JORF n°0176 du 31 juillet 2013

  1. La CNCDH considère que deux solutions peuvent, en principe, être envisagées. La séparation de la magistrature en deux corps distincts en est une : d'une part, le parquet, corps hiérarchisé, soumis au ministre de la justice, qui abandonnerait son indépendance ; d'autre part, les juges du siège, pleinement indépendants. Pour être acceptable en termes de droits et libertés, cette hypothèse devrait s'accompagner d'une évolution importante de la procédure pénale française ; il serait alors nécessaire de permettre un déclenchement des poursuites qui ne dépendent pas exclusivement du parquet, notamment concernant les affaires où la probité des élus est en cause, et où la constitution de partie civile peut paraître plus difficile à mettre en œuvre. Par ailleurs, il serait nécessaire de transférer certaines compétences du parquet à un magistrat du siège, de renforcer les droits de la défense, notamment pendant l'enquête préliminaire, et d'augmenter le budget alloué à l'aide juridictionnelle.
  2. L'autre solution consiste à reconnaître une plus grande indépendance au parquet. Une telle réforme ne réglerait pas tous les problèmes. Contrairement à ce qui est avancé par certains commentateurs, elle ne permettrait pas de répondre à elle seule aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme Medvedyev (22) et Moulin (23). L'indépendance du parquet semble néanmoins s'imposer au regard des évolutions progressives de la procédure pénale française. En effet, au gré des réformes successives, et notamment de l'élargissement des pouvoirs du parquet pendant l'enquête préliminaire, son rôle a évolué pour devenir progressivement celui d'une quasi-juridiction d'instruction. De plus, l'opportunité des poursuites s'est banalisée dès lors que les poursuites ne sont plus qu'une des nombreuses modalités de la réponse pénale. Alors que le taux de réponse pénale était de 83,5 % en 2007, il devrait atteindre 90 % en 2015 (24). Cette augmentation du taux de la réponse pénale est passée par la création d'un pouvoir quasi juridictionnel du parquet ; pour près de la moitié des infractions (47 %, 51 % pour les mineurs), la réponse pénale n'est apportée que par le parquet, seul compétent en matière d'alternatives aux poursuites. Pour les autres affaires, l'orientation vers des procédures dérogatoires telles que la comparution immédiate a de telles conséquences sur les prévenus qu'elle peut être considérée comme un préjugement : elle induit le plus souvent la délivrance d'un mandat de dépôt. Le droit à un tribunal indépendant et impartial nécessite donc que de nouvelles garanties statutaires d'indépendance soient reconnues au ministère public.

(22) Cour européenne des droits de l'homme, arrêt de grande chambre 29/03/2010, Medvedyev c/ France. (23) Il conviendrait néanmoins de tenir compte des termes de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2011 : « le parquet n'est pas une partie au procès comme une autre, le ministère public n'étant pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou de la partie civile ». QPC du 21/10/2011. (24) Projet de loi de finances pour 2013, projet annuel de performance relatif à la justice.


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Version 1

12. La CNCDH considère que deux solutions peuvent, en principe, être envisagées. La séparation de la magistrature en deux corps distincts en est une : d'une part, le parquet, corps hiérarchisé, soumis au ministre de la justice, qui abandonnerait son indépendance ; d'autre part, les juges du siège, pleinement indépendants. Pour être acceptable en termes de droits et libertés, cette hypothèse devrait s'accompagner d'une évolution importante de la procédure pénale française ; il serait alors nécessaire de permettre un déclenchement des poursuites qui ne dépendent pas exclusivement du parquet, notamment concernant les affaires où la probité des élus est en cause, et où la constitution de partie civile peut paraître plus difficile à mettre en œuvre. Par ailleurs, il serait nécessaire de transférer certaines compétences du parquet à un magistrat du siège, de renforcer les droits de la défense, notamment pendant l'enquête préliminaire, et d'augmenter le budget alloué à l'aide juridictionnelle.

13. L'autre solution consiste à reconnaître une plus grande indépendance au parquet. Une telle réforme ne réglerait pas tous les problèmes. Contrairement à ce qui est avancé par certains commentateurs, elle ne permettrait pas de répondre à elle seule aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme Medvedyev (22) et Moulin (23). L'indépendance du parquet semble néanmoins s'imposer au regard des évolutions progressives de la procédure pénale française. En effet, au gré des réformes successives, et notamment de l'élargissement des pouvoirs du parquet pendant l'enquête préliminaire, son rôle a évolué pour devenir progressivement celui d'une quasi-juridiction d'instruction. De plus, l'opportunité des poursuites s'est banalisée dès lors que les poursuites ne sont plus qu'une des nombreuses modalités de la réponse pénale. Alors que le taux de réponse pénale était de 83,5 % en 2007, il devrait atteindre 90 % en 2015 (24). Cette augmentation du taux de la réponse pénale est passée par la création d'un pouvoir quasi juridictionnel du parquet ; pour près de la moitié des infractions (47 %, 51 % pour les mineurs), la réponse pénale n'est apportée que par le parquet, seul compétent en matière d'alternatives aux poursuites. Pour les autres affaires, l'orientation vers des procédures dérogatoires telles que la comparution immédiate a de telles conséquences sur les prévenus qu'elle peut être considérée comme un préjugement : elle induit le plus souvent la délivrance d'un mandat de dépôt. Le droit à un tribunal indépendant et impartial nécessite donc que de nouvelles garanties statutaires d'indépendance soient reconnues au ministère public.

(22) Cour européenne des droits de l'homme, arrêt de grande chambre 29/03/2010, Medvedyev c/ France. (23) Il conviendrait néanmoins de tenir compte des termes de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2011 : « le parquet n'est pas une partie au procès comme une autre, le ministère public n'étant pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou de la partie civile ». QPC du 21/10/2011. (24) Projet de loi de finances pour 2013, projet annuel de performance relatif à la justice.