JORF n°0224 du 27 septembre 2022

  1. Des aléas nombreux

  2. Les perspectives de croissance de l'économie mondiale restent soumises, en premier lieu, aux incertitudes entourant les approvisionnements énergétiques des pays de la zone euro. En cas de rupture, les stocks de gaz constitués jusqu'à présent ne couvriront qu'une partie des besoins. La situation serait plus difficile encore si l'hiver était froid. La production pourrait alors être sévèrement perturbée et le risque de récession élevé.

  3. Les risques sanitaires n'ont pas totalement disparu. L'apparition d'un nouveau variant ou la baisse de l'efficacité des vaccins au fil du temps pourraient conduire à de nouvelles vagues épidémiques qui viendraient à nouveau peser sur l'activité.

  4. Enfin, les risques financiers se sont accrus. Le réglage des politiques monétaires face à un choc inflationniste est toujours délicat et l'« atterrissage en douceur » des économies américaine et européennes, visé par les banques centrales et retenu dans les prévisions des organisations internationales comme du Gouvernement, est, d'expérience, difficile à réussir. Le durcissement en cours, qui vise à freiner l'activité pour ramener l'inflation vers la cible des banques centrales, comporte un risque de récession économique. Il pourrait de surcroît accentuer les difficultés économiques et financières de plusieurs pays émergents, amplifiant ainsi le ralentissement de l'économie mondiale. À l'inverse, un allégement des pressions sur les cours des matières premières et sur les approvisionnements pourrait entraîner une baisse plus rapide que prévu de l'inflation, une détente sur les taux d'intérêt et un rebond plus rapide qu'anticipé de la croissance.

II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2022 et 2023

  1. Le scénario du Gouvernement

  2. Selon la saisine du Gouvernement, « En moyenne annuelle, l'activité [en 2022] progresserait de +2,7 %, une prévision revue à la hausse par rapport à celle du PLFR 2022 du fait des bons résultats du 2e trimestre qui ont porté l'acquis de croissance à 2,5 %. […] En 2023, la croissance de l'activité serait ramenée à +1,0 % ».

  3. « L'inflation (au sens de l'IPC) s'établirait en 2022 à +5,3 % en moyenne annuelle (après +1,6 % en 2021), notamment en raison du dynamisme des prix de l'énergie. […] L'inflation sous-jacente augmenterait à +4,1 % en 2022, après +1,1 % en 2021, en lien avec les effets différés de la diffusion des hausses de prix des matières premières sur les prix à la consommation de certains produits alimentaires et manufacturés. […] L'inflation diminuerait en 2023, à +4,2 %, tout en restant soutenue par l'inflation sous-jacente. L'inflation totale serait encore élevée en début d'année et refluerait progressivement. […] L'inflation sous-jacente serait stable en 2023, à +4,1 %, en lien notamment avec un pic sur l'inflation des produits manufacturés et alimentaires entre la fin de l'année 2022 et le début de l'année 2023 et des prix des services qui resteraient dynamiques. »

  4. « La masse salariale privée des branches marchandes non agricoles (BMNA) progresserait de +8,6 % [en 2022], ce qui reflète le dynamisme de l'emploi et des salaires et aussi l'impact comptable de la sortie de l'activité partielle. Elle serait soutenue par une progression de l'emploi très élevée en moyenne annuelle (+2,9 %) […] Retraités de l'activité partielle, les salaires accélèreraient mais à un rythme inférieur à l'inflation. Cela reflète à la fois un effet de composition et un ajustement retardé des salaires à la hausse des prix. Ce salaire moyen par tête (SMPT) « économique » y compris primes progresserait ainsi de 3,6 %. […] La progression de la masse salariale ralentirait en 2023 (+5,0 %) du fait d'une hausse moins marquée de l'emploi, liée au ralentissement de l'activité, tandis que les salaires accélèreraient. L'emploi salarié marchand non-agricole augmenterait de 0,7 % en moyenne annuelle. Le SMPT économique accélèrerait à +4,1 % du fait de la hausse passée de l'inflation en 2022, qui continuerait d'affecter les négociations, et de la dynamique des prix en 2023. »

  5. Appréciation du Haut Conseil

  6. Le Haut Conseil examine successivement les hypothèses de croissance de l'activité, d'inflation, d'emploi et de masse salariale du secteur privé.
    a) La croissance de l'activité :

  7. Pour 2022, le Gouvernement prévoit une progression du PIB en volume de 2,7 %, en hausse de + 0,2 point par rapport au programme de stabilité 2022-2027 présenté en juillet dernier. Pour 2023, le Gouvernement prévoit une croissance de l'activité de 1,0 %.

  8. Le PIB a rebondi de 0,5 % au deuxième trimestre 2022 après une contraction de -0,2 % au premier trimestre, ce qui porte l'acquis de croissance pour 2022 à 2,5 % à la fin du premier semestre. Les instituts de conjoncture que le Haut Conseil a auditionnés tablent désormais, comme le Gouvernement, sur une croissance légèrement supérieure à 2,5 % en 2022. Des incertitudes fortes pèsent toutefois sur l'activité de fin d'année, compte tenu du risque qui pèse sur l'approvisionnement en gaz et sur le niveau de la production d'électricité en France et en Europe.

  9. Si pour 2022, les prévisions du Gouvernement sont proches des autres prévisions disponibles (Insee, OFCE, Rexecode, Banque de France), elles s'en écartent sensiblement pour 2023. Les instituts auditionnés prévoient une croissance en 2023 comprise entre 0 et 0,6 %, traduisant un net ralentissement, voire une baisse, de l'activité au cours de l'hiver prochain, suivi d'un rebond très modéré. Le consensus des économistes dont fait état la publication du Consensus Forecasts de septembre affiche une forte baisse de la prévision de croissance pour 2023, à 0,6 %. Il convient de noter que les dernières prévisions relatives à l'économie allemande anticipent désormais une récession en 2023 (IFO, Kiel Institute, Consensus Forecasts) alors que le scénario international du Gouvernement prévoit une croissance de l'Allemagne de 0,8 %.

Tableau 3 : les prévisions de croissance du PIB de la France en 2023

| |Date de publication|2022|2023| |---------------------|-------------------|----|----| | OCDE | 8 juin |2,4 |1,4 | |Commission européenne| 14 juillet |2,4 |1,4 | | FMI | 26 juillet |2,3 |1,0 | | Insee | 7 septembre |2,6 | | | Rexecode | 9 septembre |2,6 |0,0 | | Consensus Forecasts | 12 septembre |2,5 |0,6 | | Banque de France | 14 septembre |2,6 |0,5 | | OFCE | 14 septembre |2,6 |0,6 | | Gouvernement | 15 septembre |2,7 |1,0 |

Source : Projet de loi de finances pour 2023, perspectives économiques de l'OCDE de juin 2022, OFCE, projections macroéconomiques de la Banque de France de septembre 2022, Rexecode, point de conjoncture de l'Insee de septembre 2022, Consensus Forecasts de septembre 2022, prévisions d'été de la Commission européenne de juillet 2022, mise à jour des perspectives de l'économie mondiale du FMI de juillet 2022.


Historique des versions

Version 1

3. Des aléas nombreux

15. Les perspectives de croissance de l'économie mondiale restent soumises, en premier lieu, aux incertitudes entourant les approvisionnements énergétiques des pays de la zone euro. En cas de rupture, les stocks de gaz constitués jusqu'à présent ne couvriront qu'une partie des besoins. La situation serait plus difficile encore si l'hiver était froid. La production pourrait alors être sévèrement perturbée et le risque de récession élevé.

16. Les risques sanitaires n'ont pas totalement disparu. L'apparition d'un nouveau variant ou la baisse de l'efficacité des vaccins au fil du temps pourraient conduire à de nouvelles vagues épidémiques qui viendraient à nouveau peser sur l'activité.

17. Enfin, les risques financiers se sont accrus. Le réglage des politiques monétaires face à un choc inflationniste est toujours délicat et l'« atterrissage en douceur » des économies américaine et européennes, visé par les banques centrales et retenu dans les prévisions des organisations internationales comme du Gouvernement, est, d'expérience, difficile à réussir. Le durcissement en cours, qui vise à freiner l'activité pour ramener l'inflation vers la cible des banques centrales, comporte un risque de récession économique. Il pourrait de surcroît accentuer les difficultés économiques et financières de plusieurs pays émergents, amplifiant ainsi le ralentissement de l'économie mondiale. À l'inverse, un allégement des pressions sur les cours des matières premières et sur les approvisionnements pourrait entraîner une baisse plus rapide que prévu de l'inflation, une détente sur les taux d'intérêt et un rebond plus rapide qu'anticipé de la croissance.

II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2022 et 2023

1. Le scénario du Gouvernement

18. Selon la saisine du Gouvernement, « En moyenne annuelle, l'activité [en 2022] progresserait de +2,7 %, une prévision revue à la hausse par rapport à celle du PLFR 2022 du fait des bons résultats du 2e trimestre qui ont porté l'acquis de croissance à 2,5 %. […] En 2023, la croissance de l'activité serait ramenée à +1,0 % ».

19. « L'inflation (au sens de l'IPC) s'établirait en 2022 à +5,3 % en moyenne annuelle (après +1,6 % en 2021), notamment en raison du dynamisme des prix de l'énergie. […] L'inflation sous-jacente augmenterait à +4,1 % en 2022, après +1,1 % en 2021, en lien avec les effets différés de la diffusion des hausses de prix des matières premières sur les prix à la consommation de certains produits alimentaires et manufacturés. […] L'inflation diminuerait en 2023, à +4,2 %, tout en restant soutenue par l'inflation sous-jacente. L'inflation totale serait encore élevée en début d'année et refluerait progressivement. […] L'inflation sous-jacente serait stable en 2023, à +4,1 %, en lien notamment avec un pic sur l'inflation des produits manufacturés et alimentaires entre la fin de l'année 2022 et le début de l'année 2023 et des prix des services qui resteraient dynamiques. »

20. « La masse salariale privée des branches marchandes non agricoles (BMNA) progresserait de +8,6 % [en 2022], ce qui reflète le dynamisme de l'emploi et des salaires et aussi l'impact comptable de la sortie de l'activité partielle. Elle serait soutenue par une progression de l'emploi très élevée en moyenne annuelle (+2,9 %) […] Retraités de l'activité partielle, les salaires accélèreraient mais à un rythme inférieur à l'inflation. Cela reflète à la fois un effet de composition et un ajustement retardé des salaires à la hausse des prix. Ce salaire moyen par tête (SMPT) « économique » y compris primes progresserait ainsi de 3,6 %. […] La progression de la masse salariale ralentirait en 2023 (+5,0 %) du fait d'une hausse moins marquée de l'emploi, liée au ralentissement de l'activité, tandis que les salaires accélèreraient. L'emploi salarié marchand non-agricole augmenterait de 0,7 % en moyenne annuelle. Le SMPT économique accélèrerait à +4,1 % du fait de la hausse passée de l'inflation en 2022, qui continuerait d'affecter les négociations, et de la dynamique des prix en 2023. »

2. Appréciation du Haut Conseil

21. Le Haut Conseil examine successivement les hypothèses de croissance de l'activité, d'inflation, d'emploi et de masse salariale du secteur privé.

a) La croissance de l'activité :

22. Pour 2022, le Gouvernement prévoit une progression du PIB en volume de 2,7 %, en hausse de + 0,2 point par rapport au programme de stabilité 2022-2027 présenté en juillet dernier. Pour 2023, le Gouvernement prévoit une croissance de l'activité de 1,0 %.

23. Le PIB a rebondi de 0,5 % au deuxième trimestre 2022 après une contraction de -0,2 % au premier trimestre, ce qui porte l'acquis de croissance pour 2022 à 2,5 % à la fin du premier semestre. Les instituts de conjoncture que le Haut Conseil a auditionnés tablent désormais, comme le Gouvernement, sur une croissance légèrement supérieure à 2,5 % en 2022. Des incertitudes fortes pèsent toutefois sur l'activité de fin d'année, compte tenu du risque qui pèse sur l'approvisionnement en gaz et sur le niveau de la production d'électricité en France et en Europe.

24. Si pour 2022, les prévisions du Gouvernement sont proches des autres prévisions disponibles (Insee, OFCE, Rexecode, Banque de France), elles s'en écartent sensiblement pour 2023. Les instituts auditionnés prévoient une croissance en 2023 comprise entre 0 et 0,6 %, traduisant un net ralentissement, voire une baisse, de l'activité au cours de l'hiver prochain, suivi d'un rebond très modéré. Le consensus des économistes dont fait état la publication du Consensus Forecasts de septembre affiche une forte baisse de la prévision de croissance pour 2023, à 0,6 %. Il convient de noter que les dernières prévisions relatives à l'économie allemande anticipent désormais une récession en 2023 (IFO, Kiel Institute, Consensus Forecasts) alors que le scénario international du Gouvernement prévoit une croissance de l'Allemagne de 0,8 %.

Tableau 3 : les prévisions de croissance du PIB de la France en 2023

Date de publication

2022

2023

OCDE

8 juin

2,4

1,4

Commission européenne

14 juillet

2,4

1,4

FMI

26 juillet

2,3

1,0

Insee

7 septembre

2,6

Rexecode

9 septembre

2,6

0,0

Consensus Forecasts

12 septembre

2,5

0,6

Banque de France

14 septembre

2,6

0,5

OFCE

14 septembre

2,6

0,6

Gouvernement

15 septembre

2,7

1,0

Source : Projet de loi de finances pour 2023, perspectives économiques de l'OCDE de juin 2022, OFCE, projections macroéconomiques de la Banque de France de septembre 2022, Rexecode, point de conjoncture de l'Insee de septembre 2022, Consensus Forecasts de septembre 2022, prévisions d'été de la Commission européenne de juillet 2022, mise à jour des perspectives de l'économie mondiale du FMI de juillet 2022.