Synthèse
L'incertitude élevée résultant de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de covid-19 amène de fréquentes révisions des prévisions macroéconomiques et des réponses apportées par le Gouvernement en termes de politiques et de finances publiques. Le Haut Conseil est ainsi appelé, pour la troisième fois en moins de trois mois, à rendre un avis sur un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020.
Le Haut Conseil note que le scénario du Gouvernement ne suppose plus, contrairement à celui présenté dans le précédent PLFR, un retour rapide à la normale de l'activité, mais prévoit que l'activité restera au second semestre nettement en dessous de son niveau de la fin 2019.
En conséquence, il considère prudente la prévision du Gouvernement d'un recul de l'activité de 11 % en 2020. Une poursuite de l'évolution favorable du contexte sanitaire et une utilisation plus forte au second semestre que retenu dans les hypothèses du gouvernement de l'épargne contrainte accumulée par les ménages pourraient conduire à une récession moins marquée.
Le Haut Conseil estime que l'emploi pourrait être un peu plus élevé que prévu par le Gouvernement, mais l'inflation, à l'inverse, un peu plus basse.
Le Haut Conseil note que la prévision de déficit du Gouvernement s'établit à 11,4 points de PIB, un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dégradation du déficit par rapport au précédent PLFR résulte de nouvelles dépenses, de la forte révision des hypothèses macroéconomiques et de prévisions plus réalistes pour certaines dépenses décidées auparavant.
Le Haut Conseil relève que des évolutions macroéconomiques plus favorables pourraient limiter le creusement du déficit public. En sens contraire, il souligne qu'une partie des mesures présentées comme des mesures de trésorerie pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année et que toutes les mesures de soutien de l'activité annoncées par le Gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, n'ont pas été traduites dans ce PLFR.
Il relève que le déficit structurel pour 2020, tel qu'estimé par le Gouvernement, serait identique à celui de 2019 (2,2 points de PIB) et s'écarterait significativement de la loi de programmation. Le déficit structurel pourrait en outre se révéler plus élevé que prévu dans ce 3e PLFR. En effet, certaines des dépenses liées à la crise sanitaire, considérées comme temporaires par le Gouvernement, pourraient être prolongées au-delà de 2020. Par ailleurs, l'évaluation du PIB potentiel risque d'être revue à la baisse en raison de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage et des conséquences de la hausse prévisible des faillites d'entreprises et de la baisse des investissements sur les capacités de production ainsi que de l'impact sur la productivité de la mise en œuvre durable des mesures de protection sanitaire.
Le Haut Conseil constate que la prévision du ratio de la dette publique au PIB est révisée de plus de 5 points par rapport au précédent PLFR et de 22 points par rapport à la loi de finances initiale. Ce ratio dépasserait ainsi 120 points de PIB à la fin de l'année 2020. Cette hausse massive, qui s'ajoute à une croissance quasi ininterrompue depuis 10 ans, fragilise la soutenabilité à moyen terme des finances publiques de la France et appelle une vigilance particulière.
Observations liminaires
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Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 8 juin 2020, le présent avis.
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Sur le périmètre du présent avis
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Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 4 juin 2020, en application de l'article 15 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, de l'article liminaire du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 pour rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques associées ainsi que sur la cohérence de ce projet de loi avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 (LPFP).
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Sur la méthode utilisée par le Haut Conseil
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Afin d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de finances rectificative, le Haut Conseil s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations communiquées par le Gouvernement, dans sa saisine et dans les réponses aux questionnaires que leur a adressés le Haut Conseil.
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Le Haut Conseil a procédé, comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, aux auditions des représentants des administrations compétentes (direction générale du Trésor, direction du budget et direction de la sécurité sociale) à la suite de la saisine initiale. Il a de plus procédé aux auditions de représentants de l'INSEE, de la Direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares), de la Banque de France, de Rexecode et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le Haut Conseil s'est également appuyé sur les travaux de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international (FMI), qui ont produit récemment des prévisions ou des analyses des effets économiques des mesures prises pour lutter contre la pandémie de coronavirus covid-19.
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Comme le Haut Conseil l'avait relevé dans ses avis précédents relatifs aux deux premiers PLFR pour 2020 (1), la crise sanitaire se traduit par des incertitudes d'une ampleur inédite qui rendent difficile tout exercice de prévision économique et par des chocs qui suscitent des réponses budgétaires d'une portée inhabituelle.
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Comme lors de son avis relatif au deuxième PLFR, le Haut Conseil note que ce troisième PLFR ne procède pas à un réexamen intégral des dépenses et des recettes des administrations publiques et qu'il ne marque vraisemblablement pas la fin du processus d'ajustement aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Le Haut Conseil note que le Gouvernement n'a par ailleurs pas présenté de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, malgré le surcroît prévu de dépenses de santé et la dégradation considérable de la situation financière de la sécurité sociale.
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Après une présentation du contexte général (I), le Haut Conseil formule son appréciation d'une part sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de loi de finances rectificative (II) et d'autre part sur les prévisions de finances publiques associées (III).
I. - Une crise économique mondiale sans précédent
- La crise sanitaire occasionnée par l'épidémie de covid-19 a touché l'ensemble de la planète. La mise en place de mesures de confinement visant à freiner l'épidémie a restreint l'activité de nombreux secteurs économiques et conduit à une récession d'une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Si les principales économies mondiales sont aujourd'hui sorties de la période de restriction stricte des déplacements et des activités économiques, le retour à la normale de l'activité ne s'effectue que graduellement.
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Note : le Oxford COVID-19 Government Response Tracker (OxCGRT) est un projet de suivi de l'évolution des mesures mises en place par les gouvernements pendant la période de propagation de l'épidémie de covid-19. Il consiste en un indice composite mesurant la rigueur de ces réponses à partir d'une série d'indicateurs (fermeture des écoles, restrictions de déplacement, etc.).
9. La plupart des économies à travers le monde ont ainsi été fortement affectées par la crise depuis le début de l'année. Son impact s'est fait ressentir dès le premier trimestre, avec des baisses de PIB de 9,8 % en Chine, 1,3 % aux Etats-Unis et 3,2 % au sein de l'Union européenne par rapport au quatrième trimestre 2019. L'impact sur les économies porte à la fois sur l'appareil productif dont le fonctionnement est entravé par les restrictions sanitaires et sur la demande adressée aux entreprises, dans un contexte de fortes incertitudes ressenties par les acteurs économiques.
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- L'ensemble de la zone euro connaît une très forte contraction de son PIB au premier trimestre 2020, avec une baisse du PIB de 3,6 % par rapport au trimestre précédent. La baisse de l'activité présente une grande hétérogénéité entre pays. De possibles différences dans le recueil et le traitement des données existantes par les instituts statistiques fragilisent les comparaisons actuelles. Néanmoins, certains pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas, moins touchés par la pandémie et, n'ayant pas mis en place des mesures de restrictions sanitaires aussi strictes que dans d'autres pays, semblent avoir connu des récessions moins prononcées que les pays comme l'Espagne, la France ou l'Italie plus affectés par l'épidémie et où les mesures de confinement ont été plus strictes.
- La chute de PIB s'annonce nettement plus forte au deuxième trimestre dans la plupart des pays avec la mise à l'arrêt volontaire de pans entiers de l'économie, particulièrement en avril. De plus, l'activité ne se redresse que progressivement depuis que les mesures de restriction ont commencé à être levées.
- Un rebond de l'activité est attendu par l'ensemble des prévisionnistes au second semestre, mais celle-ci devrait connaître au total une baisse très marquée sur l'ensemble de l'année 2020. Dans sa prévision de juin, la Banque centrale européenne estime ainsi que le PIB du monde hors zone euro se contracterait de 4,0 % sur l'ensemble de l'année 2020 et celui de la zone euro de 8,7 %.
- Les conséquences économiques de la crise dans les pays de la zone euro ont toutefois été amorties par la réaction massive et rapide des politiques économiques. La Banque centrale européenne, dont la politique monétaire était déjà très accommodante avant la crise, a adopté dès le mois de mars de nouvelles mesures de soutien, dont elle a encore accru l'ampleur début juin (augmentation de la taille de ses programmes d'achat d'actifs, renforcement des apports de liquidités aux banques par des opérations de refinancement de long terme ciblées…).
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- Les politiques budgétaires ont été massivement expansionnistes dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, bien au-delà de l'effet des seuls stabilisateurs automatiques. Au-delà des réponses nationales, l'Union européenne a décidé la création de fonds à hauteur de 540 Md€ de prêts aux Etats membres, notamment pour le financement de l'activité partielle. Par ailleurs, la Commission européenne a proposé la création d'un instrument financier pour la relance économique de 750 Md€, dont 500 Md€ de subventions directes aux Etats membres et secteurs les plus touchés par la crise, qui serait intégré au sein du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027 (Next Generation EU).
- La trajectoire de sortie de la crise sanitaire dans l'ensemble des pays demeure incertaine à ce stade. De nombreux aléas supplémentaires pourraient se matérialiser. En particulier, la vulnérabilité de nombreux pays émergents au reflux massif des financements extérieurs qu'a entraîné la crise sanitaire et économique, renforcée pour certains par la faiblesse des prix des matières premières, pourrait se manifester de manière plus aigüe dans les mois à venir. La montée en puissance des mesures protectionnistes pourrait accentuer ces risques. À l'inverse, en zone euro, les dispositifs destinés à maintenir dans une large mesure les rémunérations des salariés ont conduit à la constitution une épargne contrainte importante et celle-ci pourrait être consommée dans les mois à venir, permettant ainsi un rebond plus net de l'activité, mais dans une ampleur qui reste très difficile à anticiper.
II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2020
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Les prévisions du Gouvernement
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Selon la saisine du Gouvernement, le « PIB serait en recul de -11 % en 2020. Les mesures de restriction sanitaires en vigueur en France depuis mi-mars ont pris fin le 11 mai, après une durée totale de 8 semaines. Le redémarrage vers les niveaux tendanciels s'observe depuis le 11 mai et devrait se poursuivre au-delà du 2 juin […].
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La consommation des ménages serait en fort recul sur l'ensemble de l'année. […] Elle ne reviendrait pas complètement à son niveau usuel fin 2020 en raison de contraintes sanitaires dans certains secteurs. L'investissement en construction serait pénalisé par une fermeture quasi-générale des chantiers durant le confinement. L'investissement productif pâtirait de la forte incertitude et du recul de l'activité. Les flux touristiques seraient très réduits en 2020 et ne reviendraient pas à leur niveau antérieur à horizon fin 2020. Les exportations reculeraient en lien avec le recul de l'activité chez nos partenaires de la zone euro et dans le reste du monde. Toutefois, les importations reculeraient aussi fortement en lien avec la baisse de la demande intérieure. […] L'inflation, au sens de l'IPC, diminuerait à +0,4 % en 2020 après +1,1 % en 2019, sous l'effet de la crise sanitaire et de la faiblesse des prix de l'énergie ».
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Appréciation du Haut Conseil
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Le troisième PLFR pour 2020 prend en compte le très fort recul du PIB qui s'annonce au deuxième trimestre (près de 20 % selon l'INSEE dans son dernier point de conjoncture), après la baisse de 5,3 % enregistrée au premier trimestre.
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Le scénario du Gouvernement repose sur la fin de l'état d'urgence sanitaire le 10 juillet et une levée progressive des restrictions des déplacements internationaux. Il intègre un retour progressif et partiel à la normale au cours du second semestre, en France comme chez ses principaux partenaires : compte tenu de la baisse attendue au deuxième trimestre par l'INSEE dans son dernier point de conjoncture, la prévision du Gouvernement est compatible avec une activité qui se situerait au second semestre encore 7 % en moyenne en dessous de son niveau de fin 2019.
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Le Haut Conseil estime aussi, comme l'ensemble des prévisionnistes qu'il a consultés, qu'un rebond de l'activité va se produire au cours du deuxième semestre de 2020 mais qu'il ne devrait pas permettre le retour d'ici la fin de l'année de celle-ci à son niveau de fin 2019 et note que d'importants aléas continuent d'affecter l'ampleur de ce rebond.
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A court terme, l'évolution favorable de la situation sanitaire permet une levée progressive de la plupart des restrictions de déplacements et d'activités, mais certains secteurs continueront d'être affectés par le maintien de restrictions ciblées (trafic aérien, activités touristiques, hébergement, restauration, etc.) et par le maintien de comportements prudents. Le risque qu'une résurgence de l'épidémie se produise et pèse sur l'exercice de certaines activités, entraînant alors une certaine rechute de l'activité, est impossible à quantifier aujourd'hui, mais ne peut être totalement écarté.
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Les mesures de soutien qui ont été prises dans le cadre des PLFR successifs pour 2020 devraient permettre de limiter l'impact de la crise sur l'appareil productif et préserver dans une certaine mesure le pouvoir d'achat des ménages. Néanmoins, les prévisions des organisations internationales comme des instituts que le Haut Conseil a auditionnés montrent qu'elles ne devraient pas empêcher la situation financière de nombreuses entreprises de se dégrader, provoquant un surcroît de faillites et un déficit d'investissement. Par ailleurs, le caractère nécessairement progressif de la réallocation des capacités de production des secteurs d'activité durablement touchés par la crise vers ceux devenus plus porteurs limitera la capacité de rebond de l'économie.
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Les restrictions des déplacements devraient affecter les recettes touristiques procurées par les visiteurs étrangers et l'absence de retour total à la normale de l'activité chez nos partenaires pèsera sur l'ensemble de nos exportations de biens et services.
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Une incertitude particulière pèse sur le comportement des ménages, en France comme chez nos principaux partenaires européens. D'un côté, leurs revenus devraient pâtir en 2020 de la baisse de l'emploi et de l'activité des non-salariés. De l'autre, les mécanismes de soutien mis en place (activité partielle, fonds de soutien aux indépendants, exonérations de cotisations pour certains secteurs directement liés au tourisme) en amortiront les conséquences et les ménages disposent d'une importante épargne contrainte constituée pendant le confinement (100 Md€ selon le 3e PLFR). Le Gouvernement prévoit un simple retour à la normale du comportement d'épargne des ménages, sans aucune utilisation à l'horizon de la prévision de ce surcroît d'épargne, ce qui limite ainsi l'ampleur du rebond de la consommation. Le Haut Conseil considère que le taux d'épargne pourrait être inférieur au niveau exceptionnellement élevé prévu par le Gouvernement pour 2020 (23,2 % contre 14,9 % en 2019), et donc la consommation plus élevée.
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La baisse de l'inflation retenue par le Gouvernement dans sa prévision (0,4 %, contre 1,1 % en 2019) traduit essentiellement la baisse des produits pétroliers mais aussi celle de l'inflation sous-jacente. Les données disponibles (2) indiquent de fait que l'inflation sous-jacente diminuerait en 2020 sous l'effet du repli des prix des matières premières, de la baisse de l'emploi et du recul de la demande globale, phénomènes qui tendent aujourd'hui à l'emporter sur l'impact des surcoûts entraînés par la baisse de la productivité et la mise en place de mesures de protection sanitaire. Le Haut Conseil considère que la prévision d'inflation du Gouvernement, bien que révisée en baisse par rapport au précédent PLFR, pourrait se révéler encore un peu trop élevée en 2020. En revanche, elle serait compatible avec une reprise de l'activité nettement plus forte que prévu par le Gouvernement.
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Le 3e PLFR prévoit un recul important de l'emploi total (-2,8 %, correspondant à la perte nette de 0,8 million d'emplois en moyenne sur l'année 2020), mais nettement plus limité que l'activité (-11 %). Le dispositif d'activité partielle a en effet permis d'amortir l'impact de la chute de l'activité au premier semestre. La prévision du Gouvernement suppose toutefois une poursuite au second semestre de la baisse de l'emploi, se traduisant par un ajustement important de l'emploi à l'activité (1,2 million d'emplois perdus en fin d'année 2020 par rapport à la fin 2019). Le Haut Conseil estime donc que le niveau de l'emploi pourrait être un peu plus élevé que prévu par le Gouvernement.
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Le Haut Conseil note que le scénario du Gouvernement ne suppose plus, contrairement à celui présenté dans le précédent PLFR, un retour rapide à la normale de l'activité, mais prévoit que l'activité restera au second semestre nettement en dessous de son niveau de la fin 2019.
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En conséquence, il considère prudente la prévision du Gouvernement d'un recul de l'activité de 11 % en 2020. Une poursuite de l'évolution favorable du contexte sanitaire et une utilisation plus forte au second semestre que retenu dans les hypothèses du Gouvernement de l'épargne contrainte accumulée par les ménages pourraient conduire à une récession moins marquée.
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Le Haut Conseil estime que l'emploi pourrait être un peu plus élevé que prévu par le Gouvernement, mais l'inflation, à l'inverse, un peu plus basse.
III. - Observations relatives aux finances publiques
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Les prévisions du Gouvernement
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Selon le scénario du Gouvernement, « La prévision de solde public pour 2020 est revue en nette baisse, à -11,4 % du PIB, contre -2,2 % prévu dans la LFI pour 2020, et -9,1 % dans la LFR n° II adoptée le 25 avril (et -9,0 % dans le PLFR2). Le solde structurel s'élèverait à - 2,2 % du PIB, comme en 2019, et l'ajustement structurel à 0,0 point de PIB, comme en LFI 2020 ainsi que dans les LFR n° I et n° II. La croissance potentielle utilisée dans le PLFR III est la même que celle de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, et le champ des mesures exceptionnelles et temporaires déduites du solde structurel a été étendu aux mesures de lutte contre l'épidémie de covid-19 […] en raison du caractère très ponctuel de ces mesures et évolutif de leur coût. Ce coût est passé de 0,5 point de PIB en LFR n° I et 1,9 point de PIB en LFR n° II, à 2,6 points de PIB dans le PLFR n° III […].
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La dégradation du solde par rapport à la LFI 2020 s'explique par la dégradation conjoncturelle et l'effet des mesures exceptionnelles et temporaires. […] Le taux de croissance spontané des prélèvements obligatoires s'établirait ainsi à -9,6 %, en ligne avec la croissance nominale du PIB de -9,7 %, soit une élasticité unitaire. […] Le ratio de dépense publique serait révisé en très forte hausse, soutenu par les mesures adoptées face à l'épidémie et en raison de l'effet dénominateur lié à la baisse du PIB. Il s'établirait à 63,6 % du PIB, hors crédits d'impôt. La dépense publique croîtrait ainsi de 6,4 % en valeur en 2020, après 2,3 % en 2019. […] Le ratio de dette publique au sens de Maastricht progresserait très fortement, pour atteindre presque 121,0 points de PIB, porté par le creusement du déficit ainsi que par la forte contraction du PIB. »
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Appréciation du Haut Conseil
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Le troisième PLFR pour 2020 révise la trajectoire de finances publiques pour prendre en compte la dégradation des hypothèses macroéconomiques et les nouvelles mesures de soutien décidées. Ce PLFR relève aussi le montant prévisionnel de certaines mesures de soutien déjà mises en œuvre, dont le Haut Conseil avait noté les risques de dépassement dans son avis précédent (activité partielle, fonds de solidarité).
a) Les recettes -
Dans le prolongement du deuxième PLFR pour 2020 qui avait procédé à une révision de grande ampleur du scénario de finances publiques, les prévisions de recettes sont une nouvelle fois significativement abaissées.
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Sous l'effet du changement de scénario macroéconomique, l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires (c'est-à-dire mesurée à législation constante) a été revue à la baisse. Le Gouvernement prévoit que leur recul équivaudra à celui du PIB, ce qui correspond donc à une élasticité égale à 1,0, une valeur comparable à celle observée lors de la crise de 2009, contre 1,1 dans le précédent PLFR.
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Si cette prévision est atteignable, elle paraît ponctuellement entourée d'aléas négatifs sur l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, dont les prévisions n'ont pas été révisées dans le cadre de ce 3e PLFR. De plus, ainsi que l'avait noté le Haut Conseil dans son avis sur le 2e PLFR, la prévision de croissance spontanée des prélèvements obligatoires fait l'hypothèse forte que les reports de quelques mois d'échéances fiscales et sociales ne donneront pas lieu à des abandons de créances significatifs en 2020, alors même que de nombreuses entreprises concernées par ces reports seront fragilisées par la chute de leur activité du fait de la crise sanitaire.
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Le troisième PLFR intègre pour un montant total de 3 Md€ des exonérations de cotisations décidées dans le cadre du plan tourisme annoncé le 14 mai par le Gouvernement. Néanmoins, celles-ci ne représentent qu'environ 10 % des reports d'échéances fiscales et sociales demandés par les entreprises.
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Par ailleurs, le scénario du Gouvernement repose sur une légère baisse des recettes hors prélèvements obligatoires (-1,2 %), qui pourrait se révéler un peu plus marquée que prévu, la crise sanitaire risquant d'entraîner une baisse significative des ressources non fiscales des collectivités locales, des hôpitaux et des opérateurs de l'Etat.
b) Les dépenses -
La prévision de progression en valeur des dépenses publiques s'élève à 6,4 %, soit une croissance supérieure de 1,2 point à celle retenue dans le 2e PLFR (3) (+5,2 %). Le ratio de dépenses publiques rapporté au PIB augmenterait de 9,6 points en 2020 et atteindrait 63,6 % (4), un niveau jamais atteint au cours de ces 70 dernières années.
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Le 3e PLFR révise à la hausse le montant des dépenses exceptionnelles, qui passent de 42 Md€ (5) à 57 Md€.
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- Ce surcroît de dépenses constitue une composante du plan d'ensemble de 133,5 Md€ présenté par le Gouvernement, qui intègre 76,5 Md€ de mesures qui ne devraient pas avoir, selon le Gouvernement, d'impact sur les soldes publics et devraient ne peser qu'en trésorerie. En outre, le soutien du Gouvernement à l'économie prend aussi la forme de garanties de prêts aux entreprises pouvant atteindre 327 Md€.
Estimation du coût des mesures de soutien à l'issue du 3e PLFR (en Md€)
| | Mesures |Estimation du coût
des mesures (en Md€)|
|---------------------------------------------------------------------------------------------|------------------------------------------------------------|-----------------------------------------------|
| Mesures ayant
un effet sur le
déficit public | Activité partielle | 30,8 |
| Fonds de solidarité pour les entreprises (part APU) | 7,95 | |
| Dépenses de santé exceptionnelles | 8 | |
| Plan tourisme : exonération de cotisations (recettes) | 3 | |
| Ouverture de crédits en PLFR 3 (dont plan automobile) | 2,5 | |
| Crédits supplémentaires d'urgence portés par l'Etat | 1,6 | |
| Prime pour les indépendants (6) | 0,9 | |
| Inclusion sociale et protection des personnes | 0,9 | |
| Décalage des mesures Unédic prévues au 1er avril et prolongation de droits | 0,4 | |
| Avances remboursables aux PME | 0,5 | |
| Crédits pour masques non chirurgicaux sur le budget de l'Etat (LFR 2) | 0,3 | |
| Report en arrière des déficits (« carry back » ; recettes) | 0,4 | |
| TOTAL | 57,2 | |
| Mesures sans effet sur le déficit |Reports d'échéances fiscales et sociales de mars à juin 2020| 32,5 |
|Remboursement anticipé de crédits d'impôt et de créances fiscales bénéficiant aux entreprises| 23 | |
|Apports en capitaux par le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat| 20 | |
| Abondement du fonds de développement économique et social (FDES) | 1 | |
| TOTAL | 76,5 | |
(6) Voir le communiqué de presse n° 2119/1009 du Gouvernement du 10 avril 2020 sur la création par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) d'une aide exceptionnelle à destination de tous les artisans et commerçants.
- Le 3e PLFR porte les dépenses du budget général de l'Etat à 392 Md€, en hausse de 11,5 Md€ par rapport au 2e PLFR. Cette hausse traduit l'ouverture de crédits en faveur notamment de l'activité partielle (de l'ordre de 5 Md€ supplémentaires à la charge de l'Etat, pour un total de 20,5 Md€ (7)), des dispositifs ciblés sur certains secteurs d'activité (automobile, culture et presse, pour 2,5 Md€) et du fonds de solidarité pour les entreprises (+ 1,2 Md€).
- L'Etat apporte par ailleurs son soutien aux collectivités locales en accordant à certaines d'entre elles des avances remboursables visant à compenser une partie de leurs pertes de recettes, pour un montant de 2,7 Md€. Ces mesures correspondent à des transferts de l'Etat à d'autres catégories d'administrations publiques et sont donc neutres pour le déficit public (8).
- Ce 3e PLFR ne réexamine pas les conséquences sur le déficit public des apports en capitaux pour des entreprises en difficulté, autorisés par le 2e PLFR pour un montant allant jusqu'à 20 Md€ et qui devraient être effectués à partir du compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat. Le Gouvernement fait l'hypothèse conventionnelle que chacune de ces prises de participation répondra aux exigences qui sont posées pour que ces apports en capitaux ne soient pas enregistrés comme des dépenses publiques en comptabilité nationale (c'est-à-dire que l'Etat agisse en « investisseur avisé »).
- Le Haut Conseil relève par ailleurs que le Gouvernement fait l'hypothèse qu'aucune des garanties accordées par l'Etat sur les prêts bancaires aux entreprises ne sera appelée en 2020.
- Concernant les administrations de sécurité sociale (ASSO), ce PLFR révise à la hausse les dépenses d'assurance chômage (au-delà de l'accroissement à hauteur de 2 Md€ des crédits liés à l'activité partielle à la charge de l'Unédic) et laisse inchangée la prévision de dépenses dans le champ de l'Ondam par rapport au précédent projet de loi de finances rectificative (9). Par ailleurs, ce 3e PLFR pour 2020 tient compte des mesures de soutien aux artisans et commerçants qui ont été annoncées récemment par leurs caisses de retraites complémentaires.
c) Le déficit public effectif - Le déficit public atteindrait 11,4 points de PIB, soit une dégradation de 9,2 points de PIB par rapport à la loi de finances initiale et de 2,3 points par rapport à la 2e loi de finances rectificative. Du fait du déclenchement de la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance (cf. annexe 4), cet accroissement massif du déficit n'enfreint pas les règles européennes en 2020.
- Au total, des aléas à la hausse et à la baisse portent sur les recettes et les dépenses des administrations publiques. D'un côté, des évolutions macroéconomiques plus favorables pourraient permettre de rehausser les recettes publiques et limiter ainsi le creusement du déficit public. De l'autre, les mesures de soutien de l'activité annoncées par le Gouvernement, notamment des plans sectoriels de relance, n'ont pas toutes été traduites dans ce PLFR et une partie des mesures que le Gouvernement considère comme n'ayant pas d'effet direct sur le solde, d'un montant estimé par le 3e PLFR à 76,5 Md€, pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année.
d) Le déficit structurel - Le déficit structurel est estimé par le 3e PLFR à 2,2 points de PIB en 2019 et 2020, contre 2,0 points dans le précédent PLFR sur ces deux années.
- Le Gouvernement tient compte des modifications apportées à l'estimation du PIB par les comptes nationaux de l'INSEE sur les années 2017 à 2019 : le déficit structurel est ainsi révisé en hausse de 0,2 point en 2019, à 2,2 points de PIB (cf. encadré). En cumul sur les années 2018 et 2019, le déficit structurel est in fine supérieur d'un peu moins de 0,4 point à l'objectif qui avait été fixé en loi de programmation : cet écart reste inférieur au seuil de déclenchement du mécanisme de correction, mais supérieur à celui estimé dans le projet de loi de règlement pour 2019 sur lequel s'est prononcé le Haut Conseil (10).
| Conséquences des révisions des comptes nationaux
sur les évaluations de solde structurel |
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|La publication des comptes nationaux annuels par l'INSEE, le 29 mai dernier, s'est traduite comme chaque année par des révisions des estimations du PIB sur les trois dernières années. Bien que modestes cette année, les révisions conduisent à relever la croissance du PIB de 0,1 point en 2018 et de 0,2 point en 2019 par rapport aux estimations sur lesquelles s'était appuyée la loi de règlement. Le solde public est quant à lui quasiment inchangé (révision en baisse de moins de 100 M€ en 2019).
A PIB potentiel inchangé, ces révisions en hausse du PIB conduisent à attribuer une part plus importante des recettes publiques à l'impact de la conjoncture et donc à améliorer le solde conjoncturel, faiblement en 2018, mais de près de 0,2 point de PIB en 2019. En contrepartie, le solde structurel en est dégradé d'autant et passe en 2019 d'un déficit de 2,0 points de PIB à un déficit de 2,2 points de PIB.
Comme le Gouvernement considère que l'intégralité de la dégradation du solde effectif en 2020 est liée soit à la conjoncture, soit à des mesures exceptionnelles et temporaires, le déficit structurel de 2020 passe donc lui aussi, dans la prévision du Gouvernement, à 2,2 points de PIB dans ce PLFR contre 2,0 points dans le PLFR précédent.
En cumul sur les années 2018 et 2019, le déficit structurel est in fine supérieur d'un peu moins de 0,4 point à l'objectif qui avait été fixé en loi de programmation contre un peu plus de 0,1 point dans le projet de loi de règlement (graphique ci-dessous) : cet écart reste inférieur au seuil de déclenchement du mécanisme de correction, mais sensiblement supérieur à celui estimé dans la loi de règlement.
Par rapport à la loi de règlement, l'ajustement structurel est lui aussi révisé en baisse, essentiellement en 2019. Avec ces nouvelles estimations, l'ajustement structurel est désormais nul en 2019.|
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- Pour 2020, le Gouvernement considère, comme lors des deux précédents PLFR, que l'ensemble des mesures prises (2,6 points de PIB suite à ce PLFR contre 1,9 point à l'issue du précédent) sont des mesures exceptionnelles et temporaires. Il estime par ailleurs que le PIB potentiel et donc le solde structurel ne sont pas affectés par la crise sanitaire. Le solde conjoncturel est ainsi estimé par différence à -7,0 points de PIB, en dégradation de 1,7 point par rapport au précédent PLFR (11).
- Dans le scénario du Gouvernement le solde structurel s'écarterait en 2020 de 0,6 point de PIB de celui inscrit dans la loi de programmation de janvier 2018. Un tel écart, s'il se confirmait lors de l'examen du projet de loi de règlement de 2020 par le Haut Conseil au printemps 2021, le conduirait alors à déclencher le mécanisme de correction prévu à l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012.
Décomposition du solde public présenté par le Gouvernement
| En points de PIB |PLFR n° 3 pour 2020 (juin 2020)|LPFP (janvier 2018)| | | | | |---------------------------------------|-------------------------------|-------------------|------|-----|-----|-----| | | 2018 | 2019 | 2020 |2018 |2019 |2020 | | Solde public | -2,3 | -3,0 |-11,4|-2,8|-2,9|-1,5| | Composante conjoncturelle | 0,0 | 0,2 |-7,0 |-0,4|-0,1| 0,1 | |Mesures ponctuelles et temporaires (*)| -0,1 | -1,0 |-2,3 |-0,2|-0,9| 0,0 | | Solde structurel (*) | -2,2 | -2,2 |-2,2 |-2,1|-1,9|-1,6| | Écart avec la LPFP | -0,0 | -0,3 |-0,6 | | | |
Nota. - Les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations. Les données de finances publiques de ce PLFR sont modifiées par rapport au projet de loi de finances pour 2020 et par rapport aux précédents PLFR du fait de la prise en compte des données publiées par l'INSEE fin mai. Ces révisions ont conduit à réviser la chronique de déficit pour les années 2017 à 2019 et de fait de déficit structurel.
(*) En points de PIB potentiel
Source : 3e projet de loi de finances rectificative pour 2020, loi de programmation de janvier 2018.
52. Le Haut Conseil souligne que cette prévision du solde structurel par le Gouvernement repose sur deux hypothèses fortes. D'une part, elle suppose qu'aucune des dépenses supplémentaires, par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale, liées à la gestion de la crise sanitaire ne sera prolongée au-delà de 2020 et pourront donc être considérées comme des mesures ponctuelles et temporaires, alors même que les impacts sectoriels forts de la crise appelleront vraisemblablement des réponses s'inscrivant dans une certaine durée.
53. D'autre part, elle s'appuie sur une évaluation du PIB potentiel inchangée par rapport à la loi de programmation de janvier 2018. Or, il est vraisemblable que la crise sanitaire aura des conséquences défavorables sur le PIB potentiel, en raison notamment de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage et des conséquences de la hausse prévisible des faillites d'entreprises et de la baisse des investissements sur les capacités de production, ainsi que de l'impact sur la productivité de la mise en œuvre des mesures de protection sanitaire. Ainsi, dans ses prévisions de printemps, la Commission européenne a déjà abaissé de 0,4 point son estimation de la croissance potentielle sur l'année 2020. Dès lors, le déficit structurel pourrait se révéler in fine sensiblement plus élevé que prévu par le Gouvernement et qu'estimé avant la crise.
e) La dette publique
54. Enfin, le Haut Conseil constate que le 3e PLFR révise la prévision de dette publique rapportée au PIB de plus de 5 points par rapport au précédent PLFR et de 22 points par rapport à la loi de finances initiale.
Evolution des prévisions de dette et de déficit publics
|En point de PIB|PLF pour 2020|PLFR 1 pour 2020|PLFR 2 pour 2020|PLFR 3 pour 2020| |---------------|-------------|----------------|----------------|----------------| | Solde public | -2,2 | -3,9 | -9,0 | -11,4 | |Dette publique | 98,7 | 102,9 | 115,2 | 120,9 |
Source : Projets de loi de finances initiale et rectificative pour 2020.
55. Après une hausse de plus de 30 points de PIB au total dans la décennie qui a suivi la crise financière de 2008-2009, le niveau de dette devrait de nouveau augmenter très fortement en 2020, pour dépasser 120 points de PIB. Depuis la création de l'euro en 1999 et jusqu'à l'an dernier, un tel niveau de dette n'avait été atteint au sein de la zone euro que par très peu de pays. Cette trajectoire de dette publique, qui fragilise la soutenabilité à moyen terme des finances publiques de la France, appelle une vigilance particulière.
56. Le Haut Conseil note que la prévision de déficit du Gouvernement s'établit à 11,4 points de PIB, un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dégradation du déficit par rapport au précédent PLFR résulte de nouvelles dépenses, de la forte révision des hypothèses macroéconomiques et de prévisions plus réalistes pour certaines dépenses décidées auparavant.
57. Le Haut Conseil relève que des évolutions macroéconomiques plus favorables pourraient limiter le creusement du déficit public. En sens contraire, il souligne qu'une partie des mesures présentées comme des mesures de trésorerie pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année et que toutes les mesures de soutien de l'activité annoncées par le Gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, n'ont pas été traduites dans ce PLFR.
58. Il relève que le déficit structurel pour 2020, tel qu'estimé par le Gouvernement, serait identique à celui de 2019 (2,2 points de PIB) et s'écarterait significativement de la loi de programmation. Le déficit structurel pourrait en outre se révéler plus élevé que prévu dans ce 3e PLFR. En effet, certaines des dépenses liées à la crise sanitaire, considérées comme temporaires par le Gouvernement, pourraient être prolongées au-delà de 2020. Par ailleurs, l'évaluation du PIB potentiel risque d'être revue à la baisse en raison de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage et des conséquences de la hausse prévisible des faillites d'entreprises et de la baisse des investissements sur les capacités de production ainsi que de l'impact sur la productivité de la mise en œuvre durable des mesures de protection sanitaire.
59. Le Haut Conseil constate que la prévision du ratio de la dette publique au PIB est révisée de plus de 5 points par rapport au précédent PLFR et de 22 points par rapport à la loi de finances initiale. Ce ratio dépasserait ainsi 120 points de PIB à la fin de l'année 2020. Cette hausse massive, qui s'ajoute à une croissance quasi ininterrompue depuis 10 ans, fragilise la soutenabilité à moyen terme des finances publiques de la France et appelle une vigilance particulière.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de finances rectificative n° 3.
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