Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.
Prévisions de PIB potentiel et écarts de production
- Les prévisions de croissance et d'inflation du Gouvernement s'appuient sur une hypothèse inhabituelle de baisse du prix du pétrole, de 110 dollars le baril en 2022 à 98 dollars en 2023, contrairement à la pratique usuelle du Gouvernement consistant à stabiliser le prix du pétrole au dernier niveau connu sans anticiper des évolutions par nature très aléatoires. Cette hypothèse inhabituelle a pour effet d'abaisser la prévision de prix des produits pétroliers et d'inflation et de rehausser celle de croissance.
- Le Haut Conseil avait estimé, dans son avis sur le PLFR pour 2022, que l'hypothèse de croissance de la masse salariale pour 2022 était plausible, même si la prévision d'emploi était plus faible et celle du salaire par tête plus forte que celles d'autres institutions. Pour 2023, la prévision d'emploi peut également être considérée comme plausible : l'hypothèse, favorable, de croissance, serait contrebalancée par celle, défavorable à l'emploi, d'un net rebond anticipé de la productivité.
- La prévision du salaire moyen par tête semblant un peu sous-estimée, la prévision de masse salariale des branches marchandes non agricoles peut au total être considérée comme un peu basse.
- Le Haut Conseil réitère l'appréciation qu'il avait portée dans son avis sur le premier projet de loi de finances rectificative, selon laquelle la prévision de croissance du Gouvernement pour 2022 (+ 2,5 %) n'est pas hors d'atteinte mais est un peu élevée. Il estime que c'est aussi le cas de celle pour 2023 présentée dans le programme de stabilité (+ 1,4 %). L'inflation prévue pour ces deux années (5,0 % puis 3,2 %) paraît à l'inverse sous-estimée. La prévision de croissance de la masse salariale des branches marchandes non agricoles pour 2022 (+ 8,5 % en 2022) est quant à elle plausible, mais celle pour 2023 (+ 3,7 %) semble basse.
II. - OBSERVATIONS SUR LE SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE POUR LES ANNÉES 2024 À 2027
- Les prévisions du programme de stabilité en matière de croissance et d'inflation à l'horizon 2027 doivent être examinées au regard de la croissance potentielle que la France peut atteindre à utilisation inchangée des facteurs de production et de la position de l'économie française dans le cycle. Celle-ci s'apprécie à partir de l'écart de production (output gap), correspondant à l'écart entre le PIB observé et le PIB potentiel. Le PIB potentiel est défini comme la production qui serait obtenue une fois éliminés les chocs temporaires qui affectent l'économie, en mobilisant à leur niveau d'équilibre les facteurs de production disponibles. L'écart de production constitue ainsi, quand il est négatif, un indicateur de la capacité de rebond de l'activité économique, et, quand il est positif, une perspective de ralentissement.
A. - La croissance potentielle et l'écart de production
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Le scénario du Gouvernement
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Selon la saisine du Gouvernement, « à partir de 2022, la croissance potentielle retrouverait le rythme tendanciel prévu dans la LPFP (+ 1,35 %), la capacité productive de l'économie étant soutenue par les réformes et les investissements du Gouvernement, qui contribueraient notamment à accroître l'offre de travail et à atteindre le plein emploi. […] »
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« L'écart de production en 2022 serait de − 1,4 pt. La croissance serait supérieure à son rythme potentiel de 1,35 % sur la période 2023-2027 pour le refermer progressivement jusqu'à être nul en 2027. »
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Appréciation du Haut Conseil
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Le Gouvernement a réajusté sa trajectoire de croissance potentielle par rapport à celle publiée dans le Rapport économique, social et financier (RESF) pour 2022. Il estime désormais que la perte de PIB potentiel en niveau due à la crise sanitaire s'élève à ¾ point contre 1 ¾ point dans le RESF pour 2022 (et 2 ¼ points dans le programme de stabilité 2021-2027), mais sans changer pour autant son estimation de la trajectoire antérieure de croissance potentielle, telle qu'elle a été définie dans la loi de programmation 2018-2022.
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La référence à la croissance potentielle prévue par la LPFP 2018-2022, même ajustée en prenant en compte une hypothèse de perte durable du PIB liée à la crise sanitaire, apparaît pourtant dépassée puisque la croissance de la productivité globale des facteurs (PGF) a été inférieure depuis 2017 à ce qui était prévu par la LPFP : la prise en compte d'une évolution plus faible que prévu de la PGF avant 2022 conduirait alors à réviser à la baisse le niveau du PIB potentiel et donc à la hausse l'écart de production sur l'ensemble de la période, et en particulier en 2022.
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Le Gouvernement évalue en conséquence à - 1,4 point l'écart de production en 2022 au lieu de - 0,5 point précédemment.
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Cette évaluation se situe dans le bas de la fourchette des organisations internationales (- 0,6 % pour la Commission européenne, - 0,9 % pour le FMI et - 1,8 % pour l'OCDE).
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En outre, un écart de production aussi négatif suggère une sous-utilisation importante des facteurs de production, ce qui paraît peu compatible avec les difficultés avérées que rencontrent les entreprises en matière de qualifications et de recrutement, difficultés dont rendent clairement compte les enquêtes de conjoncture : ces difficultés sont d'une ampleur similaire voire supérieure à celles de 2019, une période marquée par un écart de production positif. Si le Gouvernement justifie notamment son évaluation par un potentiel de rebond de la production dans certains secteurs (automobile, aéronautique), l'insuffisance générale d'offre de main-d'œuvre laisse penser que les marges pour augmenter la production à l'échelle de l'ensemble de l'économie sont réduites.
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A partir de 2022, le Gouvernement maintient sa prévision de croissance potentielle égale à 1,35 % par an : il suppose ainsi que, une fois passé le choc de 2020-2021, la croissance potentielle sera légèrement supérieure à l'estimation qu'il en faisait pour la période d'avant-crise (1,25 % par an en 2018-2019). Cette évaluation de la croissance potentielle est proche de celle du FMI (1,3 %) et de celle de l'OFCE (1,5 % en 2023, 1,4 % en 2024 et 1,3 % après 2025), mais nettement supérieure à celles de la Commission européenne (1 %), de l'OCDE (1,0 %) et de Rexecode, qui estime que la croissance potentielle sera inférieure à 1 % après 2023.
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La prévision de croissance potentielle du Gouvernement est également plus élevée que l'estimation, proche de 1 %, qui peut en être faite en répliquant la méthodologie présentée par la DG Trésor à l'occasion de la précédente LPFP (cf. annexe), en se fondant sur les dernières projections de population active de l'INSEE et en prolongeant la tendance de la productivité d'avant-crise, tout en tenant compte des effets de la réforme des retraites et des autres réformes annoncées ou en cours de mise en œuvre.
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Au total, du fait de choix favorables à la fois sur le niveau de l'écart de production en début de période et sur la croissance potentielle ultérieure, la trajectoire de PIB potentiel du Gouvernement se révèle supérieure en fin de période à la fois à celle de la Commission européenne (+ 2,3 % en 2026) et à celle du FMI (+ 0,7 % en 2027).
Graphique 1. - Comparaison des prévisions de PIB potentiel en France (PIB potentiel en Md€ en volume)
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0175 du 30/07/2022, texte nº 145
Source : prévisions économiques de printemps de la Commission européenne (mai 2022), de l'OCDE (juin 2022) et du FMI (avril 2022) et programme de stabilité du Gouvernement 2022-2027.
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