JORF n°0156 du 8 juillet 2010

Avis n°2010-0630 du 1er juin 2010

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive n° 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), et notamment ses articles L. 35-1, L. 35-3, L. 36-5, R. 20-30-1 et R. 20-34 ;
Vu la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion ;
Vu le décret n° 2009-716 du 18 juin 2009 relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel accompagnant la mise en œuvre du revenu de solidarité active et portant diverses dispositions de coordination ;
Vu l'arrêté du 19 février 2010 fixant le montant mensuel de la réduction tarifaire téléphonique pour certaines catégories de personnes au titre du service universel des communications électroniques ;
Vu la saisine du ministre chargé de l'industrie en date du 20 mai 2010 sur un projet de décret modifiant l'article R. 20-34 du CPCE ;
Après en avoir délibéré le 1er juin 2010 ;
L'Autorité est appelée à rendre un avis sur un projet de décret pérennisant les dispositions transitoires prévues par le décret n° 2009-716 du 18 juin 2009 précité.
Les dispositions du projet de décret faisant l'objet du présent avis prévoient la modification de l'article R. 20-34 du CPCE de façon à permettre l'application de cet article aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et du revenu de solidarité active.
A titre liminaire, l'Autorité se félicite des modifications proposées, rendues nécessaires avant le 30 juin 2010, date de fin de la période transitoire pour les dispositions prévues par le décret n° 2009-716 du 18 juin 2009 précité.

I. ― Les tarifs sociaux dans le cadre du service universel

Transposant la directive n° 2002/22/CE du 7 mars 2002, le CPCE prévoit que le « service universel est fourni dans des conditions tarifaires et techniques prenant en compte les difficultés particulières rencontrées dans l'accès au service téléphonique par certaines catégories de personnes, en raison notamment de leur niveau de revenu et en proscrivant toute discrimination fondée sur la localisation géographique de l'utilisateur » (deuxième alinéa du 4° de l'article L. 35-1).
En conséquence, l'opérateur chargé de fournir la composante de téléphonie du service universel doit, dans un premier temps, fournir « l'offre de tarifs spécifiques à certaines catégories de personnes rencontrant des difficultés particulières dans l'accès au service téléphonique en raison de leur revenu prévue à l'article R. 20-34 » (douzième alinéa de l'article R. 20-30-1).
Puis, dans un second temps, l'article R. 20-34 a prévu un système permettant aux opérateurs autres que le prestataire de service universel d'offrir une réduction tarifaire à ces catégories de personnes, conformément à la directive.
Le cadre réglementaire prévoit ainsi que les personnes bénéficiaires de diverses aides sociales ont droit à une réduction tarifaire sur leur facture téléphonique. Sont éligibles au dispositif de la réduction sociale tarifaire, outre les allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI), les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et ceux de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ainsi que les invalides de guerre.

II. ― Le revenu de solidarité active
et son impact sur le dispositif de réduction sociale tarifaire

Pour mémoire, l'article 1er de la loi du 1er décembre 2008 prévoit qu'il « est institué un revenu de solidarité active qui a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, afin de lutter contre la pauvreté, encourager l'exercice ou le retour à une activité professionnelle et aider à l'insertion sociale des bénéficiaires. Le revenu de solidarité active remplace le revenu minimum d'insertion, l'allocation de parent isolé et les différents mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité. (...) »
Le décret n° 2009-716 du 18 juin 2009 relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel accompagnant la mise en œuvre du revenu de solidarité active et portant diverses dispositions de coordination a modifié la liste des aides sociales permettant de bénéficier de la réduction sociale tarifaire. Le deuxième alinéa de l'article 12 précise :
« II. ― Les personnes qui ont droit à la part de revenu de solidarité active correspondant à la différence entre le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer et les ressources de celui-ci bénéficient jusqu'au 30 juin 2010 de la réduction tarifaire prévue par l'article R. 20-34 du CPCE. »
Le II de l'article 12 du décret précité a ainsi adjoint à la catégorie des bénéficiaires du RMI la catégorie des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) « socle », c'est-à-dire les foyers bénéficiaires de l'allocation de base du RSA dont les ressources n'atteignent pas le niveau du revenu garanti, calculé avec la seule prise en compte du montant forfaitaire des ressources non professionnelles. Les bénéficiaires du RSA « socle » ont droit à une réduction tarifaire sur leur facture téléphonique. Le dispositif a, en revanche, exclu les bénéficiaires du revenu de solidarité active « chapeau », c'est-à-dire les bénéficiaires dont le revenu garanti prendrait en compte une fraction de revenus professionnels des membres du foyer. De fait, une modification des catégories de bénéficiaires éligibles est intervenue dans la mesure où les anciens bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API), devenus bénéficiaire du RSA, sont désormais entrés dans le champ d'application de la réduction sociale tarifaire.
Le I de l'article 12 du décret précité a en outre introduit des mesures permettant d'assurer la transition entre le RMI et le RSA.
« I. ― Les personnes qui, en tant qu'allocataires du revenu minimum d'insertion, bénéficient en mai 2009 de la réduction tarifaire prévue par l'article R. 20-34 du CPCE en conservent le bénéfice jusqu'au 30 juin 2010. »

III. ― Le projet de décret

Le projet de décret sur lequel l'Autorité rend le présent avis vise à pérenniser les dispositions transitoires introduites par le décret n° 2009-716 du 18 juin 2009, notamment pour ce qui concerne les conditions d'éligibilité des bénéficiaires.
L'article 1er du projet de décret modifie l'article R. 20-34 du CPCE en ce sens, tandis que son article 2 abroge les dispositions d'application temporaires prévues par le décret n° 2009-716 du 18 juin 2009.
Le 1° de l'article 1er du présent projet de décret maintient, parmi les bénéficiaires de la réduction sociale tarifaire, les allocataires du RMI. Effectivement, la loi du 1er décembre 2008 a maintenu le RMI dans les départements et certaines collectivités outre-mer jusqu'au 1er janvier 2011 au plus tard.
Le 2° de l'article 1er inclut ensuite dans le dispositif une partie des allocataires du RSA qui sont définis comme les « personnes physiques, dont les ressources annuelles du foyer, prises en compte pour le calcul du revenu de solidarité active conformément à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles, n'excèdent pas le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du même code ». L'Autorité salue le gain en lisibilité de la rédaction proposée par rapport à la rédaction précédente (cf. I-2, II). Comme pour les dispositions transitoires, la rédaction du projet de décret inclut dans la pratique les allocataires bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) « socle », c'est-à-dire les foyers bénéficiaires de l'allocation de base du RSA dont les ressources n'atteignent pas un niveau de revenu garanti.

IV. ― Observations de l'ARCEP

  1. Sur le projet de décret

Préalablement à la présente modification de l'article R. 20-34 du CPCE, le ministère de l'industrie a lancé une consultation publique (1) sur les évolutions du volet social des services de communications électroniques qui portait notamment sur les conditions d'éligibilité des bénéficiaires. La consultation publique indiquait qu'il était envisagé de ne pas modifier les critères d'éligibilité des bénéficiaires et de mettre fin à la période transitoire postérieure à la mise en place du RSA.
Le projet de décret s'inscrit dans la continuité des critères d'éligibilité mis en œuvre lors de la période transitoire et ne crée de diminution de droits pour aucune des catégories de bénéficiaires. Aussi cette continuité est-elle accueillie favorablement par l'Autorité. L'Autorité aurait accueilli tout aussi favorablement un dispositif qui aurait étendu aux bénéficiaires de l'ASS ou de l'AAH prévus par le dispositif de réduction sociale tarifaire le plafond de ressources, rapprochant ainsi le dispositif de celui en vigueur dans le secteur de l'électricité (le « tarif de première nécessité »).
Compte tenu de la continuité du dispositif proposé dans le projet de décret, l'Autorité estime que le montant total qui sera susceptible d'être financé par le fonds de service universel à compter de 2010 restera inférieur au plafond fixé par le dernier alinéa de l'article R. 20-34 du CPCE relatif au coût du dispositif éligible à compensation (0,8 % du chiffre d'affaires du service téléphonique au public). Le coût du dispositif des tarifs sociaux constaté pour l'année 2008, qui s'élevait à 25,3 millions d'euros, est en effet nettement en deçà de ce plafond et les évolutions introduites par les dispositions proposées ne paraissent pas de nature à sensiblement accroître ce coût.

  1. Autres observations

La réduction sociale tarifaire de téléphonie fixe est actuellement proposée uniquement sur l'offre de base du prestataire de service universel, c'est-à-dire sur l'abonnement téléphonique.
Or, le cadre réglementaire en vigueur paraît limiter l'éligibilité de la réduction sociale tarifaire aux foyers abonnés à une offre de seule téléphonie fixe couplant éventuellement des communications et exclure tous les abonnés à une offre multiservice à haut débit incluant un service de téléphonie fixe couplé à un accès à l'internet et éventuellement à des services de diffusion audiovisuelle.
Aussi l'Autorité appelle-t-elle de ses vœux une prochaine modification réglementaire qui clarifierait les textes régissant le dispositif des offres tarifaires sociales et pourrait créer les conditions favorables à l'émergence d'offres multiservices de tarifs sociaux. Ainsi, le périmètre des offres susceptibles d'entrer dans le champ des tarifs sociaux, quelle que soit la technologie utilisée, serait élargi à des offres de téléphonie fixe qui couplent non seulement abonnement et communications, conformément au CPCE, mais aussi d'autres services (internet ou audiovisuel).
De la sorte, le dispositif de tarifs sociaux serait en mesure de prendre en compte l'évolution massive des usages intervenue sur le segment de la téléphonie fixe avec le succès grandissant rencontré par les offres multiservices, couplant le service de téléphonie fixe avec le haut débit.
Il conviendra par ailleurs de vérifier si une éventuelle évolution du montant mensuel de la réduction sociale tarifaire se révèle adaptée pour prendre en compte la situation des départements et territoires outre-mer ou les offres multiservices.
L'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret.
Fait à Paris, le 1er juin 2010.

Le président,

J.-L. Silicani

(1) Cette consultation s'est déroulée du 18 janvier au 5 février 2010.