- La prévision d'emploi traduit une croissance attendue de la valeur ajoutée de 1,2 % en 2024 et des gains de productivité de 1,0 % en 2024.
- Prévoir l'évolution de la productivité dans les années qui viennent est difficile. Les études les plus récentes (6) montrent que la forte baisse de la productivité par rapport à sa tendance avant la crise sanitaire due au Covid-19 est, en partie, explicable par des facteurs exceptionnels (essor de l'apprentissage, accroissement du taux d'emploi de la main-d'œuvre peu qualifiée, moindre disparation des entreprises les moins productives en lien avec la diminution des faillites lors de la crise sanitaire, rétention de main-d'œuvre) ; mais elle reste partiellement inexpliquée. Ainsi que l'illustre la diversité des hypothèses de productivité retenues par les instituts que le Haut Conseil a auditionnés, différents choix sont possibles pour prolonger en prévision cette part inexpliquée.
- Le Gouvernement fait le choix d'un rebond de la productivité vers sa tendance d'avant-crise. Ce choix peut être considéré comme raisonnable : il est intermédiaire entre celui d'une poursuite de la tendance récente à l'affaiblissement des gains de productivité et celui, retenu par exemple par la Banque de France, d'un rebond transitoire au-dessus de la tendance antérieure à la crise sanitaire grâce à la dissipation progressive de certains des facteurs exceptionnels l'ayant réduite entre 2020 et 2023, conjuguée à l'hypothèse d'une tendance sous-jacente inchangée.
- Compte tenu d'une prévision de valeur ajoutée, que le Haut Conseil considère comme un peu élevée, la prévision d'emploi peut en conséquence être considérée comme un peu optimiste.
- La croissance du salaire moyen par tête (SMPT) a surpris à la baisse l'ensemble des prévisionnistes au second semestre 2023. Si le net ralentissement du SMPT (+0,6 % en moyenne par trimestre contre +1,0 % au premier semestre) reflète en partie le profil des revalorisations du SMIC, il témoigne aussi d'une absence de rattrapage des pertes de pouvoir d'achat du SMPT des branches marchandes non agricoles enregistrées depuis 2022. En conséquence, si la baisse de l'inflation doit se traduire en 2024 par une hausse du pouvoir d'achat du SMPT, celle-ci devrait rester très modérée.
- La prévision de hausse du pouvoir d'achat du SMPT de 0,2 % en 2024 est plausible.
| Encadré : quelle évolution des salaires en 2024 ? |
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|L'évolution des salaires au second semestre 2023 s'est traduite par une surestimation importante du salaire moyen par tête (SMPT) des branches marchandes non agricoles (BMNA) dans les prévisions du Gouvernement pour 2023 : prévue à +5,3 % en PLF pour 2024, la croissance du SMPT des BMNA pour 2023 est aujourd'hui estimée par l'Insee à + 4,2 % et la totalité de l'écart provient des évolutions du second semestre.
Cette surestimation a été diagnostiquée de manière relativement précoce par le HCFP en s'appuyant sur les premières données des Urssaf sur les mois d'août et septembre. Dans son avis sur le PLF de fin de gestion, le Haut Conseil avait ainsi considéré que la prévision de masse salariale pour 2023 était un peu élevée. Toutefois cette surestimation n'avait pas été anticipée si bien que l'avis sur le PLF pour 2024 considérait que l'évolution du SMPT des BMNA pour 2023 était plausible.
Le recours à une modélisation économétrique du SMPT mettant en jeu l'évolution passée de celui-ci, celle de l'IPC, le taux de chômage et quelques retards de sa variation surestime quelque peu les évolutions du second semestre, mais cette surestimation est nettement inférieure à celle de la prévision du Gouvernement et n'est pas excessive au regard de la précision de l'équation ainsi obtenue.
Elle retrace une sous-indexation des salaires sur l'inflation à court terme et une absence de rattrapage à moyen-long terme des pertes de pouvoir d'achat qui peuvent en résulter en cas de forte inflation. Elle laisse attendre une très faible hausse du pouvoir d'achat du SMPT des BMNA en 2024 (0,2 % contre une hausse de 0,4 % dans la prévision du Gouvernement associé au PLF pour 2024). Même si la prévision du Gouvernement ressort à cette aune un peu optimiste, les fragilités qui affectent cette modélisation invitent à considérer cette différence comme peu significative.|
- Le Haut Conseil estime que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2024, révisée en baisse par rapport à la loi de finances pour 2024, demeure optimiste, même si elle n'est pas hors d'atteinte. Elle est plus élevée que les prévisions recensées par le Haut Conseil, alors même qu'elle suppose la mise en œuvre de mesures budgétaires et fiscales supplémentaires qui, si elles étaient intégralement réalisées, pèseraient sur la croissance en cours d'année.
- Il considère que la prévision d'inflation pour 2024 (2,5 %), qui traduit l'apaisement progressif des tensions inflationnistes entraînées par les difficultés d'approvisionnement consécutives à la crise du Covid et la hausse des prix des produits énergétiques et agricoles suite au déclenchement de la guerre en Ukraine, est réaliste.
- Il note enfin que la prévision de croissance de la masse salariale pour 2024 est affectée d'incertitudes importantes liées à la difficulté de comprendre les évolutions de l'emploi depuis la crise sanitaire, mais qu'elle est un peu élevée car elle s'appuie sur une prévision de croissance de l'activité elle-même un peu élevée.
IV. Observations sur le scénario macroéconomique pour les années 2025 à 2027
- Les prévisions du Programme de stabilité en matière de croissance et d'inflation à l'horizon 2027 doivent être examinées au regard de la croissance potentielle que la France peut atteindre à utilisation inchangée des facteurs de production et de la position de l'économie française dans le cycle. Celle-ci s'apprécie à partir de l'écart de production (output gap), correspondant à l'écart entre le PIB en volume observé et le PIB potentiel. Le PIB potentiel est défini comme la production qui serait obtenue une fois éliminés les chocs temporaires qui affectent l'économie, en mobilisant à leur niveau d'équilibre les facteurs de production. L'écart de production constitue ainsi, quand il est négatif, un indicateur de la capacité de rebond de l'activité économique, et, quand il est positif, signale une perspective de ralentissement.
A. - La croissance potentielle et l'écart de production
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Le scénario du Gouvernement
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D'après le Gouvernement, « Le scénario de croissance potentielle sous-jacent à la prévision macroéconomique du Gouvernement a été révisé sur le passé par rapport à la LPFP. La perte pérenne de PIB potentiel liée à la crise sanitaire et énergétique est revue légèrement à la hausse (avec un choc en niveau de 1 ½ pt au lieu de 1 ¼ pt dans la dernière LPFP) : les chocs successifs semblent en effet affecter l'économie française plus longtemps que prévu, ce que reflète la reprise plus tardive qu'anticipé à l'automne dernier. L'écart de production en 2023 s'élèverait à −1,1 pt et resterait négatif en 2024 (−1,5 pt) et 2025 (−1,4 pt). […] »
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« La croissance potentielle s'établirait à +1,35 % sur 2023-2027, sans changement par rapport à la LPFP. »
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Appréciation du Haut Conseil
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Le Gouvernement a révisé à la marge son scénario de PIB potentiel : il n'a pas modifié son hypothèse de croissance potentielle (1,35 % par an entre 2024 et 2027) mais ajusté légèrement à la hausse son estimation de la perte de PIB potentiel en niveau, à 1 ½ point au lieu de 1 ¼ point dans la LPFP 2023-2027 et de ¾ point dans son précédent Programme de stabilité.
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C'est ainsi la cinquième fois depuis 2020 que le Gouvernement ajuste son scénario de PIB potentiel sur le passé pour prendre en compte les effets de la pandémie de Covid-19, de la guerre en Ukraine et des politiques mises en œuvre pour en limiter les conséquences sur l'économie, tout en supposant à l'inverse que ces crises n'ont pas affecté la trajectoire de croissance future.
Graphique 5. - Perte pérenne du PIB potentiel en niveau
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du JO
nº 0096 du 24/04/2024, texte nº 73
Source : Gouvernement
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