I. ― Une justice en crise
- Le dépôt de ces différents projets de loi au Parlement intervient alors que la justice judiciaire traverse depuis quelques années une crise importante. La stigmatisation, de la part d'une partie de la classe politique, du travail de la justice est en effet fréquente. Cette stigmatisation a alimenté dans l'opinion publique le mythe selon lequel les juges seraient laxistes. Sous les deux précédentes législatures, les lois se sont succédé pour restreindre progressivement le pouvoir des juges : peines planchers ou succession de lois restreignant l'office du juge en matière de droit des étrangers par exemple. A ces lois se sont ajoutées, de 2002 à 2012, des instructions de plus en plus précises adressées au ministère public, tenu par exemple de requérir l'application des peines planchers pour toute récidive ou d'utiliser la procédure de comparution immédiate pour certains types de faits.
- Par ailleurs, l'insuffisance criante du budget de la justice, dont témoigne le classement de la France par rapport aux autres pays du Conseil de l'Europe (10), a d'importantes conséquences sur le travail des juges au quotidien. La mise en place, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, d'objectifs et indicateurs de performance concernant l'activité judiciaire a eu d'importantes conséquences sur le fonctionnement du service public de la justice : les unes a priori favorables : la réduction du délai moyen de traitement des procédures, la réduction du taux de cassation des affaires civiles et pénales et le taux de mise à exécution des décisions de justice. En revanche, d'autres sont plus discutables : augmentation du nombre d'affaires civiles et pénales traitées par un seul magistrat, réponse pénale à tout prix (11). De même, les indicateurs de performance ont également restreint le pouvoir d'appréciation des juges, contraints de systématiser leur travail pour satisfaire aux objectifs de performance. Au total, cette réforme a « été l'occasion pour la chancellerie de mettre en place un cadre très centralisé » (12) qui a eu un effet de « renforcement de l'autorité politique sur l'autorité judiciaire » (13).
(10) Rapport CEPEJ. (11) Projet de loi de finances pour 2013, Projet annuel de performance relatif à la justice. (12) Didier Marshall « L'impact de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) sur les juridictions », Revue française d'administration publique 1/2008 (n° 125), p. 121-131. (13) Jean-Paul Jean, « Le ministère public entre modèle jacobin et modèle européen », Revue de science criminelle 2005, p. 670.
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