En application de l'article 15 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 30 octobre 2015 des prévisions économiques retenues pour l'élaboration du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2015 et d'éléments de finances publiques afin qu'il apprécie la cohérence de ce projet, notamment de son article liminaire, avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019.
Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 6 novembre 2015, le présent avis qui porte uniquement sur l'année 2015 (article 7 de la loi organique du 17 décembre 2012). Il fait suite à l'avis n° HCFP-2015-03 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016 rendu public le 30 septembre 2015 qui portait sur les deux années 2015 et 2016.
Synthèse
Le Haut Conseil a été saisi des prévisions économiques et budgétaires associées au projet de loi de finances rectificative pour 2015, conformément à la loi organique du 17 décembre 2012. Le présent avis porte donc exclusivement sur l'année 2015.
Le Haut Conseil considère que la prévision de croissance de 1,0 % en 2015 est prudente et que la prévision d'inflation de 0,1 % est réaliste.
Concernant la prévision de finances publiques, des incertitudes importantes subsistent traditionnellement à ce stade de l'année sur certaines recettes et dépenses.
En outre, le respect de l'objectif de dépenses de l'Etat (hors charges de la dette et pensions) est rendu plus difficile par les nouvelles dépenses décidées en cours d'année qui s'ajoutent aux dépassements récurrents de crédits. Il nécessitera donc un pilotage très strict jusqu'à la fin de l'année.
Compte tenu des informations dont il dispose, le Haut Conseil considère néanmoins que la prévision de déficit public de 3,8 % du PIB en 2015, soit une réduction modeste par rapport à celui de 2014 (3,9 %), est vraisemblable.
Le Haut Conseil constate que le déficit structurel (- 1,7 % du PIB) serait inférieur de 0,3 point à celui prévu dans la loi de programmation, reconduisant l'écart constaté en 2014.
Le Haut Conseil note que l'amélioration du solde structurel serait limitée à 0,3 point de PIB en 2015, en net ralentissement par rapport aux années antérieures (amélioration de 1 point de PIB par an en moyenne entre 2011 et 2013 et de 0,6 point de PIB en 2014), alors que le respect de l'objectif d'équilibre structurel est encore lointain.
Introduction
Le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement du cadrage économique et budgétaire du projet de loi de finances rectificative pour l'année 2015 (PLFR) et de son article liminaire, qui porte exclusivement sur l'année 2015.
Pour préparer cet avis, le Haut Conseil a analysé les éléments de saisine et les réponses au questionnaire qu'il avait adressé au Gouvernement et a procédé à l'audition des responsables des administrations compétentes le 3 novembre 2015. Les éléments figurant dans la saisine et les compléments apportés lors de l'audition ayant été jugés incomplets par le Haut Conseil sur les ouvertures et les annulations de crédits du PLFR, le président du Haut Conseil a adressé une lettre au ministre des finances et des comptes publics pour demander que ces compléments d'information soient fournis au Haut Conseil avant que celui-ci ne délibère. Des éléments de réponse détaillant le schéma de fin de gestion ont été reçus le 5 novembre.
Pour analyser les hypothèses macroéconomiques, le Haut Conseil s'est appuyé sur les dernières informations conjoncturelles et statistiques devenues disponibles depuis le précédent avis ainsi que sur les prévisions de l'INSEE, du FMI et de la Commission européenne rendues publiques depuis le début octobre 2015.
Concernant les finances publiques, il a pris connaissance de l'évolution des dépenses et des recettes de l'Etat jusqu'à fin septembre et d'un ensemble d'analyses et de prévisions publiées depuis la rentrée, notamment le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, les prévisions actualisées de l'Unédic et de l'ACOSS, le dernier avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses maladie et la note de conjoncture sur les finances locales de La Banque Postale.
I. - Observations relatives aux prévisions économiques
Le scénario économique associé au projet de loi de finances rectificative est inchangé par rapport à celui du projet de loi de finances pour 2016 présenté fin septembre. Les principales hypothèses du scénario du Gouvernement sont, pour 2015, une croissance du PIB de 1,0 % et une hausse des prix à la consommation de 0,1 % en moyenne annuelle.
Le Haut Conseil a considéré dans son avis n° HCFP-2015-03 que cette prévision de croissance devrait se réaliser et que l'hypothèse retenue pour la hausse des prix était réaliste.
Les informations conjoncturelles et statistiques devenues disponibles depuis lors - augmentation de la production industrielle en août, hausse de la consommation au 3e trimestre, poursuite de l'amélioration du climat des affaires jusqu'en octobre - confortent la prévision de croissance du Gouvernement. Jointes au constat d'un « acquis » de 0,9 % à la fin du 1er semestre, ces informations laissent désormais présager une croissance légèrement supérieure à 1 % en 2015, comme il ressort des prévisions publiées par l'INSEE (1,1 %), par le FMI (1,2 %) et par la Commission européenne (1,1 %) postérieurement à la présentation du projet de loi de finances pour 2016.
L'hypothèse d'inflation est quant à elle cohérente avec les données connues jusqu'en septembre.
Le Haut Conseil considère que la prévision de croissance de 1,0 % en 2015 est prudente et que la prévision d'inflation de 0,1 % est réaliste.
II. - Observations relatives aux finances publiques
Les prévisions du Gouvernement pour le solde public et sa décomposition en 2015 sont inchangées par rapport à celles associées au projet de loi de finances pour 2016.
Décomposition du solde public
| |PLFR 2015 (NOV. 2015)
(chiffres inchangés par rapport au PLF pour 2016)|RAPPEL LPFP (DÉC. 2014)| | |
|----------------------------------|-------------------------------------------------------------------------------|-----------------------|------|------|
| 2014 | 2015 | 2014 | 2015 | |
| Solde public (en points de PIB) | - 3,9 | - 3,8 |- 4,4|- 4,1|
| Composante conjoncturelle | - 1,9 | - 2,0 |- 1,9|- 2,0|
|Mesures ponctuelles et temporaires| 0,0 | - 0,1 | 0,0 |- 0,1|
| Composante structurelle | - 2,0 | - 1,7 |- 2,4|- 2,1|
Nota. - Les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Source : projet de loi de finances rectificative pour 2015 et loi de programmation de décembre 2014.
a) La prévision de solde public en 2015
La prévision de déficit public du Gouvernement pour 2015 est inchangée à 3,8 % du PIB. Les prévisions de dépenses et de recettes ne connaissent que des ajustements limités par rapport aux prévisions associées au projet de loi de finances pour 2016. Des incertitudes subsistent toutefois à ce stade de l'année (cf. encadré infra).
S'agissant des recettes :
- les prévisions de recettes fiscales du PLFR sont globalement en ligne avec les recouvrements enregistrés à fin septembre. La principale incertitude porte sur le dernier acompte d'impôt sur les sociétés ;
- les prévisions de recettes sociales s'appuient sur une hypothèse de croissance de la masse salariale (1,7 %) en ligne avec les dernières prévisions de l'ACOSS (1,6 %) ;
- la mesure annoncée par le Gouvernement de remboursement d'impôts locaux à certains retraités pèsera toutefois sur les recettes publiques attendues.
S'agissant des dépenses :
L'exécution du budget de l'Etat en 2015 est plus tendue que les années précédentes, en raison de dépenses nouvelles décidées en cours d'année (contrats aidés, effectifs de sécurité, etc.), et de dépassements récurrents de crédits (opérations extérieures, dépenses sociales prises en charge par l'Etat, etc.). En particulier, les décisions renforçant les effectifs de défense et de sécurité accroissent la masse salariale, car elles ne sont pas compensées par un durcissement des schémas d'emplois dans les autres ministères.
Le respect de la « norme en valeur » (hors charges d'intérêts et pensions) sera facilité cette année par la révision à la baisse de 1 Md€ de la contribution de la France au budget de l'Union européenne, économie de constatation qui n'est cependant pas pérenne. Il n'en exigera pas moins des montants significatifs d'annulation de crédits mis en réserve. Les montants prévus en PLFR s'avérant toutefois insuffisants, l'ensemble des mouvements annoncés dans le schéma de fin de gestion conduiraient à une ouverture nette de crédits budgétaires sur le périmètre de la « norme en valeur » de l'ordre de 0,6 Md€ (1). Le Gouvernement espère neutraliser ce dépassement par des économies de gestion résultant d'une exécution très stricte.
Sur le périmètre plus large de la « norme en volume » (y compris charges d'intérêts et pensions), le respect de l'objectif est favorisé par la baisse des charges d'intérêts, qui devraient être inférieures de 2 Md€ au niveau prévu en loi de finances initiale, prévision inchangée depuis le mois de juin.
Les prévisions de dépenses de sécurité sociale sont cohérentes avec celles retenues par la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre. Selon l'avis du Comité d'alerte du 6 octobre, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, révisé à la baisse dans le programme de stabilité d'avril, devrait être respecté, ce qui se traduirait par une augmentation des dépenses d'assurance maladie de 2 % en 2015.
Les prévisions du Gouvernement concernant l'assurance chômage sont proches de celles de l'Unédic publiées en octobre.
Selon les prévisions du Gouvernement, les dépenses de masse salariale (+ 2,4 %) et de fonctionnement (- 1,0 %) des administrations publiques locales seraient fortement freinées en 2015, compte tenu des baisses de dotations de l'Etat et de la très faible inflation. S'y ajouterait une nouvelle baisse de l'investissement local (- 7,9 %), dont l'ampleur serait presque aussi marquée qu'en 2014, année des élections municipales. Le Gouvernement a ainsi retenu des hypothèses d'évolution relativement basses pour chacune des catégories de dépenses. L'ampleur effective du freinage des dépenses reste toutefois incertaine, compte tenu de la faiblesse de l'information disponible à ce stade et de l'impact de décisions prises en toute fin d'année.
Les incertitudes sur certaines dépenses et recettes restent encore fortes à ce stade de l'année
A ce stade de l'année, il subsiste des incertitudes d'ampleur pour certains éléments de la prévision de finances publiques :
- certaines sont récurrentes et portent à la fois sur la fiabilité et le caractère interprétable des remontées comptables infra-annuelles (par exemple pour les différents impôts), sur des décisions qui ne sont prises qu'en fin d'année (par exemple par l'Etat pour respecter ses plafonds de dépenses, par les grandes entreprises concernant le versement du dernier acompte d'impôt sur les sociétés, ou par les collectivités locales sur l'investissemenT - cf infra), ou sur les dates de certaines opérations (par exemple date de remboursement d'un trop-perçu au titre du budget de l'Union européenne) ;
- d'autres sont liées à un événement particulier de l'année, par exemple, en 2015, la finalisation ou non avant la fin de l'année de la vente des licences 4G.
Ainsi, entre 2011 et 2014, l'écart moyen en valeur absolue entre le solde public constaté a posteriori par l'INSEE et la prévision de solde public associée à la LFR de fin d'année s'élève-t-il à environ 1/3 de point de PIB. Des écarts sont constatés dans les deux sens : par exemple, écart négatif en 2012, avec un déficit constaté de 4,8 % du PIB pour une prévision en fin d'année de 4,5 % du PIB ; écart positif en 2014, avec un déficit de 3,9 % du PIB pour une prévision en fin d'année de 4,4 % du PIB.
Comme chaque année, deux variables sont particulièrement difficiles à prévoir à ce stade :
- l'impôt sur les sociétés, car ses recettes totales sur l'exercice dépendent du versement au 15 décembre du dernier acompte, dans lequel intervient, pour les entreprises réalisant plus de 250 M€ de chiffre d'affaires, le résultat qu'elles anticipent pour l'année en cours (2) ;
- l'investissement des collectivités locales, dont une part significative des dépenses est engagée au dernier trimestre de l'année, voire au cours de la « période complémentaire » en janvier.
L'écart entre la prévision de fin d'année et la réalisation peut ainsi être relativement important. En moyenne, il a été de 1,6 Md€ en valeur absolue entre 2006 et 2014 pour l'impôt sur les sociétés (soit 4,3 % de la recette perçue) et de 1,8 Md€ pour l'investissement local (3,8 % de la dépense concernée). Chacun des deux écarts représente un peu moins de 0,1 point de PIB en moyenne.
Certaines années où les écarts s'additionnent, l'impact peut être très sensible, comme par exemple en 2008 où la recette d'IS a été inférieure de 2,2 Md€ à la prévision de fin d'année, et la dépense d'investissement local supérieure de 3,1 Md€, soit un impact total de 0,25 point de PIB sur le solde public (prévu à - 2,8 % du PIB en fin d'année, et constaté à - 3,2 % du PIB).
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0263 du 13/11/2015, texte nº 117
Dans le cas de l'impôt sur les sociétés, la prévision pour l'année en cours réalisée en fin d'année dans la LFR est globalement meilleure que celle retenue lors de la budgétisation initiale plus d'un an auparavant (écart de 4,1 Md€ en moyenne - hors année 2009 - entre la prévision de la LFI et la réalisation) : en fin d'année, l'incertitude macroéconomique est réduite ; demeure celle portant sur le bénéfice fiscal des entreprises et les conséquences qu'elles en tirent pour estimer le 5e acompte.
Concernant l'investissement local, l'incertitude apparaît encore plus forte, puisque l'écart entre la prévision de fin d'année et la réalisation est plus important en moyenne que celui entre la prévision associée au projet de loi de finances initiale et la réalisation (1,3 Md€). Ces dernières années, les prévisions ont quasi systématiquement sous-estimé l'ampleur du cycle de l'investissement local, à la hausse comme à la baisse.
b) L'écart à la trajectoire de solde structurel de la loi de programmation
Calculé avec les hypothèses de croissance potentielle de la loi de programmation (3), le solde structurel serait de - 1,7 % du PIB en 2015. Il est à noter que cette estimation du Gouvernement est nettement inférieure aux estimations les plus récentes de la Commission européenne (- 2,7 %) et du FMI (- 2,1 %). Cette différence s'explique par un écart de production négatif (écart entre la production effective et la production potentielle) plus creusé dans la prévision du Gouvernement, qui correspondrait à une capacité de rattrapage importante de l'économie française. La pertinence d'un écart de production aussi marqué a été mise en doute par le Haut Conseil à plusieurs reprises (4).
Le Haut Conseil constate que le solde structurel en 2015 présenté par le Gouvernement est inférieur de 0,3 point de PIB à l'objectif de la loi de programmation (- 2,1 % du PIB). Cet écart résulte de celui constaté en 2014 (5).
L'amélioration du solde structurel entre 2014 et 2015 serait limitée à 0,3 point de PIB, traduisant un net ralentissement de l'effort, après 1 point de PIB par an en moyenne sur les années 2011 à 2013 et 0,6 point de PIB en 2014. Cet ajustement est en deçà de l'ajustement minimum de 0,5 point de PIB prévu par les règles européennes du Pacte de stabilité et de croissance pour les pays qui n'ont pas atteint l'équilibre structurel.
Des incertitudes importantes subsistent traditionnellement à ce stade de l'année sur certaines recettes et dépenses.
En outre, le respect de l'objectif de dépenses de l'Etat (hors charges de la dette et pensions) est rendu plus difficile par les nouvelles dépenses décidées en cours d'année qui s'ajoutent aux dépassements récurrents de crédits. Il nécessitera donc un pilotage très strict jusqu'à la fin de l'année.
Compte tenu des informations dont il dispose, le Haut Conseil considère néanmoins que la prévision de déficit public de 3,8 % du PIB en 2015, soit une réduction modeste par rapport à celui de 2014 (3,9 %), est vraisemblable.
Le Haut Conseil constate que le déficit structurel serait inférieur de 0,3 point à celui prévu dans la loi de programmation, reconduisant l'écart constaté en 2014.
Le Haut Conseil note que l'amélioration du solde structurel serait limitée à 0,3 point de PIB en 2015, en net ralentissement par rapport aux années antérieures (amélioration de 1 point de PIB par an en moyenne entre 2011 et 2013 et de 0,6 point de PIB en 2014), alors que le respect de l'objectif d'équilibre structurel est encore lointain.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de finances rectificative pour 2015 lors de son dépôt à 1'Assemblée nationale.
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