JORF n°0269 du 19 novembre 2016

Avis n°HCFP-2016-4 du 14 novembre 2016

Synthèse

Au titre des articles 15 et 16 de la loi organique du 17 décembre 2012, le Gouvernement a saisi le HCFP de l'article liminaire du projet de loi de finances rectificative pour 2016 ainsi que du « cadrage économique et financier du projet de loi de finances rectificative pour l'année 2016 » comportant une « actualisation des prévisions macroéconomiques » et une « actualisation de la prévision de finances publiques en 2016 et 2017 ». Le Haut Conseil a choisi de répondre simultanément, et dans le même avis, à la saisine fondée sur ces deux articles.
S'agissant de l'année 2016
Le Haut Conseil constate que la prévision de croissance du Gouvernement, révisée de 1,5 % à 1,4 % pour 2016, se situe encore dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles. Toutefois, il considère qu'elle est atteignable.
Au vu des informations parues depuis son précédent avis, il estime que les prévisions d'inflation, d'emploi et de masse salariale du Gouvernement pour 2016 sont réalistes.
Le Haut Conseil constate que le solde structurel prévu pour 2016 respecte l'objectif de la loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014. Le déficit structurel, estimé à 1,6 point de PIB avec les hypothèses de croissance potentielle de la LPFP, est inférieur à l'objectif de 1,8 point de PIB fixé par cette loi. Il note toutefois que l'ajustement structurel en 2016 reste inférieur à l'objectif du programme de stabilité d'avril 2016 ainsi qu'aux minima prévus par le règlement européen n° 1467/97.
Le Haut Conseil considère que la prévision de déficit de 3,3 points de PIB en 2016 est réaliste. Elle reste conditionnée à une stricte gestion des dépenses en fin d'année.
S'agissant de l'année 2017
Le Haut Conseil observe, comme il l'avait déjà fait dans son avis sur le PLF 2017, que l'hypothèse de croissance inchangée retenue par le Gouvernement pour 2017 (1,5 %) reste au-dessus des prévisions du « Consensus Forecasts » (1,2 % en novembre) et de celles des organisations internationales (1,3 % pour le FMI et l'OCDE, 1,4 % pour la Commission européenne).
En matière de finances publiques, le Haut Conseil confirme l'appréciation qu'il a portée dans son précédent avis sur les prévisions du PLF et du PLFSS 2017.
En application de l'article 15 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) se prononce sur les prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2016 et sur la cohérence de ce projet de loi avec les orientations pluriannuelles de solde structurel. En application de l'article 16, il se prononce également sur les modifications apportées au scénario d'ensemble associé au projet de loi de finances (PLF) pour 2017.
Le Haut Conseil a choisi de répondre dans un même avis à la saisine opérée sur le fondement de ces deux articles. Le présent avis fait suite à l'avis n° 2016-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2017 adopté le 24 septembre 2016.

Observations liminaires

  1. Sur le périmètre de l'avis

Au titre des articles 15 et 16 de la loi organique du 17 décembre 2012, le Gouvernement a saisi le HCFP de l'article liminaire du projet de loi de finances rectificative pour 2016 ainsi que du « cadrage économique et financier du projet de loi de finances rectificative pour l'année 2016 » comportant une « actualisation des prévisions macroéconomiques » et une « actualisation de la prévision de finances publiques en 2016 et 2017 » (cf. annexes).
Aux termes de l'article 15, le Haut Conseil rend un avis sur :

- les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le PLFR pour 2016 ;
- la cohérence de l'article liminaire de ce PLFR au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Aux termes de l'article 16, le Haut Conseil se prononce sur les révisions des prévisions macroéconomiques présentées par le Gouvernement au cours de l'examen par le Parlement du PLF pour 2017.
Le Haut Conseil a choisi de répondre simultanément, et dans le même avis, à la saisine fondée sur ces deux articles 15 (I du présent avis) et 16 (II du présent avis).

  1. Sur les informations transmises

Le Haut Conseil a été saisi le 4 novembre 2016 par le Gouvernement de l'article liminaire du PLFR pour 2016 ainsi que d'une actualisation des prévisions macroéconomiques et de finances publiques pour 2016 et 2017. Cette saisine était accompagnée des réponses au questionnaire adressé au préalable aux administrations compétentes par le Haut Conseil. Il n'a disposé d'informations relatives à la fin de gestion que le samedi 12 novembre 2016.

  1. Sur la méthode utilisée par le Haut Conseil

Le Haut Conseil a analysé les éléments de saisine ainsi que les réponses du Gouvernement. Il a procédé à l'audition des responsables des administrations compétentes le 7 novembre 2016.
Le Haut Conseil a par ailleurs pris en considération l'ensemble des prévisions et analyses disponibles, en particulier celles de l'OCDE (Interim Economic Outlook - 21 septembre), du FMI (World Economic Outlook - 4 octobre), de l'INSEE (point de conjoncture - 6 octobre), de la Commission européenne (prévisions d'automne - 9 novembre), et du « Consensus Forecasts » (novembre).
S'agissant des finances publiques, il a pris connaissance de l'évolution des recettes et des dépenses de l'Etat jusqu'à fin septembre et d'un ensemble d'analyses et de prévisions, notamment les prévisions actualisées de l'Unédic (mi-septembre), le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (23 septembre), le dernier avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses maladie (8 octobre) et la note de conjoncture de La Banque Postale sur les finances locales (3 novembre).

I. - Observations relatives aux prévisions 2016
A. Observations relatives aux prévisions économiques

Le Gouvernement a légèrement abaissé sa prévision de croissance pour 2016. Celle-ci est désormais de 1,4 % au lieu de 1,5 % comme dans le PLF pour 2017 et dans le programme de stabilité d'avril 2016.
La prévision de croissance pour 2016 n'était plus compatible avec les comptes nationaux publiés fin octobre pour le 3e trimestre. En effet, la croissance du PIB n'a été que de 0,2 % pour ce trimestre après - 0,1 % au 2e trimestre.
Selon le Gouvernement, « l'activité accélérerait au 4e trimestre, avec une croissance de 0,5 %. Le climat des affaires de l'INSEE reste en effet légèrement supérieur à sa moyenne de long terme, qui est historiquement associée à une croissance trimestrielle de l'ordre de 0,3-0,4 %. Une progression un peu supérieure est attendue car la consommation des ménages et l'investissement des entreprises devraient rebondir après un 3e trimestre affecté par des facteurs temporaires ». La croissance sur l'ensemble de l'année 2016 serait alors de 1,3 % au sens des comptes trimestriels et de 1,4 % en termes de comptes annuels, compte tenu des effets de calendrier positifs qui caractérisent cette année (1).
Cette révision va dans le sens de l'appréciation portée par le Haut Conseil dans son avis de septembre 2016 sur le PLF 2017, selon laquelle « la prévision de croissance du Gouvernement [de 1,5 %] était un peu élevée au regard des informations connues à ce jour ».
Le Haut Conseil constate que la prévision de croissance du Gouvernement de 1,4 % pour 2016 se situe encore dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles. Toutefois, il considère qu'elle est atteignable.
La révision de la croissance opérée par le Gouvernement s'accompagne d'une modification de sa composition : la consommation est revue à la baisse (1,6 % contre 1,8 % dans le PLF 2017), l'investissement des ménages est en hausse sensible (1,5 % au lieu de 0,3 %) ; la contribution des échanges extérieurs à la croissance est plus fortement négative que dans le PLF 2017 (- 0,6 point au lieu de - 0,4) ; celle des stocks, positive, est plus élevée (0,3 point au lieu de 0,1).
Quant à la prévision de hausse des prix à la consommation, elle est légèrement relevée en moyenne annuelle 2016 (0,2 % au lieu de 0,1 %), alors que l'augmentation du prix du PIB est au contraire marginalement revue à la baisse (0,8 % contre 0,9 %) (2). Le PIB en valeur, utilisé pour calculer les ratios de finances publiques, voit ainsi sa croissance ramenée à 2,2 % en 2016 au lieu de 2,4 % dans la prévision associée au PLF 2017.
Les prévisions d'emploi et de masse salariale sont inchangées. Le Haut Conseil les avait qualifiées de « crédibles » dans son avis sur le PLF 2017.
Au vu des informations parues depuis, le Haut Conseil estime que ces prévisions d'inflation, d'emploi et de masse salariale pour 2016 sont réalistes.

B. Observations relatives aux finances publiques

La prévision de déficit public pour 2016 (3,3 points de PIB) est inchangée par rapport au PLF 2017. En revanche, du fait de la modification du scénario de croissance pour 2016, sa décomposition est légèrement modifiée. La composante conjoncturelle est dégradée de 0,1 point de PIB et le déficit structurel amélioré d'autant par rapport aux estimations associées au PLF 2017.

Décomposition du solde public

| |PLFR 2016 (NOV. 2016)|RAPPEL LPFP (DEC. 2014)|PROG. DE STABILITE (AVR. 2016)| | | | | | | |----------------------------------|---------------------|-----------------------|------------------------------|-----|-----|-----|-----|-----|-----| | | 2014 | 2015 | 2016 |2014 |2015 |2016 |2014 |2015 |2016 | | Solde public (en points de PIB) | -4,0 | -3,5 | -3,3 |-4,4|-4,1|-3,6|-4,0|-3,5|-3,3| | Composante conjoncturelle | -1,7 | -1,6 | -1,7
(-1,6) |-1,9|-2,0|-1,7|-1,9|-1,9|-1,8| |Mesures ponctuelles et temporaires| 0,0 | 0,0 | -0,1 | 0,0 |-0,1|-0,1| 0 | 0 |-0,2| | Solde structurel | -2,3 | -1,9 | -1,5
(-1,6) |-2,4|-2,1|-1,8|-2,1|-1,6|-1,3|

Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Entre parenthèses figurent les estimations recalculées avec les hypothèses de croissance potentielle de la loi de programmation de décembre 2014.
Sources : Projet de loi de finances rectificative pour 2016 et loi de programmation de décembre 2014.

  1. La cohérence de la trajectoire de déficit structurel avec la loi de programmation et le programme de stabilité
    L'écart à la trajectoire
    Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil se prononce sur la cohérence entre la trajectoire de solde structurel retenue dans le PLFR et celle de la dernière loi de programmation, en l'occurrence la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 portant sur les années 2014 à 2019.
    Pour comparer les trajectoires de solde structurel, la loi organique impose d'utiliser les mêmes hypothèses que dans la loi de programmation, et en particulier celles relatives à la croissance potentielle (1,3 % en 2016 au lieu de 1,5 % dans le présent projet de loi, comme dans le programme de stabilité d'avril 2016 et dans le PLF pour 2017). Calculé avec les hypothèses de croissance potentielle de la LPFP 2014-2019, le déficit structurel est estimé à 1,6 point de PIB en 2016.
    Le Haut Conseil constate que le solde structurel prévu pour 2016 respecte l'objectif de la loi de programmation. Le déficit structurel, estimé à 1,6 point de PIB avec les hypothèses de croissance potentielle de la LPFP, est inférieur à l'objectif de 1,8 point de PIB fixé par cette loi.
    En revanche, le déficit structurel ne respecte pas la trajectoire affichée dans le programme de stabilité d'avril 2016. Il est supérieur de 0,2 point à l'objectif retenu dans ce programme (1,5 point contre 1,3 point avec les mêmes hypothèses de croissance potentielle). Cet écart s'explique toutefois par les révisions de la croissance du PIB des années passées intervenues après la publication du programme de stabilité (3).
    Le Haut Conseil rappelle que l'estimation du déficit structurel par le Gouvernement est nettement inférieure à celle des organisations internationales, en raison d'une estimation sensiblement plus élevée de l'écart de production. Le Haut Conseil a critiqué à plusieurs reprises le maintien par le Gouvernement de ces hypothèses d'écart de production qui conduisent à sous-estimer le déficit structurel. Ainsi, le déficit structurel de 2016 est estimé par la Commission européenne à 2,5 points de PIB (4) en novembre 2016, soit un point de plus que l'estimation du Gouvernement. L'écart est de l'ordre de ¾ et de ½ point respectivement avec les estimations de l'OCDE et du FMI.
    Les évolutions en termes structurels

Ajustement structurel et effort structurel

| En points de PIB potentiel |PLFR 2016 (NOV. 2016)|LPFP (DEC. 2014)|PSTAB (AVR. 2016)| | | | |---------------------------------------------|---------------------|----------------|-----------------|-----|-----|-----| | | 2015 | 2016 | 2015 |2016 |2015 |2016 | | Ajustement structurel | 0,4 | 0,3 | 0,4 | 0,3 | 0,4 | 0,4 | | (0,2) | | | | | | | | Effort structurel | 0,5 |0,4
(0,3) | 0,6 | 0,2 | 0,7 | 0,5 | |dont effort en dépense (hors crédits d'impôt)| 0,5 | 0,5 | 0,5 | 0,4 | 0,8 | 0,7 | | (0,4) | | | | | | | | dont mesures nouvelles en recettes | -0,1 | -0,15 | 0,1 |-0,1|-0,1|-0,2| |Effets d'élasticité et recettes non fiscales | 0 | 0 | -0,1 | 0 |-0,2|-0,2| | Traitement des crédits d'impôt (5) | -0,1 | 0 | -0,1 | 0 |-0,1| 0 |

Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Entre parenthèses figurent les estimations recalculées avec les hypothèses de croissance potentielle de la loi de programmation.
Source : Projet de loi de finances rectificative pour 2016, loi de programmation de décembre 2014, programme de stabilité d'avril 2016.
L'ajustement structurel est inférieur en 2016 aux objectifs de la loi de programmation (0,2 point contre 0,3 point à hypothèses comparables de croissance potentielle) et du programme de stabilité (0,3 point contre 0,4).
L'effort structurel, estimé à 0,4 point (0,3 avec les hypothèses de la LPFP), est inférieur à l'objectif du programme de stabilité d'avril (0,5 point) mais supérieur à celui de la loi de programmation (0,2 point) dont le Haut Conseil avait toutefois estimé en septembre 2014 qu'il n'était pas cohérent avec les engagements européens de la France.
L'un et l'autre sont inférieurs aux minima prévus par le règlement européen n° 1467/97 (6).
Au total, le Haut Conseil note que la trajectoire de déficit structurel reste conforme à celle de la loi de programmation des finances publiques, mais que l'ajustement structurel en 2016 reste inférieur à l'objectif du programme de stabilité ainsi qu'aux minima prévus par le règlement européen n° 1467/97.
2. Les prévisions de recettes et de dépenses
La prévision de déficit public du Gouvernement pour 2016 est inchangée à 3,3 points de PIB. Il en est de même de la prévision d'évolution de la dépense publique (1,6 %). Les prévisions de dépenses et de recettes ne connaissent que des ajustements limités par rapport à celles présentées pour 2016 à la fin septembre dans le PLF pour 2017.
a) Les recettes
L'ajustement du scénario économique et les mesures du PLFR se traduisent par une révision à la baisse des recettes fiscales nettes de 2016 de 0,6 Md€ par rapport au PLF 2017. Les recettes de TVA sont diminuées de 0,2 Md€ en lien avec la moindre augmentation de la consommation (1,6 % au lieu de 1,8 % dans le PLF), cette moins-value étant compensée par des encaissements supplémentaires sur les droits de mutation à titre gratuit (donations) et d'autres recettes diverses. Par ailleurs, le PLFR majore la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale de 0,5 Md€ au titre de la compensation par l'Etat de la baisse des cotisations maladie des exploitants agricoles. D'autres mesures entraînent une réduction de la TICPE.
Ces prévisions sont globalement en ligne avec les recouvrements enregistrés à fin septembre. Une forte incertitude pèse toutefois, comme chaque année, sur le dernier acompte d'impôt sur les sociétés (7).
La révision à la baisse des recettes fiscales par rapport au PLF est compensée par un supplément de recettes non fiscales de 0,8 Md€, dont 0,5 Md€ - non pérennes - de reversement de la COFACE.
Les prévisions de recettes sociales s'appuient sur une hypothèse de croissance de la masse salariale (2,6 %) cohérente avec les données observées et avec les dernières prévisions de l'ACOSS.
Les prévisions d'impôts locaux sont en ligne avec les informations disponibles à fin septembre, voire prudentes pour les droits de mutation à titre onéreux.
Au total, le Haut Conseil estime que les prévisions de recettes des administrations publiques pour 2016, qui restent affectées comme chaque année par une incertitude sur le dernier acompte d'IS, sont cohérentes avec les informations disponibles.
b) Les dépenses
La tenue des objectifs d'exécution du budget 2016 est rendue difficile par les nombreuses mesures nouvelles annoncées au cours de l'année et par l'ampleur des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, qui ont atteint en 2016 un niveau sans précédent (nécessitant plus de 2,5 Md€ d'ouvertures de crédits). Ces mesures conduisent notamment à accroître la masse salariale (point fonction publique, mesures catégorielles…), qui devrait selon le Haut Conseil progresser d'environ 1,3 % sur l'année, et à augmenter de nombreuses dépenses hors masse salariale (plan d'urgence pour l'emploi, mesures en faveur des agriculteurs, opérations extérieures et de sécurité intérieure, fonds d'urgence pour les départements…).
Cependant, le respect de l'objectif de dépenses de l'Etat sera facilité en 2016 par les moindres versements sous forme de prélèvements sur recettes (PSR) constatés en faveur de l'Union européenne et des collectivités territoriales (respectivement pour 1,2 Md€ et 0,7 Md€).
Au total, les ouvertures de crédits nettes des annulations et des économies anticipées sur les PSR représenteraient 0,9 Md€, partiellement compensées par trois prélèvements exceptionnels à hauteur de 0,2 Md€. Selon le Gouvernement, des économies complémentaires en exécution résultant d'un pilotage fin de la consommation des crédits en fin de gestion permettraient d'assurer le respect de l'objectif de dépenses de l'Etat (hors charges de la dette et pensions). Cette situation est assez proche de celle observée l'an dernier pour la fin de gestion 2015 (0,7 Md€ d'ouvertures nettes en PLFR 2016 contre 0,4 Md€ en PLFR 2015).
Sur le périmètre plus large de la « norme en volume » (c'est-à-dire y compris les charges d'intérêts de la dette et les pensions), le respect de l'objectif est favorisé par la baisse des charges d'intérêts, qui devraient être inférieures de 2,9 Md€ au niveau prévu en loi de finances initiale, prévision inchangée par rapport au PLF 2017.
Les tensions sont également fortes sur les dépenses d'assurance maladie. Dans son avis du 12 octobre 2016, le Comité d'alerte identifie des dépassements probables de 500 M€ sur l'ONDAM hospitalier et de 245 M€ sur les soins de ville. Il ajoute que cette prévision reste sujette à des aléas significatifs compte tenu du fort dynamisme des dépenses notamment des soins de ville.
Ces dépassements pourraient être couverts par une révision à la baisse des objectifs portant sur les dépenses médico-sociales et les soins des Français à l'étranger, à hauteur de 220 M€, et par l'annulation des crédits mis en réserve, à hauteur de 558 M€.
En revanche, la mobilisation des trésoreries de deux organismes (8) à hauteur de 200 M€ ne contribuera qu'artificiellement au respect de l'ONDAM et ne devrait pas améliorer le solde des administrations publiques.
Le Gouvernement, se fondant sur les remontées comptables à fin septembre, révise les dépenses des administrations publiques locales en légère baisse. Leur augmentation serait de 0,7 % contre 0,8 % dans la prévision associée au PLF 2017. Cette prévision est prudente même si elle reste affectée d'aléas, en particulier sur l'investissement dont une part significative est habituellement engagée en fin d'année.
Au total, le Haut Conseil considère que la prévision de déficit de 3,3 points de PIB en 2016 est réaliste. Elle reste conditionnée à une stricte gestion des dépenses en fin d'année.

II. - Observations relatives aux prévisions pour 2017

Le Gouvernement a dû réviser sa prévision pour 2016 à la suite des informations nouvelles apportées notamment par les comptes nationaux pour le 3e trimestre. Mais il a décidé de ne pas modifier ses hypothèses d'évolutions pour 2017. Les principales hypothèses sont une croissance du PIB de 1,5 %, une hausse des prix à la consommation de 0,8 %, une progression de la masse salariale de 2,7 %.
Si les évolutions économiques sont inchangées, les niveaux prévus pour 2017 sont légèrement modifiés par un « effet de base ». C'est ainsi que le PIB en valeur de 2017, comme celui de 2016, est réduit de 0,2 point du fait des ajustements réalisés en volume et en prix sur 2016. Cette petite révision est susceptible d'avoir un effet négatif sur les recettes publiques. A ce titre, le Gouvernement prend en compte une moindre recette d'impôt sur les sociétés en 2017, pour 0,2 Md€. Dans son scénario, celle-ci est toutefois compensée par une révision à la baisse de la charge d'intérêts de la dette correspondant à l'hypothèse d'une remontée des taux courts plus progressive que dans le scénario associé au PLF 2017. La prévision de solde public est donc inchangée à - 2,7 points du PIB.
Une autre conséquence de l'ajustement des prévisions 2016 est de modifier légèrement la décomposition du solde des finances publiques entre ses composantes conjoncturelle et structurelle. Dans les prévisions du Gouvernement, la première est dégradée d'un dixième de point en 2016 et en 2017 du fait d'un niveau de PIB un peu moins élevé, ce qui conduit à améliorer d'autant les estimations du déficit structurel pour chacune des deux années.
Une troisième conséquence est d'augmenter marginalement les ratios de finances publiques en pourcentage du PIB, du fait de la légère baisse de celui-ci en valeur. Ainsi, pour des montants inchangés de dépenses et de prélèvements obligatoires en valeur, le rapport de ces grandeurs au PIB se trouve légèrement accru en 2017 par rapport au PLF 2017.
Pour sa part, le Haut Conseil observe, comme il l'avait déjà fait dans son avis sur le PLF 2017, que l'hypothèse de croissance inchangée retenue par le Gouvernement pour 2017 (1,5 %) reste au-dessus des prévisions du « Consensus Forecasts » (1,2 % en novembre) et de celles des organisations internationales (1,3 % pour le FMI et l'OCDE, 1,4 % pour la Commission).
S'agissant des finances publiques, la Commission européenne prévoit pour la France, dans ses perspectives économiques publiées début novembre, un déficit de 2,9 points de PIB en 2017 au lieu de 2,7 points prévu par le Gouvernement.
En matière de finances publiques, le Haut Conseil confirme l'appréciation qu'il a portée dans son précédent avis sur les prévisions du PLF et du PLFSS 2017.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de finances rectificative pour 2016.

Fait le 14 novembre 2016.

Pour le Haut Conseil des finances publiques :

Le premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques,

D. Migaud

(1) Les prévisions de l'INSEE sont établies dans le cadre des comptes nationaux trimestriels, qui sont corrigés du nombre de jours ouvrables pour neutraliser dans les évolutions trimestrielles ce qui relève de simples effets calendaires. En revanche, cette correction n'est pas appliquée aux comptes nationaux annuels publiés chaque année en mai qui retracent la production de l'ensemble de l'année en données brutes, indépendamment du nombre de jours ouvrables. L'année 2016, année bissextile au cours de laquelle trois jours fériés tombent un dimanche, se caractérise par un nombre élevé de jours ouvrés et un effet positif du calendrier sur la croissance, estimé à environ 0,1 point. C'est l'ordre de grandeur de la correction appliquée aux comptes trimestriels, qui retracent donc une croissance légèrement inférieure à celle qui devrait ressortir des comptes annuels. (2) Les prix à la consommation et le prix du PIB couvrent des champs très différents : les premiers portent en partie sur des produits importés et sont notamment très sensibles aux prix des produits pétroliers ; le second reflète le prix de la valeur ajoutée sur le territoire national dont les emplois sont la consommation mais aussi l'investissement, l'exportation et les stocks. Leurs évolutions diffèrent et leurs révisions peuvent être de sens contraire. (3) Les comptes nationaux publiés en mai 2016 ont comporté des révisions significatives de la croissance du PIB pour les années 2013, 2014 et 2015 (voir l'avis HCFP-2016-2 du 20 mai 2016 relatif au solde structurel des administrations publiques en 2015). Ces révisions ont eu pour effet de rehausser le PIB de 0,6 point en 2015, de réduire l'écart de production et de dégrader le déficit structurel de 2015 et des années suivantes de 0,4 point. En revanche, les variations du solde structurel ne sont pas modifiées sur les années ultérieures. (4) Estimation cohérente avec un écart de production de - 1,4 % au lieu de - 2,8 % pour le Gouvernement. (5) Le coût en comptabilité nationale des crédits d'impôts remboursables (CICE, CIR) correspond à la créance acquise, tandis que leur coût mesuré au sens de l'effort en prélèvements obligatoires est le montant budgétaire restitué ou imputé. Un terme mesurant l'écart entre les deux mesures apparaît alors dans la décomposition de l'ajustement structurel. L'écart a été négatif pendant la phase de montée en charge du CICE ; il est à peu près neutre en 2016. (6) L'ajustement structurel devrait être supérieur, voire nettement supérieur, à 0,5 point par an selon le règlement européen 1467/97 qui s'applique aux Etats soumis à la procédure de déficit excessif (cas de la France). Ce règlement prévoit que « dans ses recommandations, le Conseil invite l'Etat membre à respecter des objectifs budgétaires annuels permettant d'améliorer chaque année d'au moins 0,5 % du PIB son solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires (c'est-à-dire son solde structurel) ». (7) Pour les entreprises réalisant plus de 250 M€ de chiffre d'affaires, le dernier acompte versé le 15 décembre est fonction de l'évolution prévisionnelle du résultat de l'exercice en cours, ce qui rend son montant difficile à anticiper. L'écart entre la prévision du PLFR et la réalisation peut être important : il a été de 1,6 Md€ en valeur absolue sur la période 2006-2015. Il a atteint 2 Md€ en 2013 et en 2015. (8) Fonds pour l'emploi hospitalier et Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier. (9) Chiffre au sens des comptes nationaux annuels (brut) qui est la notion pertinente pour les finances publiques. Au vu de l'effet attendu de la prise en compte du nombre de jours ouvrables sur le passage des comptes trimestriels aux comptes annuels en 2016, il correspond à une croissance du PIB de 1,3 % au sens des comptes trimestriels, qui sont corrigés des jours ouvrables.