JORF n°302 du 29 décembre 2001

  1. Production inédite

Le projet de décret confirme et élargit l'évolution amorcée pour l'audiovisuel par le décret no 2001-609 du 9 juillet 2001 et relative à la nature des dépenses prises en compte au titre des obligations de production : ainsi les articles 9 et 11 du projet de décret permettent de valoriser les achats de droits, sans restrictions, au même titre que la coproduction et le pré-achat. En outre, l'article 12 du projet de décret globalise oeuvres européennes et d'expression originale française dans les obligations de production.

La prise en compte d'achats de droits peut certes paraître légitime, s'agissant de services qui sont obligés de recourir au second marché des droits pour alimenter leur grille.

Néanmoins, cette évolution amène le conseil à s'interroger sur l'articulation entre obligations de production et de diffusion d'oeuvres : en principe, les premières ont pour objet le développement d'une industrie de programmes, à travers la contribution à la réalisation d'oeuvres nouvelles, tandis que les secondes garantissent aux téléspectateurs la diffusion d'oeuvres européennes ou réalisées en langue française.

Dès lors que les obligations de production incluent désormais les achats de droits, ces obligations perdent largement de leur intérêt propre, puisque les quotas de diffusion suffisent à garantir un niveau minimal d'achats de droits. Le conseil estime donc que les obligations de production, tant audiovisuelle que cinématographique, devraient comporter, pour les éditeurs, de réelles incitations à participer au renouvellement de l'offre de programmes.

Le conseil a certes bien noté l'existence dans le projet de décret de certaines incitations à l'investissement dans de la production inédite, qui ne paraissent cependant pas répondre de façon adéquate à l'objectif poursuivi. En effet, ces incitations prennent trois formes :

- l'article 13 du projet de décret dispose que les services devront diffuser 120 heures d'oeuvres audiovisuelles inédites entre 20 heures et 21 heures, ce qui favorise l'investissement dans de nouvelles oeuvres. Cependant, outre le fait que cette obligation ne s'appliquerait qu'aux services ayant un chiffre d'affaires supérieur à cent cinquante millions d'euros, palier que ne pourront pas atteindre un nombre important de services, surtout dans les premières années de lancement du numérique hertzien, le conseil considère que cette mesure a pour effet de rigidifier à l'excès sur un créneau horaire très étroit les grilles de programmes des services.

Si cette règle devait être maintenue pour le hertzien numérique, il serait utile, à tout le moins, que leur diffusion puisse intervenir aux heures de grande écoute, telles que préconisées infra (B du IV) ;

- s'agissant exclusivement des chaînes de cinéma « premium », le projet de décret donne comme contrepartie à un engagement dans le pré-achat d'oeuvres dont le devis de production est inférieur ou égal à un montant déterminé (clause de diversité), la possibilité de pouvoir comptabiliser les quotas de diffusion des oeuvres cinématographiques en nombre de titres et non par diffusions et rediffusions, et sans que les diffusions d'oeuvres d'expression originale française puissent représenter moins de 35 % (art. 34).

Le conseil n'est pas favorable à ce mode de décompte, qui introduit une différence de régime entre les chaînes « premium » et les autres services. Outre que ce dispositif crée ainsi une inégalité de traitement, il ne permet pas de garantir le respect effectif de l'article 4 de la directive « Télévision sans frontières », qui prévoit « une proportion majoritaire » d'oeuvres européennes, appréciée en « temps de diffusion ».

Si cette disposition devait être maintenue, il conviendrait, à tout le moins qu'elle soit complétée afin de garantir, d'une part, le respect minimal de 50 % d'oeuvres européennes, décomptées par diffusions et, d'autre part, que le minimum de 35 % d'oeuvres d'expression originale française soit respecté non seulement sur l'ensemble de la programmation mais également en première partie de soirée ;

- la dernière incitation à de la production inédite consiste à permettre aux services diffusant plus de 25 % d'oeuvres audiovisuelles, d'intégrer à hauteur de 3 % de leurs obligations audiovisuelles des dépenses de production inédite pour des programmes ne répondant pas aux criètres de l'oeuvre audiovisuelle (magazines et émissions de plateau).

Ainsi, les trois incitations directes ou indirectes à la production de programmes inédits prévues par le projet de décret n'apparaissent pas comme les leviers les plus pertinents.

Le conseil préconise pour sa part que le décret lui permette, par voie conventionnelle, de négocier avec les éditeurs un engagement spécifique sur la production inédite d'oeuvres européennes ou d'expression originale française en contrepartie d'une baisse des taux des obligations de production cinématographique et audiovisuelle.


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Version 1

1. Production inédite

Le projet de décret confirme et élargit l'évolution amorcée pour l'audiovisuel par le décret no 2001-609 du 9 juillet 2001 et relative à la nature des dépenses prises en compte au titre des obligations de production : ainsi les articles 9 et 11 du projet de décret permettent de valoriser les achats de droits, sans restrictions, au même titre que la coproduction et le pré-achat. En outre, l'article 12 du projet de décret globalise oeuvres européennes et d'expression originale française dans les obligations de production.

La prise en compte d'achats de droits peut certes paraître légitime, s'agissant de services qui sont obligés de recourir au second marché des droits pour alimenter leur grille.

Néanmoins, cette évolution amène le conseil à s'interroger sur l'articulation entre obligations de production et de diffusion d'oeuvres : en principe, les premières ont pour objet le développement d'une industrie de programmes, à travers la contribution à la réalisation d'oeuvres nouvelles, tandis que les secondes garantissent aux téléspectateurs la diffusion d'oeuvres européennes ou réalisées en langue française.

Dès lors que les obligations de production incluent désormais les achats de droits, ces obligations perdent largement de leur intérêt propre, puisque les quotas de diffusion suffisent à garantir un niveau minimal d'achats de droits. Le conseil estime donc que les obligations de production, tant audiovisuelle que cinématographique, devraient comporter, pour les éditeurs, de réelles incitations à participer au renouvellement de l'offre de programmes.

Le conseil a certes bien noté l'existence dans le projet de décret de certaines incitations à l'investissement dans de la production inédite, qui ne paraissent cependant pas répondre de façon adéquate à l'objectif poursuivi. En effet, ces incitations prennent trois formes :

- l'article 13 du projet de décret dispose que les services devront diffuser 120 heures d'oeuvres audiovisuelles inédites entre 20 heures et 21 heures, ce qui favorise l'investissement dans de nouvelles oeuvres. Cependant, outre le fait que cette obligation ne s'appliquerait qu'aux services ayant un chiffre d'affaires supérieur à cent cinquante millions d'euros, palier que ne pourront pas atteindre un nombre important de services, surtout dans les premières années de lancement du numérique hertzien, le conseil considère que cette mesure a pour effet de rigidifier à l'excès sur un créneau horaire très étroit les grilles de programmes des services.

Si cette règle devait être maintenue pour le hertzien numérique, il serait utile, à tout le moins, que leur diffusion puisse intervenir aux heures de grande écoute, telles que préconisées infra (B du IV) ;

- s'agissant exclusivement des chaînes de cinéma « premium », le projet de décret donne comme contrepartie à un engagement dans le pré-achat d'oeuvres dont le devis de production est inférieur ou égal à un montant déterminé (clause de diversité), la possibilité de pouvoir comptabiliser les quotas de diffusion des oeuvres cinématographiques en nombre de titres et non par diffusions et rediffusions, et sans que les diffusions d'oeuvres d'expression originale française puissent représenter moins de 35 % (art. 34).

Le conseil n'est pas favorable à ce mode de décompte, qui introduit une différence de régime entre les chaînes « premium » et les autres services. Outre que ce dispositif crée ainsi une inégalité de traitement, il ne permet pas de garantir le respect effectif de l'article 4 de la directive « Télévision sans frontières », qui prévoit « une proportion majoritaire » d'oeuvres européennes, appréciée en « temps de diffusion ».

Si cette disposition devait être maintenue, il conviendrait, à tout le moins qu'elle soit complétée afin de garantir, d'une part, le respect minimal de 50 % d'oeuvres européennes, décomptées par diffusions et, d'autre part, que le minimum de 35 % d'oeuvres d'expression originale française soit respecté non seulement sur l'ensemble de la programmation mais également en première partie de soirée ;

- la dernière incitation à de la production inédite consiste à permettre aux services diffusant plus de 25 % d'oeuvres audiovisuelles, d'intégrer à hauteur de 3 % de leurs obligations audiovisuelles des dépenses de production inédite pour des programmes ne répondant pas aux criètres de l'oeuvre audiovisuelle (magazines et émissions de plateau).

Ainsi, les trois incitations directes ou indirectes à la production de programmes inédits prévues par le projet de décret n'apparaissent pas comme les leviers les plus pertinents.

Le conseil préconise pour sa part que le décret lui permette, par voie conventionnelle, de négocier avec les éditeurs un engagement spécifique sur la production inédite d'oeuvres européennes ou d'expression originale française en contrepartie d'une baisse des taux des obligations de production cinématographique et audiovisuelle.