un effort accru et soutenu de développement de l'intermédiation locative, passant par le soutien apporté aux organismes solidaires qui accompagnent propriétaires et locataires, aux plans financier et administratif, et par la formation et l'aide au recrutement des travailleurs sociaux.
Recommandation n° 23 : la CNCDH recommande une relance forte de l'accession sociale en zone tendue pour faciliter les parcours résidentiels et les sorties du parc locatif social. A cette fin doivent être confortés et pérennisés, d'une part les moyens financiers du Fonds national d'aide à la pierre, d'autre part les deux outils permettant une baisse des coûts de l'accession sociale que sont le bail réel solidaire et l'Office foncier solidaire. La CNCDH recommande en outre que l'ANCOLS évalue régulièrement l'atteinte de cet objectif, en particulier la vocation de l'accession sociale, à savoir limiter la gentrification et la spéculation immobilière et libérer des logements locatifs sociaux.
Recommandation n° 24 : la CNCDH recommande un suivi de mise en œuvre des propositions de la « mission relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne », dont le rapport a été remis le 23 octobre 2023 au ministre chargé du logement.
Recommandation n° 25 : la CNCDH recommande un rééquilibrage des financements de travaux par l'ANAH de manière à réellement améliorer « l'habitat indigne et très dégradé » ; elle suggère qu'une évaluation de l'usage des 2,74 Md€ consacré en 2025 à « MaPrimeRenov' » soit effectuée à cette occasion.
Recommandation n° 26 : la CNCDH, inquiète des difficultés administratives et financières dont se plaignent les bailleurs, qui renoncent à certains travaux de rénovation des logements sociaux dont ils ont la charge, recommande une simplification des démarches administratives pour entreprendre les travaux et un rééquilibrage des financements de l'Etat pour l'amélioration de l'entretien du parc social. Le contrôle de la qualité et de l'efficacité des travaux réalisés devrait par ailleurs intégrer systématiquement la participation de représentants de locataires.
Recommandation n° 27 : la CNCDH recommande qu'une évaluation précise et transparente de l'adéquation des moyens engagés aux objectifs du plan logement d'abord 2 ainsi que des résultats obtenus en termes d'accès réel au logement soit conduite afin que cette politique puisse être généralisée.
Recommandation n° 28 : la CNCDH, constatant que les actions d'accompagnement socio‐ économique, juridique et de soutien psychosocial sont devenues déterminantes pour mettre en œuvre le droit au logement pour tous, recommande de développer de façon pérenne, dans la palette des politiques publiques de logement, des modes d'accompagnement différenciés en fonction des besoins spécifiques des personnes.
Recommandation n° 29 : la CNCDH recommande de répondre au besoin de recrutement de travailleurs sociaux et de revalorisation de leurs conditions d'exercice et de leur salaire. La formation sur la problématique du logement devrait par ailleurs être intégrée plus fortement dans les formations initiales et continues du travail social.
Recommandation n° 30 : la CNCDH recommande une réforme des aides au logement qui garantisse un taux d'effort maximum de 25 % pour les ménages du 1er quartile - dès lors que le système actuel des aides au logement ne permet plus de solvabiliser la demande de logement des ménages dont les revenus sont les plus bas.
Recommandation n° 31 : la CNDH recommande la généralisation de l'encadrement des loyers dans les zones tendues. Elle appelle les communes à renforcer les contrôles et à en dresser un bilan annuel quantitatif et qualitatif (modalités des contrôles effectués). Elle appelle parallèlement les préfets à dresser un bilan de ces actions : mise en demeure du bailleur, fixation de l'amende, recouvrement. La CNCDH soutient la position du Conseil national de la refondation (CNR)‐ logement (386) de février 2023 qui vise à rendre plus efficace l'encadrement des loyers, notamment par l'augmentation des amendes administratives pour les contrevenants aux plafonds fixés.
Recommandation n° 32 : la CNCDH recommande la pérennisation de l'article 12 de la loi n° 2022‐1158 du 16 août 2022 qui a fixé le plafonnement de l'augmentation annuelle des loyers, dont les effets ont été prolongés par la loi du 7 juillet 2023 jusqu'au premier trimestre 2024.
Recommandation n° 33 : la CNCDH recommande d'expérimenter auprès de bailleurs volontaires, dans des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) volontaires, la quittance adaptée (loyer + charges) aux ressources du ménage ; dans ce cas, il conviendra d'établir une convention spécifique entre l'Etat et le bailleur pour la fixation de l'aide au logement, apportée par convention de l'Etat au bailleur. Cette expérimentation devra donner une perspective financière sécurisée au bailleur.
Recommandation n° 34 : la CNCDH recommande de mieux prendre en compte la réalité des charges locatives : elle propose de revaloriser le « forfait charges » des aides au logement, en tenant davantage compte, entre autres, du coût de l'énergie.
Recommandation n° 35 : la CNCDH recommande d'expérimenter, en priorité dans la métropole du Grand Paris, l'augmentation du surloyer de manière à rapprocher progressivement la dépense de location, incluant le loyer complété du surloyer dans les logements sociaux, des loyers du parc privé ; simultanément, la CNCDH recommande, comme le permet l'article L. 441‐3‐2 du code de la construction et de l'habitation, de réaffecter systématiquement le produit des surloyers à des remises aux locataires à faibles ressources. Elle recommande également d'accompagner les locataires au‐dessus des plafonds de ressources vers la sortie du logement, par des dispositifs tels que le logement à loyer intermédiaire ou l'acquisition immobilière auprès d'un Office foncier solidaire, au moyen d'un bail réel solidaire.
Recommandation n° 36 : la CNCDH renouvelle la recommandation de son avis de 2016 de « conduire une politique ambitieuse de lutte contre les expulsions locatives » qui nécessite :

- une connaissance précise des motifs des décisions prises à chaque étape de la procédure d'expulsion ; la CNCDH recommande la publication régulière des statistiques des ministères de l'Intérieur et de la Justice relatives aux procédures d'expulsions engagées pour défaut de paiement de loyers d'une part et celles des commandements de quitter les lieux, des décisions relatives au concours de la force publique, des interventions effectives de la force publique, d'autre part ;
- la mise en cohérence des objectifs et des moyens du plan national de prévention des expulsions élaboré et piloté par la DIHAL ;
- et que tout soit mis en œuvre pour que le droit au logement soit maintenu en cas de particulière vulnérabilité économique.

La CNCDH recommande également d'imposer la signature d'un nouveau bail au bailleur, dès lors qu'une situation d'impayé de loyer a été assainie.
Recommandation n° 37 : la CNCDH, estimant que les mécanismes d'attribution participent d'un processus de discrimination systémique à l'égard des personnes en « particulière vulnérabilité économique », recommande de veiller à ce que la réglementation relative au logement garantisse l'effectivité du droit au logement pour les ménages aux revenus les plus faibles. La CNCDH suggère notamment de mieux prendre en compte la faiblesse des ressources dans la cotation.
Recommandation n° 38 : la CNCDH recommande que tous les moyens soient mis en œuvre pour porter la loi DALO à la connaissance des personnes mal logées et pour leur permettre de saisir la commission de médiation de leur département.
Recommandation n° 39 : la CNCDH recommande que la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) publie chaque année un guide des bonnes pratiques, avec des documents administratifs accessibles et mis à jour (CERFA), diffusé largement auprès des professionnels (mairies, maisons des solidarités, médecins, assistantes sociales…) et accompagné d'une instruction ministérielle demandant l'application de ce guide par les commissions départementales de médiation (COMED) et l'interdiction d'ajouter, dans leurs règlements intérieurs, d'autres critères que ceux prévus par la loi.
Recommandation n° 40 : la CNCDH recommande de réformer la procédure spécifique en injonction du DALO, suite à l'absence de proposition de logement, en posant le principe du versement de l'astreinte directement au requérant afin de rendre le dispositif plus juste.
Recommandation n° 41 : dans la continuité de son avis de 2016, la CNCDH recommande de nouveau, afin de lutter contre les pratiques discriminatoires lors du processus d'attribution :
41‐a) de veiller à la représentation effective des services déconcentrés de l'Etat, au moins pour les dossiers jugés complexes, dans les Commissions départementales de médiation (COMED) et les Commissions d'attribution de logements et d'examen de l'occupation des logements (CALEOL) ;
41‐b) de rendre possible la représentation des associations défendant et accompagnant les mal‐logés dans les COMED et les CALEOL ;
41‐c) de motiver et expliciter les non‐attributions de logement ;
41‐d) d'expérimenter une procédure de débat contradictoire préalable dans les COMED afin que le requérant DALO puisse être entendu, et accompagné, lorsque sa situation est examinée, surtout si l'instance précitée envisage de rendre une décision défavorable.

(1) CNCDH, Avis « Logement : un droit pour tous ? » ‐ Permettre un accès effectif et non discriminatoire au logement, Assemblée plénière du 16 juin 2016.
(2) Loi n° 82‐526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs.
(3) Loi n° 90‐449 du 31 mai 1990 visant la mise en œuvre du droit au logement dont l'article premier dispose que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation ».
(4) En s'appuyant sur les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision n° 94‐359 du 19 janvier 1995 concernant la loi n° 95‐4 relative à la diversité de l'habitat, que « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ».
(5) Entrent dans la définition du mal‐logement la privation de logement et sa précarité, l'insalubrité et les défauts graves de confort, la suroccupation et l'inadaptation à la composition du ménage, un taux d'effort important et un faible reste à vivre ou encore la ségrégation spatiale. Voir CNIS, Rapport Le mal‐logement, n° 126, juillet 2011, et INSEE, Les conditions de logement en France édition 2017, point 8.1., INSEE Références, 21 février 2017. Voir également Fondation Abbé Pierre, 26e rapport sur l'Etat du mal‐logement en France, mars 2021, p. 254 et suivantes.
(6) En plus des différents rapports annuels de la Fondation Abbé Pierre sur l'Etat du mal‐logement en France, voir par exemple Actualités Habitat n° 1190, « Conseil national de la refondation : un coup pour rien ou un coup d'avance ? », 15 juin 2023 ; l'interview de Véronique Bédague, PDG du groupe immobilier Nexity, dans Le Monde du 7 septembre 2023 ; et l'interview d'Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, dans Le Monde du 2 octobre 2023.
(7) « La première bataille, c'est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d'ici la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C'est une question de dignité, c'est une question d'humanité et d'efficacité là aussi » : déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur la question migratoire et le droit d'asile, à Orléans », 27 juillet 2017.
(8) Version originale : « As the 7th largest economy in the world, with a long tradition of social housing and human rights, it is difficult to justify the housing conditions experience by the most vulnerable in France » ; voir rapport de la rapporteure spéciale sur le droit à un logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant et au principe de non‐discrimination dans ce contexte, mars 2020.
(9) Communication conjointe du rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, ainsi que sur le droit à la non‐discrimination à cet égard et du rapporteur spécial sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, 30 mars 2023.
(10) Lettre du président de la CNCDH au Sénat concernant la PPL visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, 30 janvier 2023. La lettre alertait aussi sur le respect de l'examen par un juge de la proportionnalité par rapport à la situation des personnes visées par une mesure d'expulsion, affirmée par la Cour européenne des droits de l'Homme.
(11) Voir « Guide sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ‐ Droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance », mis à jour au 31 août 2022.
(12) CERD, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, E/C.12/FRA/CO/5, 30 octobre 2023.
(13) Plusieurs recommandations publiées le 17 juillet 2023 dans le rapport du groupe de travail sur l'examen périodique de la France portent sur les moyens mis en place pour garantir le droit à un logement convenable pour tous, en particulier pour les groupes les plus vulnérables.
(14) Voir Pierre Madec, OFCE‐ONPES, « Quelle mesure du coût économique et social du mal logement ? », Revue de l'OFCE n° 146, 2016.
(15) Le Monde, « Crise du logement : le gouvernement lance un plan de soutien destiné aux travailleurs et aux étudiants », 16 novembre 2023.
(16) « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien‐être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».
(17) « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle‐même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence. Les Etats parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit ». Les experts de l'ONU (le rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, ainsi que sur le droit à la non‐ discrimination à cet égard et le rapporteur spécial sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme) précisent dans leur communication conjointe du 30 mars 2023 que « cette disposition doit être interprétée à la lumière des observations générales n° 4 (1991) et n° 7 (1997) du Comité des droits économiques et sociaux, portant respectivement sur le droit à un logement suffisant et sur les expulsions forcées, ainsi qu'en tenant compte des Principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'Homme (A/HRC/21/39, 18 juillet 2012) et des Lignes directrices relatives à la réalisation du droit à un logement convenable (A/HRC/43/43, 26 décembre 2019). A noter que le droit à un logement décent pour tous correspond également à plusieurs objectifs du développement durable, notamment le 1 “pas de pauvreté”, le 9 “industrie, innovation et infrastructure”, le 10 “inégalités réduites” et le 11 “villes et communautés durables” ».
(18) « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
(19) « Afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales ».
(20) Voir La Santé en action, « Le logement, déterminant majeur de la santé des populations », septembre 2021, n° 457.
(21) Pour une définition de la discrimination systémique, voir les actes de la journée d'études « De la mobilisation collective à la reconnaissance des discriminations systémiques en droit » organisée par le Défenseur des droits le 24 novembre 2021, p. 32.
(22) Pour une synthèse des outils et sources disponibles, voir Jean‐Claude Driant, « Statistiques sur le logement », sur le site Politiquedulogement.com, mars 2023, ainsi que le référé S2022‐0931 de la Cour des comptes évoqué ci‐dessous.
(23) Référé S2022‐0931 de la Cour des comptes du 12 mai 2022, « La production et l'utilisation des données utiles à la politique du logement », 18 mai 2022.
(24) Sur ce sujet, voir le référé n° S2022‐0931 de la Cour des comptes du 12 mai 2022 (déjà cité) et l'article de Bernard Coloos du 3 octobre 2022 dans la revue en ligne Politiquedulogement.com.
(25) Lors des opérations « Nuits de la solidarité » menées dans plusieurs grandes villes.
(26) Site de présentation de la plateforme Résorption‐Bidonvilles.
(27) Il faudrait y ajouter les personnes expulsées de leur domicile, mais il est à noter que les données sur les expulsions locatives sont difficiles à exploiter depuis la réforme des tribunaux.
(28) La Cour des comptes a également réalisé une estimation du nombre de personnes sans domicile pendant la crise sanitaire : Cour des comptes, « L'hébergement et le logement des personnes sans domicile pendant la crise sanitaire du printemps 2020 », novembre 2020.
(29) Voir rapport FAP 2023, p. 165 à 192.
(30) INSEE, « Enquête auprès des personnes fréquentant des services d'aide », 25 mars 2024.
(31) Voir dossier législatif de la Proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune.
(32) Voir infra, 2.3.
(33) Ce manque de fiabilité des données est souligné par des bailleurs, des réservataires, des associations, mais aussi la Cour des comptes. Voir en particulier Rapport inter‐associatif sur les difficultés d'accès au parc social des ménages à faibles ressources, juin 2020, p. 42‐46 ; P. Madec et al., « Quelles difficultés d'accès des ménages les plus pauvres au parc social ? », octobre 2023, p. 8 ; et Cour des comptes, Rapport public annuel 2020, tome II, p. 127 à 134.
(34) Code de la construction et de l'habitat, art. L. 441‐1.
(35) Voir Cour des comptes, ibid. Le numéro unique n'est pour le moment toujours pas national (voir site « Ma demande de logement social »).
(36) Dans le cas de demandes d'une même personne dans plusieurs départements, par exemple, ou d'une double demande réalisée par les deux membres d'un même couple. Des demandes de personnes non éligibles peuvent également venir fausser le décompte.
(37) Cour des comptes, Rapport public annuel 2020, déjà cité.
(38) Dans le respect de ce qu'implique le règlement européen sur la protection des données personnelles.
(39) Dans son tableau de bord 2022 des attributions de logements sociaux, publié le 23 janvier 2024, l'ANCOLS note que « de même qu'en 2021, le nombre d'attributions pour lesquelles le revenu n'est pas renseigné a augmenté par rapport à l'année précédente (+ 6 %) pour atteindre plus de 100 000 unités, soit 24 % de l'ensemble des attributions. Or, pour rappel, le bailleur a l'obligation d'actualiser les informations de la demande en fonction de la situation de l'attributaire au moment de la demande, dont le RFR, donnée indispensable à l'attribution (cf. article R. 441‐2‐9 du CCH). En plus d'être totalement anormal d'un point de vue opérationnel, ce manque d'informations limite grandement l'analyse en termes de plafonds » (ANCOLS, « Les attributions de logements sociaux - Tableau de bord 2022 », 23 janvier 2024).
(40) Cour des comptes, Rapport public annuel 2020, déjà cité.
(41) Sur ce sujet, voir INSEE, L'économie et la société à l'ère du numérique, 2019 ; voir également Crédoc, Baromètre du numérique ‐ édition 2022, janvier 2023.
(42) Parmi les territoires qui n'ont pas suffisamment de bureaux enregistreurs de demandes, on compte notamment la Guyane, qui n'en dispose que d'un seul à Cayenne, alors que le taux d'illettrisme y est près de 3 fois supérieur à la moyenne nationale.
(43) Contribution de l'Union sociale pour l'habitat au CNR - Logement, 15 février 2023, GT2, p. 7.
(44) A noter : le recensement permet également de recueillir des informations sur le confort des logements (voir INSEE, 50 ans d'évolution des résidences principales : des logements plus grands et moins peuplés, INSEE première n° 1865, 30 juin 2021).
(45) Les derniers chiffres sont fondés sur le recensement de 2016 - 5 millions de personnes, hors Mayotte vivent dans un logement suroccupé ; voir INSEE focus n° 189, 21 avril 2020.
(46) A noter : l'enquête européenne « Statistics on Income and Living Conditions » (EU‐SILC) contient certaines questions sur le logement, mais son volet français « Statistiques sur les ressources et les conditions de vie des ménages » (SCRV), s'appuie sur un échantillon plus petit et sur un nombre de questions nettement moins développé que l'ENL. Il permet de calculer un indicateur, détaillé, de pauvreté en conditions de vie, mais se pose la question de la continuité des séries.
(47) Voir présentation de l'enquête logement sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
(48) L'enquête, auparavant réalisée en face à face, est désormais réalisée en multimode séquentiel ; informations disponibles sur le site de l'INSEE.
(49) A noter : la suppression de la taxe d'habitation à partir de 2023 risque d'entraîner cependant la perte d'un certain nombre d'informations. Par ailleurs subsiste la problématique des personnes sans abri, sans domicile fixe et sans revenus.
(50) Voir le rapport de la Cour des comptes, Le droit au logement opposable ‐ une priorité à restaurer, 21 janvier 2022.
(51) Voir le rapport du Haut Comité pour le droit au logement, 15 ans après la loi DALO, un nécessaire rappel à la loi (bilan chiffré 2008‐2020), 11 mai 2022.
(52) HCDL, Bilan et perspectives des attributions de logements sociaux réservés par l'Etat aux ménages mal‐logés, 4 octobre 2023.
(53) Il s'agit du « contingent « prioritaire » du préfet qui recense les droits de réservation du préfet pour le logement des ménages reconnus DALO et prioritaires ; il doit être intégralement consacré au logement des ménages reconnus DALO et, à défaut, aux personnes prioritaires : autrement dit, la totalité (100 %) du contingent « prioritaires » de l'Etat (représentant 25 % du parc social d'un bailleur dans un département ou 25 % du flux annuel de logements d'un bailleur dans un département) doit être attribuée à des ménages reconnus DALO et, à défaut, aux autres publics prioritaires » (HCDL, op.cit.).
(54) Rapport de Mme Marie‐Arlette Carlotti à Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, L'effectivité du droit au logement opposable - Mission d'évaluation dans 14 départements, décembre 2016.
(55) Exposé des motifs de la loi Elan.
(56) Voir sur ce point la fiche diffusée sur le site du ministère chargé du logement.
(57) Voir HCDL, 4 octobre 2023, op. cit., p. 24.
(58) On exclut de la définition de la vacance ici les résidences secondaires inoccupées, qui sont meublées, contrairement à un logement vacant (cette définition résulte de l'application de la taxe sur les logements vacants). La vacance a atteint en 2023 8,2 % du parc total de logements, selon la dernière estimation publiée par l'INSEE, soit 3,1 millions de logements vacants. Voir INSEE ; ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, service des données et études statistiques (SDES) ; estimations annuelles du parc de logements au 1er janvier 2023 ; voir également SDES, Data lab « Logements vacants », édition 2022.
(59) Voir la présentation du « Plan national de lutte contre les logements vacants » sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
(60) Données « LOVAC » du 1er janvier 2021.
(61) Données DHUP, en partenariat avec le CEREMA Hauts‐de‐France : « issu du croisement des fichiers 1767BISCOM et des Fichiers Fonciers retraités par le CEREMA, le fichier est une extraction agrégée des données LOVAC désormais disponibles en open data par commune et par EPCI. Ces données permettent de dénombrer le nombre de logements du parc privé vacants par commune et par EPCI et par ancienneté de vacance. Elles permettent ainsi de distinguer la vacance de courte durée, dite frictionnelle, de la vacance de longue durée, dite structurelle, cible du plan national de lutte contre les logements vacants ».
(62) Voir « LOVAC Comprendre et agir sur la vacance de logement »
(63) Voir « Datavisualisation sur le logement vacant en France ».
(64) Crédoc/ANCOLS, La vacance des logements dans le parc social et la mobilité des ménages, 2022.
(65) RNCLV/ANAH, Guide sur la lutte contre la vacance, 2018, p. 17‐28 en particulier.
(66) Défenseur des droits, avis 18‐13 du 11 mai 2018.
(67) Article L. 2143‐3 du code général des collectivités territoriales.
(68) IMOPE, Observatoire des données de l'habitat.
(69) Ministère de la transition écologique, ANAH, ADEME, CEREMA…
(70) L'école a créé une entreprise, l'URBS, pour porter le projet.
(71) Des informations sur l'accessibilité pourraient être incluses dans les données publiées du Répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS), qui « a pour objectif de dresser l'Etat global du parc de logements locatifs “ordinaires” des bailleurs sociaux au 1er janvier de l'année de collecte (nombre de logements, modifications intervenues au cours de l'année écoulée, localisation, taux d'occupation, mobilité, niveau des loyers, financement et conventionnement) ». Les dernières données, au 1er janvier 2023, ont été publiées le 21 décembre 2023. Voir par ailleurs la carte interactive (données 2019) et « Données sur le parc locatif des Bailleurs Sociaux » 2022. L'outil recensant « l'offre par commune », qui exploite des données de 2022 à la date de consultation du site, le 8 février 2024, les ventile par commune, type de logement et bailleur, mais ne précise pas le nombre de logements PMR. En revanche, une revanche avancée selon ce critère est possible sur le site Bienvéo, développé par l'Union sociale pour l'habitat, une initiative à saluer ; mais l'ensemble du parc n'y est malheureusement pas recensé.
(72) Voir USH, « Bienvéo : logements sociaux disponibles à la location (Outil de recherche) ».
(73) Voir aussi CNCDH, Rapport « Les politiques publiques du handicap », assemblée plénière du 5 juillet 2023.
(74) « Constituent un habitat indigne les locaux ou les installations utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes, pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé », termes repris dans l'article 84 de la loi n° 2009‐323 du 25 mars 2009.
(75) CCH, art. L. 511‐2, alinéa 1‐2‐3.
(76) CCH, art. L. 511‐2, alinéa 4.
(77) L. 1331‐22 et L. 1331‐23 du code de la santé publique : « ne peuvent ainsi être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, les locaux insalubres dont la définition est précisée conformément aux dispositions de l'article L. 1331‐22 (mention est faite du plomb), que constituent les caves, sous‐sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, pièces de vie dépourvues d'ouverture sur l'extérieur ou dépourvues d'éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë, et autres locaux par nature impropres à l'habitation, ni des locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur‐occupation) » (CSP, art. L. 1331‐23).
(78) Voir par exemple Banque des territoires, « Logement décent : un décret technique qui fait polémique », 15 septembre 2023.
(79) Le logement décent « est protégé contre les infiltrations d'air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante. » et : « Le logement permet une aération suffisante » ; voir décret n° 2017‐312 du 9 mars 2017.
(80) « Le logement a une consommation d'énergie, estimée par le diagnostic de performance énergétique défini à l'article L. 126‐26 du code de la construction et de l'habitation, inférieure à 450 kilowattheures d'énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an » ; voir décret n° 2002‐120 du 30 janvier 2002, art. 3 bis.
(81) « Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon Etat d'usage et de fonctionnement » ; les éléments liés à l'équipement sanitaire (ex. : WC séparés de la cuisine) sont précisés ; voir décret n° 2002‐120 du 30 janvier 2002.
(82) L'exercice des polices de lutte contre l'habitat indigne est dévolu au préfet ou au maire ; ce pouvoir a fait l'objet d'une rénovation dans le cadre de la loi Elan. Toutefois, ce cas de figure couvre uniquement les situations les plus graves, où le risque d'atteinte à la santé de l'occupant est avéré et immédiat. Autour de 3 000 arrêtés sont pris chaque année par les préfets (en 2021, 2 879 arrêtés d'insalubrité ont été pris, en 2022, 3 160).
(83) Estimation produite par une approche statistique qui croise les données relatives à la qualité du logement et aux revenus. A noter également : une enquête nationale « Lutte contre l'habitat indigne », évoquée par la mission Lutz/Hanotin (voir ci‐dessous) a également été menée en 2022 par le Pôle national de lutte contre l'habitat indigne et la direction générale de la santé.
(84) SDES, « Les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020 », Data Lab, décembre 2022.
(85) Voir à titre d'exemples les différents documents produits par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).
(86) Voir Pôle de compétence et d'innovation de « Lutte contre l'habitat indigne » du CETE Méditerranée pour la DGALN, « Guide méthodologique sur le repérage de l'habitat indigne », juin 2013.
(87) « Il ne fonctionne pas à l'adresse et ne permet donc pas d'identification des immeubles à traiter dans une perspective opérationnelle sur des périmètres restreints. Pour ce faire, il convient de mobiliser d'autres types de données (fichier des propriétés bâties, matrice de taxe d'habitation, fichier des plaintes et signalements pour insalubrité…), sans pouvoir éviter les enquêtes de terrain », pouvait‐on lire sur le site geo.data.gouv.fr, avant sa désactivation le 21 mars 2024.
(88) DREAL, « Indicateurs et dispositifs contre la précarité », in INSEE Dossier Bretagne n° 3, juin 2018.
(89) Ces diagnostics permettent notamment de contrôler la présence de plomb, d'amiante ou encore de certains nuisibles dans le logement. Les données sur l'amiante sont centralisées au niveau national par le ministère de la santé qui en publie une synthèse.
(90) Il faut prendre en compte également les chiffres publiés par l'Observatoire de la rénovation énergétique.
(91) A noter cependant : la fiabilité du DPE fait l'objet de débats et a été remise en cause, en particulier pour les petites surfaces ; voir annonce sur ce sujet du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 12 février 2024.
(92) Notamment dans le cadre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) ou des plans de sauvegarde des copropriétés en difficulté mis en place par les préfets en concertation avec les collectivités.
(93) La DRIHL 93 par exemple, qui possède un partenariat pour réaliser des permanences d'accueil de personnes et un accompagnement sur le signalement de l'habitat indigne.
(94) Au 6 décembre 2022, Histologe était déployé sur 58 territoires, avait reçu 20 710 signalements et permis, selon les statistiques du site internet, de régler un problème de mal‐logement pour 2 128 foyers. A noter cependant : environ un quart des signalements sont clôturés en raison du départ de l'occupant, de l'abandon de la procédure ou faute de réponse, une proportion qui peut conduire à nuancer l'efficacité du dispositif.
(95) Histologe est une « start‐up d'Etat portée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et accompagnée par le dispositif Beta.gouv.fr ». Au‐delà du recensement de logements indignes, ce service numérique vise à faciliter la prise en charge des signalements (en centralisant le traitement et la réponse à ces signalements) et à orienter les ménages vers les services compétents, qui reçoivent une alerte documentée.
(96) Voir recommandations de la mission Michèle Lutz/Mathieu Hanotin relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne, 23 octobre 2023. Parmi les recommandations, « renforcer le diagnostic structurel global des copropriétés » ; « introduire une obligation de diagnostic des équipements communs des immeubles collectifs dans les secteurs sensibles, afin de prévenir les risques d'incendie et d'explosion dans les immeubles dégradés » ; « simplifier et compiler en un seul et unique « contrôle technique du logement » l'ensemble des diagnostics d'ores et déjà obligatoires, élargi au contrôle de la décence du logement » (contrôle technique qui serait nécessaire à la fois pour toute vente et toute mise en location).
(97) A noter : un projet de contrôle technique du logement a fait l'objet, le 10 mai 2023, d'une proposition de loi portant renforcement du contrôle de la décence des logements, du député Guillaume Vuilletet.
(98) ANIL, « Régimes d'autorisation préalable et de déclaration de mise en location ».
(99) L. 634‐1 du code de la construction et de l'habitation.
(100) Voir Banque des territoires, « Près de 400 communes mettent déjà en œuvre le permis de louer », 23 mars 2022.
(101) Sur ce sujet, voir FAP, Agir contre le mal‐logement dans les départements et territoires d'Outre-mer, février 2023.
(102) La question des territoires d'Outre‐mer ne sera pas abordée ici, en raison des spécificités des politiques du logement propres à chaque collectivité, dans un contexte où les compétences en matière d'habitat sont largement décentralisées.
(103) Cour des comptes, Le logement dans les départements et régions d'Outre‐mer, septembre 2020.
(104) La Fondation Abbé Pierre évalue leur nombre entre 130 000 et 150 000 ; voir FAP, Agir contre le mal‐logement dans les départements et territoires d'Outre‐mer, déjà cité.
(105) « Plan Logement Outre‐mer 2019 - 2022 ».
(106) FAP, Agir contre le mal‐logement dans les départements et territoires d'Outre‐mer, déjà cité.
(107) Voir l'analyse de la Cour des comptes dans son rapport (déjà cité) de septembre 2020 et celle du ministère des outre‐mer publiée en juillet 2019.
(108) Voir cependant les publications suivantes : ANCOLS, Etude relative aux coûts de production des logements sociaux, point 4.7, juillet 2023 ; et Jacques Friggit, Claire Leplat et Jacques Touchefeu pour l'inspection générale de l'environnement et du développement durable, Analyse des causes et conséquences de la vacance dans les DROM, 3 avril 2023. Pour mieux percevoir l'ampleur du phénomène, voir en particulier : Conseil national de l'habitat, Pour des politiques de l'habitat plus efficientes dans les Outre‐mer (15 propositions pour un changement systémique), 29 juin 2023 ; FAP, Agir contre le mal‐logement dans les départements et territoires d'Outre‐mer, février 2023 ; USH, Les chiffres clés du logement social ‐ édition Outre‐mer 2023, 28 août 2023.
(109) La dernière estimation officielle, qui évalue le besoin à 300 000 à 400 000 logements par an, est désormais datée. Voir CGDD, La demande potentielle de logements à l'horizon 2030 : une estimation par la croissance attendue du nombre de ménages, 2012. A noter, les travaux récemment conduits par la DHUP avec le Cerema lors de la mise au point d'OTELO (Outils pour la territorialisation de la production de logements ; Cerema/DHUP, « Territorialisation de la production de logements ‐ Guide méthodologique pour l'estimation des besoins en logements », 2017. Le SDES a engagé des travaux pour actualiser cette estimation, mais les résultats n'en sont pas encore connus au moment de la publication de cet avis. Voir la synthèse proposée par Jean‐Claude Driant, « Le besoin de construction de logements neufs. Méthodes et controverses » sur le site politiquedulogement.com, 6 juin 2023. Voir également Claire Ané pour Le Monde, « Comment l'estimation du besoin en logements est devenue un sujet brûlant », 13 février 2024. En l'absence d'évaluation plus récente par les pouvoirs publics, plusieurs études parues en 2023 proposent leur propre chiffrage des besoins : « la Fédération des promoteurs immobiliers présente, en mars 2023, une étude concluant à un besoin proche de 450 000 logements par an. Dans la foulée, l'Institut Thomas More calcule qu'il en faut 395 000. En octobre, l'Union sociale de l'habitat, [a présenté une] étude qui préconise d'atteindre 519 000 logements, dont 198 000 logements sociaux. Un mois après, l'Union nationale des aménageurs [chiffre] le besoin à 400 000 logements ». Parmi les paramètres pris en compte pour les chiffrer : « le nombre attendu de ménages, qui dépend de la démographie (natalité, espérance de vie, solde migratoire) et surtout des modes de cohabitation », ainsi que le « nombre escompté de nouvelles résidences secondaires et de nouveaux logements vacants, ainsi que le besoin de renouvellement du parc, quand des logements disparaissent ou changent d'usage ».
(110) Site de présentation de la DHUP.
(111) SDES, Les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020, décembre 2022.
(112) Le droit à un logement suffisant est défini par l'article 11 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié par la France.
(113) INSEE, « En 2021, les inégalités et la pauvreté augmentent », INSEE Première, n° 1973, 14 novembre 2023.
(114) Ibid.
(115) Voir FAP, rapport sur le mal‐logement 2024, déjà cité, p. 318.
(116) La loi Chevènement du 12 juillet 99 a constitué le point de départ d'une véritable « révolution intercommunale », tant par l'importance des compétences transférées que par les nombreuses intercommunalités créées à sa suite. En 2022, on compte en France 1 255 EPCI à fiscalité propre (22 métropoles, 14 communautés urbaines, 227 communautés d'agglomération et 992 communautés de communes).
(117) Créé par la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat (l'aménagement et l'urbanisme relevaient alors de la commune, le logement de l'Etat et l'action sociale du département).
(118) Voir fiche du ministère chargé de la ville et du logement publiée en 2022 sur « la politique d'attribution des logements locatifs sociaux ».
(119) Claire Delpech, « Décentralisation du logement : quel rôle pour l'autorité organisatrice de l'habitat (AOH) ? », Politique du logement, 29 mars 2023.
(120) Ibid.
(121) La convention de délégation des communes à l'EPCI doit préciser les objectifs poursuivis et les actions à mettre en œuvre en matière de réalisation, de réhabilitation et de démolition de logements locatifs sociaux, ainsi qu'en matière de rénovation de l'habitat privé, notamment dans le cadre d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Elle doit spécifier, par commune, les objectifs et les actions menées dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne. Il y a des axes obligatoires : l'attribution des aides au logement locatif social et la notification aux bénéficiaires et l'attribution des aides en faveur de l'habitat privé. La délégation peut également porter sur tout ou partie d'autres compétences : la garantie du droit à un logement décent, la mise en œuvre de la procédure de réquisition, la gestion de la veille sociale, de l'accueil, de l'hébergement et de l'accompagnement au logement de toute personne ou famille sans domicile ou éprouvant des difficultés particulières d'accès au logement. Il est prévu que la convention de délégation fixe, « d'une part, dans la limite des dotations ouvertes en loi de finances, le montant des droits à engagement alloués à [l'EPCI] et, d'autre part, le montant des crédits que celui‐ci affecte sur son propre budget à la réalisation des objectifs de la convention ».
(122) Voir la fiche publiée en avril 2023 par le ministère chargé du logement sur « La politique d'attribution des logements locatifs sociaux ».
(123) Voir proposition de loi n° 1712, adoptée par le Sénat, visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux.
(124) Voir François Rebsamen, Commission pour la relance durable de la construction de logements : « Tome I ‐ Diagnostic et mesures phares » ; « Tome II ‐ Approfondissement du contrat local et autres mesures nationales », 20 septembre 2020.
(125) Voir collectivites‐locales.gouv.fr, « Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales : montants prélevés et reversés rendus publics ».
(126) Gabriel Attal, déclaration de politique générale du Gouvernement, 30 janvier 2024.
(127) « Financiarisation » : entendu ici dans le sens que lui donne l'économiste Michel Aglietta d'une logique dominante où tout est tourné vers la recherche de rentes.
(128) Voir INSEE, « Revenus et patrimoine des ménages », INSEE Références, 27 mai 2021.
(129) Voir notamment le rapport A/HRC/34/51 de la rapporteuse spéciale ONU sur le droit à un logement convenable du 18 janvier 2017 consacré à la lutte contre la financiarisation du logement et le rapport A/78/192 du 15 août 2023, Un lieu où vivre dans la dignité pour tous : rendre le logement abordable.
(130) Voir la page « logement » du site du Conseil national de la refondation.
(131) Voir CNR Logement, « 19 propositions pour réconcilier la France avec la production de logements nouveaux », GT2, 2023, p. 5, § 5.
(132) Ibid., GT1, p. 5‐§2‐1.
(133) Sénat, « Questions à Mme la ministre déléguée auprès du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme » du 15 septembre 2022.
(134) Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, direction générale de l'entreprise (DGE), « Impact économique et réglementation des meublés de tourisme », Les thémas de la DGE, n° 11, juin 2023.
(135) Op. cit..
(136) S. Jankel, E. de Kerret, « Meublés touristiques à Paris : impact et mesures de régulation mises en place par la Ville », Opérations Immobilières, n° 156‐157, publié par Le Moniteur, juin/juillet 2023.
(137) Op. cit.
(138) APUR, Les logements inoccupés à Paris, décembre 2023.
(139) Selon l'APUR, en 1999, elles représentaient 5,7 % des logements, contre 9,6 % en 2020.
(140) Sénat, Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques par le groupe de travail « Tourisme », sur l'hébergement touristique et le numérique, juin 2018.
(141) Sénat, Op. cit. Des résultats similaires, donnant une augmentation de loyers dans le parc privé de 1,71 % et 1,24 % à Marseille et à Paris, sont trouvables dans l'article : K. Ayouba, M.‐L. Breuillé, C. Grivault, & J. Le Gallo, « Does Airbnb Disrupt the Private Rental Market ? An Empirical Analysis for French Cities », International Regional Science Review, 2020.Certains travaux parlent même d'un moteur de la gentrification (les personnes les plus précaires sont évincées de certains quartiers, en raison de cet effet inflationniste). Voir Oxfam France, Logement : inégalités à tous les étages, 2023.
(142) K. Barron, E. Kung, D. Proserpio, The Effect of Home‐Sharing on House Prices and Rents : Evidence from Airbnb, 2020, https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3006832.
(143) Voir « Location meublée à l'année ou de courte durée : zoom sur 10 villes », in « Meublé : faut‐il choisir la location courte ou longue durée ? », Le Revenu, 27 février 2024.
(144) Cette déclaration préalable de changement d'usage concerne toutes les résidences secondaires et les résidences principales au‐delà de 120 jours de location, (1) dans les communes de plus de 200 000 habitants et de petite couronne parisienne ; (2) dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, dont la liste est fixée par décret et le souhaitant ; (3) dans les communes ayant sollicité une autorisation préfectorale.
(145) Voir également, sur cette problématique qui n'est pas que française, la page du Parlement européen, « Locations de courte durée : de nouvelles règles européennes pour plus de transparence », mis à jour en février 2024.
(146) Voir le site de la Communauté d'agglomérations du Pays‐Basque.
(147) Voir article 3 du règlement municipal relatif au changement d'usage.
(148) FEANTSA/Fondation Abbé Pierre, « La ville est à nous ! Comment encadrer AirBnb face à la pénurie de logement ».
(149) Modifications apportées par la loi n° 2014‐366 du 24 mars 2014, dite loi ALUR, à l'article L. 631‐7‐1‐A du CCH.
(150) En 2018, par exemple, deux propriétaires, condamnés, pour n'avoir pas respecté les modalités de changement d'usage, par le tribunal de grande instance de Paris, par deux jugements confirmés en appel, se sont pourvus devant la Cour de cassation. Cette dernière a, par une question préjudicielle, saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). La Cour a reconnu que la législation nationale n'est pas contraire aux dispositions de la réglementation européenne et que la « lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée » et la « protection de l'environnement urbain » constituent des objectifs pouvant justifier que la possibilité de donner un bien à la location de courte durée soit réglementée. (CJUE, Cali Apartments SCI et HX c. Ville de Paris, 22 septembre 2020, C‐724/18 et C‐727/18).
(151) Oxfam France, Logement : inégalités à tous les étages, déjà cité.
(152) La loi Climat et Résilience impose, à partir de 2025, que les logements loués en location de longue durée aient une étiquette DPE entre A et F, à partir de 2028, entre A et E, à partir de 2034 entre A et D.
(153) Voir proposition de loi n° 853 portant mesures d'urgence pour lutter contre la spéculation locative et favoriser l'accès au logement dans les territoires en tension.
(154) Voir loi n° 2023‐1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
(155) La réduction de l'abattement concerne uniquement les zones tendues, maintenant un avantage fiscal important pour les propriétaires des meublés de courte durée.
(156) Voir Proposition de loi n° 1176 visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue et dossier législatif.
(157) Voir définitions proposées sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
(158) Peuvent également répondre à la demande de logements très accessibles les logements PLUS d'avant 1977 (année de la réforme du financement du logement social, dite « réforme Barre » qui s'est traduite par une forte baisse des aides à la pierre, conduisant à une forte augmentation des loyers, compensée en partie par les aides personnalisées mises en place par cette réforme). Bien qu'actualisés chaque année les loyers des logements PLUS d'avant 1977 demeurent généralement inférieurs aux loyers PLAI, et représentent encore une forte part, voire une part majoritaire, des logements accessibles aux ménages pauvres. Cette part est réduite d'année en année par les démolitions, notamment dans le cadre des opérations ANRU, sachant que les compensations des démolitions se font sur la base du 1 pour 1, avec une forte incitation à la mixité sociale, en faveur de populations non pauvres, donc avec une proportion réduite de logements PLAI. Voir infra, 2.2.2.5.
(159) Note thématique de la Cour des comptes, « Assurer la cohérence de la politique du logement face à ses nouveaux défis », contribution à la Revue des dépenses publiques, 7 juillet 2023.
(160) ANCOLS, « Combien de demandes de logement social non pourvues par la seule rotation annuelle ? », janvier 2023.
(161) Plan Logement d'abord 2018‐2022. Voir infra, 2.3.
(162) Voir Statista, « Logements sociaux construits en France en 2022 » et ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « Chiffres et statistiques du logement social », ainsi que le « Bilan 2022 des logements aidés ».
(163) La réduction du loyer de solidarité (RLS) a été mise en place par la loi de finances pour 2018. Les APL sont compensées, pour certains locataires du parc social, par une remise de loyer financée par les bailleurs sociaux. Selon le rapport de la Cour des comptes, « Premiers constats tirés de la conception et de la mise en œuvre du dispositif de Réduction de loyer de solidarité (RLS) », du 22 décembre 2020, la RLS équivaut à 4,5 % des rendements nets locatifs. Comme le note le rapport des comptes du logement 2021 (p. 54), « les locataires du parc social ayant de faibles ressources voient leur loyer minoré de la RLS et leur APL baissée de 98 % du montant de leur RLS (exemple : pour un couple ayant une personne à charge en zone 2, en 2019, la RLS est de 38,80 euros et la baisse de l'APL sera de 38,02 euros par mois). Ainsi, la dépense publique des APL a été abaissée de 800 millions d'euros en 2018, 900 millions d'euros en 2019 et 1,3 milliard d'euros en 2020 ».
(164) FAP, L'état du mal‐logement en France 2022, « Eclairage régional Ile‐de‐France ».
(165) Le transfert de propriété, qui peut en effet aller jusqu'à 10 ans, laisse dans le recensement du logement social des appartements qui n'y sont plus. Voir ordonnance n° 2019‐418 du 7 mai 2019.
(166) Circulaire n° 21014 du 12 février 2021 relative à la comptabilisation des opérations BRS.
(167) Gabriel Attal, déclaration de politique générale, 30 janvier 2024.
(168) Les plafonds en vigueur en 2024 vont de 31,6 k€ à 43,5 k€ selon la zone où se situe le logement pour une personne seule ; pour un ménage de 4 personnes, ils vont de 61 k€ à 101 k€.
(169) Voir site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « L'article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU), mode d'emploi », 3 août 2023.
(170) Voir site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « Logement social (HLM) : définition, catégories, financement, attribution, acteurs », 28 septembre 2020.
(171) Terme employé par la Commission des affaires économiques du Sénat dans « L'essentiel sur la mission d'évaluation sur la loi SRU », 19 mai 2021.
(172) Pour plus d'information sur l'article 55 de la loi SRU, voir le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (déjà cité) et de l'ANIL.
(173) Voir le « Bilan triennal SRU 2017‐2017 » publié par le ministère chargé du logement, p. 2.
(174) Le rapport de la FAP sur les « 659 communes hors‐la‐loi » (Palmarès de la loi SRU 2020‐2022 ‐ Des centaines de communes hors‐la‐loi, 6 décembre 2023) indique que sur 1 031 communes n'ayant pas atteint les objectifs de la loi SRU sur la dernière période, 659 n'ont toujours pas atteint leurs objectifs de rattrapage sur la période 2020‐2022, soit 64 % des communes.
(175) Plusieurs communes (17) ont été carencées sur la totalité des cinq dernières périodes triennales.
(176) Ce taux a finalement été rehaussé à 51 % après les interventions de la ministre du logement et de la commission nationale SRU.
(177) Le CMS est un outil contractuel qui vise à faciliter le comblement du déficit entre l'offre et la demande de logement locatif social dans les communes déficitaires au titre de l'article 55 de la loi SRU. Voir Cerema, « Le contrat de mixité sociale (CMS) communal », 1er octobre 2020.
(178) L'avis préalable de la Commission nationale SRU n'est pas requis pour la signature par le préfet d'un contrat de mixité sociale, permettant un assouplissement des objectifs prévus par la loi.
(179) La loi 3DS a allégé les sanctions données aux communes en cas de non‐respect et a supprimé le versement automatique d'amendes majorées en cas de deuxième manquement aux objectifs.
(180) Au premier trimestre 2022, le coût de l'énergie a augmenté de 14,6 % dans le secteur du bâtiment, selon l'INSEE.
(181) Voir FFB, « Envolée des prix sur les matériaux ‐ Etat des lieux et conséquences », 28 avril 2023, https://www.ffbatiment.fr/actualites‐batiment/actualite/envolee‐prix‐materiauxv19.
(182) Sur un an, les coûts de production dans la construction de bâtiments augmentent de 7,8 % au premier trimestre 2022, selon l'INSEE.
(183) En moyenne, le montant des subventions des collectivités pour un PLAI était de 8 542 € (1 451 € de la commune, 3 606 € de l'EPCI, 2 370 € du département et 1 115 € de la région) en 2021, selon le bilan 2021 des logements aidés.
(184) Cf. colloque organisé par le Conseil d'Etat, « La norme, frein ou moteur pour le logement ? », 8 novembre 2023. Les multiples freins y sont passés en revue, avec des propositions et leviers pour les surmonter.
(185) Les interrogations portent notamment sur l'équilibrage de la péréquation horizontale. La dotation globale de fonctionnement (DGF) constitue la principale dotation de l'Etat aux collectivités : elle comporte une part forfaitaire (perçue par toutes les collectivités, en fonction de la superficie du territoire, du nombre d'habitants, d'élèves, etc.) une part « péréquation » en faveur des communes défavorisées (en fonction de leur potentiel financier). Cette péréquation comporte elle‐même deux parts : une péréquation « verticale » donnée directement par l'Etat aux collectivités territoriales, et une péréquation « horizontale » qui repose sur une répartition des ressources fiscales entre les collectivités, et qui consiste à prélever une part des ressources des collectivités les plus riches pour les reverser aux collectivités moins favorisées. La réduction des ressources fiscales des collectivités (engendrée notamment par la suppression de la taxe d'habitation) et leur remplacement par des transferts financiers de l'Etat pourraient avoir entraîné une fragilisation de cette péréquation (voir FAP, rapport 2023).
(186) L'exonération s'applique à compter de l'année suivant celle de l'achèvement de la construction et pour une durée de 25 ans. Pour plus d'informations concernant les conditions d'exonération, consulter : Union sociale pour l'habitat, « Taxe foncière sur les propriétés bâties et logements locatifs sociaux », Repères n° 101, 29 août 2022.
(187) Banque des territoires, « Projet de loi de finances pour 2022 : les principales dispositions financières et fiscales intéressant les collectivités locales », novembre 2021.
(188) Seront éligibles à cette exonération les logements locatifs sociaux achevés depuis au moins 40 ans, lorsqu'ils font l'objet de travaux permettant une amélioration de leur DPE de F ou G avant travaux, à B ou A après, et lorsqu'ils respectent les normes d'accessibilité, de qualité sanitaire ou de sécurité d'usage.
(189) Cet objectif est issu de la Convention citoyenne pour le climat et traduit dans la loi climat et résilience de 2021. Il consiste à ne pas artificialiser plus de surfaces de de terres que de surfaces « renaturées », d'ici à 2050. La première étape consiste à diviser par deux le rythme d'artificialisation d'ici à 2030.
(190) Certains programmes vont en ce sens, comme Action Cœur de ville ou le fonds friches, mais les moyens consacrés restent insuffisants au regard de l'urgence de la situation.
(191) Voir à titre d'exemple la prise en compte de la problématique dans l'agglomération d'Annemasse.
(192) Sur ce sujet, voir en particulier FAP et FNH, Réussir le ZAN en réduisant le mal‐logement : c'est possible !, mars 2024.
(193) A. Dutheillet de Lamothe, V. Elbaz, T. Verrier et P. Vidailhet (dir.), Le logement : Enjeux, crises et mutation, chapitre « Dynamiser le renouveau urbain : freins, leviers et perspectives », Presses des Ponts, 2023.
(194) Parmi les pistes de réflexion pour agir sur ce point, la création d'offices fonciers libres (OFL), à côté des offices fonciers solidaires (OFS, qui existent déjà et sont dédiés au portage du foncier pour des opérations de logements sociaux), autorisant des opérations de dissociations entre le foncier et le bâti, permettrait de réduire fortement les coûts.
(195) A. Dutheillet de Lamothe, et al. (dir.), Le logement : Enjeux, crises et mutation, op. cit. p. 114.
(196) Renouveau urbain et Rénovation environnementale des bâtiments : Amplifier et accélérer, rapport remis à Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, par Frank Hovorka, président de la RICS en France, et Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, 21 septembre 2020. Voir en particulier les propositions 13, 14, 15, 18, 23, 24, 26, 27 et 28.
(197) Voir sur ce sujet A. Dutheillet de Lamothe, et al. (dir.), Le logement : Enjeux, crises et mutation, op. cit. p. 116‐118.
(198) Voir les informations disponibles sur le site de l'ANRU.
(199) Voir la présentation du Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), lancé en 2009.
(200) Voir par exemple Cour des comptes, L'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et la mise en œuvre des programmes de renouvellement urbain (PNRU et NPNRU), avril 2020.
(201) Voir France Stratégie, « Quinze ans de PNRU : quels effets sur l'habitat et le peuplement ? », Note d'analyse n° 133, février.
(202) Il s'agit d'un quart du parc visé. Dans les trois quarts restant, les interventions ont été moins intenses et la part des ménages pauvres a légèrement augmenté - il faudrait étudier alors précisément si les interventions engagées ont malgré tout abouti à une amélioration des conditions et du cadre de vie ; « un programme d'évaluation ambitieux, car il devra être mené avec des données plus difficiles à réunir au niveau national », conclut la note d'analyse de France Stratégie citée précédemment.
(203) Voir, à titre d'exemples, Actu.fr, « Délinquance, mixité… Ce qu'ont changé (ou pas) les milliards de la rénovation urbaine », 8 novembre 2022 ; Observatoire national de la politique de la ville, Les effets du relogement sur la trajectoire résidentielle des habitants dans le cadre des opérations de rénovation urbaine, 2021 ; et Emilie Balteau, « Rénovation urbaine, le vécu comme sanction : espace fragmenté, aspirations contrariées, ressources fragilisées », Idées & Territoires, La Revue, 2019, n° 3, p. 35‐39.
(204) Voir infra, 3.1.3.1.
(205) On exclut de la définition de la vacance ici les résidences secondaires inoccupées, qui sont meublées, contrairement à un logement vacant (cette définition résulte de l'application de la taxe sur les logements vacants).
(206) Voir INSEE, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et SDES, Estimations annuelles du parc de logements au 1er janvier 2023 ; voir également SDES, Data lab « Logements vacants », édition 2022.
(207) SDES, Data lab « Les déterminants de la vacance longue durée des logements détenus par les personnes physiques », décembre 2023.
(208) Voir INSEE première n° 1979, 16 janvier 2024.
(209) Drihl Ile‐de‐France, « Le parc locatif social en Ile‐de‐France au 1er janvier 2022 ».
(210) Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « Logements vacants du parc privé par ancienneté de vacance, par commune et par EPCI », 2023.
(211) Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « Chiffres clés du logement », édition 2022.
(212) Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), « Analyses des causes et conséquences de la vacance dans les DROM », juin 2022.
(213) Via la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) et taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV).
(214) Informations disponibles sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion desterritoires.
(215) Voir partie 1.2.2.
(216) Voir par exemple SOLIHA, « Accélérer la mobilisation du parc privé à des fins sociales - propositions de SOLIHA » et lettre ouverte des acteurs du logement d'insertion aux pouvoirs publics pour un plan Logement d'abord 2 ambitieux.
(217) Voir Soliha, « Intermédiation locative : maintenir les missions essentielles auprès de locataires et des propriétaires bailleurs », 16 avril 2020.
(218) Voir le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « Les dispositifs d'intermédiation locative.
(219) Voir Collectif inter‐associatif, « 15 propositions pour permettre l'accès au parc social des ménages à faibles ressources », juin 2020.
(220) Selon la même source, le nombre de logements locatifs privés faisant l'objet d'un conventionnement ANAH pour l'accueil de ménages à faibles ressources représentait 16 267 logements en 2008 et n'a cessé de diminuer dans les années suivantes (313 logements en 2017).
(221) Voir infra, 2.4.
(222) Voir infra, 2.3.
(223) Ordonnance du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d'activité.
(224) A noter que la loi 3DS du 21 février 2022 a déjà facilité les opérations des OFS en tissu urbain en élargissant les interventions des OFS en BRS aux locaux d'activités pour favoriser la mixité fonctionnelle et en intégrant la rénovation d'immeubles par recours au bail à réhabilitation, d'une durée cependant plus limitée que le BRS.
(225) Voir FEANTSA, 8e regard sur le mal‐logement en Europe, août 2023, p. 54.
(226) Voir Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité & Associations départementales de maires, « Le maire, le président d'intercommunalité et la lutte contre l'habitat indigne 2023 », Les Cahiers du réseau n° 25, juin 2023.
(227) La question de la qualité des travaux réalisés (en lien avec des choix de réduction des coûts budgétaires notamment et aux risques engendrés par la sous‐traitance mal coordonnée) et de la perte de certaines compétences dans le domaine de la rénovation est de plus en plus souvent pointée du doigt. Voir Agence Qualité Construction et son « Flop 10 » des malfaçons, qui auraient explosé ces dernières années, édition 2022.
(228) Marseille en 2018, Lille en 2022, Nanterre, Paris ou Stains en 2023, Toulouse en 2024.
(229) Voir ENL 2020 : en 1984, 15 % du parc ne disposait pas de l'eau courante, d'une installation sanitaire (baignoire ou douche) ou de W.‐C. intérieurs, contre moins de 0,5 % en 2020.
(230) D'après l'Observatoire national de la rénovation énergétique de novembre 2023, 4,8 millions de logements, soit 16 % du parc des résidences principales, seraient des passoires énergétiques.
(231) FAP, rapport 2024, p. 41 : « pour 600 000 logements privés indignes, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) a attribué ces dernières années entre 13 000 et 15 000 subventions par an au titre de la lutte contre l'habitat indigne, seuls 13 752 arrêtés d'insalubrité sont en vigueur en 2021, 578 travaux d'office ont été réalisés par le préfet ou par la commune en 2022 et 2 216 arrêtés de mise en sécurité sont recensés en 2022. C'est dire qu'au rythme actuel, il faudrait une quarantaine d'années pour éradiquer le simple stock de logements indignes ».
(232) FAP, rapport 2024, p. 47.
(233) Voir supra, 1.2.4.
(234) Voir par exemple les conséquences tragiques (incendies, effondrements) ayant entrainé la prise en compte de la problématique à Vaulx‐en‐Velin, Marseille ou, entre autres, Argenteuil.
(235) Voir ANAH, Tableau de bord « initiative copropriétés » au 9 février 2022. Le rapport de la Cour des comptes, cité ci‐dessous, note que « lors de l'élaboration du programme initiative copropriétés (PIC) en 2018, 684 copropriétés en dysfonctionnement comptant 80 000 logements - soit 56 000 dans des copropriétés en difficulté et 24 000 dans des copropriétés dégradées - ont été identifiées, parmi lesquelles les plus dégradées, au nombre de 128, sont concentrées sur 14 sites constituant une priorité nationale ».
(236) Dans le cas des marchands de sommeil, avec des dispositifs prévus dans les lois ALUR et ELAN pour limiter la mise en location de logements indignes et freiner, voire restreindre, leur activité. Voir également les dispositions introduites par le projet de loi « habitat dégradé » adopté le 27 mars 2024.
(237) Voir la synthèse des différentes aides aux copropriétés fragiles ou dégradées sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion du territoire. Voir également les dispositions de la loi n° 65‐557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, en particulier art. 29‐1, 29‐10 et 29‐11.
(238) Cour des comptes, Copropriétés dégradées : mieux répondre à l'urgence, 30 mars 2022.
(239) Avec un partage des responsabilités entre les préfets et les maires, ce qui peut engendrer un flou dans les modalités et les délais d'intervention.
(240) A noter : les aides MaPrimeRenov' Copropriété ont été créées, mais elles imposent un certain nombre de contraintes qui peuvent en limiter l'usage.
(241) Voir la page dédiée aux « Mesures de lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil » sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion du territoire.
(242) Voir à titre d'exemple les différentes études et rapports d'activités d'Action pour l'insertion par le logement (ALPIL).
(243) Rapport de la Mission relative aux outils d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne, remis le 23 octobre 2023, déjà cité.
(244) Projet de loi n°2254, modifié par le Sénat, relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, dit projet de loi « habitat dégradé », adopté le 27 mars 2024.
(245) DREES, « Minima sociaux et prestations sociales : ménages aux revenus modestes et redistribution », édition 2022.
(246) Les cahiers de l'ANAH, n° 164, janvier 2024, p. 22 et s.
(247) Voir les informations disponibles sur MaPrimeRénov' Parcours accompagné sur le site du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
(248) Voir ANAH, CP « L'ANAH, la CAPEB et la FFB renforcent leur coopération sur MaPrimeRénov'pour lutter contre la fraude et fluidifier le rythme des paiements », 24 février 2023.
(249) ANCOLS, Résultats détaillés de l'enquête annuelle 2022.
(250) Enquête ENL, Les conditions de logement de ménages résidant en France en 2020.
(251) « Les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020 », Data Lab, décembre 2022.
(252) ANCOLS, Rapport final de l'étude sur la rénovation thermique des logements du parc social, juin 2022.
(253) ANCOLS, ibid.
(254) A titre d'exemples, les défauts d'évacuation de l'eau ont par exemple augmenté entre 2013 et 2020, tout comme le pourcentage de fenêtres laissant passer l'air, selon l'enquête ENL.
(255) Pour respecter cet objectif dans le parc social, il faudrait rénover entre 90 et 135 000 logements par an donc plus de 90 % devraient atteindre un DPE A ou B après travaux. Actuellement, selon l'enquête ANCOLS réalisée en 2021 auprès des bailleurs, seul 1 % des logements atteignent un DPE A après rénovation et 21 % un DPE B.
(256) ANCOLS, ibid.
(257) « Cependant, la situation économique actuelle et sa poursuite sur le début de période de projection va imposer aux bailleurs sociaux de revoir leurs investissements à la baisse, impliquant des arbitrages entre constructions neuves et réhabilitations, s'ils souhaitent conserver une situation financière tenable » : voir Banque des territoires, Perspectives - L'étude sur le logement social, 2023.
(258) Voir supra, 2.2.2.1.
(259) La loi Climat et Résilience impose, à partir de 2025, que les logements aient une étiquette DPE entre A et F, à partir de 2028, entre A et E, à partir de 2034 entre A et D.
(260) Selon l'étude de l'ANCOLS, déjà citée, 32 % des locataires du parc social ne sont pas satisfaits des rénovations réalisées dans leur logement.
(261) Selon l'ANCOLS, 59 % des bailleurs déclarent avoir eu déjà recours au moins une fois à une hausse des loyers pour réaliser des travaux, et parmi eux, la moitié l'applique systématiquement. En parallèle, 39 % des organismes mobilisent la contribution au partage de l'économie de charges, dite « troisième ligne de quittance ». Le montant moyen de cette dernière s'élève à 15 € par mois. Le risque d'une augmentation des loyers au‐delà des économies de charges réalisées par les locataires est cependant limité, notamment grâce aux associations de locataires qui valident les opérations de réhabilitation.
(262) Selon l'ANCOLS, la pluralité des aides est perçue comme un frein par les bailleurs. De plus,74 % des organismes mentionnent la complexité du montage des dossiers comme frein à l'accession aux aides proposées.
(263) Fondation Abbé Pierre, L'Etat du mal‐logement en France, 2022.
(264) Une étude réalisée sur 700 personnes sans‐abri a montré que 80 % étaient toujours dans leur logement deux ans après, selon la DIHAL.
(265) L'intermédiation locative est un dispositif consistant à louer des logements dans le parc privé à des associations pour y loger temporairement des ménages en difficulté. Voir aussi supra, 2.2.2.6.
(266) Fondation Abbé Pierre, L'Etat du mal‐logement en France, 2023.
(267) « La résidence sociale nommée pension de famille est un établissement destiné à l'accueil sans condition de durée des personnes dont la situation sociale et psychologique rend difficile l'accès à un logement ordinaire. La structure, de taille réduite, propose des logements individuels (25 en moyenne par structure). Elle combine des espaces collectifs et des espaces privatifs qui permettent aux personnes logées d'être chez elles sans être isolées » (Voir Dihal, « Pensions de famille : un guide pour accompagner et faciliter les projets » et dossier de presse du deuxième plan pour le Logement d'abord.
(268) DHUP, Bilan des logements aidés 2022.
(269) Voir page du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les PLAI adaptés : « La notion d'habitat adapté qualifie des opérations essentiellement destinées à des ménages fragiles rencontrant des difficultés non seulement économiques, mais aussi sociales et dont la situation nécessite la proposition d'un habitat à loyer et charges maîtrisés, ainsi que d'une gestion locative adaptée et, le cas échéant, d'un accompagnement ».
(270) 440 000 personnes ont été relogées entre 2017 et 2022 selon la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL). Résultats disponibles dans le dossier de presse du deuxième plan pour le Logement d'abord.
(271) Cour des comptes, « La politique en faveur du « logement d'abord », 2020.
(272) Voir FAP, « Logement d'abord, une promesse à tenir… », in L'état du mal‐logement 2022.
(273) Voir infra, 2.4. sur « Un chez soi d'abord ».
(274) Chiffres de la Fondation Abbé Pierre, consultables sur le site de la Banque des Territoires, au 3 novembre 2023. Il est important de rappeler à ce titre que deux à trois fois plus de personnes prennent les devants et quittent leur logement avant l'intervention de la force publique.
(275) Voir infra, 3.1.5.
(276) Voir AEF info, « La loi dite “Kasbarian” comporte aussi “des évolutions favorables à la prévention des expulsions” (Benoît Linot, Dihal) », 29 février 2024.
(277) Toutes les actions présentées par les territoires engagés dans la mise en œuvre accélérée du Logement d'abord conditionnent l'accès au logement à la régularité du séjour (FAP, L'Etat du mal‐logement en France, 2022 »).
(278) Banque des territoires, « Plan Logement d'abord 2 : une continuité dans les ambitions, mais encore “beaucoup de flou” », 20 juin 2023.
(279) Fondation Abbé Pierre, Etat du mal‐logement en France, 2023.
(280) Voir par exemple Espérer 95 - SIAO Val d'Oise, « Deuxième Plan quinquennal pour le Logement D'Abord (2023‐2027) », novembre 2023.
(281) Voir ORSPERE SAMDARRA, « Actualité et sens de l'accompagnement au logement », Rhizome, n° 51, janvier 2014.
(282) Sur l'expérimentation française du « Un chez soi d 'abord » voir : A. Tinland, S. Loubières, M. Boucekine, L. Boyer, G. Fond, V. Girard, P. Auquier, « Effectiveness of a housing support team intervention with a recovery‐oriented approach on hospital and emergency department use by homeless people with severe mental illness : a randomised controlled trial », Epidemiology and Psychiatric Sciences, 29, e169, 2020 ; Pauline Rhenter, Delphine Moreau, Christian Laval et alii, « Bread and shoulders. Reversing the downward spiral, a qualitative analyses of the effects of a housing first‐type program in France », International Journal of Environmental Research and Public Health, 15, 2018, p. 52. Pour un panorama plus international voir « Housing first : au‐delà du sans‐abrisme et de la psychiatrie », in Vie sociale n° 23‐24, Edition Eres, 2020.
(283) Le rapport 2019 de la FAP rappelle ainsi que « le travail autour de l'accompagnement au logement peut s'appuyer sur le succès du programme Un chez soi d'abord qui repose sur un accompagnement intensif, variable et pluridisciplinaire ».
(284) D'autres types d'accompagnement, plus axés sur la lutte contre l'isolement et la restauration du lien social peuvent aussi mobiliser des accompagnements citoyens d'entraide au niveau local (voir la notion « d'entourage bienveillant » défendue par la fondation Abbé Pierre dans FAP, rapport 2020).
(285) Voir site de l'ANIL, présentation du réseau des ADIL.
(286) On peut citer par exemple le DU logement d'abord organisé à par l'Orspere et l'université Lyon 2 depuis trois ans. Voir également N. Chambon et al., La politique du logement d'abord en pratique, Presses du rhizome, 2022.
(287) Voir Fehap‐Nexem, Crise des métiers du secteur sanitaire, social et médico‐social privé non lucratif : premier baromètre des tensions de recrutement, janvier 2022.
(288) Sur ces sujets, voir La Gazette des communes, dossier « Social et médicosocial : des secteurs face à la pénurie de professionnels », 22 septembre 2023, et Haut Conseil du travail social, Le livre blanc du travail social 2023, 30 novembre 2023.
(289) Comme par exemple le programme « Pas de santé sans toit » de Médecins du Monde.
(290) Voir en particulier les expériences de plateformes d'accompagnement qui informent les habitants sur leurs droits, soutiennent les procédures et sont parfois en lien avec des avocats.
(291) Voir la définition de ce terme par l'INSEE (« Taux d'effort des ménages lié à l'occupation de leur résidence principale », Définitions, 31 août 2021 : « Le taux d'effort est le rapport entre la somme des dépenses liées à l'habitation principale et les revenus des ménages. Les dépenses comprennent pour les propriétaires les remboursements d'emprunt pour l'achat du logement, la taxe foncière et les charges de copropriété. Elles excluent le coût du capital immobilisé et diffèrent donc du coût d'usage du logement. Pour les locataires, elles comprennent les loyers et les charges locatives. Pour tous les ménages, elles incluent la taxe d'habitation, les dépenses en eau et en énergie associées au logement. Le revenu inclut les revenus d'activité professionnelle salariée ou non‐salariée, les revenus de remplacement (indemnités maladie et chômage), les retraites et pré‐ retraites, les prestations sociales et familiales, et les revenus du patrimoine. Il est mesuré avant le paiement des impôts et n'inclut pas les aides au logement. Le taux d'effort est dit “net” si l'aide au logement perçue par le ménage est défalquée de la dépense de logement et “brut” dans le cas contraire. Cet indicateur permet de mesurer le poids de la dépense liée à l'occupation du logement sur le budget des ménages et le pouvoir “solvabilisateur” des aides ».
(292) Voir l'enquête européenne sur les revenus et les conditions de vie (EU‐SILC) et en particulier les données citées dans FAP, Etat du mal‐logement en France, 2023, p. 252.
(293) L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) a été créé par la loi d'orientation n° 98‐657 de juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, et supprimé en décembre 2019 pour fusionner avec le comité scientifique du Conseil national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE).
(294) Cf. ONPES, Mal‐logement, mal‐logés ‐ Rapport 2017‐2018, 2 mai 2018.
(295) On appelle ici « 1er quartile » le quart des ménages demandeurs HLM le plus pauvre ; voir arrêté du 21 avril 2023 fixant le seuil de ressources des demandeurs de logement social du premier quartile mentionné à l'article L. 441‐1 du code de la construction et de l'habitation. Le montant du seuil varie selon les territoires et le profil des demandeurs (il est par exemple fixé en Ile‐de‐France à 10 993 euros de revenus annuels pour une personne seule et à 6 286 euros dans la CA intercommunale Est de La Réunion).
(296) Voir rapport de la Cour des comptes, Restaurer la cohérence de la politique du logement en l'adaptant aux nouveaux défis, 2021, p. 17.
(297) SDES, Rapport du compte du logement 2022, graphique 11, p. 18.
(298) Dans les trois cas, c'est la Caisse d'allocation familiale (CAF) qui est chargée du versement de la prestation.
(299) Voir le graphique 22 du rapport de l'ONPES, déjà cité.
(300) Voir Comptes du logement 2019 (p. 11 et 37) : « l'allocation de logement familiale (ALF), l'aide personnalisée au logement (APL) et l'allocation de logement sociale (ALS) […] représentent un montant total de 16,7 milliards d'euros, en baisse de 1,8 % en 2019, après un recul de 5,8 % en 2018 lié à la diminution de 5 euros de ces trois aides et à la baisse des APL dans le parc social, concomitante à l'instauration d'une réduction de loyer de solidarité (voir concepts et méthodes). Le nombre de bénéficiaires de ces trois aides est en repli en 2019 (- 0,4 %, après + 1,0 %). En effet, la tendance à la baisse du nombre de propriétaires occupants bénéficiaires s'accentue (- 11,1 %, après - 6,5 %) tandis que la progression du nombre de locataires bénéficiaires ralentit ».
(301) Calcul sur la base des revenus trimestriels et non plus annuels.
(302) Voir AN, rapport n° 292, annexe 8, « Cohésion des territoires : logement et hébergement » pour le projet de loi de finances pour 2023.
(303) Voir supra, 2.2.2.1.
(304) Voir Service‐Public.fr, « Indice de référence des loyers (IRL) » au 26 février 2024, https://www.service‐public.fr/particuliers/vosdroits/F13723.
(305) Voir Jean Bosvieux, « L'inflation entraîne l'augmentation des loyers », Politique du logement, mai 2022.
(306) Voir PAP, « Quelles villes appliquent l'encadrement des loyers en 2024 ? », 4 janvier 2024.
(307) Pour Lyon et Villeurbanne, voir également les résultats de l'« Enquête sur l'encadrement des loyers et les annonces sur Lyon et Villeurbanne » par la Confédération syndicale des familles de la Métropole de Lyon et du Rhône, 29 juin 2023.
(308) Voir OLAP, « L'encadrement des loyers à Paris en 2022 : un effet réel mais modéré », 2023.
(309) A titre d'exemple pour Paris, voir PAP, « Quelles amendes risquent les propriétaires contrevenants ? », 8 février 2021.
(310) Conseil national de la refondation - Logement, recommandations 3.2 « rendre plus efficace l'encadrement des loyers », février 2023.
(311) Cf. ANCOLS, Enquête annuelle auprès des locataires du logement social, comparaison 2021 et 2023 des réponses à la question : « compte tenu de vos ressources diriez‐vous que votre ménage a des difficultés à boucler ses fins de mois ? » ; en 2021, 56 % répondaient « souvent/très souvent » ; en 2023, ils sont 64 %.
(312) La réduction du loyer de solidarité (RLS) a été fixée dans la loi de finance de 2018 : elle est appliquée par les bailleurs sociaux aux locataires dont les ressources sont inférieures à un plafond, fixée en fonction de la composition du foyer et de la zone géographique, et s'accompagne d'une baisse de l'APL pour le locataire : le financement de l'Etat est ainsi transféré vers les bailleurs. Le manque à gagner pour les bailleurs sociaux a été fixé à 800 M€ pour 2018 et 2019 - il est passé à 1,3 Md depuis 2020.
(313) Cour des comptes, Le logement social face au défi de l'accès des publics modestes et défavorisés, 2017, p. 57.
(314) Le plafond est établi à l'occasion du conventionnement entre l'Etat et le bailleur.
(315) ANCOLS, « Le rapprochement des loyers vers leur plafond », 8 février 2023, p. 9.
(316) ANCOLS, « Les dispositifs dérogatoires de fixation de loyers dans le parc social », 21 mars 2023.
(317) Rapport inter‐associatif, Analyse comparée des conditions d'accès au logement social des ménages à faibles ressources dans 12 métropoles régionales, septembre 2022.
(318) Voir rapport inter‐associatif, op.cit., p. 109 : « Est considéré comme “acceptable” un loyer hors charges tel que le montant de la quittance payée par le locataire soit égal à 30 % de ses ressources ».
(319) La remarque s'appuyait sur une étude de l'ANCOLS de 2016, « Etude des coûts locatifs des logements des organismes HLM ».
(320) En 2020 l'ANCOLS a procédé à une étude comparative entre les charges locatives dans le parc locatif privé et celles dans le parc locatif social : si les charges locatives sont globalement et en moyenne plus élevées dans le parc public que dans le parc privé, elles couvrent également davantage de services dans le premier cas (chauffage collectif, eau chaude et froide) et gardien notamment). En 2020 le rapport conclut que le coût estimé du chauffage est presque 25 % moins élevé dans le public que dans le privé. Voir ANCOLS, « Les charges locatives », 24 juin 2020.
(321) Voir ministère chargé de la ville et du logement, « Les aides personnelles au logement ‐ Eléments de calcul », avril 2023.
(322) INSEE, « La flambée des prix de l'énergie : un effet sur l'inflation réduit de moitié par le “bouclier tarifaire” », INSEE Analyses n° 75, 1er septembre 2022.
(323) Ibid.
(324) ANCOLS, « Enquête annuelle auprès des locataires du parc social 2023 », 6 novembre 2023.
(325) ANCOLS, « Application du SLS dans le parc social », 19 mai 2021.
(326) DGALN/DHUP, « Bilan de l'enquête SLS », édition 2022.
(327) CCH, article L. 441‐3‐2.
(328) Rapport inter‐associatif, « Les difficultés d'accès au logement social des ménages à faibles ressources dans la métropole du Grand Paris », mars 2023.
(329) Voir supra, 2.2.2.7.
(330) Voir FAP, rapport 2024, p. 281 sur les expulsions locatives, et Cour des comptes, « La prévention des expulsions locatives », 19 décembre 2022.
(331) Voir note de la ministre chargée du logement aux préfets du 29 mars 2022.
(332) Voir Dihal, « Plan national de prévention des expulsions locatives : parution d'une circulaire interministérielle », 22 mars 2017.
(333) Voir supra, partie 2.2.2.
(334) Cour des comptes, « La prévention des expulsions locatives », déjà cité.
(335) Ibid., p. 22.
(336) Voir délibération n° 2016‐015 du 28 janvier 2016 portant avis sur un projet d'arrêté du ministère de l'intérieur relatif à la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à la gestion de la prévention et des procédures d'expulsions locatives dénommé « EXPLOC ».
(337) Voir CNCDH, Lettre du Président au Sénat concernant la PPL visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, 30 janvier 2023.
(338) Voir CNCDH, Lettre du Président à l'Assemblée nationale concernant la PPL visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, 22 mars 2023.
(339) Voir loi n° 2023‐668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, art. 12 et 13.
(340) Sur l'évolution du contentieux lié à l'expulsion locative, voir FAP, Etat du Mal‐logement en France 2022, p. 311.
(341) CEDH, Cour (5e section), arrêt Winterstein et autres c. France, requête n° 27013/07, 17 octobre 2013.
(342) Camille François, De gré et de force, La Découverte, 2023.
(343) Le droit à un logement convenable est reconnu comme faisant partie du droit à un niveau de vie
suffisant dans l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et dans l'article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.
(344) Cour des comptes, Le logement social face au défi de l'accès des publics modestes et défavorisés, février 2017, p. 36.
(345) Union sociale pour l'habitat, « Les Hlm en chiffres », n° 102, édition 2022, p. 11.
(346) Peuvent répondre à la demande de logements très accessibles les logements PLUS d'avant 1977 (année de la réforme du financement du logement social, dite « réforme Barre » qui s'est traduite par une forte baisse des aides à la pierre, conduisant à une forte augmentation des loyers, compensée en partie par les aides personnalisées mises en place par cette réforme. Bien qu'actualisés chaque année les loyers des logements PLUS d'avant 1977 demeurent généralement inférieurs aux loyers PLAI, et représentent encore une forte part, voire majoritaire, des logements accessibles aux ménages pauvres. Cette part est réduite d'année en année par les démolitions, notamment dans le cadre des opérations ANRU, sachant que les compensations des démolitions se font sur la base du 1 pour 1, avec une forte incitation à la mixité sociale, en faveur de populations non pauvres, donc avec une proportion réduite de logements PLAI.
(347) Pierre Madec, Maxime Parodi, Xavier Timbeau, Xavier Joutard, Edgar Aubisse et Pauline Portefaix, « Quelles difficultés d'accès des ménages les plus pauvres au parc social ? », octobre 2023, p. 4.
(348) Pierre Madec, et al., « Quelles difficultés d'accès des ménages les plus pauvres au parc social ? », publié dans la collection Eclairages du Défenseur des droits, Octobre 2023, p. 10.
(349) Pauline Portefaix, Rapport Inter‐Associatif sur les difficultés d'accès au parc social des ménages à faibles ressources, juin 2020, p. 65.
(350) Op. cit.
(351) P. Madec et al, Op. cit.
(352) Tel que listé au rang des discriminations dans l'article 225‐1 du code pénal.
(353) Pauline Portefaix, Op. cit.
(354) A ce titre, les décisions n° 2019‐052 et n° 2019‐268 du Défenseur des droits, concernent chacune une saisine du Défenseur des droits par des personnes qui se sont vues refuser un logement par un bailleur, pour lequel elles avaient été proposées par la préfecture. Le refus a été donné sur le motif que le loyer toutes charges comprises du logement qui a été proposé à ces personnes n'était pas compatible avec leurs revenus, sur la base d'une « insuffisance du reste à vivre par jour et par personne » (toutes les ressources du ménage ont été prises en compte et l'APL estimée a été déduite du montant du loyer du logement proposé). Dans ces deux décisions, le Défenseur des droits a déclaré que, « tenant au seul montant du reste à vivre journalier des membres du foyer, la décision de refus d'attribution de logement social opposée à ces personnes apparaît contraire aux dispositions du code de la construction et de l'habitation, et est susceptible de constituer une discrimination prohibée par la loi ».
(355) Pauline Portefaix, Op. cit.
(356) Voir P. Madec et al., Op. cit.
(357) Le fait de demander un logement social dans sa commune de résidence accroît, toutes choses égales par ailleurs, sa probabilité d'attribution lorsque son niveau de vie est inférieur à 900 euros par mois et par unité de consommation (P. Madec, Op.cit).
(358) Marine Bourgeois, Des bons et des mauvais candidats ?, Revue Projet n° 364, 2018.
(359) P. Madec, Op. cit.
(360) Marine Bourgeois, Tris et sélections des populations dans le logement social. Une ethnographie comparée de trois villes françaises, 2019.
(361) ANCOLS, « Etude qualitative sur l'obligation d'attributions de logements sociaux situés en dehors d'un quartier prioritaire de la politique de la ville à des ménages modestes », juin 2021.
(362) Sept critères sont susceptibles de conférer l'éligibilité au DALO : (1) l'absence de domicile ; (2) la menace d'une expulsion sans solution de relogement ; (3) l'hébergement dans une structure d'hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale de façon continue depuis plus de six mois, ou dans un logement de transition ou un logement foyer depuis plus de 18 mois ; (4) le fait d'être logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre et dangereux ; (5) le fait d'être logé dans un logement non décent, à condition d'avoir à charge au moins un enfant mineur ou une personne handicapée ou de présenter soi‐même un handicap ; (6) le fait d'être logé dans un logement suroccupé, à condition d'avoir à charge au moins un enfant mineur ou une personne handicapée ou de présenter soi‐même un handicap ; (7) le fait d'avoir demandé un logement social depuis un délai « anormalement long ».
(363) L'Etat doit proposer aux ménages reconnus éligibles DALO une offre adaptée dans un délai de quelques mois. En cas de manquement, l'Etat peut voir sa responsabilité engagée.
(364) Cour des comptes, Le droit au logement opposable, Une priorité à restaurer, janvier 2022, p. 24.
(365) HCDL, 15 ans après la loi Dalo, un nécessaire rappel à la loi, avril 2022, p. 64.
(366) HCDL, ibid., p. 69.
(367) Citation du HCDL p. 68.
(368) Ibid.
(369) Instruction du Gouvernement relative au droit au logement opposable (DALO) du 13 décembre 2017, p. 12.
(370) Par exemple, le taux de décision favorable pour le motif d'hébergement de façon continue dans une structure d'hébergement ou de logement dans un logement de transition, logement foyer ou résidence hôtelière à vocation sociale est de 48 %, contre 7 % pour un motif de logement dans des locaux impropres à l'habitation, indignes ou dangereux, alors que la loi stipule que ces motifs sont tous deux reconnaissables au même titre (voir HCDL, op.cit., p. 78).
(371) En prétextant par exemple que la personne n'a pas fourni des documents pourtant non exigés, ou se trouve déjà actuellement hébergé dans un « logement convenable » (chez un tiers, ou dans une structure d'hébergement).
(372) Citation du HCDL, Op.cit.
(373) Cour des comptes, Le droit au logement opposable, Une priorité à restaurer, déjà cité, p. 11. A noter : la France est mise en cause dans plusieurs requêtes devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour l'inexécution, d'une part, de décisions administratives ordonnant le relogement des requérants et, d'autre part, de décisions juridictionnelles enjoignant sous astreinte au préfet de se conformer à cette obligation dans le cadre de procédures DALO. Voir CEDH, 5e section, Requête n° 47090/22 Audrey EISENAUER contre la France et 17 autres requêtes communiquées le 13 novembre 2023.
(374) Cour des comptes, Le droit au logement opposable, Une priorité à restaurer, déjà cité, p. 11.
(375) Voir supra, 2.1.
(376) Voir supra, 1.2.1. Le contingent préfectoral est un droit de réservation au profit du préfet sur les logements attribués par les bailleurs sociaux. L'article R. 441‐5 du CCH précise que « le total des logements réservés par le préfet au bénéfice des personnes prioritaires mentionnées à l'article L. 441‐1 ne peut représenter plus de 30 % du total des logements de chaque organisme, dont au plus 5 % au bénéfice des agents civils et militaires de l'Etat ». Les bénéficiaires de ce contingent sont les personnes désignées prioritaires DALO ou prioritaires en application de l'article L. 441‐1 du CCH. Il reste le plus mobilisé, mais les chiffres sont hétérogènes en fonction des territoires : si en Ile‐de‐France, 68,3 % des attributions au titre du contingent préfectoral ont bénéficié aux ménages DALO en 2019, dans les autres régions, moins de 11 % du contingent était mobilisé. (Voir Vie publique, « Droit au logement opposable : quelle application réelle du DALO ? », 21 juillet 2022).
(377) HCDL, « Publication du rapport “Bilan et perspectives des attributions de logements sociaux réservés par l'Etat aux ménages mal‐logés” », 4 octobre 2023.
(378) Ces obligations sont inscrites dans la loi du 27 janvier 2017 et codifiées au sein du CCH.
(379) Cour des comptes, Le droit au logement opposable, déjà cité, p. 53‐55, et ANCOLS, « Note relative à l'obligation d'attribution de logements aux ménages DALO ou prioritaires du secteur de la participation des employeurs à l'effort de construction », déjà citée.
(380) DDD, avis 16‐19 du 21 juillet 2016 relatif au projet de loi n° 773 relatif à l'égalité et à la citoyenneté, p. 3‐6.
(381) Circulaire du 18 décembre 2023 relative à la mixité sociale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
(382) Voir HCDL, « 15 ans après la loi DALO, un nécessaire rappel à la loi », déjà cité.
(383) Voir texte n° 494 (2022‐2023) de Mme Sophie PRIMAS et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 4 avril 2023, et son dossier législatif.
(384) Cour des comptes, Le droit au logement opposable, déjà cité.
(385) Ibid.
(386) Conseil national de la refondation - recommandations 3.2 « rendre plus efficace l'encadrement des loyers » https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20GT1.pdf.