JORF n°0025 du 29 janvier 2021

Par un courrier en date du 28 décembre 2020, la ministre de la culture a saisi pour avis le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après : « le Conseil »), conformément à l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, des projets de contrats d'objectifs et de moyens (ci-après : « COM ») susceptibles d'être conclus entre l'Etat et, respectivement, la société France Télévisions, la société Radio France et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.
L'article 53 précité prévoit que les COM déterminent pour chaque société :

- les axes prioritaires de développement ;
- les engagements pris au titre de la diversité et de l'innovation dans la création ;
- pour France Télévisions, les montants minimaux d'investissements dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française ;
- le coût prévisionnel des activités pour chaque année, complété par des indicateurs de résultats ;
- le montant des ressources publiques devant lui être affectées, en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;
- le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;
- les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix ;
- les indications relatives au montant des ressources publiques et de celles issues des recettes propres ;
- les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ;
- le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier.

Dans le cadre du processus d'élaboration de son avis, le Conseil a entendu les présidentes de chacune des trois sociétés nationales de programme ainsi que le directeur général des médias et des industries culturelles du ministère de la culture.
Les projets de contrats dont est saisi le Conseil s'inscrivent dans le cadre stratégique fixé par le Gouvernement en juillet 2018, à la suite de la remise des conclusions de la mission portant sur la transformation de l'audiovisuel public à l'horizon 2022. Leurs durées respectives sont alignées, afin notamment de faciliter les synergies et les partenariats entre les sociétés, axe majeur de développement de l'efficacité et de la performance de l'audiovisuel public.
Pour la première fois, ces contrats établissent ainsi un cadre stratégique commun pour les sociétés de l'audiovisuel public, désormais dotées d'une feuille de route pour la période 2020-2022 et d'objectifs partagés. Des objectifs spécifiques, également assortis d'indicateurs, sont par ailleurs assignés aux différentes sociétés dans leurs contrats respectifs. Les COM comportent enfin un plan d'affaires propre à chaque société ainsi qu'une annexe commune listant les projets de coopération prioritaires de l'audiovisuel public à l'horizon 2022.

Le Conseil émet un avis positif sur chacun de ces trois projets de contrats d'objectifs et de moyens, sous réserve des observations suivantes.

  1. Economie générale des projets de COM

Le Conseil souligne le caractère singulier du contexte dans lequel interviennent ces contrats, en raison de l'effet des mesures de restriction prises par le Gouvernement en 2020 afin de lutter contre l'épidémie de la covid-19. Les éditeurs télévisuels, en particulier lors du premier confinement, ont enregistré des niveaux d'audience historiques, mettant fin à plusieurs années d'érosion notamment auprès du jeune public. Dans le même temps, le marché publicitaire souffrait du retrait des annonceurs. La baisse des investissements publicitaires bruts devrait s'établir à 8 % pour le secteur de la télévision sur l'ensemble de l'année. L'évolution des recettes nettes de la télévision et de la radio pourrait toutefois présenter des différences avec celle des investissements bruts, seule disponible à date.
Parallèlement, le succès de la vidéo à la demande par abonnement s'est amplifié à la faveur de cette crise et du lancement de nouvelles offres. Cette dynamique fait peser une pression supplémentaire sur le modèle des acteurs historiques.
Des documents plus concis, plus stratégiques et mieux articulés avec les cahiers des charges
Le Conseil souhaite en premier lieu saluer le nouveau format des projets de COM soumis à son avis. Il répond tant aux observations de la Cour des comptes et du rapport Schwartz de juillet 2015 qu'aux remarques qu'il a lui-même formulées à plusieurs reprises sur ces documents.
Plus concis, axés sur les enjeux stratégiques, ces textes portent pour l'essentiel sur les missions et les moyens des groupes publics. Ils évitent ainsi les redondances avec les cahiers des charges, qui traitent des obligations réglementaires et éditoriales des services de médias audiovisuels édités par ces derniers.
Une « feuille de route » explicitant clairement les priorités et les transformations à engager
La première partie des projets de COM, commune aux trois entreprises, fixe les missions prioritaires du service public (« Les priorités communes de l'audiovisuel public ») et expose la stratégie de sa transformation (numérisation, rapprochements, gestion). Elle articule ainsi missions et moyens et détermine un cadre stratégique unique, décliné en objectifs communs. Ces derniers, assortis d'indicateurs de suivi et de performance, visent à conforter l'offre de service public auprès de tous les publics et sur tous les supports. Ils portent également sur la gestion des entreprises.
Le Conseil approuve la clarification et l'harmonisation des priorités assignées au service public. Nombreuses et ambitieuses, celles-ci portent à la fois sur le contenu des offres et sur les publics auxquels elles doivent s'adresser. Le Conseil relève avec satisfaction l'importance accordée aux enjeux européens et à l'action extérieure de la France.
Par ailleurs, le Conseil souhaite que les trois pactes communs prévus dans l'annexe consacrée aux projets de coopération prioritaire et relatifs pour le premier au soutien et à l'exposition de la culture et de la musique, pour le deuxième à la jeunesse et pour le dernier à la visibilité des Outre-mer, soient le support d'engagements éditoriaux forts et ambitieux, susceptibles de traduire l'exigence de ces trois sociétés de s'adresser à un large public.
Enfin, le Conseil suggère que le membre de phrase du préambule « un service qui demeure utile à nos concitoyens et à la société qui les entoure » soit plutôt rédigé ainsi : « un service plus que jamais indispensable à nos concitoyens et à la société qui les entoure ».
Des indicateurs multiples, hétérogènes et parfois incomplets
Si les projets de COM ont gagné en concision, ils comportent néanmoins des indicateurs nombreux et de natures très différentes : certains sont destinés à mesurer la réalisation des grandes missions fixées aux sociétés publiques, tandis que d'autres relèvent de leur gestion interne ou de leur responsabilité sociale et environnementale. Cette juxtaposition d'indicateurs obéissant à des exigences aussi variées peut donner l'impression d'une certaine dispersion de la vision stratégique de l'Etat.
Par ailleurs, le Conseil considère que les indicateurs ne reflètent pas toujours de manière fidèle les missions et les objectifs assignés au service public. Certains semblent en partie inadaptés. A cet égard, si les sociétés de service public doivent s'adresser à un large public, cet objectif n'est mesuré qu'en termes d'audience, sans traiter de la pluralité et de la diversité des publics à atteindre. En outre, le Conseil s'interroge sur la mesure, par le seul critère de l'audience, du développement de la confiance dans l'information télévisée et de la qualité de l'offre éducative.
La nécessité de renforcer le pilotage des projets de coopération et de synergies entre entreprises
Les contrats prévoient le développement de synergies et de « chantiers » communs aux entreprises de l'audiovisuel public à l'horizon 2022, afin de renforcer les coopérations éditoriales et de réaliser des gains d'efficience.
Le Conseil souligne l'importance de cet axe stratégique et des réalisations prévues par les COM. Il regrette toutefois que cette ambition ne soit pas plus marquée. Il attire en particulier l'attention du Gouvernement sur la nécessité de mettre en place un dispositif de pilotage et de suivi de ces chantiers communs, sans lequel la réalisation de cet objectif pourrait être aléatoire. Pour sa part, il sera très attentif à la poursuite du mouvement de transformation de l'audiovisuel public déjà engagé.
Une trajectoire financière clarifiée mais porteuse de tensions
La trajectoire financière retenue dans les projets de COM 2020-2022 assure aux sociétés nationales de programme des perspectives pluriannuelles stables, claires et prévisibles.
D'une part, elle s'inscrit dans le cadrage budgétaire arrêté par le Gouvernement en 2018 pour la période 2018-2022, fondé sur des économies d'un montant de 190 M€ à l'horizon 2022, dont 160 M€ portés par France Télévisions, 20 M€ par Radio France et 10 M€ par les autres sociétés. D'autre part, son calendrier, unifié pour l'ensemble des sociétés, est aligné sur les prochaines échéances électorales majeures.
Le Conseil souligne toutefois les tensions susceptibles d'affecter le respect de cette trajectoire. La tendance à la baisse des ressources publiques doit être conciliée avec un retour à l'équilibre de l'ensemble des sociétés dès 2021, alors même que les priorités qui sont confiées à ces dernières, notamment en matière d'investissement, sont très ambitieuses.
Si ces entreprises bénéficieront en 2021 de crédits exceptionnels au titre du plan de relance destiné à compenser les effets de la crise du Covid-19, les perspectives pour 2022 sont plus incertaines. La baisse des recettes publiques devra donc être compensée par une progression des recettes publicitaires, sur un marché lui-même fragilisé par cette crise. En outre, les plans d'affaires des trois sociétés prévoient une forte sollicitation de leur trésorerie.
Enfin, comme il a déjà eu l'occasion de le faire, le Conseil s'interroge sur les perspectives de financement à moyen et long termes de l'audiovisuel public en raison de la suppression prévue, en 2023, de la taxe d'habitation, support de collecte de la contribution à l'audiovisuel public. Il rappelle son attachement à ce que l'audiovisuel public dispose de moyens pérennes et, en particulier, de ressources affectées nécessaires à l'exercice de ses missions. La garantie du financement du service public audiovisuel est un élément de son indépendance, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-577 du 3 mars 2009 sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Des contrats qui reprennent les principaux engagements pris par les présidentes des sociétés nationales de programme devant le CSA
Le Conseil souligne avec satisfaction que la plupart des engagements majeurs pris par les présidentes des sociétés publiques dans les projets stratégiques sur le fondement desquels il les a désignées ont été repris dans les projets de contrats d'objectifs et de moyens soumis à son appréciation.

  1. Observations détaillées
    2.1 Observations relatives aux objectifs et indicateurs communs

La transformation numérique des offres : donner la priorité à l'accès aux contenus
L'objectif 1, commun aux trois sociétés, porte en particulier sur l'accélération de la transformation numérique.
Il est décliné selon de nombreux indicateurs - trois pour France Télévisions, quatre pour Radio France et un pour France Médias Monde - tous différents d'une société à l'autre, et qui portent sur l'audience (en direct ou à la demande, en nombres de vidéos vues ou lues en direct), le nombre global d'utilisateurs des plateformes, ou encore les dépenses consacrées au numérique.
Cette pluralité d'indicateurs reflète la diversité des stratégies de distribution numérique, Radio France et France Télévisions ayant opté pour une distribution sélective, fondée en priorité sur leurs propres plateformes, tandis que France Médias Monde souhaite maximiser la visibilité de ses contenus par une stratégie d'hyper-distribution.
Un suivi économique sensiblement renforcé
Deux orientations sont privilégiées en matière de gestion :

- affecter prioritairement les ressources à l'offre au public (objectif 3) ;
- assurer la maîtrise de la masse salariale et optimiser la gestion (objectif 4).

L'objectif 3 vise à ce que les économies demandées aux entreprises publiques ne se traduisent pas par une dégradation des moyens alloués aux programmes. Il est assorti, s'agissant de France Télévisions et de Radio France, d'un indicateur mesurant la « part des dépenses de programmes dans les dépenses totales », qui permettra de comparer les résultats des deux entreprises. Le Conseil souscrit à cet objectif comme à l'effort d'harmonisation des outils de suivi, mais regrette que ce dernier n'englobe pas France Médias Monde.
L'objectif 4 est assorti de nombreux indicateurs de suivi, dont celui de la masse salariale. Le Conseil aurait jugé pertinent que la méthode d'élaboration de ce dernier soit commune aux trois sociétés. Il souligne également qu'il conviendrait d'éviter tout retraitement de cet indicateur en cours d'exécution des COM, comme il l'a rappelé dans ses précédents avis, et de privilégier le recours à des données comptables publiées ou validées. Sur un plan purement rédactionnel, il pourrait être précisé si l'indicateur vise la masse salariale (selon son intitulé) ou les charges de personnel (selon la référence au compte 64).
Une ambition forte en matière d'exemplarité et de cohésion sociale
Les trois sociétés s'engagent à renforcer la diversité et l'égalité des chances dans la conduite de leur politique de ressources humaines, dans le cadre de l'objectif commun « Etre une entreprise de média exemplaire » (objectif 5). Les COM prévoient par ailleurs un ou plusieurs indicateurs, adaptés à la spécificité de chaque société, relatifs à la représentation de la diversité ou à la promotion de l'égalité sur les antennes.
Seule France Télévisions se voit fixer un objectif de représentation de la diversité (objectif 8). Le Conseil se félicite que celui-ci se fonde sur les résultats de son « baromètre de la diversité ». Cependant, il s'interroge sur la méthode de calcul retenue, qui s'appuie sur la moyenne des résultats obtenus par France 2, France 3 et France 5, alors que les bases de calcul sont différentes d'une chaîne à l'autre.
Concernant l'égalité entre les femmes et les hommes, il convient de relever que les trois sociétés s'engagent à accroître la part des expertes sur leurs antennes afin notamment d'atteindre la parité, en 2021 pour France Télévisions, et en 2022 pour Radio France. Par ailleurs, Radio France proposera 50 % de voix de femmes sur ses antennes d'ici 2022. France Médias Monde a d'ores et déjà atteint la parité sur ses antennes en français (expertes et autres intervenantes).
Par ailleurs, France Télévisions souhaite atteindre, à l'horizon 2022, un taux de 30 % de réalisatrices de films et de fictions. Le Conseil salue cet engagement, qui illustre la volonté de la société de parvenir à une représentation plus juste des femmes dans la création audiovisuelle et cinématographique. Le Conseil souligne l'importance qui s'attache à ce que cette ambition soit étendue à l'ensemble des genres de programmes.
Le Conseil note également avec satisfaction que l'objectif d'amélioration de l'accessibilité des programmes se traduit par une montée en charge du volume de sous-titrage de franceinfo : (de 1 heure 20 minutes en 2019 à 6 heures en 2022). Ceci correspond à l'annonce qui avait été faite lors de la conférence du handicap en février 2020.
Il regrette en revanche que les enjeux de transparence et de déontologie des entreprises ne soient plus affichés dans les COM. Des avancées indéniables ont certes été accomplies dans ce domaine, mais des préoccupations demeurent, en particulier en ce qui concerne l'encadrement des mouvements de collaborateurs entre le service public et les producteurs de programmes.
Il relève que l'indicateur relatif au climat social figurant dans les précédents COM de France Télévisions et Radio France a également été supprimé.
Enfin, le Conseil souhaite souligner que la vérification du respect de l'indicateur relatif à l'évolution de l'empreinte carbone exigera probablement que les données qui lui seront fournies soient certifiées par un organisme tiers.
Des indicateurs d'audience hétérogènes
Les projets de COM recourent à de nombreux indicateurs d'audience ou de « couverture du public ». L'indicateur retenu pour France Télévisions vise à mesurer la couverture assurée par le groupe, quand celui retenu pour Radio France porte sur la couverture et la part d'audience et celui de France Médias Monde sur un nombre de contacts hebdomadaires.
Ces mesures diffèrent sensiblement, puisqu'à l'égard de France Télévisions elles concernent l'audience « absolue » du groupe, c'est-à-dire sa capacité à toucher le public le plus large sur l'ensemble des supports. Dans le cas de Radio France, l'audience relative, c'est-à-dire la performance par rapport aux concurrents, est également prise en compte. Pour France Médias Monde, l'indicateur est fondé sur l'audience de l'ensemble de ses contenus numériques, de toutes natures (sons, vidéos, articles).
Il est proposé d'harmoniser davantage la démarche retenue pour mesurer l'audience de France Télévisions et de Radio France. A cet effet, la mesure d'audience de France Télévisions pourrait utilement être complétée de sa part d'audience (PdA) moyenne annuelle déclinée par cibles d'âge.

2.2 Les objectifs et les enjeux spécifiques

- France Télévisions

Une tension entre l'arrêt de France 4 et l'objectif en matière d'audience du jeune public
Le cahier des charges de France Télévisions prévoit l'arrêt de France 4 le 20 août 2021. La trajectoire financière retenue dans le projet de COM intègre la baisse des ressources publicitaires liée à cet arrêt.
Le Conseil exprime sa préoccupation quant à la capacité du groupe à proposer une « offre éducative et divertissante riche pour les jeunes publics » (objectif 7) et à atteindre les cibles d'audience associées, malgré notamment les performances de la plateforme Lumni. Le projet prévoit en effet un maintien à un niveau élevé, supérieur à 60 %, du taux de couverture hebdomadaire du public 4-14 ans et une augmentation du taux de couverture des 15-24 ans de 46 % en 2019 à plus de 50 % à partir 2020.
Une évolution favorable des indicateurs relatifs à l'offre culturelle
En matière de spectacles vivants, le cahier des charges de France Télévisions impose un nombre minimum de diffusions et incite à la bonne exposition de ces programmes au moyen d'un système de points pondéré en fonction de la tranche horaire. Toutefois, ainsi que le Conseil l'a relevé dans son avis motivé sur les résultats de France Télévisions de 2015 à 2019, ce système de points n'a pas permis d'assurer une diffusion de spectacles vivants aux heures de fortes audiences. Ainsi, en 2018, 80 % de ces programmes étaient diffusés la nuit.
En prévoyant la diffusion de 52 premières parties de soirée consacrées aux spectacles en 2022 (indicateur 9.1), le projet de COM de France Télévisions vient donc améliorer significativement le dispositif du cahier des charges.
Une plus grande visibilité des Outre-mer
L'objectif 10 du projet de COM est consacré aux enjeux liés à la visibilité des Outre-mer sur les antennes de France Télévisions.
Le Conseil relève avec satisfaction qu'il reprend l'un des 25 engagements du Pacte pour la visibilité des Outre-mer conclu en juillet 2019 entre France Télévisions et les ministres de la Culture et des Outre-mer, consistant à diffuser au moins 12 programmes ultramarins en première partie de soirée. Il souligne ainsi la pertinence de cet engagement.
La disparition des indicateurs portant sur l'amélioration de la qualité d'image et de son
Les COM précédents de France Télévisions comportaient des objectifs d'amélioration de la qualité de l'image et du son. Le Conseil suggère que le projet de COM soumis à son appréciation comporte un objectif dans ce domaine, notamment en matière d'ultra-haute définition.
Un engagement d'investissement dans la création cinématographique à préciser
Le projet porte de 420 M€ à 500 M€, à compter de 2021, l'engagement financier annuel du groupe en faveur de la création. Toutefois, ce montant n'est pas ventilé entre production audiovisuelle et production cinématographique. Le Conseil suggère de préciser qu'au moins 60 M€ seront consacrés à la création d'œuvres cinématographiques, conformément à l'engagement pris par le groupe dans l'accord signé le 27 février 2020 avec les organisations professionnelles du cinéma.

- Radio France

Le développement du DAB +
Le Conseil se réjouit que le projet de COM de Radio France confirme l'engagement du groupe dans le développement de la radio numérique terrestre, avec la diffusion prochaine de ses sept chaînes dans la norme DAB+. Il relève également que Radio France rendra compte chaque année, dans le cadre du rapport d'exécution du contrat, du taux de couverture de la population et des autoroutes en DAB+ et fournira une cartographie du déploiement du DAB+.
Un soutien à la musique à préciser
Le Conseil souligne le rôle central joué par Radio France en matière de diversité musicale et de soutien aux artistes francophones, notamment aux nouveaux talents. Les indicateurs prévus dans le projet de contrat, inchangés par rapport à ceux des deux précédents COM, pourraient être adaptés afin de mieux refléter ce rôle. Le Conseil, dans ses précédents avis, avait ainsi estimé qu'ils étaient insuffisamment précis, notamment en ce qu'ils n'engageaient ni France Inter, ni FIP, à la différence des autres antennes diffusant de la musique de variétés, à respecter un taux minimal de titres francophones. Il est donc proposé de compléter l'indicateur 9.1 en étendant à France Inter et FIP l'objectif de « part de titres francophones », qui serait fixé au minimum respectivement à 50 % et 15 %. Le niveau d'ambition des objectifs fixés à Mouv', inchangés pour l'essentiel depuis 2009, pourrait par ailleurs être réévalué, en tenant compte des valeurs atteintes en 2019, à 40 % de chansons francophones et 30 % de nouveaux talents francophones.
Par ailleurs, le Conseil recommande d'harmoniser certains indicateurs et définitions avec ceux applicables aux éditeurs privés au titre du régime des quotas de chansons francophones. Il pourrait en être ainsi de l'utilisation de la notion de « nouvelles productions » en lieu et place de celle de « nouveautés » pour France Inter, de l'appréciation des différents objectifs aux heures d'écoute significative, et de la prise en compte des seules diffusions de titres d'une durée supérieure à deux minutes. Ce rapprochement des deux régimes faciliterait la comparaison entre secteurs public et privé, et permettrait de mieux mettre en évidence le caractère exemplaire de la contribution du service public au dynamisme de la filière musicale.
Une attention à porter à l'évolution des ressources publicitaires du groupe
Le projet de COM prévoit une hausse modérée du niveau de ressources propres de Radio France, qui progresseraient de 6 M€, contre + 14 M€ sur le COM précédent dont + 5 M€ pour les seules recettes de billetterie. Cette hausse reposerait essentiellement sur une progression des recettes de la publicité numérique. Pour autant, la progression du chiffre d'affaires publicitaire de Radio France n'est pas plafonnée, contrairement au COM précédent.
Or, la tension entre les recettes et les charges soulignée en partie I de l'avis pourrait conduire Radio France à recourir plus fortement aux recettes publicitaires. Le Conseil attire donc l'attention du Gouvernement sur la nécessité de préserver les équilibres concurrentiels sur le marché publicitaire, a fortiori dans un contexte où la santé financière des radios privées a été significativement affectée par les conséquences de la crise liée au Covid-19.
La question du chantier de la Maison de la Radio
Le Conseil salue la poursuite de la modernisation des moyens de Radio France. Néanmoins, s'agissant du chantier de la Maison de la Radio, les outils mis en place par le COM précédent n'ont pas été en mesure de contenir la dérive des coûts. Le Conseil recommande donc de renforcer l'indicateur 11.3 qui, dans sa version actuelle, ne comporte aucun encadrement du coût ou des délais des travaux.

- France Médias Monde

Une spécificité et une nécessité confirmées
Le Conseil relève que le projet COM reflète la volonté de mettre en avant la spécificité de France Médias Monde, dans un contexte marqué par une diminution des ressources publiques. L'objectif 6 (« Assurer des missions internationales plus essentielles que jamais et porter les valeurs démocratiques dans le monde ») propose ainsi une actualisation de la formulation des missions de France Médias Monde.
Des objectifs de développement de l'offre multilingue à préciser
Le projet de COM prévoit, sur la période 2020-2022, une poursuite de la stratégie multilingue autour de trois axes principaux : la consolidation de l'offre arabophone pluri-média par le rapprochement des rédactions de France 24 et de MCD, le renforcement des langues africaines sur RFI et la montée en puissance de la version de France 24 en espagnol.
Le Conseil relève toutefois que ce projet, malgré les nombreuses composantes de l'indicateur 7.1 (« Audiences des offres en langue française et en langues étrangères »), n'assigne pas au groupe d'objectif de progression de son audience en langues arabe et espagnole. Il s'interroge sur la possibilité de combler cette lacune ou, à défaut, de simplifier l'indicateur 7.1.
Des indicateurs dont il convient d'améliorer la lisibilité
Dans le cadre de sa mission de suivi annuel des résultats du COM de France Médias Monde, le Conseil a constaté que certains indicateurs reposaient sur des données d'audience ou de marchés reconstituées par le groupe afin de refléter sa couverture géographique, ce qui en rend la vérification complexe.
Il est donc proposé que le prochain COM expose de façon plus détaillée la méthodologie présidant à l'établissement des indicateurs 6.1 à 9.1 et les sources utilisées.
Des projets de coopération à préciser
La coopération entre Arte et France Médias Monde a vocation à se poursuivre et à se renforcer, répondant ainsi à l'objectif de développement de partenariats au sein de l'audiovisuel public. Le Conseil relève toutefois que, lors de son audition, la présidente de France Médias Monde a souhaité préciser que cette coopération ne porterait pas tant sur des échanges de programmes, comme l'indique le projet de COM, que sur des coproductions, notamment celles de grands reportages en français.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.


Historique des versions

Version 1

Par un courrier en date du 28 décembre 2020, la ministre de la culture a saisi pour avis le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après : « le Conseil »), conformément à l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, des projets de contrats d'objectifs et de moyens (ci-après : « COM ») susceptibles d'être conclus entre l'Etat et, respectivement, la société France Télévisions, la société Radio France et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

L'article 53 précité prévoit que les COM déterminent pour chaque société :

- les axes prioritaires de développement ;

- les engagements pris au titre de la diversité et de l'innovation dans la création ;

- pour France Télévisions, les montants minimaux d'investissements dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française ;

- le coût prévisionnel des activités pour chaque année, complété par des indicateurs de résultats ;

- le montant des ressources publiques devant lui être affectées, en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;

- le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;

- les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix ;

- les indications relatives au montant des ressources publiques et de celles issues des recettes propres ;

- les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ;

- le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier.

Dans le cadre du processus d'élaboration de son avis, le Conseil a entendu les présidentes de chacune des trois sociétés nationales de programme ainsi que le directeur général des médias et des industries culturelles du ministère de la culture.

Les projets de contrats dont est saisi le Conseil s'inscrivent dans le cadre stratégique fixé par le Gouvernement en juillet 2018, à la suite de la remise des conclusions de la mission portant sur la transformation de l'audiovisuel public à l'horizon 2022. Leurs durées respectives sont alignées, afin notamment de faciliter les synergies et les partenariats entre les sociétés, axe majeur de développement de l'efficacité et de la performance de l'audiovisuel public.

Pour la première fois, ces contrats établissent ainsi un cadre stratégique commun pour les sociétés de l'audiovisuel public, désormais dotées d'une feuille de route pour la période 2020-2022 et d'objectifs partagés. Des objectifs spécifiques, également assortis d'indicateurs, sont par ailleurs assignés aux différentes sociétés dans leurs contrats respectifs. Les COM comportent enfin un plan d'affaires propre à chaque société ainsi qu'une annexe commune listant les projets de coopération prioritaires de l'audiovisuel public à l'horizon 2022.

Le Conseil émet un avis positif sur chacun de ces trois projets de contrats d'objectifs et de moyens, sous réserve des observations suivantes.

1. Economie générale des projets de COM

Le Conseil souligne le caractère singulier du contexte dans lequel interviennent ces contrats, en raison de l'effet des mesures de restriction prises par le Gouvernement en 2020 afin de lutter contre l'épidémie de la covid-19. Les éditeurs télévisuels, en particulier lors du premier confinement, ont enregistré des niveaux d'audience historiques, mettant fin à plusieurs années d'érosion notamment auprès du jeune public. Dans le même temps, le marché publicitaire souffrait du retrait des annonceurs. La baisse des investissements publicitaires bruts devrait s'établir à 8 % pour le secteur de la télévision sur l'ensemble de l'année. L'évolution des recettes nettes de la télévision et de la radio pourrait toutefois présenter des différences avec celle des investissements bruts, seule disponible à date.

Parallèlement, le succès de la vidéo à la demande par abonnement s'est amplifié à la faveur de cette crise et du lancement de nouvelles offres. Cette dynamique fait peser une pression supplémentaire sur le modèle des acteurs historiques.

Des documents plus concis, plus stratégiques et mieux articulés avec les cahiers des charges

Le Conseil souhaite en premier lieu saluer le nouveau format des projets de COM soumis à son avis. Il répond tant aux observations de la Cour des comptes et du rapport Schwartz de juillet 2015 qu'aux remarques qu'il a lui-même formulées à plusieurs reprises sur ces documents.

Plus concis, axés sur les enjeux stratégiques, ces textes portent pour l'essentiel sur les missions et les moyens des groupes publics. Ils évitent ainsi les redondances avec les cahiers des charges, qui traitent des obligations réglementaires et éditoriales des services de médias audiovisuels édités par ces derniers.

Une « feuille de route » explicitant clairement les priorités et les transformations à engager

La première partie des projets de COM, commune aux trois entreprises, fixe les missions prioritaires du service public (« Les priorités communes de l'audiovisuel public ») et expose la stratégie de sa transformation (numérisation, rapprochements, gestion). Elle articule ainsi missions et moyens et détermine un cadre stratégique unique, décliné en objectifs communs. Ces derniers, assortis d'indicateurs de suivi et de performance, visent à conforter l'offre de service public auprès de tous les publics et sur tous les supports. Ils portent également sur la gestion des entreprises.

Le Conseil approuve la clarification et l'harmonisation des priorités assignées au service public. Nombreuses et ambitieuses, celles-ci portent à la fois sur le contenu des offres et sur les publics auxquels elles doivent s'adresser. Le Conseil relève avec satisfaction l'importance accordée aux enjeux européens et à l'action extérieure de la France.

Par ailleurs, le Conseil souhaite que les trois pactes communs prévus dans l'annexe consacrée aux projets de coopération prioritaire et relatifs pour le premier au soutien et à l'exposition de la culture et de la musique, pour le deuxième à la jeunesse et pour le dernier à la visibilité des Outre-mer, soient le support d'engagements éditoriaux forts et ambitieux, susceptibles de traduire l'exigence de ces trois sociétés de s'adresser à un large public.

Enfin, le Conseil suggère que le membre de phrase du préambule « un service qui demeure utile à nos concitoyens et à la société qui les entoure » soit plutôt rédigé ainsi : « un service plus que jamais indispensable à nos concitoyens et à la société qui les entoure ».

Des indicateurs multiples, hétérogènes et parfois incomplets

Si les projets de COM ont gagné en concision, ils comportent néanmoins des indicateurs nombreux et de natures très différentes : certains sont destinés à mesurer la réalisation des grandes missions fixées aux sociétés publiques, tandis que d'autres relèvent de leur gestion interne ou de leur responsabilité sociale et environnementale. Cette juxtaposition d'indicateurs obéissant à des exigences aussi variées peut donner l'impression d'une certaine dispersion de la vision stratégique de l'Etat.

Par ailleurs, le Conseil considère que les indicateurs ne reflètent pas toujours de manière fidèle les missions et les objectifs assignés au service public. Certains semblent en partie inadaptés. A cet égard, si les sociétés de service public doivent s'adresser à un large public, cet objectif n'est mesuré qu'en termes d'audience, sans traiter de la pluralité et de la diversité des publics à atteindre. En outre, le Conseil s'interroge sur la mesure, par le seul critère de l'audience, du développement de la confiance dans l'information télévisée et de la qualité de l'offre éducative.

La nécessité de renforcer le pilotage des projets de coopération et de synergies entre entreprises

Les contrats prévoient le développement de synergies et de « chantiers » communs aux entreprises de l'audiovisuel public à l'horizon 2022, afin de renforcer les coopérations éditoriales et de réaliser des gains d'efficience.

Le Conseil souligne l'importance de cet axe stratégique et des réalisations prévues par les COM. Il regrette toutefois que cette ambition ne soit pas plus marquée. Il attire en particulier l'attention du Gouvernement sur la nécessité de mettre en place un dispositif de pilotage et de suivi de ces chantiers communs, sans lequel la réalisation de cet objectif pourrait être aléatoire. Pour sa part, il sera très attentif à la poursuite du mouvement de transformation de l'audiovisuel public déjà engagé.

Une trajectoire financière clarifiée mais porteuse de tensions

La trajectoire financière retenue dans les projets de COM 2020-2022 assure aux sociétés nationales de programme des perspectives pluriannuelles stables, claires et prévisibles.

D'une part, elle s'inscrit dans le cadrage budgétaire arrêté par le Gouvernement en 2018 pour la période 2018-2022, fondé sur des économies d'un montant de 190 M€ à l'horizon 2022, dont 160 M€ portés par France Télévisions, 20 M€ par Radio France et 10 M€ par les autres sociétés. D'autre part, son calendrier, unifié pour l'ensemble des sociétés, est aligné sur les prochaines échéances électorales majeures.

Le Conseil souligne toutefois les tensions susceptibles d'affecter le respect de cette trajectoire. La tendance à la baisse des ressources publiques doit être conciliée avec un retour à l'équilibre de l'ensemble des sociétés dès 2021, alors même que les priorités qui sont confiées à ces dernières, notamment en matière d'investissement, sont très ambitieuses.

Si ces entreprises bénéficieront en 2021 de crédits exceptionnels au titre du plan de relance destiné à compenser les effets de la crise du Covid-19, les perspectives pour 2022 sont plus incertaines. La baisse des recettes publiques devra donc être compensée par une progression des recettes publicitaires, sur un marché lui-même fragilisé par cette crise. En outre, les plans d'affaires des trois sociétés prévoient une forte sollicitation de leur trésorerie.

Enfin, comme il a déjà eu l'occasion de le faire, le Conseil s'interroge sur les perspectives de financement à moyen et long termes de l'audiovisuel public en raison de la suppression prévue, en 2023, de la taxe d'habitation, support de collecte de la contribution à l'audiovisuel public. Il rappelle son attachement à ce que l'audiovisuel public dispose de moyens pérennes et, en particulier, de ressources affectées nécessaires à l'exercice de ses missions. La garantie du financement du service public audiovisuel est un élément de son indépendance, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-577 du 3 mars 2009 sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Des contrats qui reprennent les principaux engagements pris par les présidentes des sociétés nationales de programme devant le CSA

Le Conseil souligne avec satisfaction que la plupart des engagements majeurs pris par les présidentes des sociétés publiques dans les projets stratégiques sur le fondement desquels il les a désignées ont été repris dans les projets de contrats d'objectifs et de moyens soumis à son appréciation.

2. Observations détaillées

2.1 Observations relatives aux objectifs et indicateurs communs

La transformation numérique des offres : donner la priorité à l'accès aux contenus

L'objectif 1, commun aux trois sociétés, porte en particulier sur l'accélération de la transformation numérique.

Il est décliné selon de nombreux indicateurs - trois pour France Télévisions, quatre pour Radio France et un pour France Médias Monde - tous différents d'une société à l'autre, et qui portent sur l'audience (en direct ou à la demande, en nombres de vidéos vues ou lues en direct), le nombre global d'utilisateurs des plateformes, ou encore les dépenses consacrées au numérique.

Cette pluralité d'indicateurs reflète la diversité des stratégies de distribution numérique, Radio France et France Télévisions ayant opté pour une distribution sélective, fondée en priorité sur leurs propres plateformes, tandis que France Médias Monde souhaite maximiser la visibilité de ses contenus par une stratégie d'hyper-distribution.

Un suivi économique sensiblement renforcé

Deux orientations sont privilégiées en matière de gestion :

- affecter prioritairement les ressources à l'offre au public (objectif 3) ;

- assurer la maîtrise de la masse salariale et optimiser la gestion (objectif 4).

L'objectif 3 vise à ce que les économies demandées aux entreprises publiques ne se traduisent pas par une dégradation des moyens alloués aux programmes. Il est assorti, s'agissant de France Télévisions et de Radio France, d'un indicateur mesurant la « part des dépenses de programmes dans les dépenses totales », qui permettra de comparer les résultats des deux entreprises. Le Conseil souscrit à cet objectif comme à l'effort d'harmonisation des outils de suivi, mais regrette que ce dernier n'englobe pas France Médias Monde.

L'objectif 4 est assorti de nombreux indicateurs de suivi, dont celui de la masse salariale. Le Conseil aurait jugé pertinent que la méthode d'élaboration de ce dernier soit commune aux trois sociétés. Il souligne également qu'il conviendrait d'éviter tout retraitement de cet indicateur en cours d'exécution des COM, comme il l'a rappelé dans ses précédents avis, et de privilégier le recours à des données comptables publiées ou validées. Sur un plan purement rédactionnel, il pourrait être précisé si l'indicateur vise la masse salariale (selon son intitulé) ou les charges de personnel (selon la référence au compte 64).

Une ambition forte en matière d'exemplarité et de cohésion sociale

Les trois sociétés s'engagent à renforcer la diversité et l'égalité des chances dans la conduite de leur politique de ressources humaines, dans le cadre de l'objectif commun « Etre une entreprise de média exemplaire » (objectif 5). Les COM prévoient par ailleurs un ou plusieurs indicateurs, adaptés à la spécificité de chaque société, relatifs à la représentation de la diversité ou à la promotion de l'égalité sur les antennes.

Seule France Télévisions se voit fixer un objectif de représentation de la diversité (objectif 8). Le Conseil se félicite que celui-ci se fonde sur les résultats de son « baromètre de la diversité ». Cependant, il s'interroge sur la méthode de calcul retenue, qui s'appuie sur la moyenne des résultats obtenus par France 2, France 3 et France 5, alors que les bases de calcul sont différentes d'une chaîne à l'autre.

Concernant l'égalité entre les femmes et les hommes, il convient de relever que les trois sociétés s'engagent à accroître la part des expertes sur leurs antennes afin notamment d'atteindre la parité, en 2021 pour France Télévisions, et en 2022 pour Radio France. Par ailleurs, Radio France proposera 50 % de voix de femmes sur ses antennes d'ici 2022. France Médias Monde a d'ores et déjà atteint la parité sur ses antennes en français (expertes et autres intervenantes).

Par ailleurs, France Télévisions souhaite atteindre, à l'horizon 2022, un taux de 30 % de réalisatrices de films et de fictions. Le Conseil salue cet engagement, qui illustre la volonté de la société de parvenir à une représentation plus juste des femmes dans la création audiovisuelle et cinématographique. Le Conseil souligne l'importance qui s'attache à ce que cette ambition soit étendue à l'ensemble des genres de programmes.

Le Conseil note également avec satisfaction que l'objectif d'amélioration de l'accessibilité des programmes se traduit par une montée en charge du volume de sous-titrage de franceinfo : (de 1 heure 20 minutes en 2019 à 6 heures en 2022). Ceci correspond à l'annonce qui avait été faite lors de la conférence du handicap en février 2020.

Il regrette en revanche que les enjeux de transparence et de déontologie des entreprises ne soient plus affichés dans les COM. Des avancées indéniables ont certes été accomplies dans ce domaine, mais des préoccupations demeurent, en particulier en ce qui concerne l'encadrement des mouvements de collaborateurs entre le service public et les producteurs de programmes.

Il relève que l'indicateur relatif au climat social figurant dans les précédents COM de France Télévisions et Radio France a également été supprimé.

Enfin, le Conseil souhaite souligner que la vérification du respect de l'indicateur relatif à l'évolution de l'empreinte carbone exigera probablement que les données qui lui seront fournies soient certifiées par un organisme tiers.

Des indicateurs d'audience hétérogènes

Les projets de COM recourent à de nombreux indicateurs d'audience ou de « couverture du public ». L'indicateur retenu pour France Télévisions vise à mesurer la couverture assurée par le groupe, quand celui retenu pour Radio France porte sur la couverture et la part d'audience et celui de France Médias Monde sur un nombre de contacts hebdomadaires.

Ces mesures diffèrent sensiblement, puisqu'à l'égard de France Télévisions elles concernent l'audience « absolue » du groupe, c'est-à-dire sa capacité à toucher le public le plus large sur l'ensemble des supports. Dans le cas de Radio France, l'audience relative, c'est-à-dire la performance par rapport aux concurrents, est également prise en compte. Pour France Médias Monde, l'indicateur est fondé sur l'audience de l'ensemble de ses contenus numériques, de toutes natures (sons, vidéos, articles).

Il est proposé d'harmoniser davantage la démarche retenue pour mesurer l'audience de France Télévisions et de Radio France. A cet effet, la mesure d'audience de France Télévisions pourrait utilement être complétée de sa part d'audience (PdA) moyenne annuelle déclinée par cibles d'âge.

2.2 Les objectifs et les enjeux spécifiques

- France Télévisions

Une tension entre l'arrêt de France 4 et l'objectif en matière d'audience du jeune public

Le cahier des charges de France Télévisions prévoit l'arrêt de France 4 le 20 août 2021. La trajectoire financière retenue dans le projet de COM intègre la baisse des ressources publicitaires liée à cet arrêt.

Le Conseil exprime sa préoccupation quant à la capacité du groupe à proposer une « offre éducative et divertissante riche pour les jeunes publics » (objectif 7) et à atteindre les cibles d'audience associées, malgré notamment les performances de la plateforme Lumni. Le projet prévoit en effet un maintien à un niveau élevé, supérieur à 60 %, du taux de couverture hebdomadaire du public 4-14 ans et une augmentation du taux de couverture des 15-24 ans de 46 % en 2019 à plus de 50 % à partir 2020.

Une évolution favorable des indicateurs relatifs à l'offre culturelle

En matière de spectacles vivants, le cahier des charges de France Télévisions impose un nombre minimum de diffusions et incite à la bonne exposition de ces programmes au moyen d'un système de points pondéré en fonction de la tranche horaire. Toutefois, ainsi que le Conseil l'a relevé dans son avis motivé sur les résultats de France Télévisions de 2015 à 2019, ce système de points n'a pas permis d'assurer une diffusion de spectacles vivants aux heures de fortes audiences. Ainsi, en 2018, 80 % de ces programmes étaient diffusés la nuit.

En prévoyant la diffusion de 52 premières parties de soirée consacrées aux spectacles en 2022 (indicateur 9.1), le projet de COM de France Télévisions vient donc améliorer significativement le dispositif du cahier des charges.

Une plus grande visibilité des Outre-mer

L'objectif 10 du projet de COM est consacré aux enjeux liés à la visibilité des Outre-mer sur les antennes de France Télévisions.

Le Conseil relève avec satisfaction qu'il reprend l'un des 25 engagements du Pacte pour la visibilité des Outre-mer conclu en juillet 2019 entre France Télévisions et les ministres de la Culture et des Outre-mer, consistant à diffuser au moins 12 programmes ultramarins en première partie de soirée. Il souligne ainsi la pertinence de cet engagement.

La disparition des indicateurs portant sur l'amélioration de la qualité d'image et de son

Les COM précédents de France Télévisions comportaient des objectifs d'amélioration de la qualité de l'image et du son. Le Conseil suggère que le projet de COM soumis à son appréciation comporte un objectif dans ce domaine, notamment en matière d'ultra-haute définition.

Un engagement d'investissement dans la création cinématographique à préciser

Le projet porte de 420 M€ à 500 M€, à compter de 2021, l'engagement financier annuel du groupe en faveur de la création. Toutefois, ce montant n'est pas ventilé entre production audiovisuelle et production cinématographique. Le Conseil suggère de préciser qu'au moins 60 M€ seront consacrés à la création d'œuvres cinématographiques, conformément à l'engagement pris par le groupe dans l'accord signé le 27 février 2020 avec les organisations professionnelles du cinéma.

- Radio France

Le développement du DAB +

Le Conseil se réjouit que le projet de COM de Radio France confirme l'engagement du groupe dans le développement de la radio numérique terrestre, avec la diffusion prochaine de ses sept chaînes dans la norme DAB+. Il relève également que Radio France rendra compte chaque année, dans le cadre du rapport d'exécution du contrat, du taux de couverture de la population et des autoroutes en DAB+ et fournira une cartographie du déploiement du DAB+.

Un soutien à la musique à préciser

Le Conseil souligne le rôle central joué par Radio France en matière de diversité musicale et de soutien aux artistes francophones, notamment aux nouveaux talents. Les indicateurs prévus dans le projet de contrat, inchangés par rapport à ceux des deux précédents COM, pourraient être adaptés afin de mieux refléter ce rôle. Le Conseil, dans ses précédents avis, avait ainsi estimé qu'ils étaient insuffisamment précis, notamment en ce qu'ils n'engageaient ni France Inter, ni FIP, à la différence des autres antennes diffusant de la musique de variétés, à respecter un taux minimal de titres francophones. Il est donc proposé de compléter l'indicateur 9.1 en étendant à France Inter et FIP l'objectif de « part de titres francophones », qui serait fixé au minimum respectivement à 50 % et 15 %. Le niveau d'ambition des objectifs fixés à Mouv', inchangés pour l'essentiel depuis 2009, pourrait par ailleurs être réévalué, en tenant compte des valeurs atteintes en 2019, à 40 % de chansons francophones et 30 % de nouveaux talents francophones.

Par ailleurs, le Conseil recommande d'harmoniser certains indicateurs et définitions avec ceux applicables aux éditeurs privés au titre du régime des quotas de chansons francophones. Il pourrait en être ainsi de l'utilisation de la notion de « nouvelles productions » en lieu et place de celle de « nouveautés » pour France Inter, de l'appréciation des différents objectifs aux heures d'écoute significative, et de la prise en compte des seules diffusions de titres d'une durée supérieure à deux minutes. Ce rapprochement des deux régimes faciliterait la comparaison entre secteurs public et privé, et permettrait de mieux mettre en évidence le caractère exemplaire de la contribution du service public au dynamisme de la filière musicale.

Une attention à porter à l'évolution des ressources publicitaires du groupe

Le projet de COM prévoit une hausse modérée du niveau de ressources propres de Radio France, qui progresseraient de 6 M€, contre + 14 M€ sur le COM précédent dont + 5 M€ pour les seules recettes de billetterie. Cette hausse reposerait essentiellement sur une progression des recettes de la publicité numérique. Pour autant, la progression du chiffre d'affaires publicitaire de Radio France n'est pas plafonnée, contrairement au COM précédent.

Or, la tension entre les recettes et les charges soulignée en partie I de l'avis pourrait conduire Radio France à recourir plus fortement aux recettes publicitaires. Le Conseil attire donc l'attention du Gouvernement sur la nécessité de préserver les équilibres concurrentiels sur le marché publicitaire, a fortiori dans un contexte où la santé financière des radios privées a été significativement affectée par les conséquences de la crise liée au Covid-19.

La question du chantier de la Maison de la Radio

Le Conseil salue la poursuite de la modernisation des moyens de Radio France. Néanmoins, s'agissant du chantier de la Maison de la Radio, les outils mis en place par le COM précédent n'ont pas été en mesure de contenir la dérive des coûts. Le Conseil recommande donc de renforcer l'indicateur 11.3 qui, dans sa version actuelle, ne comporte aucun encadrement du coût ou des délais des travaux.

- France Médias Monde

Une spécificité et une nécessité confirmées

Le Conseil relève que le projet COM reflète la volonté de mettre en avant la spécificité de France Médias Monde, dans un contexte marqué par une diminution des ressources publiques. L'objectif 6 (« Assurer des missions internationales plus essentielles que jamais et porter les valeurs démocratiques dans le monde ») propose ainsi une actualisation de la formulation des missions de France Médias Monde.

Des objectifs de développement de l'offre multilingue à préciser

Le projet de COM prévoit, sur la période 2020-2022, une poursuite de la stratégie multilingue autour de trois axes principaux : la consolidation de l'offre arabophone pluri-média par le rapprochement des rédactions de France 24 et de MCD, le renforcement des langues africaines sur RFI et la montée en puissance de la version de France 24 en espagnol.

Le Conseil relève toutefois que ce projet, malgré les nombreuses composantes de l'indicateur 7.1 (« Audiences des offres en langue française et en langues étrangères »), n'assigne pas au groupe d'objectif de progression de son audience en langues arabe et espagnole. Il s'interroge sur la possibilité de combler cette lacune ou, à défaut, de simplifier l'indicateur 7.1.

Des indicateurs dont il convient d'améliorer la lisibilité

Dans le cadre de sa mission de suivi annuel des résultats du COM de France Médias Monde, le Conseil a constaté que certains indicateurs reposaient sur des données d'audience ou de marchés reconstituées par le groupe afin de refléter sa couverture géographique, ce qui en rend la vérification complexe.

Il est donc proposé que le prochain COM expose de façon plus détaillée la méthodologie présidant à l'établissement des indicateurs 6.1 à 9.1 et les sources utilisées.

Des projets de coopération à préciser

La coopération entre Arte et France Médias Monde a vocation à se poursuivre et à se renforcer, répondant ainsi à l'objectif de développement de partenariats au sein de l'audiovisuel public. Le Conseil relève toutefois que, lors de son audition, la présidente de France Médias Monde a souhaité préciser que cette coopération ne porterait pas tant sur des échanges de programmes, comme l'indique le projet de COM, que sur des coproductions, notamment celles de grands reportages en français.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.