- Le projet de loi n° 845 prévoit la prohibition des instructions individuelles. Si cette prohibition est en effet salutaire, on peut cependant douter de son application effective. Trois types d'influences exercées par le ministère de la justice sur le ministère public dans des affaires ciblées doivent être distinguées :
― les instructions écrites. Si elles existent, elles sont rares. Le projet de loi entraînerait leur disparition ;
― les instructions orales. Elles sont plus fréquentes et peuvent prendre des formes diverses. Il est à craindre que le projet de loi ne permette pas de répondre à de telles pratiques. La CNCDH recommande que la prohibition pour le ministère la justice de la faculté de donner des instructions individuelles au parquet soit inscrite dans le code de procédure pénale ;
― dans un certain nombre de situations, il est à craindre que le magistrat du parquet n'anticipe les souhaits du ministère, qui n'aurait pas à prendre attache avec le magistrat. La mainmise du garde des sceaux sur la carrière des magistrats d'une manière générale, et des magistrats du parquet en particulier, risque d'inciter à de tels comportements. Seuls une reconnaissance de l'indépendance du ministère public (voir II-1) et un renforcement des pouvoirs du CSM sur l'évolution de la carrière de l'ensemble des magistrats pourraient permettre efficacement de lutter contre de telles instructions.
La CNCDH souligne les risques de voir les instructions individuelles perdurer tant que l'indépendance du ministère public n'aura pas été reconnue. Elle recommande en conséquence que le principe de prohibition des instructions individuelles soit expressément inscrit dans le code de procédure pénale.
III. ― Refonder l'indépendance d'un véritable pouvoir judiciaire :
pour un CSM aux pouvoirs renforcés
- Pour être réelle, l'indépendance de la justice doit être reconnue par la Constitution (30). Or, si la Constitution reconnaît l'indépendance de la justice, elle y apporte une nuance de taille dès lors que cette indépendance est garantie par le Président de la République. Or, si garant il doit y avoir, cela ne peut être que le Conseil supérieur de la magistrature, organe indépendant.
La CNCDH recommande que l'article 64 de la Constitution soit modifié afin qu'y soit inscrit le principe selon lequel le Conseil supérieur de la magistrature est le garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire (31).
(30) Voir notamment la recommandation Rec(94)12 F, 13 octobre 1994, sur l'indépendance, l'efficacité et le rôle des juges et les principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature. (31) Dans son commentaire des articles de la Constitution, le regretté professeur Guy Carcassonne qualifie d'« incongru » le premier alinéa de l'article 64, qui fait du Président de la République le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et ajoute : « autant proclamer que le loup est garant de la sécurité de la bergerie » (La Constitution, 9e édition, 2009, p. 312, Seuil).
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