JORF n°0275 du 25 novembre 2017

Avis

Assemblée plénière du 17 octobre 2017
(Adopté à l'unanimité moins deux abstentions)

Cet avis s'inscrit dans le cadre d'une étude menée par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur l'effectivité des droits de l'homme dans les Outre-mer, qui fera l'objet d'une publication en 2018.
« L'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures » (i)

  1. La réalisation du droit à un environnement sain dépend de l'accès à la plupart des droits de l'homme en même temps qu'elle le sous-tend. Cette interdépendance a été reconnue dans de nombreux textes internationaux, et tout dernièrement les Objectifs de développement durable dont le respect du droit à un environnement sain constitue l'une des pierres angulaires (ii), ou encore de l'Accord de Paris qui affirme le lien indéfectible entre protection de l'environnement et respect des droits de l'homme (iii).
  2. En cela, il est primordial de préserver et protéger notre environnement pour les générations futures. Cette nécessité est d'autant plus vraie dans des territoires particulièrement exposés comme peuvent l'être les territoires ultramarins français, dont beaucoup se trouvent dans des zones à risques ou encore se trouvent en première ligne des conséquences des dérèglements climatiques (iv). Pourtant, ces territoires bien qu'« aux avant-postes de la vulnérabilité climatique […] sont également à l'avant-garde en matière d'observation et d'évaluation des impacts, mais aussi en termes de définition de stratégies d'adaptation et de conception de projets innovants » (v). Aussi, loin d'être perçus comme les sacrifiés du changement climatique, les territoires ultramarins français doivent conduire à une prise de conscience collective et constituer le « fer de lance […] d'un nouveau modèle de développement » (vi).
  3. Impératif pour le bien-être et la dignité humaine, le droit à un environnement sain se voit pourtant malmené, voire entravé, par les activités de l'homme. C'est le cas, par exemple, des activités extractives dont les atteintes à l'environnement et aux droits de l'homme paraissent évidentes. Pourtant en tous points dévastatrice, cette forme d'industrie connaît depuis quelques années un renouveau en France, faisant alors craindre le développement d'un extractivisme toujours plus invasif. Bien que ce renouveau extractif tente de s'insérer dans une réflexion gouvernementale autour du concept de « mine responsable » (vii), l'inquiétude n'en demeure pas moins omniprésente.
  4. La question du droit à un environnement sain connaît une double temporalité. Tout d'abord, une temporalité internationale notamment marquée par les discussions en cours, au sein des Nations unies (viii), sur le projet de « pacte mondial pour l'environnement ». Dans sa version actuelle, ce projet, qui se voudra contraignant à terme, rappelle les grands principes du droit de l'environnement, dont, ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, le « droit à un environnement écologiquement sain » et le « devoir de prendre soin de l'environnement ». Il est à noter que le Président de la République a affiché son soutien au projet, en souhaitant son aboutissement le plus rapidement possible (ix). De plus, il convient de souligner la tenue prochaine de la COP23 qui étudiera la mise en œuvre des engagements pris en 2015.
    Ensuite, une temporalité nationale avec le processus de réforme du code minier sur lequel il convient de revenir préalablement à cet avis.
    Observation liminaire - La réforme du code minier
  5. En vue d'accompagner le renouveau minier en France, la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (x) prévoyait une réforme substantielle du code minier. Cette réforme devait poursuivre divers objectifs, à savoir : adapter le droit minier aux principes constitutionnels de la Charte de l'environnement (xi) ; moderniser les procédures d'attribution des titres miniers ; renforcer la sécurité juridique des titres ; et enfin, améliorer la participation des citoyens.
  6. Cette dernière ambition est particulièrement notable, car l'un des grands manquements du code minier actuel est qu'il n'exige aucune concertation du public, ni même d'enquête publique, en amont d'une demande de permis d'exploitation. Conscients des progrès à accomplir en la matière, les parlementaires à l'initiative de la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l'environnement, déposée le 24 novembre 2016, y portèrent une attention spécifique. En effet, ladite proposition de loi prévoyait notamment : l'information et la participation du public pour les demandes d'octroi de titres miniers ; la création d'une procédure dite « renforcée » réunissant les populations locales, les collectivités, et la société civile ; ainsi que la création d'une mission d'indemnisation de « l'après-mine » et le renforcement de la responsabilité des acteurs miniers en cas de dommages (xii).
  7. Bien que les améliorations ainsi souhaitées dans le code minier soient louables, nous constatons que de tels ajouts restent en-deçà des exigences de la Charte de l'environnement, tout comme des engagements internationaux de la France. Alors que ces derniers imposent à l'autorité publique de faire en sorte que les citoyens prennent part aux décisions les concernant (xiii), la proposition de loi prévoit seulement des procédures de participation consultatives qui, en outre, ne sont que facultatives.
  8. S'agissant des territoires ultramarins français, le projet de réforme, tel que présenté au Gouvernement, les écartaient, dans un premier temps, compte tenu de leurs spécificités, en prévoyant que ces derniers seraient traités, à part, dans un livre entier, dont le contenu est renvoyé à une ordonnance ultérieure (xiv).
  9. En tout état de cause, après une adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, le 25 janvier 2017, la proposition de loi ne put être adoptée avant la fin de la précédente législature. Craignant ainsi que ce projet de réforme ne soit abandonné, la CNCDH invite les pouvoirs publics à s'en saisir à nouveau.
  10. En effet, il apparaît essentiel de réformer sans plus attendre le code minier afin qu'y soient incorporées les nouvelles obligations constitutionnelles et internationales de la France (Charte de l'environnement, Accords de Paris, etc.).
    C'est pourquoi la CNCDH recommande au Gouvernement d'engager une réforme du code minier encore plus ambitieuse que celle initialement envisagée, afin d'y inscrire l'obligation formelle de consulter les populations préalablement à la délivrance de tout permis d'exploration ou d'exploitation, ainsi que le principe de participation aux décisions des personnes directement concernées.
  11. Liant la fragilité environnementale propre à l'Outre-mer et la menace que fait peser l'activité humaine sur le droit à un environnement sain, la CNCDH a fait le choix de s'interroger sur les conséquences des activités extractives conduites sur le territoire français en termes de protection de l'environnement et de la santé humaine. Plus particulièrement, elle s'intéresse à la question du respect du droit à un environnement sain dans le cadre de l'extraction de l'or en Guyane (Partie I) ou encore du nickel en Nouvelle-Calédonie (Partie II), activités d'extraction pleinement représentatives du paysage minier français.
  12. Les problématiques constatées sur ces deux territoires ultramarins présentent de nombreuses différences, tenant tant à la nature même du minéral extrait qu'aux contextes géographiques, historiques, climatiques, sociaux et économiques qui leur sont propres. Toutefois, l'impact sur le droit à un environnement sain y est préoccupant au même égard.
    Par ailleurs, l'un des points de focalisation de la CNCDH a porté sur le manque de reconnaissance du rôle des populations locales, et autochtones (xv), de ces deux territoires, dans les projets et activités miniers qui les concernent. Pourtant, les populations autochtones visées étant les premières victimes des conséquences néfastes dont il sera fait état dans cet avis, et il est donc regrettable qu'elles se trouvent ainsi écartées ou au moins marginalisées.
    Rappelant l'approche fondée sur les droits de l'homme, dont elle n'a de cesse de prôner la pertinence, la CNCDH attachera une attention toute particulière dans ses recommandations à ce que ces populations deviennent des acteurs de premier plan du respect du droit à un environnement sain.