JORF n°0304 du 31 décembre 2021

Après en avoir délibéré,
Emet l'avis suivant :
Par courrier en date du 29 juillet 2021, le Gouvernement a saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'un projet de décret relatif à la procédure de suspension provisoire de la retransmission des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande et à la procédure visant à empêcher le contournement par ces services de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Ce texte intervient dans le cadre de la transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels. Cette directive a révisé la procédure de suspension provisoire des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande et celle visant à empêcher le contournement par ces services de la loi du 30 septembre 1986. Le projet de décret parachève cette transposition, dont une première étape a d'ores et déjà été réalisée par l'ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020, et vient préciser les modalités de mise en œuvre de ces procédures prévues aux articles 43-8 et 43-10 de la loi du 30 septembre 1986.
Le Conseil souligne l'importance et la sensibilité des dispositions en question, qui visent à garantir l'efficacité de la protection du public français face à des programmes présentant un risque sérieux et grave, ou vis-à-vis de services établis dans un autre Etat membre afin de contourner le droit national.
Ces dispositifs ont pu donner lieu par le passé à des difficultés d'application. Le Conseil se réjouit que les nouvelles dispositions résultant de la directive de 2018 permettent à la fois d'élargir la portée de son intervention et d'améliorer l'efficacité de cette dernière.
I. - Sur la procédure de suspension provisoire de la retransmission des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à la Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière.
Le Conseil relève que l'article 43-8 de la loi de 1986 adopté pour la transposition de la directive du 14 novembre 2018 organise une procédure de suspension provisoire commune aux services de télévision et aux services de médias audiovisuels à la demande dont les modalités de mise en œuvre, désormais identiques pour ces deux catégories de services, sont précisées par le projet de décret.
Il constate également que les motifs pouvant justifier le prononcé d'une mesure de suspension provisoire ont vu leur périmètre élargi : le dispositif vise désormais les provocations publiques à commettre des actes de terrorisme ainsi que l'ensemble des incitations à la haine ou à la violence en raison de l'un des motifs mentionnés à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à savoir le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.
Ces deux modifications permettront d'assurer, dans les limites du principe de liberté de réception, l'efficacité du dispositif à travers notamment l'extension de la procédure d'urgence aux services de télévision. Jusqu'alors réservée aux seuls services de médias audiovisuels à la demande, cette procédure d'urgence donnera en effet la possibilité au Conseil d'agir rapidement dans les cas les plus graves d'atteinte à la sécurité publique ou à la défense nationale et de provocation publique à commettre des actes terroristes.
II. - Sur la procédure visant à empêcher le contournement de la règlementation française par des services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne.
La procédure prévue à l'article 43-10 de la loi du 30 septembre 1986 permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'adopter des mesures à l'encontre d'un service de télévision ou d'un service de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d'un autre Etat membre lorsque la programmation de ce service est entièrement ou principalement destinée au territoire français et qu'il apparaît que le service s'est établi dans un autre Etat membre afin d'échapper aux règles plus strictes applicables en France.
Le Conseil salue l'assouplissement des conditions de mise en œuvre de cette procédure opérée par le projet de décret en ce qu'il suffira désormais d'établir de manière raisonnable que l'éditeur du service en cause s'est établi dans un autre Etat membre afin d'échapper aux règles plus strictes adoptées par la France sans pour autant avoir à prouver l'intention de l'éditeur.
Dans un souci de respect des droits de la défense, le Conseil accueille également favorablement l'obligation qui lui est faite d'inviter l'éditeur du service en cause à présenter ses observations sur les mesures envisagées à son encontre et leurs motifs.
Au vu de ces éléments, le Conseil émet un avis favorable au projet de décret soumis à son appréciation.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.


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Version 1

Après en avoir délibéré,

Emet l'avis suivant :

Par courrier en date du 29 juillet 2021, le Gouvernement a saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'un projet de décret relatif à la procédure de suspension provisoire de la retransmission des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande et à la procédure visant à empêcher le contournement par ces services de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Ce texte intervient dans le cadre de la transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels. Cette directive a révisé la procédure de suspension provisoire des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande et celle visant à empêcher le contournement par ces services de la loi du 30 septembre 1986. Le projet de décret parachève cette transposition, dont une première étape a d'ores et déjà été réalisée par l'ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020, et vient préciser les modalités de mise en œuvre de ces procédures prévues aux articles 43-8 et 43-10 de la loi du 30 septembre 1986.

Le Conseil souligne l'importance et la sensibilité des dispositions en question, qui visent à garantir l'efficacité de la protection du public français face à des programmes présentant un risque sérieux et grave, ou vis-à-vis de services établis dans un autre Etat membre afin de contourner le droit national.

Ces dispositifs ont pu donner lieu par le passé à des difficultés d'application. Le Conseil se réjouit que les nouvelles dispositions résultant de la directive de 2018 permettent à la fois d'élargir la portée de son intervention et d'améliorer l'efficacité de cette dernière.

I. - Sur la procédure de suspension provisoire de la retransmission des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à la Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière.

Le Conseil relève que l'article 43-8 de la loi de 1986 adopté pour la transposition de la directive du 14 novembre 2018 organise une procédure de suspension provisoire commune aux services de télévision et aux services de médias audiovisuels à la demande dont les modalités de mise en œuvre, désormais identiques pour ces deux catégories de services, sont précisées par le projet de décret.

Il constate également que les motifs pouvant justifier le prononcé d'une mesure de suspension provisoire ont vu leur périmètre élargi : le dispositif vise désormais les provocations publiques à commettre des actes de terrorisme ainsi que l'ensemble des incitations à la haine ou à la violence en raison de l'un des motifs mentionnés à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à savoir le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

Ces deux modifications permettront d'assurer, dans les limites du principe de liberté de réception, l'efficacité du dispositif à travers notamment l'extension de la procédure d'urgence aux services de télévision. Jusqu'alors réservée aux seuls services de médias audiovisuels à la demande, cette procédure d'urgence donnera en effet la possibilité au Conseil d'agir rapidement dans les cas les plus graves d'atteinte à la sécurité publique ou à la défense nationale et de provocation publique à commettre des actes terroristes.

II. - Sur la procédure visant à empêcher le contournement de la règlementation française par des services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne.

La procédure prévue à l'article 43-10 de la loi du 30 septembre 1986 permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'adopter des mesures à l'encontre d'un service de télévision ou d'un service de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d'un autre Etat membre lorsque la programmation de ce service est entièrement ou principalement destinée au territoire français et qu'il apparaît que le service s'est établi dans un autre Etat membre afin d'échapper aux règles plus strictes applicables en France.

Le Conseil salue l'assouplissement des conditions de mise en œuvre de cette procédure opérée par le projet de décret en ce qu'il suffira désormais d'établir de manière raisonnable que l'éditeur du service en cause s'est établi dans un autre Etat membre afin d'échapper aux règles plus strictes adoptées par la France sans pour autant avoir à prouver l'intention de l'éditeur.

Dans un souci de respect des droits de la défense, le Conseil accueille également favorablement l'obligation qui lui est faite d'inviter l'éditeur du service en cause à présenter ses observations sur les mesures envisagées à son encontre et leurs motifs.

Au vu de ces éléments, le Conseil émet un avis favorable au projet de décret soumis à son appréciation.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.