JORF n°0006 du 8 janvier 2020

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, (ci-après « l'ARCEP »),
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32-1, L. 33 à L. 33-2, L. 36-5, L. 36-11 et D. 99 ;
Vu le code de la défense, notamment ses articles L. 1332-1 et L. 1332-2 et suivants ;
Vu la saisine pour avis du directeur général des entreprises en date du 17 janvier 2019, reçue le 24 janvier 2019 ;
Vu l'amendement n° 874 au projet de loi croissance et transformation des entreprises déposé par le Gouvernement au Sénat le 25 janvier 2019 ;
Après en avoir délibéré le 4 février 2019, en présence de cinq des six membres du collège nommés à date, sur les sept membres devant le composer,

  1. Contexte de la saisine

L'article L. 36-5 du CPCE prévoit que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques, et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 17 janvier 2019, le directeur général des entreprises a sollicité l'avis de l'ARCEP sur un projet de texte visant à instaurer un régime d'autorisation préalable de l'exploitation des équipements de réseaux radioélectriques sur le territoire national. Ce projet de texte a été déposé le 25 janvier 2019 par le Gouvernement au Sénat en tant qu'amendement n° 874 au projet de loi croissance et transformation des entreprises. Le présent avis est rendu sur la base de cet amendement.
L'ARCEP note que ce dispositif vise à compléter le cadre juridique actuellement en vigueur concernant les opérateurs d'importance vitale (OIV) désignés en vertu de leur statut d'exploitant de réseau de communications électroniques ouvert au public en soumettant « à une autorisation du Premier ministre, destinée à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, l'exploitation sur le territoire national des appareils, à savoir tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile, qui par leurs fonctions présentent un risque pour l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation du réseau, à l'exclusion des appareils installés chez les clients, par les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense ainsi désignés en vertu de leur activité d'exploitant, direct ou par l'intermédiaire de tiers fournisseurs, d'un réseau de communications électroniques ouvert au public. ». La liste des dispositifs soumis à cette autorisation est publiée et tenue à jour par le Premier ministre. Le projet prévoit que l'autorisation est octroyée pour une durée maximale de 8 ans « pour un ou plusieurs modèles et une ou plusieurs versions de dispositifs matériels ou logiciels, ainsi que pour un périmètre géographique précisés par l'opérateur dans son dossier de demande d'autorisation ».
La demande d'autorisation, dont les modalités et la composition du dossier afférente seront fixées par décret, peut être refusée « par décision motivée du Premier ministre s'il estime, après examen de la demande, qu'il existe un risque sérieux d'atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale en raison de ce que le respect des règles mentionnées aux a, b et e du I de l'article L. 33-1, en particulier l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation des réseaux et services de communications électroniques, n'est pas garanti. ».
Pour l'appréciation de ces critères, il est précisé que le Premier ministre peut prendre en considération les modalités de déploiement et d'exploitation mises en place par l'opérateur, et le fait que « l'opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, soit ou non sous le contrôle ou soumis à des actes d'ingérence d'un Etat non membre de l'Union européenne. ».
Le projet de texte prévoit également que « si l'exploitation des appareils mentionnés au I de l'article L. 34-11 est réalisée en France sans autorisation préalable, le Premier ministre peut enjoindre à l'opérateur de déposer une demande d'autorisation, ou de renouvellement, ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure, dans un délai qu'il fixe. ». Toutefois, ces injonctions ne peuvent intervenir qu'après que l'opérateur a été mis en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours, sauf en cas d'urgence, de circonstances exceptionnelles ou d'atteinte imminente à la sécurité nationale.
De plus, sera considéré comme nul tout engagement, convention ou clause contractuelle prévoyant l'exploitation des appareils mentionnés au I de l'article L. 34-11 lorsque cette activité n'aura pas fait l'objet de l'autorisation préalable ou d'une régularisation dans les délais impartis.
S'agissant du dispositif de sanction, le projet prévoit des sanctions pénales (un an d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende) en cas :

- d'exploitation d'appareils mentionnés à l'article L. 34-11 sans autorisation préalable ;
- de non exécution - totale ou partielle - des injonctions prises sur le fondement du I de l'article L. 34-11-3.

Enfin, l'ARCEP comprend que ce régime d'autorisation est uniquement applicable à l'exploitation des équipements installés depuis le 1er février 2019 et que les opérateurs exploitant des appareils soumis à autorisation à la date d'entrée en vigueur de la loi disposeront d'un délai de deux mois pour déposer la demande d'autorisation préalable.

  1. Observations de l'ARCEP
    2.1. Propos liminaires

A titre liminaire, l'ARCEP note que la mesure proposée répond à l'objectif, légitime, de protection, de fiabilité, de sécurité et d'intégrité des réseaux de communication électronique. N'étant pas en mesure d'évaluer les risques encourus, elle se limite dans le présent avis à l'analyse des modalités de mise en œuvre de la mesure proposée.
Le niveau de qualité de service, de performance et de couverture attendu par les consommateurs, les entreprises et les pouvoirs publics requiert de la part des opérateurs des investissements très importants. Les investissements mobiles annuels étaient estimés à près de 3 milliards d'euros, hors licences, pour l'année 2017.
Il est important d'assurer dans ce contexte un niveau suffisant de sécurité juridique et de prévisibilité réglementaire. En particulier, de nouvelles dispositions qui auraient pour effet de remettre en cause des investissements passés et conduire au remplacement anticipé d'équipements déjà en service pourraient avoir un effet notable sur l'activité des opérateurs.
La sécurité des investissements constitue un enjeu particulier à l'aube de la 5G, nouvelle technologie de téléphonie mobile. Avec l'attribution de nouvelles fréquences, prévue dans les prochains mois, les opérateurs vont déployer de nouveaux équipements permettant d'apporter de nouvelles fonctionnalités et de nouveaux services (notamment à leur clientèle professionnelle).
Il importera, dans cette perspective, dans la mise en œuvre de ce dispositif, d'une part, que les modalités soient les plus claires possibles pour que les opérateurs puissent en tenir compte dans leur stratégie de déploiement de la 5G en particulier et de l'ensemble des technologies utilisées sur les réseaux mobiles en général, et, d'autre part, que les éventuels effets rétroactifs (même indirects) des décisions prises dans le cadre de ce dispositif sur les déploiements passés soient évalués.

2.2. Sur le périmètre des opérateurs assujettis

L'ARCEP note que la mesure envisagée ne s'applique qu'à l'exploitation, par des opérateurs d'importance vitale désignés en vertu de leur activité d'exploitant d'un réseau de communications électroniques ouvert au public, des appareils permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile. Ces opérateurs d'importance vitale sont d'ores et déjà assujettis à un ensemble de règles spécifiques.
Elle relève que le texte prévoit une exclusion du régime d'autorisation pour l'exploitation des appareils installés chez les clients. La portée exacte de cette exclusion, qui paraît légitime, n'apparaît cependant pas suffisamment claire et potentiellement source d'incompréhension. Elle devrait en conséquence être précisée pour une meilleure lisibilité du dispositif envisagé. Une exclusion explicite des équipements exploités sur des réseaux mis en place au profit d'entreprises (tels que les réseaux professionnels rassemblés sous le sigle PMR pour « professionnal mobile radio ») pourrait être ainsi envisagée.

2.3. Sur les typologies d'équipements concernés par l'autorisation

Le présent projet de texte soumet à autorisation l'activité d'exploitation de dispositifs, matériels ou logiciels, permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile qui, par leurs fonctions, pourraient présenter un risque pour l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation du réseau.
L'ARCEP relève que la liste des dispositifs soumis à autorisation sera publiée et tenue à jour par le Premier ministre. La publication de la liste des dispositifs matériels ou logiciels soumis à autorisation offrira une plus grande visibilité et ainsi une plus grande sécurité juridique pour les OIV.
Dans l'exposé des motifs associé au projet de texte, le gouvernement indique que : « La 5G est une technologie de rupture : au-delà des communications interpersonnelles, la technologie permettra de développer de nombreux usages critiques où le doute sur la sécurité, la fiabilité ou l'intégrité des communications ne peut être permis (eg. véhicule connecté, industrie du futur, énergie, santé, etc). Il est nécessaire d'anticiper ces évolutions et les problématiques qu'elles soulèveront ». Par ailleurs, l'ARCEP comprend que n'est soumise à autorisation que l'exploitation des équipements installés postérieurement au 1er février 2019. Dès lors, l'ARCEP comprend que ce dispositif a vocation à couvrir l'exploitation de nouveaux équipements (notamment à l'aune du développement de la 5G) sans remettre en cause les déploiements déjà effectués par le passé.
Dans ce contexte, l'ARCEP souligne que, dans un certain nombre de cas, un refus d'autorisation pourrait conduire de manière directe ou indirecte un retrait d'équipements déjà déployés. C'est typiquement le cas lorsque les opérateurs ont fait le choix de n'exploiter sur chaque site que les équipements d'un même équipementier. Si par exemple, un opérateur a fait le choix d'exploiter sur un site donné des équipements 2G, 3G, 4G d'un constructeur A, un refus d'autorisation d'exploitation des équipements 5G du constructeur A sur ce site pourrait conduire l'opérateur à un remplacement complet des équipements 2G, 3G et 4G déjà déployés (ou alternativement pourrait lui imposer des surcoûts importants pour pouvoir exploiter sur un même site des équipements de constructeurs différents).
En conséquence, l'ARCEP invite le gouvernement, dans la mise en œuvre opérationnelle de ce dispositif, à évaluer les effets d'un éventuel refus d'autorisation sur les équipements d'ores et déjà déployés et, en conséquence, l'impact de ce refus sur l'activité des opérateurs.

2.4. Sur la procédure d'autorisation, son entrée en vigueur et le régime de sanction

La mise en place d'un nouveau régime d'autorisation conduit, d'une manière générale, à la création de nouvelles contraintes administratives tant pour les opérateurs que pour les services de l'Etat.
L'ARCEP accueille, à cet égard, favorablement le fait qu'une autorisation donnée aux opérateurs puisse intégrer plusieurs modèles et versions d'appareils. La prise en compte de plusieurs modèles et versions d'appareils dans l'autorisation limitera le nombre potentiel de demandes, et par là même la charge administrative, tant pour les opérateurs que pour les services du Premier ministre. Il conviendrait au surplus, tant pour des raisons de charge administrative que d'efficacité, que les modalités d'application du mécanisme envisagé permettent des modifications logicielles mineures (mises à jour mineures, patch de sécurité etc.) sans que soient remises en cause les autorisations délivrées pour les appareils concernés par ces modifications.
S'agissant de l'entrée en vigueur du régime d'autorisation, l'ARCEP comprend que l'autorisation prévue à l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques n'est applicable qu'à l'exploitation des appareils installés depuis le 1er février 2019. Ainsi, selon cette compréhension, aucune demande d'autorisation ne serait nécessaire pour l'exploitation des équipements installés avant cette date. Il serait utile pour éviter toute ambiguïté de rédiger le premier alinéa du III du projet d'article L. 34-11-3 du code des postes et des communications électroniques de la façon suivante : « Le I du L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques n'est pas applicable à l'exploitation des équipements installés avant le 1er février 2019 ».
S'agissant de la période comprise entre 1er février 2019 et l'entrée en vigueur de la loi, l'ARCEP note qu'un OIV ayant installé un appareil concerné par ce régime d'autorisation pendant cette période devra déposer une demande d'autorisation avec le risque de devoir rétablir, à ses frais, la situation antérieure.

  1. Conclusion

L'ARCEP note que la mesure proposée répond à l'objectif, légitime, de protection, de fiabilité, de sécurité et d'intégrité des réseaux de communication électronique. N'étant pas en mesure d'évaluer les risques encourus, elle se limite dans le présent avis à l'analyse des modalités de mise en œuvre de la mesure proposée.
Le niveau de qualité de service, de performance et de couverture attendu par les consommateurs, les entreprises et les pouvoirs publics requiert de la part des opérateurs des investissements très importants. Le maintien de ce niveau élevé d'investissement par les opérateurs requiert un niveau satisfaisant de sécurité et de prévisibilité juridiques.
Les enjeux de sécurité présentent une acuité particulière à l'aube de la 5G, en particulier avec l'apparition de nouveaux usages critiques.
En conséquence, il importera dans la mise en œuvre de ce dispositif, d'une part, que les modalités soient les plus claires possibles pour que les opérateurs puissent en tenir compte dans leur stratégie de déploiement de la 5G en particulier et de l'ensemble des technologies utilisées sur les réseaux mobiles en général, et, d'autre part, que les éventuels effets rétroactifs (même indirects) des décisions prises dans le cadre de ce dispositif sur les déploiements passés soient évalués.
Le présent avis sera transmis au ministre chargé des communications électroniques.


Historique des versions

Version 1

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, (ci-après « l'ARCEP »),

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32-1, L. 33 à L. 33-2, L. 36-5, L. 36-11 et D. 99 ;

Vu le code de la défense, notamment ses articles L. 1332-1 et L. 1332-2 et suivants ;

Vu la saisine pour avis du directeur général des entreprises en date du 17 janvier 2019, reçue le 24 janvier 2019 ;

Vu l'amendement n° 874 au projet de loi croissance et transformation des entreprises déposé par le Gouvernement au Sénat le 25 janvier 2019 ;

Après en avoir délibéré le 4 février 2019, en présence de cinq des six membres du collège nommés à date, sur les sept membres devant le composer,

1. Contexte de la saisine

L'article L. 36-5 du CPCE prévoit que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques, et participe à leur mise en œuvre.

Par un courrier en date du 17 janvier 2019, le directeur général des entreprises a sollicité l'avis de l'ARCEP sur un projet de texte visant à instaurer un régime d'autorisation préalable de l'exploitation des équipements de réseaux radioélectriques sur le territoire national. Ce projet de texte a été déposé le 25 janvier 2019 par le Gouvernement au Sénat en tant qu'amendement n° 874 au projet de loi croissance et transformation des entreprises. Le présent avis est rendu sur la base de cet amendement.

L'ARCEP note que ce dispositif vise à compléter le cadre juridique actuellement en vigueur concernant les opérateurs d'importance vitale (OIV) désignés en vertu de leur statut d'exploitant de réseau de communications électroniques ouvert au public en soumettant « à une autorisation du Premier ministre, destinée à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, l'exploitation sur le territoire national des appareils, à savoir tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile, qui par leurs fonctions présentent un risque pour l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation du réseau, à l'exclusion des appareils installés chez les clients, par les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense ainsi désignés en vertu de leur activité d'exploitant, direct ou par l'intermédiaire de tiers fournisseurs, d'un réseau de communications électroniques ouvert au public. ». La liste des dispositifs soumis à cette autorisation est publiée et tenue à jour par le Premier ministre. Le projet prévoit que l'autorisation est octroyée pour une durée maximale de 8 ans « pour un ou plusieurs modèles et une ou plusieurs versions de dispositifs matériels ou logiciels, ainsi que pour un périmètre géographique précisés par l'opérateur dans son dossier de demande d'autorisation ».

La demande d'autorisation, dont les modalités et la composition du dossier afférente seront fixées par décret, peut être refusée « par décision motivée du Premier ministre s'il estime, après examen de la demande, qu'il existe un risque sérieux d'atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale en raison de ce que le respect des règles mentionnées aux a, b et e du I de l'article L. 33-1, en particulier l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation des réseaux et services de communications électroniques, n'est pas garanti. ».

Pour l'appréciation de ces critères, il est précisé que le Premier ministre peut prendre en considération les modalités de déploiement et d'exploitation mises en place par l'opérateur, et le fait que « l'opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, soit ou non sous le contrôle ou soumis à des actes d'ingérence d'un Etat non membre de l'Union européenne. ».

Le projet de texte prévoit également que « si l'exploitation des appareils mentionnés au I de l'article L. 34-11 est réalisée en France sans autorisation préalable, le Premier ministre peut enjoindre à l'opérateur de déposer une demande d'autorisation, ou de renouvellement, ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure, dans un délai qu'il fixe. ». Toutefois, ces injonctions ne peuvent intervenir qu'après que l'opérateur a été mis en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours, sauf en cas d'urgence, de circonstances exceptionnelles ou d'atteinte imminente à la sécurité nationale.

De plus, sera considéré comme nul tout engagement, convention ou clause contractuelle prévoyant l'exploitation des appareils mentionnés au I de l'article L. 34-11 lorsque cette activité n'aura pas fait l'objet de l'autorisation préalable ou d'une régularisation dans les délais impartis.

S'agissant du dispositif de sanction, le projet prévoit des sanctions pénales (un an d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende) en cas :

- d'exploitation d'appareils mentionnés à l'article L. 34-11 sans autorisation préalable ;

- de non exécution - totale ou partielle - des injonctions prises sur le fondement du I de l'article L. 34-11-3.

Enfin, l'ARCEP comprend que ce régime d'autorisation est uniquement applicable à l'exploitation des équipements installés depuis le 1er février 2019 et que les opérateurs exploitant des appareils soumis à autorisation à la date d'entrée en vigueur de la loi disposeront d'un délai de deux mois pour déposer la demande d'autorisation préalable.

2. Observations de l'ARCEP

2.1. Propos liminaires

A titre liminaire, l'ARCEP note que la mesure proposée répond à l'objectif, légitime, de protection, de fiabilité, de sécurité et d'intégrité des réseaux de communication électronique. N'étant pas en mesure d'évaluer les risques encourus, elle se limite dans le présent avis à l'analyse des modalités de mise en œuvre de la mesure proposée.

Le niveau de qualité de service, de performance et de couverture attendu par les consommateurs, les entreprises et les pouvoirs publics requiert de la part des opérateurs des investissements très importants. Les investissements mobiles annuels étaient estimés à près de 3 milliards d'euros, hors licences, pour l'année 2017.

Il est important d'assurer dans ce contexte un niveau suffisant de sécurité juridique et de prévisibilité réglementaire. En particulier, de nouvelles dispositions qui auraient pour effet de remettre en cause des investissements passés et conduire au remplacement anticipé d'équipements déjà en service pourraient avoir un effet notable sur l'activité des opérateurs.

La sécurité des investissements constitue un enjeu particulier à l'aube de la 5G, nouvelle technologie de téléphonie mobile. Avec l'attribution de nouvelles fréquences, prévue dans les prochains mois, les opérateurs vont déployer de nouveaux équipements permettant d'apporter de nouvelles fonctionnalités et de nouveaux services (notamment à leur clientèle professionnelle).

Il importera, dans cette perspective, dans la mise en œuvre de ce dispositif, d'une part, que les modalités soient les plus claires possibles pour que les opérateurs puissent en tenir compte dans leur stratégie de déploiement de la 5G en particulier et de l'ensemble des technologies utilisées sur les réseaux mobiles en général, et, d'autre part, que les éventuels effets rétroactifs (même indirects) des décisions prises dans le cadre de ce dispositif sur les déploiements passés soient évalués.

2.2. Sur le périmètre des opérateurs assujettis

L'ARCEP note que la mesure envisagée ne s'applique qu'à l'exploitation, par des opérateurs d'importance vitale désignés en vertu de leur activité d'exploitant d'un réseau de communications électroniques ouvert au public, des appareils permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile. Ces opérateurs d'importance vitale sont d'ores et déjà assujettis à un ensemble de règles spécifiques.

Elle relève que le texte prévoit une exclusion du régime d'autorisation pour l'exploitation des appareils installés chez les clients. La portée exacte de cette exclusion, qui paraît légitime, n'apparaît cependant pas suffisamment claire et potentiellement source d'incompréhension. Elle devrait en conséquence être précisée pour une meilleure lisibilité du dispositif envisagé. Une exclusion explicite des équipements exploités sur des réseaux mis en place au profit d'entreprises (tels que les réseaux professionnels rassemblés sous le sigle PMR pour « professionnal mobile radio ») pourrait être ainsi envisagée.

2.3. Sur les typologies d'équipements concernés par l'autorisation

Le présent projet de texte soumet à autorisation l'activité d'exploitation de dispositifs, matériels ou logiciels, permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile qui, par leurs fonctions, pourraient présenter un risque pour l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation du réseau.

L'ARCEP relève que la liste des dispositifs soumis à autorisation sera publiée et tenue à jour par le Premier ministre. La publication de la liste des dispositifs matériels ou logiciels soumis à autorisation offrira une plus grande visibilité et ainsi une plus grande sécurité juridique pour les OIV.

Dans l'exposé des motifs associé au projet de texte, le gouvernement indique que : « La 5G est une technologie de rupture : au-delà des communications interpersonnelles, la technologie permettra de développer de nombreux usages critiques où le doute sur la sécurité, la fiabilité ou l'intégrité des communications ne peut être permis (eg. véhicule connecté, industrie du futur, énergie, santé, etc). Il est nécessaire d'anticiper ces évolutions et les problématiques qu'elles soulèveront ». Par ailleurs, l'ARCEP comprend que n'est soumise à autorisation que l'exploitation des équipements installés postérieurement au 1er février 2019. Dès lors, l'ARCEP comprend que ce dispositif a vocation à couvrir l'exploitation de nouveaux équipements (notamment à l'aune du développement de la 5G) sans remettre en cause les déploiements déjà effectués par le passé.

Dans ce contexte, l'ARCEP souligne que, dans un certain nombre de cas, un refus d'autorisation pourrait conduire de manière directe ou indirecte un retrait d'équipements déjà déployés. C'est typiquement le cas lorsque les opérateurs ont fait le choix de n'exploiter sur chaque site que les équipements d'un même équipementier. Si par exemple, un opérateur a fait le choix d'exploiter sur un site donné des équipements 2G, 3G, 4G d'un constructeur A, un refus d'autorisation d'exploitation des équipements 5G du constructeur A sur ce site pourrait conduire l'opérateur à un remplacement complet des équipements 2G, 3G et 4G déjà déployés (ou alternativement pourrait lui imposer des surcoûts importants pour pouvoir exploiter sur un même site des équipements de constructeurs différents).

En conséquence, l'ARCEP invite le gouvernement, dans la mise en œuvre opérationnelle de ce dispositif, à évaluer les effets d'un éventuel refus d'autorisation sur les équipements d'ores et déjà déployés et, en conséquence, l'impact de ce refus sur l'activité des opérateurs.

2.4. Sur la procédure d'autorisation, son entrée en vigueur et le régime de sanction

La mise en place d'un nouveau régime d'autorisation conduit, d'une manière générale, à la création de nouvelles contraintes administratives tant pour les opérateurs que pour les services de l'Etat.

L'ARCEP accueille, à cet égard, favorablement le fait qu'une autorisation donnée aux opérateurs puisse intégrer plusieurs modèles et versions d'appareils. La prise en compte de plusieurs modèles et versions d'appareils dans l'autorisation limitera le nombre potentiel de demandes, et par là même la charge administrative, tant pour les opérateurs que pour les services du Premier ministre. Il conviendrait au surplus, tant pour des raisons de charge administrative que d'efficacité, que les modalités d'application du mécanisme envisagé permettent des modifications logicielles mineures (mises à jour mineures, patch de sécurité etc.) sans que soient remises en cause les autorisations délivrées pour les appareils concernés par ces modifications.

S'agissant de l'entrée en vigueur du régime d'autorisation, l'ARCEP comprend que l'autorisation prévue à l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques n'est applicable qu'à l'exploitation des appareils installés depuis le 1er février 2019. Ainsi, selon cette compréhension, aucune demande d'autorisation ne serait nécessaire pour l'exploitation des équipements installés avant cette date. Il serait utile pour éviter toute ambiguïté de rédiger le premier alinéa du III du projet d'article L. 34-11-3 du code des postes et des communications électroniques de la façon suivante : « Le I du L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques n'est pas applicable à l'exploitation des équipements installés avant le 1er février 2019 ».

S'agissant de la période comprise entre 1er février 2019 et l'entrée en vigueur de la loi, l'ARCEP note qu'un OIV ayant installé un appareil concerné par ce régime d'autorisation pendant cette période devra déposer une demande d'autorisation avec le risque de devoir rétablir, à ses frais, la situation antérieure.

3. Conclusion

L'ARCEP note que la mesure proposée répond à l'objectif, légitime, de protection, de fiabilité, de sécurité et d'intégrité des réseaux de communication électronique. N'étant pas en mesure d'évaluer les risques encourus, elle se limite dans le présent avis à l'analyse des modalités de mise en œuvre de la mesure proposée.

Le niveau de qualité de service, de performance et de couverture attendu par les consommateurs, les entreprises et les pouvoirs publics requiert de la part des opérateurs des investissements très importants. Le maintien de ce niveau élevé d'investissement par les opérateurs requiert un niveau satisfaisant de sécurité et de prévisibilité juridiques.

Les enjeux de sécurité présentent une acuité particulière à l'aube de la 5G, en particulier avec l'apparition de nouveaux usages critiques.

En conséquence, il importera dans la mise en œuvre de ce dispositif, d'une part, que les modalités soient les plus claires possibles pour que les opérateurs puissent en tenir compte dans leur stratégie de déploiement de la 5G en particulier et de l'ensemble des technologies utilisées sur les réseaux mobiles en général, et, d'autre part, que les éventuels effets rétroactifs (même indirects) des décisions prises dans le cadre de ce dispositif sur les déploiements passés soient évalués.

Le présent avis sera transmis au ministre chargé des communications électroniques.