JORF n°0255 du 4 novembre 2014

AVIS n°2014-1134 du 30 septembre 2014

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après l'Autorité),

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), notamment son article L. 36-5 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, notamment son article 21 dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 ;
Vu la lettre de la secrétaire d'Etat chargée du numérique en date du 24 septembre 2014 ;
Après en avoir délibéré le 30 septembre 2014,
L'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (dite « loi DCRA ») prévoyait, dans sa rédaction initiale, que l'absence de réponse expresse de l'administration à une demande d'un administré pendant un délai de deux mois valait implicitement rejet de la demande.
La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens a renversé ce principe. L'article 21 de la loi DCRA dispose désormais que « le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation », tout en prévoyant plusieurs séries d'exception à cette règle.
En premier lieu, le législateur a lui-même défini certaines exceptions. C'est ainsi par exemple que, pour les demandes qui ne tendent pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une décision individuelle, le silence gardé par l'administration continue de valoir rejet de la demande. Il en va notamment de même, s'agissant des demandes qui ne s'inscrivent pas « dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou [présentent] le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ».
Ces exceptions déjà définies par le législateur écartent d'emblée l'application du nouveau principe à certaines demandes formulées auprès de l'Autorité (en particulier les demandes de saisine de l'Autorité au titre de l'exercice de son pouvoir de sanction, ou de son pouvoir de règlement des différends).
En deuxième lieu, la loi prévoit la détermination d'exceptions par décret en Conseil d'Etat s'agissant des « cas où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public ».
En troisième lieu, des exceptions peuvent être prévues par décret en Conseil d'Etat et en conseil des ministres « eu égard à l'objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration ».
Par ailleurs, la loi prévoit la possibilité de fixer, par décret en Conseil d'Etat, un délai différent du délai de principe de deux mois « lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie ».
C'est dans ce cadre que la secrétaire d'Etat chargée du numérique sollicite l'avis de l'Autorité sur trois projets de décrets devant être pris en application du I et au II de l'article 21 précité.
L'Autorité relève, tout d'abord, avec satisfaction que les projets de décret prévoient notamment des exceptions s'agissant des décisions individuelles en matière d'attribution, de modification ou de cession de ressources rares (fréquences et numérotation), pour lesquelles le silence de l'administration continuera de valoir rejet de la demande. En effet, s'agissant des fréquences, et ainsi que le Conseil d'Etat a eu l'occasion de le juger, l'instauration d'un régime d'autorisation tacite d'occupation du domaine public hertzien ne serait pas compatible avec l'impératif d'ordre constitutionnel de protection du domaine public (CE, 21 mars 2003, SIPPEREC, n° 189191). En outre, l'Autorité note, s'agissant des demandes tendant à l'attribution et au transfert de ressources en numérotation (article L. 44 du CPCE) qu'une exception est prévue à la fois dans le projet de décret en Conseil d'Etat en application du 4° du I de l'article 21 (qui recense les « cas où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France […] ») et dans le décret en Conseil d'Etat et en conseil des ministres, qui serait pris en application du II de l'article 21 (décisions pour lesquelles la règle du silence vaut acceptation est écartée « eu égard à l'objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration »). S'il appartient au Gouvernement de clarifier de quelle catégorie d'exception ces demandes doivent relever, l'Autorité estime nécessaire, compte tenu notamment du caractère limité de ces ressources et de l'exigence de gestion efficace qui résulte du cadre européen et national, que la règle « silence vaut rejet » dans un délai de trois semaines continue à s'appliquer en cette matière.
Le nouveau principe de décision implicite d'acceptation trouvera en revanche bien à s'appliquer à d'autres décisions - qui, conformément au deuxième alinéa de l'article 21 de la loi DCRA - devront être listées sur un site internet relevant du Premier ministre.
C'est le cas en particulier en matière d'autorisations délivrées aux prestataires de services postaux. A cet égard, il ressort de l'article R. 1-2-5 du CPCE que le régime de décision implicite d'acceptation est d'ores et déjà prévu par les textes en ce qui concerne les demandes d'autorisations portant exclusivement sur les services d'envois de correspondance transfrontalière ainsi que sur les services d'envois de correspondance intérieure incluant la distribution offerts par les porteurs et les vendeurs colporteurs de presse. En revanche, cet article prévoit que les autorisations en matière de courrier domestique doivent faire l'objet d'une décision expresse de l'Autorité. Or cette disposition, qui ne résulte pas d'un décret en conseil des ministres, n'est pas compatible avec les nouvelles dispositions de la loi DCRA. Il conviendra donc, indépendamment des projets de décrets objets du présent avis, de faire évoluer la rédaction de cet article afin d'assurer sa conformité aux dispositions de la loi (1).

Conclusion

L'Autorité émet un avis favorable sur les présents projets de décrets.
Le présent avis sera transmis à la secrétaire d'Etat chargée du numérique et sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 30 septembre 2014.

Le président,

J.-L. Silicani

(1) A cet effet, l'article R. 1-2-5 du CPCE pourrait être modifié comme suit : « L'octroi de l'autorisation fait l'objet d'une décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans un délai de deux mois. Ce délai court à compter de la réception par le demandeur de la lettre recommandée mentionnée à l'article R. 1-2-4, l'informant que son dossier est complet, ou, à défaut, à l'expiration du délai de vingt jours ouvrables prévu au même article. »